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Art. 6. La présente loi est applicable aux colonies où le code pénal métropolitain a été déclaré exécutoire en vertu de la loi du 8 janvier 1877 (1).

Des décrets statueront sur l'application qui pourra en être faite aux autres colonies (2).

Art. 7. La présente loi n'est applicable aux condamnations prononcées par les tribunaux militaires qu'en ce qui concerne les modifications apportées par l'article 5 ci-dessus aux articles 57 et 58 du code pénal (3).

Bérenger, p. 71 et séance du 9 juin 1891, p, 544), la Chambre des députés avait jugé qu'il n'y avait pas lieu de modifier une règle suivie depuis la rédaction du code pénal. (Rapport Barthou, p. 467 et séance du 3 mars 1891, p. 493.) Le Sénat, saisi à nouveau de la proposition de loi, avait adopté le texte voté par la Chambre des députés, lorsque le rapporteur, croyant à une erreur de rédaction, fit rectifier ainsi le § 1er de l'article 58: « reconnus coupable du même délit.» (Sénat, 19 mars 1891, p. 195.) Cette rectification fut acceptée sans discussion par la Chambre des députés. (Sénat, 21 mars 1891, p. 690).

Tout en substituant la récidive spéciale à la récidive générale, la commission du Sénat avait proposé d'assimiler, au point de vue de la récidive, les délits de vol, d'escroquerie et d'abus de confiance d'une part, et d'autre part, les délits de vagabondage et de mendicité. Bien que classés sous des qualifications légales différentes, ces délits présentent des liens d'analogie assez frappants, pour les considérer comme identiques. (Rapport Bérenger, p. 69.)

L'assimilation, votée par le Sénat, fut repoussée par la Chambre (Sénat, 9 juin 1890, p. 544); maintenue par un nouveau vote du Sénat (19 mars 1891, p. 195 et s.), elle fut définitivement acceptée par la Chambre des députés, comme ne présentant aucun danger pratique, en raison du pouvoir conféré au juge par l'article 463 du code pénal, d'abaisser la peine jusqu'au niveau des peines de simple police. (Sénat, 21 mars 1891. M. Barthou, pp. 690, 691.

L'assimilation des délits spécifiés par la loi est limitative.

(1) L'article 6 a été proposé par M. Isaac. (Sénat, 10 juin 1890, p. 555. Sénat, 27 juin 1890, p. 705.) Les lois qui modifient le code pénal sont applicables de plein droit en Algérie. Il n'en est pas de même dans les colonies, bien que le code pénal y ait été mis en vigueur par la loi du 3 janvier 1877. (2) Voy. décret du 24 avril 1891. (J. Off., 3 mai 1891.)

(3) Cet article est dû à l'initiative de M. le général Robert. (Séance du 10 juin 1890, p. 556. Séance du 27 juin, p. 705.)

Il résulte d'une circulaire du ministre de la marine, que les tribunaux maritimes commerciaux peuvent ordonner la suspension des peines d'emprisonnement et d'amende qu'ils sont appelés à prononcer. Au contraire, les dispositions de la loi, relatives à l'aggravation des peines, demeurent étrangères à la juridiction disciplinaire et pénale de la marine marchande.

VII

LOI DU 2 JUIN 1891, AYANT POUR OBJET DE RÉGLEMENTER L'AUTORISATION ET LE FONCTIONNEMENT DES COURSES DE CHEVAUX (1).

Notice et notes par M. Marcel GEOFFRAY, docteur en droit.

Les paris aux courses, stimulés par le nombre toujours croissant des réunions, ont pris depuis une vingtaine d'années une extension considérable. D'abord limitée aux seuls sportsmen, l'habitude du pari a gagné peu à peu même les classes laborieuses de la société qui ont cru trouver dans le gain des courses un salaire plus facile et plus rémunérateur. Les réunions de semaine ont fait déserter l'atelier; les agences de paris ont englouti les économies de la famille et souvent bien au delà. En un mot, les paris de courses ont présenté, avec plus d'attraction, tous les dangers des jeux de hasard prohibés. Cette situation exigeait une législation répressive précise et sévère. Mais d'un autre côté, au dire des professionnels, sans l'attraction du pari, les courses ne sauraient vivre, et l'élevage, intimement attaché au maintien de ces épreuves, se trouverait arrêté dans l'essor si considérable qu'il a pris depuis quelques années. Ce sont ces deux intérêts opposés que la loi du 2 juin 1891 a cherché à concilier. Pour répondre à l'idée de répression, elle soumet l'ouverture des hippodromes et les sociétés de courses au contrôle gouvernemental, ce qui permettra de limiter les occasions de jeu; elle frappe de peines sévères ceux qui donnent ou qui excitent à jouer. En faveur de l'élevage, elle admet les sociétés de courses à organiser, sous des conditions spéciales, sur leurs hippodromes le pari mutuel, considéré très généralement comme la forme la moins dangereuse du pari. La loi s'efforce en quelque sorte de moraliser le pari qu'elle ne peut entièrement supprimer. L'étude de la législation et de la jurisprudence antérieures à la loi met en lumière les difficultés pratiques que rencontraient juges et administrateurs dans la répression des abus du pari, en l'absence d'une loi pénale nette et précise. Avant de s'arrêter au texte actuel, le législateur a beaucoup hésité; de là plusieurs projets dont les travaux préparatoires servent de commentaire nécessaire à la loi du 2 juin 1891.

L'usage et le goût des courses, fort ancien en Angleterre où l'amélioration de la race chevaline était poursuivie depuis de longues années, s'implantèrent en France sous Louis XV et se développèrent sous

(1) J. Off. du 3 juin 1891. Travaux préparatoires: Chambre: exposé des motifs, séance du 12 mars 1891; rapport, doc. 1891, p. 825; discussion, 13 mai 1891. Sénat rapport, doc. 1891, p. 53; discussion, 29 mai et 1er juin 1891.

Louis XVI. Pendant la révolution, les courses s'arrêtèrent; mais, dès l'année 1798, le rapporteur de la loi sur les haras réclamait le rétablissement immédiat des courses dans le but d'amélioration de la race chevaline (1). Napoléon signa, au camp de Boulogne, le décret de fructidor an XII qui établissait des courses dans les départements les plus remarquables pour la bonté des chevaux et qui accordait des prix aux animaux les plus vites. Après les désastres qui marquèrent la fin de l'empire, les courses cessèrent d'être pratiquées : c'est seulement en 1819 que le gouvernement songea à les réorganiser; il le fit avec un luxe extrême de règlements. Vers 1832, l'initiative individuelle commença à se substituer à l'action gouvernementale; la société d'Encouragement se fonda en 1833, adoptant un règlement semblable à celui du Jockey-Club anglais que d'autres sociétés en province s'empressèrent de copier. En 1863, 1864, 1865, les sociétés de Steeple-chase, du Demi-sang et Sportive furent constituées. Toutes ces sociétés ne devaient réaliser aucun bénéfice personnel et n'agissaient que dans l'intérêt de l'élevage. D'autres sociétés encore se créèrent dont quelques-unes n'avaient plus ce caractère désintéressé et semblaient de véritables entreprises industrielles. Dans le dernier état, la plupart des réunions, devenues très nombreuses, étaient organisées par les sociétés. Sans entrer dans l'examen de la réglementation administrative (2), il suffit de retenir qu'aucune autorisation préalable n'était nécessaire pour la constitution des sociétés de courses et l'ouverture des hippodromes. Seulement, en fait, les sociétés de province, qui demandaient au gouvernement l'allocation de prix annuels, communiquaient au ministre de l'agriculture leurs statuts et leurs programmes.

Les paris s'introduisirent en France en même temps que les courses, et les enjeux ainsi exposés s'élevèrent, dès le début, à des sommes considérables. Les rédacteurs du code civil connurent cette pratique; refusant toute action pour les dettes ordinaires de jeu et le paiement des paris (art. 1965), ils firent exception en ce qui concerne les jeux propres à exercer au fait des armes, les courses à pied ou à cheval et, d'une manière générale, les jeux qui tiennent à l'adresse et à l'exercice du corps (art. 1966). Faveur destinée, suivant M. Paul Pont, à favoriser non seulement l'exercice de la course, mais surtout à encourager le propriétaire qui fait courir. L'Etat, les communes ont imaginé de donner des primes auxquelles les maîtres des chevaux vainqueurs ont droit. « Le pari, après tout, concourt aussi bien que la prime à entretenir l'émulation des éleveurs » (2). Seulement le savant auteur tirait de cette idée cette conclusion, d'ailleurs très légitime, que le pari entre propriétaires et éleveurs de chevaux engagés dans la course bénéficiait seul de la disposition favorable de la loi. Cette opinion a été admise par la cour de Paris dans son arrêt du 31 décembre 1874 (Dalloz, 75.2.92). Entre tous autres joueurs

(1) Rapport de M. Riotteau à la Chambre des députés.

(2) Dalloz, Rép. et Sup., Courses de chevaux. — Exposé des motifs à la Chambre. (3) Rapport Riotteau.

le pari ne pouvait être considéré comme une prime à l'élevage et, partant, ne jouissait pas des faveurs de l'article 1966.

Le pari suivit la même marche ascendante que les courses. Tant qu'il resta dans la forme individuelle, il n'attira pas l'attention des pouvoirs publics.

Oller, en 1862, créa une agence pour la centralisation des paris qui fonctionna seulement sur les champs de courses, comme il l'avait promis à l'administration. Elle subsista seule, avec un succès croissant, jusqu'en 1867; mais, à ce moment, des concurrences s'établirent qui pratiquèrent le pari même dans l'intérieur de Paris. L'industrie des bookmakers prit une grande extension.

Le parquet de la Seine s'émut des dangers que présentaient ces agences, véritables maisons de jeux, et commença des poursuites dont l'ensemble forme une volumineuse jurisprudence.

En fait, on n'a jamais songé à poursuivre le joueur lui-même, le jeu n'étant pas considéré comme un délit par le code pénal (sauf le cas spécial des articles 421 et 422, maintenant abrogés); on recherchait seulement ceux qui donnaient à jouer ou ceux qui servaient d'intermédiaires au jeu.

Les paris ont revêtu plusieurs formes, se transformant à chaque condamnation prononcée par la justice dont la sévérité augmentait à mesure que le pari semblait lui échapper.

On rencontre, tout d'abord, la forme simple de la poule où les noms des chevaux engagés sont tirés au sort, le vainqueur encaissant le total des mises, moins la commission de l'intermédiaire. Avec toute raison, la justice assimila ce pari à une loterie: le tribunal de la Seine, par jugement du 6 avril 1869, et la cour de Paris, par arrêt du 4 juin suivant, appliquèrent aux intermédiaires les dispositions de la loi du 21 mai 1836 sur les loteries.

Dans le pari mutuel, le choix du cheval appartient à chacun des participants. Le total des enjeux est attribué aux vainqueurs, en proportion de leurs mises sous déduction de la commission des intermédiaires. Ne pouvant assimiler ce genre de pari à une loterie, la cour de cassation le considéra comme un jeu de hasard et appliqua à l'agence Oller, qui l'exploitait en ville, l'article 410 du code pénal dont il importe de rappeler le texte :

« Ceux qui auront tenu une maison de jeu de hasard et y auront admis le public, soit librement, soit sur la présentation des intéressés ou affiliés, les banquiers de cette maison, tous ceux qui auront établi ou tenu des loteries non autorisées par la loi, tous administrateurs, préposés ou agents de ces établissements, seront punis d'un emprisonnement de deux mois au moins et de six mois au plus et d'une amende de 100 à 6.000 fr. » Plus interdiction facultative des droits civiques de 5 à 10 ans et confiscation des fonds, instruments, appareils. (Cass. Crim., 18 juin 1875; Sirey, 75. 1.386. Rapport de M. Saint-Luc Courborieu.)

Le pari à la cote, plus fréquemment pratiqué que les précédents, se fait

par l'intermédiaire de véritables industriels, ayant pour profession de parier contre les chevaux qu'ils donnent aux parieurs à tant contre un, c'est-à-dire à des cotes plus ou moins élevées, suivant les chances que peuvent avoir ces chevaux dans la course où ils sont engagés (1). C'est contre ce mode de pari que de tout temps les plaintes ont été les plus nombreuses et les plus fondées. Il peut donner et a donné souvent lieu à des fraudes graves et faussé complètement la sincérité des épreuves. Il suffit, en effet, qu'un bookmaker, qui a intérêt à voir gagner tel ou tel cheval plutôt que tel autre, réussisse à s'assurer des complicités dans le personnel des écuries de courses (2). Comme les deux formes précédentes de pari, il se traite au comptant. D'abord épargné par la jurisprudence, il a été frappé pour la première fois le 5 janvier 1877 par la cour suprême qui a cru y trouver les caractères du jeu de hasard et lui a appliqué l'article 410 du code pénal (arrêt rendu contre l'agence Chéron qui avait exploité le pari à la cote sur les hippodromes; Sirey, 77.1.481, et Crim. Cass. 7 mai 1885; Sirey, 86.1.284.)

Ces décisions de la jurisprudence à l'égard des paris mutuels et à la cote ont été vivement critiquées. Sans entrer dans la discussion des doctrines émises dans ces arrêts, on peut dire d'une manière générale que la désignation faite par les parieurs d'un cheval déterminé semble bien enlever au pari le caractère de jeu de hasard. Les parieurs se décident très généralement en connaissance de cause, renseignés qu'ils sont par la presse quotidienne sur la valeur et le passé des chevaux engagés; ceci est encore plus vrai pour le pari à la cote, où la seule inspection de la cote permet de juger des chances de succès des différents chevaux. L'ignorance des parieurs est donc l'exception. En principe, d'ailleurs, un jeu ne saurait être qualifié jeu de hasard, par ce fait que les joueurs y apportent une expérience insuffisante, une instruction spéciale peu développée. Faudrait-il que le bookmaker fit subir aux parieurs une sorte d'examen professionnel? Autre objection non moins grave: aux bookmakers, agissant sur les hippodromes, ne devrait-on pas appliquer, au lieu de l'article 410 du code pénal, l'article 475, 5o, du même code qui punit ceux qui auront établi ou tenu dans les rues, chemins, places ou lieux publics, des jeux de loterie ou d'autres jeux de hasard? Et alors, l'infraction cesserait d'être un délit pour devenir une simple contravention de police punie de six à dix francs d'amende. (V. les notes de M. Villey sous les arrêts de cass. de 1877-1885, loc. cit., et S., 90.1.233.) Seule la nécessité d'une répression pouvait justifier cette jurisprudence. Au reste, d'autres décisions se conciliaient mal avec ces doctrines, et c'est avec toute raison que le ministre de l'agriculture a pu rappeler à la Chambre le mot du procureur général Dupin, s'adressant à la cour

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(1) Rapport Riotteau. Pour les détails du fonctionnement du pari à la cote, v. la note de M. Villey, doyen de la Faculté de droit de Caen, Sir. 77. 1. 481.

(2) Rapport Riotteau.

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