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dité le projet de la Saint-Barthélemy pendant deux années! On peut dire que, par ordre du roi, une partie de la nation massacra l'autre! On vit à Paris les assassins poursuivre les proscrits jusque sous les lits et dans les bras des princesses qui intercédaient en vain. pour les défendre; enfin, le roi, Charles IX lui

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viriles, puis le laissa sur le fumier. L'après-dînée, elle le reprit, le traîna trois jours dans les boues, puis sur le bord de la rivière, » et enfin à Montfaucon. Elle l'y pendit par les pieds avec une >> chaîne de fer, et alluma du feu dessous, dont il fut à demi grillé... » Le mardi, troisième jour des massacres, après avoir ouï solennel»lement la messe, pour remercier Dieu de la grande victoire ob. » tenue sur l'hérésie, et commandé de fabriquer des médailles pour en conserver la mémoire, il (Charles IX) alla tenir son lit de justice au parlement, où il avoua toute l'action. Quelques jours après, il envoya ordre à cette compagnie d'employer l'autorité des » lois pour la justifier, et pour cela de travailler incessamment à » faire le procès à l'amiral et à ses complices; à quoi ils obéirent aveuglément... Deux mois durant, cette horrible tempête couvrit toute la France, plus ou moins sanglante, selon la disposition du >> pays et des gouvernans... Elle fut fort cruelle à Meaux, à Troyes, » à Orléans, à Nevers, à Lyon, à Toulouse, à Bordeaux, à Rouer, » et fit périr près de vingt-cinq mille hommes. A Toulouse, ils pen> dirent cinq conseillers du parlement, en robes rouges, à un orme, » dans la cour du Palais... >>

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L'historien de Thou dit : « ... La ville n'était plus qu'un spectacle » d'horreur et de carnage; toutes les places, toutes les rues reten» tissaient du bruit que faisaient ces furieux, en courant de tous côtés pour tuer et piller; on n'entendait que hurlemens de personnes ou déjà poignardées, ou prêtes à l'être; on ne voyait que corps morts jetés par les fenêtres ; les chambres et les cours étaient pleines de cadavres abandonnés, ou traînés avec une inhumanité sans exemple dans les boues et les immondices; les rues regorgeaient de sang, il coulait à ruisseaux; enfin, il y eut une mul »titude innombrable de personnes massacrées, hommes, femmes, » enfans, et beaucoup de femmes grosses... On égorgea presque continuellement pendant les six derniers jours du mois d'août ; on

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‣ égorgea pendant une partie du mois de septembre. » De Thou évalue le nombre des victimes à Paris, pendant le premier jour seulement, à deux mille, d'autres écrivains portent à dix mille celles des trois premiers jours."

TOME IX.

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même, tirait à une fenêtre du Louvre sur ceux de ses sujets qui tentaient d'échapper aux meurtriers en traversant la Seine! Si ces massacres furent ce qu'il y a eu de plus horrible, la manière juridique dont la cour voulut les soutenir et les justifier fut ce qu'on a vu jamais de plus lâche. Le roi se rendit lui-même au parlement le troisième jour, et pendant qu'ils duraient encore, il assura que Coligny, avec tous ceux qu'on avait égorgés, et ceux qu'on poursuivait encore, avaient conspiré contre sa personne royale, et que la conspiration était à la veille d'éclater, quand on se vit obligé de l'étouffer dans le sang des complices! Sur ce, une chambre extraordinaire du Parlement s'assembla. Coligny, déjà mort et mis en pièces, fut condamné à être traîné sur la claie et pendu à un gibet dans la place de Grève, d'où il serait porté aux fourches patibulaires de Montfaucon ! Par un second arrêt, deux gentilshommes, amis de l'amiral, échappés aux assassins, furent condamnés à être, à l'instant, traînés à la place de Grève avec l'effigie de Coligny, et à être pendus comme complices de ladite conspiration. Le roi et Catherine, sa mère, allèrent jouir de ce spectacle à l'Hôtel-de-Ville, et ils y traînèrent le roi de Navarre, notre Henri IV! Et c'était au nom d'une religion qui défend l'homicide, que le roi, la reine et les assassins de la cour massacraient les Français !!! Certes, les monstres qui dirigèrent les journées de septembre 1792 ne reproduisirent, comme on voit, qu'une partie des atroces détails des journées d'août 1572! Deux cent vingt ans plus tard, les ordonnateurs du crime, et surtout le peuple de Paris, se sont conduits avec moins de barbarie, et les Tallien, les Péthion, les Robespierre n'ont pas atteint, dans la carrière des crimes publics, les Guise, les Médicis

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et les Valois. La diffusion des lumières produit done quelque avantage, si elle diminue la barbarie et rétrécit la mesure du forfait.

Quelque horribles que soient les massacres de septembre 1792, ils le sont moins que n'est atroce le massacre de quatre mille citoyens égorgés dans Paris, par les Cabochiens et les Bourguignons sous le règne de Charles VI! Le peuple que nous avons vu, le 22 juillet 1789, déchirer les chairs palpitantes de Bertier de Sauvigny, est le peuple tel que l'avait fait l'ancien régime; le même peuple qui déchira les membres du connétable d'Armagnac, le 12 juin 1418: on massacre (V. l'introduction) femmes, vieillards, enfans; les portes des prisons sont enfoncées; on en tire une foule de scélérats qui augmentent les excès et le carnage tous les quartiers de Paris regorgent de sang. Outre le connétable, le chancelier, six évêques, un grand nombre de magistrats et les plus notables des bourgeois sont mis en pièces, trois mille cinq cents personnes périssent sous le couteau des assassins. La vérité et l'impartialité historiques exigent ce rapprochement...... Danton et Tallien, étonnés de leurs propres fureurs, n'en commettent pas de nouvelles, tandis que les Bourguignons, encore altérés de sang, recommencent un mois après les massacres.

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Citous, de plus, l'édit d'Écouen (1559) rendu par Henri II, qui ordonne de punir de mort tous les luthériens, avec défensé aux juges de diminuer la peine, comme ils l'avaient fait. Rappelons encore l'édit du 29 avril 1686, confirmatif de la révocation de l'édit de Nantes, et s'exprimant ainsi « ..... Les protestans >> malades qui refuseront le viatique doivent être con» sidérés comme apostats, s'ils reviennent en santé; » les hommes, être condamnés aux galères perpé

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tuelles; les femmes, à la prison et à la perte de leurs » biens; en cas de mort, leurs biens être vendus, leurs » cadavres exhumés et jetés à la voirie........ »

Nos annales nous montrent, pendant des siècles, le peuple avide de meurtres, le gouvernement empressé de lui montrer des victimes. En 1724 même, le duc de Bourbon, prince si peu digne de tenir à la branche de Condé, fait rendre un édit, aussi rigoureux qu'impolitique, par lequel tout exercice religieux est interdit aux protestans sous les peines les plus sévères; les biens des relaps sont confisqués; la mémoire des Français morts sans avoir reçu les sacremens de l'Église romaine est flétrie. Le gouvernement des Provinces-Unies n'obtient, du premier ministre, que par des moyens de corruption, quelque adoucissement en faveur des négocians hollandais fixés dans le royaume ; et c'est dans les bras d'une prostituée, en se livrant au plus scandaleux agiotage sur le trésor royal, en vendant à l'Angleterre les secrets de l'état, que le duc de Bourbon lance un tel'édit de proscription! Aussitôt paraît un manifeste du gouvernement suédois, offrant des encouragemens aux négocians français qui exercent un état utile, une profession industrielle, et qui viendront s'établir dans ce pays. Ainsi, pendant quarante ans, depuis cet édit de 1685 que signa la main parricide de Louis XIV, les étrangers s'enrichissent des dépouilles de la France dévastée par ses maîtres, et reçoivent des arts et des métiers qui leur étaient inconnus! Cependant, on fait rendre au roienfant une déclaration qui excepte les Alsaciens des mesures de l'édit, attendu que leur liberté de conscience se fonde sur des traités; comme s'il fallait la solennité des transactions diplomatiques pour assurer à chaque homme le droit d'adresser à Dieu ses prières

selon sa conscience! Les jacobins de 1793 n'ont donc fait que copier les actes de proscription exercés sous des princes Valois et Bourbons. Et qu'importe l'espèce de fanatisme (religieux ou politique) qui produit cette démence sanguinaire? Horreur, exécration éternelle à tout fanatisme persécuteur!

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Cet esprit d'une imitation presque servile dans le crime se montre dans un si grand nombre de détails, qu'il semble que les révolutionnaires de 1792, 93, 94, se soient seulement donné la peine de rajeunir les attentats périodiques de notre histoire. Vainement alléguerait-on qu'il a suffi des mêmes passions pour inspirer de semblables forfaits; car il paraît si facile de marcher dans les anciens temps, si simple de renouveler des faits généralement connus, qu'il faut bien admettre que les malfaiteurs de la démagogie ont pris modèle sur les malfaiteurs de l'aristocratie. Par exemple, rien ne ressemble au tribunal du comité de salut public comme la Chambre de l'Arsenal, instituée par le cardinal de Richelieu. Deux députés à la Convention, Chabot, Grangeneuve,' assistant à un conciliabule où l'on débattait les moyens d'opérer le mouvement du 10 août, ne voyant aucun prétexte, proposèrent de s'entretuer, persuadés que le peuple vengerait leur mort sur la famille royale. On voit dans les Mémoires de Joly, conseiller au Châtelet (mémoires écrits par lui-même), qu'il imagina de se faire assassiner, dans l'intention d'accuser Mazarin de ce crime et de soulever les Parisiens contre ce cardinal.

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Le régicide judiciaire est le seul attentat que nos révolutionnaires aient emprunté à un autre peuple; les modèles en étaient trop frappans pour échapper à l'imitation. Nous ne parlerons pas du régicide

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