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avec plus de facilité et de plus déplorables succès qu'en 1789, nous menaçant de leur terrible et honteux retour, et enfin professées par quelques-uns de ces hommes même qui devaient le plus gémir de les avoir partagées, j'ai cru faire l'acte d'un bon Français, j'ai cru remplir un devoir honorable en écrivant dans toute la sincérité et la force de mon âme l'HISTOIRE DE L'ASSEMBLÉE CONSTITUANTE. Cependant, j'ai toujours eu présente à l'esprit cette maxime judicieusement énoncée par Voltaire : Que, si l'on ne doit que la vérité aux morts, on doit des égards aux hommes vivans. Il n'y a pas une bonne action que je ne me sois fait une loi de rapporter, pas une que j'aie attribuée à de vils motifs, pas un repentir que je n'aie mentionné. Persuadé que l'indignation contre les grands crimes est un devoir, une nécessité pour l'Historien, je n'ai admis aucun ménagement en parlant d'un prince qui fut le fléau, le meurtrier de tous les siens. Mon récit peut réveiller des douleurs cruelles chez d'augustes personness

mais les Français s'inclineront toujours avec respect, avec amour devant l'épouse vertueuse, accomplie et infortunée du coupable duc d'Orléans, devant la digne fille de cé duc de Penthièvre qui, durant des jours de licence, fut un modèle de bienfaisance et de sainteté les Français s'inclineront toujours avec amour et respect devant le sang de Henri IV et de Saint-Louis.

Je crois devoir expliquer à mes lecteurs l'ordre en apparence assez bizarre dans lequel ont été publiées mes compositions historiques. Je ne puis le faire sans revenir sur quelques événemens de ma vie.

La plupart des erreurs que je relève aujourd'hui, je les ai attaquées ouvertement dès ma première jeunesse, en 1790, 1791, 1792, dans le journal des indépendans publié par M. Suard, et dans les supplémens du journal de Paris, qui recevaient alors le plus grand éclat des écrits éloquens de M. André Chénier, et des protestations courageuses de M. Roucher; tous les deux ont expié

sur l'échafaud leur indignation généreuse. Quoique les faibles productions de ma jeunesse fussent bien peu dignes d'être placées à côté de celles de ces écrivains, j'ai eu long-temps à craindre le même sort, et je n'ai dû la vie qu'aux soins courageux et constans de quelques belles âmes qui ont veillé sur mes dangers en augmentant encore ceux auxquels leur vertu et leur fidélité les exposaient journellement. Après le 9 thermidor, il fut donné à quelques écrivains périodiques, parmi lesquels se distinguaient particulièrement MM. l'abbé Morellet, Suard, Fontanes, Fiévée, Michaud, Bertin, Dussault, de réparer les fléaux qu'avait produits la liberté de la presse. Je joignis mes efforts aux leurs, et il n'y a pas une époque dans ma vie, dont le souvenir ait laissé dans mon âme une satisfaction plus profonde. Nos dangers furent grands à cette époque, surtout après la journée fatale du 13 vendémiaire. Bientôt après, nous revînmes à l'attaque contre les lois révolution

naires l'opinion protégeait tous nos efforts.

Le 18 fructidor vint renverser et nos espérances et celles que pouvaient concevoir les Français. Arrêté dans cette même journée, je dus à quelques sollicitations courageuses de n'être point jeté dans les déserts de la Guyanne, quoique j'eusse été condamné à la déportation; mais il me fallut subir une prison de deux ans. Ce fut dans le cours de cette détention, que MM. TREUTTEL et WÜRTZ, libraires, m'engagèrent à continuer le Précis historique de la Révolution française, par M. RABAUT, ouvrage qui s'arrêtait à l'Assemblée Constituanté, et qui, flattant l'esprit du jour avec quelque intention de le modérer, eut un grand succès de vogue. Malgré le péril attaché à une pareille entreprise dans une position telle que la mienne, cet emploi de ma longue solitude me flatta. Comme mes opinions n'étaient point celles de M. RABAUT, dont je paraissais être le Continuateur, j'en marquai la diffé

rence avec force dans tout le cours de l'ou← vrage. Le Précis de la Révolution ne fut publié qu'après ma liberté récouvrée, à des époques successives, et avec des délais que nécessitaient de certaines entraves. Son succès m'encouragea, et je tentai d'écrire l'histoire dans des proportions un peu plus élevées. Mon ouvrage sur le dix-huitième siècle fut plus heureux encore. Mes amis et grand nombre des lecteurs qui avaient trouvé dans mes écrits l'expression d'une âme sincère, me pressèrent d'écrire l'Histoire de France dans toute son étendue. L'entreprise était immense, et je sentais l'inconvénient d'un travail trop rapide. Je voulus me børner aux époques de notre histoire que les Mémoires particuliers on le mieux éclaircies. J'écrivis Histoire de France pendant les guerres de religion, avec l'intention de donner ensuite les règnes de Louis XIII et de Louis XIV. J'ai exposé, au commencement de cette Préface, les motifs qui m'ont déterminé à interrompre ce

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