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L'église abbatiale était partagée en deux parties par une grille de fer chargée d'ornements dorés. Il semblait que cette division avait eu lieu pour interdire aux profanes l'accès du chœur, qui était magnifique. La façade de cette partie du temple, décorée d'un charmant jubé, était construite en marbre d'Italie. Les murailles étaient revêtues d'une riche boiserie à l'antique, dont les bas-reliefs étaient sculptés avec beaucoup d'art. La décoration du sanctuaire, ainsi que des chapelles qui bordaient le temple, était somptueuse; le maître-autel, qui occupait un horsd'œuvre, avait trente pieds de saillie. Le portail était d'une belle ordonnance; il était chargé sur l'un de ses côtés d'une tour carrée qui se terminait par une coupole en forme de cloche et entourée de quatre tourillons aigus. Parmi les tableaux qui ornaient les murailles de l'église, on en distinguait douze qui représentaient l'histoire de la vie des bienheureux apòtres Pierre et Paul.

Les bâtiments claustraux avaient été rebâtis en même temps et avec autant de magnificence que l'église abbatiale. Ils présentaient de superbes portiques à arcades ogivales, qui entouraient un préau carré, au centre duquel on voyait une fontaine saillante représentant Moïse et le serpent d'airain. Ces galeries longues de cent quarante pieds et larges de dix, étaient d'une si grande élévation qu'elles ressemblaient aux nefs d'une église. Près de là, ou remarquait la salle capitulaire, qui était belle et vaste, et dont la voûte posait sur des colonnes d'ordre toscan.

A proximité du cloître, on avait ménagé deux

réfectoires. Le réfectoire d'été, belle pièce dont la voute fort surbaissée était soutenue par trois colonnes de marbre sculptées avec art; deux fontaines y entretenaient une délicieuse fraicheur. Les religieux montaient à l'église par les cloîtres en suivant un escalier de dix-sept degrés; de là douze autres marches menaient au dortoir par de longues galeries construites au-dessus des cloîtres.

Le dortoir avait été bâti par l'abbé Théodulphe. Ce lieu de repos offrait deux grandes ailes voùtées, élevées et bien percées; on y voyait une fontaine de marbre qui renouvelait sans cesse l'eau d'un bassin aussi de marbre. Au-dessus de l'édifice s'élevait un campanile renfermant l'horloge, qui était munie d'un carillon.

Le pavillon voisin, servant d'infirmerie, se composait de quatre salles qui communiquaient à une chapelle construite, en 1617, par les soins de l'abbé Guillaume Gilbart'. L'heureuse disposition de cet oratoire, qui présentait un cul-de-lampe ayant neuf pieds de saillie, permettait aux malades de participer aux offices divins sans être obligés de quitter leurs lits.

Au-dessus de l'infirmerie, un escalier en rampe conduisait à la bibliothèque. C'était une belle salle, longue de soixante-quatorze pieds et large de quarantetrois, revêtue d'un superbe lambris de bois.

La basse-cour, dont nous avons parlé plus haut, était contiguë à une autre située à gauche, et qui avait cent cinquante pieds de côté; cet espace était

1) Cf. plus haut, p. 295.

environné de la brasserie, de la boulangerie, etc. A droite, on remarquait une grande porte qui donnait entrée à une troisième cour longue de trois cents pieds et large de cent cinquante; elle était circonscrite par des constructions d'un goût moderne et dignes de fixer l'attention du visiteur. Le corps de logis, qui se trouvait à droite, était accompagné de deux pavillons; il en avait un autre en face qui servait de quartier pour les étrangers. Les appartements composés de plusieurs pièces, entre autres de salons meublés avec goût et embellis par de riches fontaines de marbre, communiquaient par deux corridors.

Dans le fond de la cour, s'élevait le palais abbatial dans l'aspect charmait les yeux. La porte d'entrée de cet édifice était couronnée d'un fronton orné des armes de l'abbé. Cette demeure renfermait des appartements dont l'ordonnance et l'ameublement ne laissaient rien à désirer. Le salon, qui avait soixantequinze pieds de longueur sur vingt-deux de largeur, était magnifique. On y voyait en outre une chapelle dont la pièce la plus remarquable était l'autel, qui était surmonté d'une menuiserie dorée exécutée par une main habile1. Derrière le quartier de l'abbé s'étendait un beau parterre, au centre duquel quatre dauphins jetaient en croix leur filet d'eau dans un bassin d'environ douze pieds de diamètre.

Outre les parterres que nous avons déjà mentionnés, le monastère de Saint-Pierre comptait encore

1) Le Christ mourant qui est placé vis-à-vis de la chapelle de SainteBarbe, dans l'église paroissiale, vient de l'oratoire de l'abbé de Lobbes. Ce tableau n'a aucune valeur artistique.

trois jardins fort bien entretenus. Un quatrième, disposé en amphithéâtre, était planté de longues allées de charmilles, qui servaient de promenade aux religieux. Plusieurs jets d'eau conservaient dans cet agréable séjour une délicieuse fraîcheur. Mais un Calvaire', dressé sur une éminence, apprenait aux religieux que les heures du repos sont courtes, et que les croix se mêlent à nos joies sur le chemin de la vie2.

Revenons à notre abbé Théodulphe Barnabé. Dans l'assemblée tenue à Saint-Bertin en 1734, ce prélat fut élu président de la congrégation des abbayes exemptes dans les Pays-Bas Autrichiens et la principauté de Liége, dignité qu'il conserva jusqu'à sa mort. Ces nouvelles fonctions ne l'empêchèrent pas de s'occuper activement de l'administration de son propre monastère et des moindres besoins du culte. L'année suivante, il commanda un magnifique travail en marbre pour l'église inférieure. Il fit faire aussi quatre grands chandeliers d'argent pour le maître-autel et un très-bel ornement complet, savoir : une chasuble, deux dalmatiques et neuf chapes d'un fond bleu argenté et le reste brodé en or3. Le 2 août 1739, Théodulphe Barnabé assista à la consécration de la chapelle que l'archiduchesse Marie-Elisabeth,

1) Le Christ en croix, qui servait à ce Calvaire, se trouve aujourd'hui dans l'église paroissiale à la chapelle des Fidèles-Trépassés.

2) Cf. Délices du pays de Liége, tom. II, p. 359 et suiv. Le Jeune, L'ancienne abbaye de Lobbes, p. 23 et suiv.

3) Cet ornement a été acheté, lors du rétablissement du culte, au commencement de ce siècle, par la fabrique de Sainte-Waudru, à Mons, pour la somme de 8000 francs.

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