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M'avez-vous donc promis tant de fidelité?
Pourquoi tant abufer de ma crédulité?
Pourquoi me juriez-vous une ardeur éternelle?
Ou fi l'amour encor dans votre ame étincelle,
Si Mézence eft haï; de quel front irez-vous
A la face des Dieux l'accepter pour époux?
Votre pere le veut: cet hymen qu'il ordonne,
" Eft le fceau de la paix; il lui rend fa couronne
Et quoi qu'affreux pour vous, ce feroit le trahir,
» Dès qu'il a commandé, de ne pas obéir...

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,, L'honneur le veut enfin... Foibles, frivoles rufes!
L'amour n'eft plus amour, s'il admet les excuses!
» L'honneur le veut. Ah, Ciel! l'ai-je bien enten-
du?

Quoi! vous ordonne-t-il cet honneur prétendu,
D'enfreindre des fermens dictés par l'Amour même?
De déchirer le coeur d'un Prince qui vous aime?
Ah barbare! achevez; dédaignez mes fureurs :
Le diadême peut couvrir d'autres horreurs.
Allez de ce bandeau qu'un Tyran vous apprête,
Sans regrets, fans remords, voir ceindre votre tête;
Uniffez-vous à lui par des noeuds éternels;
Mais tremblez de me voir aux pieds de vos Autels.
Cruelle! fremiflez, que ma jalouse rage
Dans un fang odieux ne lave mon outrage;
Que mon bras parricide, étendu jufqu'à vous,
Ne confonde le pere et l'amante et l'époux.

Jusqu'a vous, jufte Ciel! quoi jufques fur
Lydie,

Quoi je pourrois porter une main trop impie?...
Non! ne le craignez pas: je puis vous menacer,
Mais rien, rien dans mon coeur ne vous peut effa

cer.

Malgré tant de tranfports, de défefpoir, de crainte,
Dans ce coeur à jamais votre image eft empreinte.
Je vous adore encore; et toute ma fureur
Ne femble qu'augmenter ma déplorable ardeur.
Ah! fi vous écoutez un fentiment fi tendre,

Si dans votre ame encor l'amour fe fait entendre,

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Colardeau.

Colardeau. Pourquoi donc le trahir? les intérêts du fang
Dans un coeur généreux tiennent le premier rang;
Je le fais: mais enfin, pour le Roi de Prénefte,
N'eft-il d'autre recours que ce Traité funefte!
Ah! venez dans un Camp où je donne la lọi:
Venez: tout m'obéit, tous les coeurs font à moi.
Je puis au moindre mot vous donner une armée :
Je puis fous mes drapeaux voir l'Aufonie armée.
Voifins, amis, fujets, Tojcans, Arcadiens,
Tous n'attendent qu'un Chef pour brifer leurs liens.
Je puis leur en fervir: venez; qui vous arrête?
Au lein de vos Etats montrons-nous à leur tête:
Ce bras, ce même bras qui fut les conquérir,
Saura peut-être encor les reprendre ou perir.
Venez, déja mon coeur de cet efpoir s'enivre....

MAIS je fens quel motif vous défend de me fui

vre.

L'honneur ne permet pas qu'on vienne me chercher!
Sur les pas d'un Amant vous craignez de mar-
cher!...

D'un Amant!... de mon fort venez être l'arbitre:
Venez de votre époux me conferer le titre ;
Que de notre union tous les Dieux foient garants!
Qu'importe le concours de vos foibles Parens!
Craignez-vous que ces noeuds ne bleffent la dé-
cence?

Notre confentement n'en fait-il pas l'effence!...`

Si vous ne le pouvez, ah! du moins par pitié,
Accordez une grace à ma triste amitié:
Différez feulement un hymen fi funefte.
Dans trois jours (cet efpoir eft le feul qui me refte)
Dans trois jours au plus tard, votre amant furieux
Saura vous rendre libre, ou mourir à vos yeux.

Dorat.

Dorat.

Von diesem, mehrmals schon rühmlich erwähnten, Dichter hat man eine ziemliche Menge französischer Herois den, die zu den besten in ihrer Art gehören: z. B. Lettre de Barnevelt à Truman fon Ami; Lettre de Zéila à Valcour;du Comte de Comminges à fa Mère, fuivie d'une Lettre de Philomèle à Progné; d'Octavie à Antoine; u. a. M. In folgendem Briefe Abeillard's an Heloise, der eine Antwort auf den von Colardeau nachgeahmten Brief Heloisens ist, wird man ohne meine Hinweisung viele schöne und glückli che Stellen bemerken, denen vornehmlich der leichte, wohls klingende Versbau sehr viel Anmuth giebt. Freilich aber håtten wir wohl gewiß eine bessere Ausführung dieser Idee erhalten, wenn Pope selbst sie übernommen hätte.

ABAILARD A HELOISE.

Dorat.

HELOISE eft-il vrai? J'ai reveillé ta flame;
J'ai troublé le repos, qui rentroit dans ton ame.
Ce coeur, où Dieu peut-être alloit enfin regner,
Dechiré par mes mains, recommence à faigner!
Trop coupable Abailard! trop fenfible Héloise!
Amans infortunés! ... quelle fut la furprise,
Quand ton oeil reconnut ces traits baignés de
pleurs,

Où ma tremblante main a tracé nos malheurs?
Le Ciel m'a-t-il chargé d'empoisonner ta vie?
La paix te reftoit feule, et je te l'ai ravie!
Pardonne... que veux tu? Comme toi je languis:
Laiffe-moi dans ton fein répandre mes ennuis;
Me plonger dans l'amour, m'y concentrer fans
ceffe,

Et

pour l'accroître encor, parler de ma foibleffe. J'ai gardé trop long-tems un filence orgueilleux, Et mon coeur, trop long-tems, a renfermé fes

feux.

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Vint féparer de toi la moitié de toi même;
Aux plus cruels regrets condamné pour toujours,
Quand je vis, loin de nous, s'envoler nos, beaux
jours:

J'ai cru que la Sageffe, et fur-tout que la Grace
Pourroient de mon elprit en effacer la trace.
Pour vaincre mon amour, j'ofai m'enfevelir:
Contre lui par des voeux je croyois m'aguérir:
Vaine précaution! contre fa folle ivreffe

Que peuvent la Raifon, la Grace et la Sageffe?
Que peuvent les fermens? Ardeurs, transports, de-
firs,

Tout me refte, Héloïfe, excepté les plaifirs.

Cet abandon du Cloître et ce filence horrible, Tout me livre à moi-même, et me rend plus fenfible.

C'est en penfant à toi que je crois t'oublier;
Dieu me menace en vain, et j'ai beau le prier,
Tu triomphes toujours: Oui ma main téméraire
Te place, à fes côtés, au fond du Sanctuaire;
Et, quand de toutes parts regne un muet effroi,
Profterné devant lui, je n'adore que toi.
Oui, ce calme trompeur, dont je t'offre l'image,
N'eft, dans mon coeur brûlant, qu'un éternel ora-

ge.

Peins, toi le défefpoir de ce coeur furieux;
Ma flamme fait encore étinceler mes yeux:
Défoccupé de tout, cette flamme trop chere
De mon oifiveté devient l'unique affaire...
Loin de moi, Livres faints! vos fombres vérités.
Ne peuvent confoler mes efprits agités;

Que m'offrez-vous? Des biens que la crainte em
poifonne;

Vous montrez le bonheur, Héloïse le donne.

Mais quel trouble foudain a glacé tes transports? Héloife amoureufe a fenti des remords!

Des

Des remords, Héloife!... eft-ce à toi d'en connoî-
tre?

A la voix de l'Amour ils doivent difparoître.
Ah! qu'ils ne fouillent point tes innocens attraits;
Mets- tu donc ta foibleffe au nombre des forfaits?
Va, notre Dieu n'eft point un Tyran formidable.
Un feu, qu'il allùma, peut-il être coupable?
Pourroit-il s'offenfer d'un impuiffant defir.
Lui, dont le fouffle pur enfanta le plaifir?
Héloïfe, crois-moi, ta flamme eft légitime;
Quelles font nos vertus, fi l'amour est un crime?
Sur l'Univers entier jette un moment les yeux;
Animé par l'Amour, l'Univers eft heureux.
Ce doux frémiffement, ces feux et cette ivreffe,
Que l'Amant fait paffer au fein de fa Maîtreffe,
Cette exftafe muette, et ce trouble enchanteur,
Sont de fecrets tributs qu'il rend à fon auteur.

Qu'ai-je dit? malheureux! ô Ciel! où m'éga-
ré-je!

A mon profane amour je joins le facrilege!
Arbitre fouverain de mon funefte fort,
A mes fens égarés pardonne ce transport.
Tu le fais, abattu fous la haire et la cendre,
D'un trop cher louvenir je voudrois me défendre:
Déchiré devant toi par de cruels combats,

L'existence pour moi n'eft plus qu'un long trépas.
Mon Dieu! lorsqu'à tes loix mon ame s'eft fou-
mife,

Je ne t'ai point juré d'oublier Héloïfe;

Et mon fatal amour, qui bleffe ta grandeur,
Sans ceffe me punit, et te fert de vengeur...

Sois plus fortè, Héloïle, et donne moi l'exem

ple;

Dieu va te foutenir, Dieu t'appelle en fon Temple. Va, cours, tombe à fes pieds; tombe aux pieds des autels;

Renonce pour jamais à tes feux criminels;

Que la Religion, t'armant d'un faint courage,
De fon augufte main repouffe mon image:

Dorat.

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