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XXII.

LOI DU 5 DÉCEMBRE 1901, PORTANT ADJONCTION D'UN PARAGRAPHE A L'ARTICLE 357 DU CODE PÉNAL (1).

Notice par M. Ed. DELALANDE, président du tribunal civil de Dieppe.

La loi du 5 décembre 1901 est due à l'initiative du gouvernement. Elle a pour objet d'assurer une sanction pénale aux décisions de justice, par lesquelles il a été statué sur la garde d'un mineur, soit à la suite d'une instance de séparation de corps ou de divorce, soit en cas de déchéance de la puissance paternelle, soit enfin dansles circonstances prévues par la loi du 19 avril 1898 (2).

L'article 354 du code pénal punissant l'enlèvement de mineurs par fraude ou violence ne pouvait être appliqué au père ou à la mère qui refusaient de représenter ou enlevaient un enfant, dont la garde leur avait été retirée (3).

L'époux chargé de la garde de l'enfant avait bien la faculté de requérir par huissier la remise de l'enfant, d'obtenir la saisie des revenus de son conjoint ou de lui réclamer des dommages et intérêts (4); mais, dans certains cas, ces moyens étaient dépourvus d'efficacité et l'infraction commise n'avait pas de sanction réelle. C'est pour remédier à cet abus qu'une sanction pénale a été proposée.

D'après le projet, la disposition nouvelle devait faire l'objet d'un paragraphe additionnel à l'article 345 du code pénal (5). La Chambre des députés jugea tout d'abord préférable d'ajouter ce paragraphe à l'article 354, puis elle le plaça à la suite de l'article 357. Le rapporteur fit, en effet, remarquer que les articles 355 et 356 visaient des aggravations de pénalité se rattachant aux délits prévus par l'article 354 et que ces aggravations ne pouvaient raisonnablement être appliquées au père ou à la mère coupable de l'enlèvement de leur enfant.

Le projet a été successivement voté par les deux chambres, après des rectifications de détail,

La pénalité nouvelle est encourue alors même qu'il n'y a ni fraude, ni violence c'est ce qui a été précisé par les rapporteurs de la loi. L'abus

:

(1) J. Off. du 6 décembre 1901. TRAVAUX PRÉPARATOIRES. Chambre : projet de loi, doc. 1900, p. 1715; rapport, doc. 1900 (extraord.), p. 268; adoption, 11 mars 1901. Sénat rapport, doc. 1901, p. 309; adoption, 28 juin Chambre rapport, adoption, 24 octobre 1901. Sénat, rapport, doc. 1901, p. 391; urgence, adoption, 29 novembre 1901.

1901.

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Cass., 18 mars 1878. (S. 78. 1. 193).

Seine, 13 janvier et 30 mars 1876. (D. 78. 2. 125). (5) Cet article qui a pour objet d'assurer à l'enfant son état civil punit l'enlèvement, le recelé, la suppression, la substitution et la supposition d'enfant.

d'autorité suffit, mais il faut que cet abus existe et, par conséquent, que l'auteur du délit ait sciemment contrevenu à la décision judiciaire qui a statué sur la garde de l'enfant. Tout délit suppose en effet une intention coupable. S'il n'est pas nécessaire pour constituer le délit, que des moyens frauduleux aient été employés, au regard de l'enfant, il faut cependant qu'il y ait fraude à la loi, c'est-à-dire refus d'obéissance à une décision judiciaire. C'est ce qui paraît ressortir des observations échangées devant la Chambre entre M. Goujon et M. Cruppi, rapporteur (1).

Article unique. Il est ajouté le paragraphe suivant à l'article 357 du code pénal :

« Quand il aura été statué sur la garde d'un mineur par décision de justice provisoire ou définitive, au cours ou à la suite d'une instance de séparation de corps ou de divorce, ou dans les circonstances prévues par les lois des 24 juillet 1889 et 19 avril 1898, le père ou la mère qui ne représentera pas ce mineur à ceux qui ont le droit de le réclamer ou qui, même sans fraude ou violence, l'enlèvera ou le détournera, ou le fera enlever ou détourner des mains de ceux auxquels sa garde aura été confiée, ou des lieux où ces derniers l'auront placé, sera puni d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de seize francs (16 fr.) à cinq mille francs (5,000 fr.). Si le coupable a été déclaré déchu de la puissance paternelle l'emprisonnement pourra être élevé jusqu'à trois ans.

XXIII.

LOI DU 23 DÉCEMBRE 1901 RÉPRIMANT LES FRAUDES DANS LES EXAMENS ET CONCOURS PUBLICS (2).

Notice par M. Gaston BRUNET, avocat à la cour d'appel de Paris,
docteur en droit.

Jusqu'à la loi du 23 décembre 1901, la fraude qui consistait à substituer, dans les concours ou examens publics, une tierce personne au can

(1) Séance du 24 octobre 1901.

(2) J. Off. du 25 décembre 1901.

:

TRAVAUX PRÉPARATOIRES.-Chambre propos. de loi de M. Bompard, doc. 1899, p. 1557; rapport, doc. 1900 b, p. 126; urgence, adoption, 17 janvier 1901. Sénat: rapport, doc. 1901, p. 262; urgence, adoption, 3 juillet 1901. — Chambre : rapport, doc. 1901 b, p. 171; adoption, 5 déc. 1901. Sénat modification de l'intitulé de la loi, 6 décembre 1901.

didat véritable, était considérée comme un faux en écriture publique et déférée à la cour d'assises; l'article 147 du code pénal condamnait le faussaire aux travaux forcés à temps, peine qui, en cas de circonstances atténuantes, pouvait être abaissée jusqu'à deux années d'emprisonnement. Les jurés ont souvent trouvé la peine encourue hors de proportion avec la faute commise, et malgré l'évidence des faits ont prononcé des acquittements. La nouvelle loi a pour but de correctionnaliser le crime. L'article 1er de la loi du 23 décembre 1901 définit ainsi le nouveau délit toute fraude commise dans les examens et concours publics qui ont pour objet l'entrée dans une administration publique ou l'acquisition d'un diplôme délivré par l'état. Il faut remarquer que tous les examens et concours des écoles privées ne sont pas visés par la loi. L'existence de la fraude, c'est-à-dire de la mauvaise foi, est donc un des éléments constitutifs du délit.

L'article 2 indique bien que ne sont pas seulement auteurs principaux du délit ceux qui prennent part aux examens et aux concours, mais encore celui qui livre à un tiers ou lui communique sciemment, avant l'examen ou le concours, le texte ou le sujet de l'épreuve; le délit existe encore pour tous ceux qui font usage de pièces fausses, telles que diplômes, certificats, extraits de naissance ou autres, pour tous ceux qui substituent une tierce personne au véritable candidat.

La peine sera un emprisonnement de un mois à trois ans et une amende de 100 francs à 10.000 francs, ou l'une de ces peines seulement.

Les complices du délit seront punis de la même peine (art. 3) que les auteurs principaux. C'est l'application du principe général édicté par l'article 59 du code pénal.

L'article 463 du code pénal est applicable (art. 4) aux délits prévus par la loi de 1901; il permet donc de réduire la peine, même en cas de récidive, au-dessous de six jours d'emprisonnement et de 16 francs d'amende. L'article 5 stipule que l'action publique ne fait pas obstacle à l'action disciplinaire dans tous les cas où la loi a prévu cette dernière.

Art. 1er. Toute fraude commise dans les examens et les concours publics qui ont pour objet l'entrée dans une administration publique ou l'acquisition d'un diplôme délivré par l'état, constitue un délit.

Art. 2. Quiconque se sera rendu coupable d'un délit de cette nature, notamment en livrant à un tiers ou en communiquant sciemment, avant l'examen ou le concours, à quelqu'une des parties intéressées, le texte ou le sujet de l épreuve, ou bien en faisant usage de pièces fausses, telles que diplômes, certificats, extraits de naissance ou autres, ou bien en substituant une tierce personne au véritable candidat, sera condamné à un emprisonnement de un

24 DÉCEMBRE 1901 (LEGS AUX ÉTABLISSEMENTS PUBLICS) 145

mois à trois ans et à une amende de 100 francs à 10.000 francs, ou à l'une de ces peines seulement.

Art. 3. Les mêmes peines seront prononcées contre les complices du délit. Art. 4.

L'article 463 du code pénal est applicable aux faits

prévus par la présente loi.

Art. 5. L'action publique ne fait pas obstacle à l'action disciplinaire dans tous les cas où la loi a prévu cette dernière.

XXIV.

DÉCRET DU 24 DÉCEMBRE 1901, MODIFIANT L'ARTICLE 1er DU DÉCRET DU 1er FÉVRIER 1896, RELATIF A LA PROCÉDURE A SUIVRE EN MATIÈRE DE LEGS CONCERNANT LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS OU RECONNUS D'UTILITÉ PUBLIQUE (1).

L'article 1er du décret du 1er février 1896 (V. Annuaire, XVI, p. 29) est modifié ainsi qu'il suit :

« Art. 1er. Tout notaire constitué dépositaire d'un testament contenant des libéralités en faveur de l'état, des départements, des communes, des établissements publics ou reconnus d'utilité publique et des associations religieuses autorisées, est tenu, aussitôt après l'ouverture du testament, d'adresser aux représentants des établissements institués, ainsi qu'au préfet du département du lieu d'ouverture de la succession, la copie intégrale des dispositions faites au profit de chacun de ces établissements et un état des héritiers dont l'existence lui aura été révélée, avec leurs nom, prénoms, profession, degré de parenté et adresse.

« La copie est écrite sur papier libre, et il est délivré récépissé des pièces transmises. »

(1) J. Off. du 1er janvier 1902.

XXV.

LOI DU 30 MARS 1902, PORTANT FIXATION DU BUDGET GÉNÉRAL DES RECETTES ET DES DÉPENSES DE L'EXERCICE 1902 (1).

Art. 10 et 11, relatifs aux droits de mutation par décès (2).

Notice et notes par M. Henri Lévy-AlvarÈs, avocat à la cour d'appel de Paris, docteur en droit.

L'historique de l'article 10 est si intimement lié à celui de la loi du 25 février 1901, relative au régime fiscal des successions, qu'il a paru nécessaire de les réunir dans la notice consacrée à celle-ci. (V. suprà, p. 49). Rappelons seulement que dès 1895, la Chambre avait voté un tarif plus accentué dans la progression que celui qui avait été proposé par M. Poincaré. Ce dernier tarif avait été repris par l'amendement de MM. Strauss et Peytral, au Sénat, le 2 mars 1900, et la Chambre s'en était contentée, pour faire aboutir plus sûrement et plus promptement, au moyen de la loi de finances de 1901, la réforme projetée. Mais, à la Chambre, le parti radical persistait à réclamer une progression plus forte. M. Klotz reprit dans la discussion du budget de 1902, sous forme d'amendement, une proposition de loi qu'il avait fait adopter par la Chambre le 22 février 1901, mais qui, au Sénat, attendait encore le rapport d'une commission spéciale; cet amendement devint l'article 10 du budget voté en 1re délibération par la Chambre. Le montant des droits de mutation par décès y était majoré de 1/12° quand la part recueillie était supérieure à 1 million, de 1/10° quand elle était supérieure à 2 millions, de 1/8o ensuite, puis de 1/4, de 1/2, du double, du double et demi, enfin du triple quand la part était supérieure à 100 millions.

Au Sénat, la commission demanda la disjonction de cet article, estimant qu'il fallait attendre les travaux de la commission saisie de la proposition de loi identique. M. Pauliat déclara que cette disjonction ferait supposer que le Sénat après avoir admis une certaine progression sur les petites successions se refusait à appliquer le même principe aux successions dépassant 1 million; mais il reconnut que la solution à laquelle la Chambre s'élait arrêtée n'avait pas la moindre chance d'être sanctionnée par le Sénat; « ce n'était plus, disait-il, une contribution, mais « un procédé abusif et usuraire, une spoliation et une confiscation, contre

(1) J. Off. du 30 mars 1902.

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(2) TRAVAUX PRÉPARATOIRES DE L'ART. 10. Chambre: amendement Klotz, rejeté à la séance du 15 nov. 1900; transformé en proposition de loi, adoptée, après déclaration d'urgence, le 22 fév. 1901.- Sénat transmission, doc. 1901, n° 87. Chambre discussion du budget 1902, adoption de l'amendement Klotz. Sénat discussion du budget 1902, séance du 26 mars 1902, p. 658 à 664; adoption de l'amendement Pauliat. Chambre: séance du 28 mars 1902, p. 1625; adoption sans discussion du texte voté par le Sénat.

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