Page images
PDF
EPUB

A

Qn les lit, on s'y plaît, on y puile un poison,
Qui, pour aller au coeur, enivre la railon:
La jeuneffe, livrée à tout ce qui l'abuse,
Dans fes déréglemens nous cite par excufe:
Notre amour malheureux fait encor des jaloux,
Et ce n'eft point pécher, que pécher après nous...

Il eft tems, il eft tems de fe vaincre foi-même,
De contraindre nos feux à cét effort fuprême:
Nos longs égaremens, fources de nos malheurs,
Veulent pour s'expier, de la honte et des pleurs.
Pleurons, et rougiffons; du sein de la pouffiere,
Elevons vers le Ciel notre ardente priere;
Peut-être que ce Ciel, à la fin défarmé,
Au cri du repentir ne fera plus fermé.

Ceffe de m'inviter, hélas! trop indifcrete,
A venir partager tes foins et ta retraite;
Qui, moi! de tes devoirs foulager le fardeau,
Diriger de tes Soeurs le docile troupeau;
Les fauver des périls que pour moi je redoute,
Des vertus que je fuis, leur applanir la route!
Moi! j'irois dans des lieux où tes jeunes attraits...
Non, ce n'eft plus pour moi que ces plaifirs font
faits.

Sous un chêne, brifé par les coups du Tonnerre,
Voit-on fe repofer la timide Bergere?
Voit-on, dans la prairie, un effain attaché
Sur le pavot mourant ou le lis defféché?

Si tu pouvois me voir, l'oeil creufé par les lar

mes,

Baiffant toujours ce front qui t'offrit quelques char

mes;

De Spectres effrayans toujours environné,

Sombre, défait comme eux, et comme eux décharné:
Tu voudrois bien plutôt éviter cette image;
Et, loin de le chercher, tu fuirois mon paffage.
Ne me prodigue plus le nom de Fondateur,
Je fais un malheureux, je fuis un corrupteur,

[blocks in formation]

Dorat.

Qui, dans l'affreux moment où la Raison l'éclaire,
Fremit de fon amour, que pourtant il préfere;
Arrache, avec effort, un coeur trop criminel.
Qui, la bouche collée aux Marches de l'Autel,
Dans la Religion efpérant un refuge,

Attend la grace encore, où l'arrêt de fon Juge.

Joins tes remords aux miens, fur-tout ne
m'écris plus:

Cachons-nous déformais des foupirs fuperflus:
Oui laiffons entre nous un intervalle immense;
Efpérons tout du tems, et fur tout du filence:
Va, ceffe de cherir un fantôme d'Amant,

[ocr errors]

Que l'amour feul anime et dispute au néant.
Dieu le veut... dans fon Temple enfevelis tes char-

mes:

Offre à ce Dieu jaloux tes pénitentes larmes;
Et que ces pleurs enfin effacent, à leur tour,
Tous les pleurs qu' Héloïfe a verfés pour l'Amour,

Si la mort, dans ces lieux, devançant ma vieil

leffe

Vient terminer des jours, tiffus par la trifteffe;
Je veux qu'au Paraclet Abailard foit porté;
Et, que dans cet état, il te foit préfenté;
Non, pour te demander un regret inutile,
Mais, pour fortifier ta piété fragile;
Plus éloquent que moi, ce fpectacle cruel
Te dira ce qu'on aime, en aimant un mortel.

1

Blin de Sain - More.

Adrien Michel Hyacinthe Blin de Sainimore ift mehr durch seine Heroiden, als durch seine übrigen Poesieu von der leichtern Art, und durch seine Arbeiten für die Schaubühne, bekannt. Jener find fünf, die man zu Paris, 1773, 12. in eine Sammlung brachte; nämlich Sappho a Phaon; Biblis à Caunus; Gabrielle d'Etrée à Henri IV; Jean Calas à fa Feinme; la Ducheffe de Valière à Louis XIV. Ich wähle darunter die dritte, wegen ihres starken, empfins dungsvollen Ausdrucks, der auch fast durchgängig den übris gen eigen ist. Voran steht ein schöner poetischer Brief an Voltaire, und dessen Antwort, wovon felgende Verse die zweite Hälfte ausmachen:

Tout Lecteur fage avec plaifir verra,
Qu'en expirant la belle Gabrielle
Ne penfe pas que Dieu la damnera
Pour trop aimer un Amant digne d'elle.

Avoir du goût pour le Roi Très - Chretien,
C'eft oeuvre pie; on n'y peut rien reprendre;
Le Paradis eft fait pour un coeur tendre,
Et les damnés font ceux qui n'aiment rien.

GABRIELLE D'ESTRÉES A HENRI IV.

Blin de Sains

More.

Dans ce calme effrayant 1) où la douleur moins

vive

Retient chez les vivans mon ame fugitive,
Où, fufpendu fur moi, le glaive de la mort,
S'apprête à terminer mes tourmens et mon fort,

Où,

1) Pendant que, Henri IV. étoit à Fontainebleau Gabrielle d'Eftrées fut attaquée deux fois en quatre jours d'apoplexie dont elle mourut à Paris. C'est dans l'intervalle de ces deux attaques, qu'elle eft fuppofée écrire cette Epître.

Blinde Sain: Où, de ce dieu vengeur, que je crains et que

[blocks in formation]

J'attens, en fremiffant, la Sentence fuprême,
Il m'est encor permis de tracer à tes yeux
Mes derniers fentimens et mes derniers adieux.

Tu fais combien l'amour, égarant ma foi-
bleffe,

Dans de folles erreurs a plongé ma jeuneffe:
Tu fais combien de fois, armé de vains efforts,
Mon coeur, prêt à fe rendre, étouffa fes trans-
ports.

Je refiftai long-tems; mais ce jour favorable,
De clémence et de gloire 2) exemple mémorable;
Ce jour où contre toi tes peuples révoltés,
Défiant ton courage, et bravant tes bontés,
Se laiffoient confumer par la faim dévorante,
Où, fenfible aux clameurs d'une Ville expirante,
Tu voulus de ton peuple oublier les forfaits,
Où Paris étonné vécut de tes bienfaits,
Ce triomphe, où fi grand tu parus fi modefte,
Vint à mon foible coeur tendre un piege funefte.
Hélas! je vis ce coeur fans ceffe combattu,
Inflexible à tes feux, se rendre à ta vertu:
Qui pourroit refifter à de fi nobles charmes?
Paris te couronna, je te rendis les armes;
Et ta clémence enfin, utile à tes projets,
Te fit vaincre en un jour mon coeur et tes fu-
jets.

Oui, ce fatal inftant, marqué par ma foibleffe,
Dans mon efprit confus fe retrace fans ceffe;
Sans ceffe le plaifir, repouffant le remord,

Vient mêler fes attraits aux horreurs de la mort.

Je

2) La reduction de Paris; cette Ville périffoit par la famine, Henri IV. qui l'affiègoit, fut attendri de fon fort, et la fécourat. Les Parifiens touchés de cette générofité, tomberent aux pieds de Henri IV. et se rendi

rent.

Je crois encor te voir; je crois encor entendre
Les fons de cette voix fi flatteufe et fi tendre.
Je revois ces bosquets, ce dangereux léjour, 3)
Formé par la nature, embelli par l'amour,
Où le fouffle léger du jeune amant de Flore;
Oppole aux feux du jour la fraîcheur de l'aurore;
Où l'art industrieux fait briller à la fois
Le luxe des plaifirs, et le fafte des Rois;
Où fur un lit de fleurs, au fein de l'opulence,
La molleffe s'endort dans les bras du filence.
Je t'apelle... ta voix répond à mes accens:
Les flammes de l'amour embrafent tous mes fens;
Je ne me connois plus; je brûle, je friflonne,
Je fuccombe; à tes feux, Amour, je m'abandonne.

Quelle coupable erreur vient encor me trom-
per!

Ah! peignons nous plutôt la mort prête à frapper:
Déja je l'apperçois, deja ma tombe s'ouvre,
Et l'abyme éternel à mes yeux fe découvre.
Quelle affreuse clarté luit au milieu des airs!
Qui brise fous mes pas les portes des enfers?
Ciel, quels feux devorans! :.. Que de cris! ... Ga
brielle!...

Quelle terrible voix fous ces voûtes m'appelle!
Je te vois, ô mon Juge, et de ton tribunal
J'entends avec effroi fortir l'Arrêt fatal.
Dans quel gouffre enflammé ta Juftice éternelle
Entraîne des humains la foule criminelle!

Un inftant de foibleffe et les plus grands forfaits
Sont-ils aux mêmes maux condamnés pour jamais ?
Dans ta clémence encore, grand Dieu, mon ame
efpere:

Qui créa les humains, n'en est-il plus le pere?
Eh quoi! tous ces plaifirs fi doux, fi pleins d'at-
traits,

Précédés de la crainte, et fuivis des regrêts,
Ne laiffent dans nos coeurs qu'une trifteffe amere,
Du bonheur qui nous fuit, voilà donc la chimere;
.3) Anet.
Beisp. Samml. 6. V.

[ocr errors]

Dien

Blin de Sain
More.

« EelmineJätka »