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Le jugement déclare que le défendeur n'a pas prouvé le défaut de considération non plus que la fraude qu'il a alléguée et la connaissance que la demanderesse a pu en avoir. Je crois que la cour a erré dans l'appréciation de la preuve. La position du défendeur était difficile; il était seul avec Vincent, l'agent de Mahan, lorsque la convention eut lieu, et se trouvait ainsi à la merci de ce dernier. Ce fait à lui seul était suffisant, si l'on songe que les fraudes commises par Mahan et ses agents, dans des cas analogues, sont non seulement de notorieté publique, mais sont consignés pour la plupart dans nos annales judiciaires, pour que la plus grande latitude fut accordée au défendeur dans sa preuve, et elle lui fut accordée. Il est établie que pendant que le nommé Vincent opérait dans le dictrict du défendeur, d'autres agents de Mahan faisaient des dupes ailleurs. La transaction était partout la même ! c'est-à-dire promesse d'expédier des instruments agricoles qui n'ont pas été livrés ou ne l'ont été qu'en partie; puis signature de la personne dupée sur une commande pour ces mêmes objets ainsi qu'au bas d'un certificat établissant sa solvalibilité et d'un billet pour reçue, quand rien encore n'avait été livré. Or dans la plupart de ces cas, les cours ont jugé l'opération frauduleuse. La similitude des faits et des circonstances, jointe au fait important que le témoin principal dans la présente cause, le nommé Vincent, avait été entendu dans quelques unes de ces causes, crée dans mon opinion, une présomption qu'il en a été du défendeur dans toute cette affaire, commes des autres dupes de Vincent et ses compères dans les causes en question. Cela étant, la déposition de ce dernier devait être reçue avec la plus grande réserve. La nature de la transaction telle que l'expliquent les écrits signés par le défendeur démontrent que le plaidoyer de ce dernier est vrai. Ce n'est pas une vente, mais un contrat d'agence qu'il a signé, et Vincent n'a pas dit la vérité lorsqu'il a juré que le billet a été consenti pour les effets qu'il avait vendus au défendeur. Or s'il a juré

faux sur ce point essentiel de la cause, comment le croire lorsqu'il affirme que le défendeur savait qu'il signait un billet. Un témoin que ce nommé Vincent a voulu engager à commettre une fraude précisément à propos d'un billet semblable qu'il voulait faire signer par un cultivateur, jure que le dit Vincent n'est pas croyable sous serment. Ce témoignage unique contredit par quelques témoins qui le croient digne de foi sous serment, ne serait peut-être pas suffisant à lui seul, mais il est soutenu par le témoignage de Vincent lui-même. Les contradictions de ce dernier sur des faits essentiels, l'invraisemblance de sa version et les écrits eux-mêmes qui comportent à leur face une transaction différente de celle qu'il raconte, sont autant de preuves contre lui.

Le défendeur, je le répète, n'était que l'agent de Mahan; et alors pourquoi ce billet pour des objets sur lesquels il n'acquérait aucun droit de propriété ? Il me parait évident que le défendeur a été victime d'une fraude, et qu'il n'a pas entendu signer le billet sur lequel il est poursuivi.

Vient maintenant la question de la connaissance que Baxter a du avoir de cette fraude. L'honnorable juge Caseau dans le jugement élaboré qu'il a rendu in re Bilodeau pose nettement la règle qui doit guider le juge dans l'examen de cette question; c'est aussi celle que posait la Cour d'Appel quelques mois plus tard in re Bélanger (voir 6 Legal News 413. 9, 9, 268). La preuve qu'un endosseur a acquis par fraude une lettre de change ou un billet, crée une présomption que celui auquel il l'a cédé ne lui a pas fourni de valeur pour son endossement et oblige celui-ci a prouver le contraire pour se faire un titre de l'effet de commerce qui n'en était pas un entre les mains de son cédant. On verra pas les présédents cités dans la cause Bilodeau que cette règle du droit anglais, est reconnue dans le nôtre. Baxter qui tient de Mahan un billet que celui-ci a obtenu franduleusement du défendeur, est censé n'être luimême que l'agent du preneur franduleux, et il incombait à la demanderesse de prouver qu'il avait donné considération pour le billet

Elle a essayé de faire cette preuve, mais par Baxter lui-même, et son témoignage ne peut pas être reçu. Outre que les fraudes de; Mahan étaient de notoriété publique lorsque Baxter a reçu ce billet; qu'il était connu que Mahan était un fugitif de la justice de ce pays, Baxter est en réalité la partie interressée dans la présente cause, et la demanderesse n'est que son prête nom. En effet quel intérêt peut avoir la demanderesse à po ursuivre en son nom? Elle a prêté $3,000 à Baxter et celui-ci lui a transporté pour $6,000 environ des billets Meehan, comme sûreté collatérale. Or Baxter est solvable; la demanderesse en a fait la preuve; il a même remboursé une partie des $3,000; pourquoi la banque au lieu de multiplier des poursuites contre des personnes dont elle ne connait même pas la solvablité, n'execute-t-elle pas le jugement qu'elle a obtenu contre Baxter. Son intérêt ne va pas au delà du remboursement de la somme qu'elle a prété avec les intérêts.

Quand à la connaissance que la demanderesse ellemême a pu avoir des fraudes de Meehan, elle s'infère comme pour Baxter de la notoriété publique, des lettres publiées dans un journal de cette ville dénonçant les fraudes de Mahan et son départ frauduleux du pays. Il y a plus, ses soupçons ont du être éveillés par la nouveauté de la transaction, et la forme inusitée dans les usages des banques, des billets eux-mêmes. Baxter en a cédé un grand nombre, tous de même forme; aucun timbre n'était apposé sur le billet du défendeur et il y a bien lieu de croire qu'il en était de même des autres; or à cette époque les timbres étaient requis sur les billets antérieurs à la date du 4 mars 1882. Les billets portent sur l'endos un certificat imprimé de la solvabilité du défendeur. Il y avait en tout cela suffisamment pour éveiller l'attention d'un caissier prudent. La demanderesse, je le répète me parait agir dans les intérêts de Baxter sur la présente poursuite, et n'est exposée à aucune perte en raison de la solvabilité de ce dernier.

Sous toutes ces circonstances je crois que la défense est

bien fondée et en conséquence l'action devrait être déboutée et le jugement infirmée et telle est aussi l'opinion de la cour. Le jugement est en conséquence infirmé et l'action est déboutée quant au défendeur Carle avec les dépens de la Cour Supérieure et de cette Cour.

MM. GREENSHIELDS & CIE, pour la demanderesse.
MM. MERCIER & CIE, pour le défendeur.

COUR DU BANC DE LA REINE.

(EN APPEL.)

Montréal, 14 janvier 1884.

Présents Sir A. A. Dorion, juge-en-chef, Monk, J.,
Cross, J., et Baby, J.
No 107.

MICHAEL STEWART et al., en leur qualité de liquida. teurs de la Société mutuelle de construction de SaintGabriel,

Défendeurs (en cour inférieure),

vs.

APPELANTS;

Révérend ARTHUR L. CHARBONNEAU,

Demandeur ou requérant (en cour inférieure),

INTIMÉ.

JUGÉ Que sous les dispositions de la section 15 de l'Acte concernant les sociétés de construction, chapitre 69 des Statuts refondus du BasCanada, pour que les actions d'un membre soient réellement confisquées, il faut une déclaration de la société déclarant telle confisca tion, etqu'un avis n'est pas suffisant;

Que, dans l'espèce, l'avis donné aux membres n'était pas conforme à l'article 4 des règlements de la société ;

Que, dans une action accompagnée d'un bref de Mandamus, demandant que les liquidateurs d'une société de construction soient tenus de reconnaître le demandeur comme membre de la société, et de lui payer les dividendes que les autres membres ont retirés, la condamnation ne devra pas être pour un montant déterminé, pas même de celui qui a été payé aux autres membres, mais qu'il devra être condamné à payer les sommes auxquelles le demandeur aura droit, comme les autres mem. bres, sans les specifier.

Le jugement de la Cour Supérieure a été rendu par l'Honorable juge Mathieu, le 16 août 1883, dans la cause no 768, le Révérend Arthur L. Charbonneau, requérant, vs. Michael Stewart et al., défendeurs. Ce jugement est donné ci-après au long, et il explique suffisamment les faits de a canse et les prétentions des parties :

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