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MONSIEUR,

« Puisque Celimène me charge de cacheter sa lettre et de vous l'envoyer, j'ose vous prier de vouloir bien réfléchir sur le cas dont elle vous parle, parce que ses idées et les miennes sont un peu différentes sur cet article. Moi, qui suis un homme grossier, je crains que cette jeune fille ne risque beaucoup d'être gâtée. Ayez donc la bonté, monsieur le spectateur, de nous dire votre opinion sur cette jolie chose, qu'on nomme belle éducation, car j'appréhende qu'elle ne diffère trop de cette chose toute simple qu'on appelle bonne éducation.

Votre très-humble serviteur.»>

La faute qu'on commet en général dans l'éducation des enfans est, qu'on a grand soin de l'extérieur des femmes, et qu'on néglige leur esprit; tandis qu'on est si attentif à cultiver l'esprit des hommes, qu'on néglige tout-à-fait leur corps. De là vient qu'une jeune demoiselle sera l'admiration de toutes les assemblées où elle se trouve, pendant que son frère aîné craint de se produire en compagnie. De là vient aussi qu'un homme a déjà passé la moitié de sa vie avant qu'il soit connu dans le monde, et qu'une femme n'est plus à la mode, ni recherchée à la fleur de son âge. Je ne parlerai pour le moment que des femmes, et je

sion, and at present stick to the girl: and I am the more inclined to this, because I have several letters which complain to me, that my female readers have not understood me for some days last past, and take themselves to be unconcerned in the present turn of my writing. When a girl is safely brought from her nurse, before she is capable of forming one simple notion of any thing in life, she is delivered to the hands of her dancing-ma master; and with a collar round her neck, the pretty wild thing is taught a fantastical gravity of behaviour, and forced to a particular way of holding her head, heaving her breast, and moving with her whole body; and all this under pain of never having an husband, if she steps, looks, or moves awry. This gives the young lady wonderful workings of imagination, what is to pass between her and this husband, that she is every moment told of, and for whom she seems to be educated. Thus her fancy is engaged to turn all her endeavours to the ornament of her person, as what must determine her good and ill in this life; and she naturally thinks, if she is tall enough, she is wise enough for any thing for which her education makes her think she is designed. To make her an agreeable person is the main purpose of her parents; to that is all their cost, to that all their care directed; and from this general folly of parents we owe our present numerous race of co

réserverai les hommes pour une autre occasion, d'autant plus que les dames se plaignent de mon silence à leur égard. Presque aussitôt qu'une jeune fille est sortie des mains de sa nourrice, elle passe dans celles de son maître de danse, avant qu'elle soit capable de se former aucune idée de la moindre chose. Alors cette jolie créature, encore novice, un collier autour du cou, apprend à avoir un air de gravité bizarre. Elle est forcée de tenir sa tête, de faire palpiter son sein, et de se mouvoir d'une manière particulière. Elle est menacée enfin de ne jamais avoir de mari, si elle ne mesure pas ses pas, ses regards, et ses mouvemens. Cela fait travailler singulièrement l'imagination d'une jeune personne; elle veut découvrir ce qui doit se passer entre elle et ce mari dont on lui parle à chaque instant, et pour qui seul elle semble être élevée. Son esprit la porte donc à tourner tous ses efforts du côté des ornemens extérieurs, puisqu'ils doivent décider de sa bonne ou de sa mauvaise fortune dans ce monde, et elle pense tout naturellement que si elle peut avoir une belle taille, elle est assez habile pour ce à quoi son éducation lui fait croire qu'elle est destinée. L'unique but de ses parens est de la rendre une personne agréable; toute leur dépense, tous leurs soins aboutissent à cela, et c'est à cette folie presque universelle des parens, que nous devons le grand nombre de coquettes que nous voyons aujourd'hui. Ces ré

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quettes. These reflections puzzle me, when I think of giving my advice on the subject of managing the wild thing mentioned in the letter of my correspondent. But sure there is a middle way to be followed; the management of a young lady's person is not to be overlooked, but the erudition of her mind is much more to be regarded. According as this is managed, you will see the mind follow the appetites of the body, or the body express the virtues of the mind.

Cleomira dances with all the elegance of motion imaginable; but her eyes are so chastised with the simplicity and innocence of her thoughts, that she raises in her beholders admiration and good-will, but no loose hope or wild imagination. The true art in this case is, to make the mind and body improve together; and, if possible, to make gesture follow thought, and not let thought be employed upon gesture.

HUGHES and STEELE.

On Dancing.

LUCIAN, in one of his dialogues, introduces a philosopher chiding his friend for his being a lover

flexions m'embarrassent, quand je pense à donner mon avis sur la conduite à tenir dans l'éducation de cette jeune novice, dont il s'agit dans la lettre de mon correspondant. Il y a sans doute un milieu à prendre; on ne doit pas négliger l'air et la tournure d'une jeune personne: mais on doit surtout avoir soin de cultiver son esprit. Suivant qu'on donne la préférence à l'un ou à l'autre, on voit que l'esprit est entraîné par les sensations du corps, ou que le corps exprime les vertus de l'esprit.

Cléomire danse avec toute la bonne grâce imaginable: mais ses yeux peignent si bien la simplicité et l'innocence de son esprit, qu'elle excite dans tous ceux qui la voient, l'admiration et la bienveillance, et non de vains désirs et des pensées déréglées. Le véritable secret, dans cette occasion, est de travailler en même temps à perfectionner l'esprit et le corps, et de faire en sorte, si cela ́est possible, que les mouvemens du corps suivent la pensée de l'esprit, et non pas que l'esprit soit occupé des mouvemens du corps.

HUGHES et STEELE.

De la Danse.

LUCIEN, dans un de ses Dialogues, introduit un philosophe, qui gronde un de ses amis de ce qu'il

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