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le gouvernement tiendrait compte des observations qui avaient été présentées, la proposition fut retirée par son auteur.

Les travaux préparatoires laissent donc quelque incertitude sur la véritable portée de la loi; mais il semble évident que l'heure légale doit nécessairement régir tous les actes authentiques et que l'officier public qui mentionne, pour l'avoir constatée de lui-même, l'heure à laquelle l'acte a été reçu, ne peut se référer valablement qu'à l'heure légale. Sa déclaration aura donc tous les caractères d'une présomption juris et de jure.

ARTICLE UNIQUE.

L'heure légale, en France et en Algérie, est l'heure temps moyen de Paris.

tion. Il conviendra donc que, dans tous les actes ayant un caractère authentique et dans lesquels il doit être fait mention de l'heure à laquelle ils sont dressés, ou de celle de l'événement qu'ils constatent, et dans les procès-verbaux rédigés par les diverses autorités qui ont qualité à cet effet, la mention de l'heure soit suivie des mots : « heure légale ». Cette heure devra être également constatée dans les divers actes judiciaires qui ne peuvent s'effectuer que pendant une certaine période de la journée.

« Je ne puis énumérer d'une façon complète les diverses circonstances dans lesquelles il y aura lieu de tenir compte de l'heure légale. Je citerai seulement, à titre d'exemples: l'ouverture et la clôture des scrutins électoraux; celles des séances des corps constitués tribunaux des différents degrés, conseils généraux, conseils d'arrondissement, conseils municipaux, conseils de revision; les heures d'ouverture et de fermeture des bureaux dans les administrations publiques ou les ateliers de travaux publics. Les arrêtés de police émanés de votre administration ou de l'autorité municipale mentionneront avec soin qu'il s'agit de l'heure légale en prescrivant ou en autorisant certains actes, tels que l'ouverture et la fermeture des débits de boissons et lieux publics.

« Cette précaution, en mettant en garde les intéressés, évitera les contestations qu'ils pourraient soulever, bien qu'à tort, en cas de contravention, puisqu'à défaut même de toute mention de ce genre, l'heure légale serait applicable de plein droit. >>

V

LOI DU 24 MARS 1891, AYANT POUR OBJET

D'ABROGER LE 3 PARAGRAPHE DE L'ARTICLE 435 du code DE COMMERCE et de modifier l'ARTICLE 436 (1).

Notice et notes par M. Alexandre CHAUMAT, avocat à la Cour d'appel de Paris, docteur en droit.

Cette loi a été adoptée sans aucune discussion; elle est née d'un sentiment unanime de l'insuffisance des moyens d'action du capitaine en cas d'abordage.

Sous l'empire des anciens articles 435 et 436 du code de commerce, l'action en indemnité pour abordage devait, à peine de nullité, de même que toutes les actions en réparations d'avaries maritimes, être manifestée par une réclamation dans les vingt-quatre heures de l'arrivée du capitaine au lieu où il lui était possible d'agir, et dans le mois qui suivait, par une demande régulière en justice.

La brièveté de ces délais, les circonstances souvent défavorables dans lesquelles les capitaines se trouvent placés pour y obéir, l'obligation qui leur est imposée de pourvoir d'abord, en arrivant dans un port, à la sûreté de leur navire, avaient été souvent la cause d'une forclusion à l'exercice des réclamations les plus légitimes et il en était résulté des plaintes d'autant plus nombreuses que le développement de la navigation à vapeur a rendu plus fréquentes les collisions en mer.

D'autre part, si, pour les avaries résultant du transport des marchandises, le point de départ du délai de vingt-quatre heures est nettement fixé, soit par le fait de la remise des marchandises au destinataire, soit par le paiement du fret, le point de départ, en matière d'abordage, était au contraire sujet à de nombreuses contestations qui rendaient encore plus difficile et plus incertaine l'action du capitaine.

Enfin, tandis qu'en France la déchéance du recours le mieux fondé pouvait être encourue par l'inobservation d'un délai de vingt-quatre heures, les autres législations laissaient aux capitaines beaucoup plus de latitude pour agir, et nos capitaines se trouvaient dans une situation inférieure à l'égard de l'étranger. En Angleterre, par exemple, ainsi que l'ont expliqué les différents rapporteurs de la loi du 24 mars 1891, la législation ne prescrit ni formalités ni délais; en Hollande, le délai pour agir est de trois années; en Allemagne il est de deux ans; en Espagne et en

(1) J. Off. du 25 mars 1891. Travaux préparatoires: Sénat, exposé des motifs, doc. 1890, p. 97; rapport, doc. 1891, p. 4; 1re délibération, 12 février; 2e délibération, 19 février 1891. Chambre, rapport, doc. 1891, p. 739; déclaration d'urgence et adoption du projet, 21 mars 1891.

Italie il est d'un an. Il y avait donc grand intérêt à placer notre pavillon national sous un régime plus conforme à celui de la plupart des pavillons étrangers.

Ces considérations ont déterminé plusieurs membres de la Chambre des députés à déposer, au cours de l'année 1889, une proposition de loi, dont le texte est devenu plus tard la loi du 24 mars 1891. Ayant à fixer un délai pour l'action du capitaine, les auteurs de la proposition s'étaient arrêtés au délai d'une année consacré par la législation espagnole et par la législation italienne, et ce délai a paru suffisant, eu égard aux facilités actuelles de communication.

La proposition de loi avait été adoptée par la Chambre des députés, le 26 juin 1889, sur le rapport de M. Laroze, député (1); mais le Sénat n'ayant pu, avant l'expiration de la législature, se prononcer à son tour sur cette proposition, elle avait été frappée de caducité.

Au cours de la législature actuelle, M. Trarieux sénateur et quelquesuns de ses collègues ont repris la proposition (2), et l'ont soumise aux délibérations du Sénat. Après un rapport de M. Trarieux (3), la proposition a été adoptée par le Sénat, sans discussion, en première et en deuxième délibération, dans les séances des 12 et 19 février 1891.

Transmis à la Chambre des députés, le projet de loi y a rencontré le même accueil que dans la précédente législature et qu'au Sénat; il a été également adopté sans débat, et après déclaration d'urgence, dans la séance du 21 mars 1891, sur le rapport de M. Lebon (4).

ARTICLE UNIQUE.

Les articles 435 et 436 du code de commerce

sont modifiés ainsi qu'il suit :

Art. 435. Sont non-recevables:

Toutes actions contre le capitaine et les assureurs, pour dommage arrivé à la marchandise, si elle a été reçue sans protestation;

Toutes actions contre l'affréteur, pour avaries, si le capitaine a livré les marchandises et reçu son fret sans avoir protesté.

Ces protestations sont nulles, si elles ne sont faites et signifiées dans les vingt-quatre heures et si, dans le mois de leur date, elles ne sont suivies d'une demande en justice.

Art. 436. Toutes actions en indemnité pour dommage provenant d'abordage sont non-recevables si elles n'ont été intentées dans le délai d'un an à compter du jour de l'abordage.

(1) Chambre des députés, rapport, annexes 1889, p. 1217.

(2) Sénat, exposé des motifs, annexes 1890, p. 97.

(3) Sénat, rapport, annexes 1891, p. 4.

(4) Chambre des députés, rapport, annexes 1891, p. 739.

VI

LOI DU 26 MARS 1891, SUR L'ATTENUATION ET L'AGGRAVATION
DES PEINES (1).

Notice et notes par M. Ed. DELALANDE, docteur en droit,
substitut du procureur de la République au Havre.

C'est en 1884, que M. Bérenger, sénateur, déposa une proposition de loi sur l'aggravation progressive des peines en cas de récidive, et sur leur atténuation en cas de premier délit (2).

Cette proposition avait ainsi un double objet :

1o Instituer un nouvel état de récidive, résultant de toute condamnation à l'emprisonnement, quelle qu'en fût la durée et obliger le juge à aggraver la peine encourue par le récidiviste, malgré l'admission des circonstances atténuantes;

2o Épargner le contact de la prison au condamné n'ayant jamais subi de peine d'emprisonnement, et dont la situation morale paraît offrir des garanties suffisantes, et, dans ce but, permettre au juge de suspendre pendant cinq ans l'exécution de la condamnation prononcée.

Deux autres propositions de loi, s'inspirant des mêmes idées, furent successivement présentées au Sénat, le 12 mai 1885, par MM. Michaux, Schoelcher et autres (3), et à la Chambre des députés, le 30 mars 1886, par MM. Reybert, Gagneur et autres (4).

L'article 1er du projet présenté par M. Bérenger était ainsi conçu : « Tout individu déjà condamné à une peine d'emprisonnement et reconnu coupable d'un délit de même nature ou d'un fait comportant une peine plus grave, ne peut, même en cas de circonstances atténuantes, être condamné à une peine inférieure à six mois d'emprisonnement pour la première récidive, à un an et un jour pour la deuxième, et au minimum des peines aggravées prévues par l'article 58 pour les autres, si la con

(1) J. Off. du 27 mars 1891.

(2) Proposition de loi présentée le 26 mai 1884, exposé des motifs, (J. Off., 2 juillet 1884, annexes, p. 226, no 159). Rapport sommaire par M. Mazeau, 19 juillet 1884 (J. Off., 30 novembre 1884, annexes, p. 328, no 281). Prise en considération par le Sénat le 31 juillet 1884 (J. Off., 1er août 1884.

(3) J. Off., novembre 1886, p. 1308, annexes, no 591. Rapport de M. Bourgeois, 17 juin 1886 (J. Off., janvier 1887, annexes, p. 103, no 843). Prise en considération le 28 mai 1887. Rapport de M. Manoury, le 1er juin 1888 (J. Off., 24 juillet 1888, annexes, p. 699, no 2732.)

(4) J. Off., janvier 1886, annexes, p. 104, no 137. Rapport sommaire de M. Béral le 12 décembre 1885 (J. Off. mai 1886, annexes, p. 42, no 45). Prise en considération le 22 décembre 1885.

damnation précédemment prononcée a été inférieure à trois mois. Dans le cas où cette condamnation était de trois mois ou plus, le mini mum de la peine ne peut descendre, pour la première fois, au-dessous de la moitié du maximum de la peine applicable, et pour les autres, a u-dessous du minimum des peines aggravées prévues par l'article 58 du code pénal ».

Par l'article 3, sous forme de paragraphe additionnel à l'article 463, les tribunaux étaient autorisés « si le prévenu n'avait pas subi de condamnation antérieure, à ordonner, après avoir prononcé la condamnation, qu'il serait sursis à l'exécution de la peine, tant que le condamné ne donnerait pas de nouveaux sujets de plainte. Mais en cas de deuxième condamnation dans le délai de cinq ans, la première peine devait d'abord être exécutée et ne pouvait se confondre avec la seconde. »>

Le projet fut accepté, sous certaines modifications, par la commission du Sénat qui jugea plus conforme à la nature des choses de transposer l'ordre des articles (1).

I.

Le principe de l'atténuation des peines, en cas de premier délit, reçut une approbation unanime. La commission pensa qu'il était utile de substituer une peine comminatoire et d'ordre purement moral à la peine matérielle, sans amoindrir toutefois les garanties indispensables à la sécurité sociale. Aussi écarta-t-elle les divers systèmes qui, sous le nom d'admonition, de réprimande ou de loi du pardon, donnent aux tribunaux le droit d'absoudre le prévenu après avoir reconnu sa culpabilité. Il lui sembla préférable de surseoir non pas au jugement, mais à l'exécution de la peine seulement, pendant un délai de cinq ans. C'est là, suivant l'expression de M. Bérenger, « le minimum de pénalité produisant le maximum d'intimidation ». Ce système a été adopté par la loi belge du 31 mars 1888 (2) qui s'est manifestement inspirée de la proposition Bérenger.

II. La commission du Sénat reconnut la nécessité d'une définition plus large de la récidive, afin de faire tomber sous le coup du principe d'aggravation de la pénalité, la multitude des délits qui y échappent actuellement. Elle estima toutefois que la récidive devait être spéciale et qu'il n'y avait lieu de l'appliquer qu'en cas de répétition à court terme des actes coupables.

En ce qui concerne le caractère et la mesure d'aggravation de la pénalité, la commission repoussa le système proposé comme instituant des peines fixes sans distinction aucune entre les peines antérieurement prononcées, ni même entre les délits commis, et elle gradua ainsi les peines de la récidive correctionnelle :

« Si la condamnation antérieure est supérieure à l'année d'emprison

(1) Rapport fait par M. Bérenger, séance du 6 mars 1890 (J. Off., 1890, p. 68, annexe no 27).

(2) Loi sur les condamnations correctionnelles (Annuaire de législation comparée, 1889, p. 598, art. 9).

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