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substance alimentaire solide et de toute boisson contenant une quantité quelconque d'acide salicylique ou de l'un de ses dérivés.

Aux arguments présentés en faveur du salicylage par des commerçants et des fabricants d'acide salicylique, M. Dubrisay oppose les expériences faites par les savants, expériences qui ont prouvé que l'acide salicylique ne détruit ni les ferments, ni les germes.

D'ailleurs, fait observer M. Dubrisay, les chambres syndicales des brasseurs de la Seine, les chefs des brasseries de Sèvres, Puteaux, Nancy, etc., ont adressé des lettres, soit à la Commission, soit au Ministre, pour réclamer l'interdiction du salicylage. Les Conseils de salubrité de Rouen et d'Alger se sont prononcés dans le même sens.

Quant aux médecins qui se déclarent partisans de l'emploi de l'acide salicylique comme antiseptique, M. Dubrisay leur répond que les épidémies de fièvre typhoïde ont prouvé que ce produit ne pouvait rendre aucun service. M. Dubrisay croit d'ailleurs que certains médecins confondent l'acide salicylique avec le salicylate de soude, lequel est trois fois moins énergique.

La Commission de contrôle du Laboratoire municipal, qui a remis au Ministre la note que nous avons transcrite plus haut, a fait suivre cette note d'une sorte de protestation, qui fait bien connaître le sentiment du Laboratoire municipal de Paris sur les agissements actuels des brasseurs et marchands de vin en ce qui touche le salicylage.

<< En France, est-il dit dans cette note, le salicylage se donne libre carrière. Le tribunal de simple police de Paris prononce, il est vrai, des condamnations, pour contraventions à l'arrêté préfectoral qui interdit ce mode de falsification, mais ces condamnations n'atteignent jamais les véritables auteurs de la fraude, lesquels opèrent en toute liberté.

Le parquet de Paris refuse de poursuivre; nos tribunaux s'érigent en académies, et leurs jugements et arrêts en matière d'hygiène publique sont exploités par les intéressés,

qui les opposent aux avis répétés du Comité d'Hygiène de France. Les circulaires ministérielles sont ainsi devenues lettre morte, et l'Allemagne a largement profité de cette tolérance pour écouler chez nous des bières de qualité inférieure qui n'eussent pu, sans cette opération, supporter un long voyage.

A Paris, le Laboratoire municipal vient d'entreprendre une campagne qui est déjà justifiée par ses résultats: un grand nombre de brasseurs étrangers qui salicylaient ne le font plus..

Si le résultat n'a pas été complet, c'est que le laboratoire n'a pas été secondé par le parquet. Il n'a pas été possible, par conséquent, de prendre la seule mesure qui soit efficace, c'est-à-dire de détruire sur place, aux gares d'arrivée, la marchandise falsifiée.

Il appartient à M. le Ministre de la Justice d'agir à cet égard auprès de M. le procureur de la République; nous le lui demandons au nom des intérêts sanitaires de la ville que nous représentons; mais, en même temps, nous lui ferons observer que la destruction dans les gares de Paris ne sera pas une mesure suffisante.

Certains brasseurs étrangers ont déjà imaginé d'expédier leurs bières à des gares plus ou moins éloignées de la capitale et à des destinataires fictifs; ces bières sont ensuite dirigées vers Paris par des voies diverses et remises aux destinataires réels.

Ce qu'il faut pour la protection de Paris et celle de la province, c'est la destruction au moment même de l'entrée en France, c'est-à-dire dans les gares de la frontière. Nous serions par trop sots de nous gêner à l'égard d'un produit dont les gens qui le fabriquent ne veulent pas pour euxmêmes!

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Le Ministre n'a pris encore aucune décision tendant à maintenir ou à révoquer l'arrêt préfectoral qui interdit le salicylage des denrées alimentaires. Il a seulement cru devoir consulter l'Académie de médecine, qui examinera cette question en 1887. Espérons que le gouverne

ment écoutera la voix de la science plutôt que celle de la fabrique, et que les intérêts de la santé générale des populations l'emporteront à ses yeux sur ceux des négociants, des débitants de bière allemande et des marchands de vin.

Le vinage devant l'Académie de Médecine de Paris.

Par ce temps d'alcoolisation progressif et menaçant, on ne saurait se désintéresser de rien de ce qui touche à cette grave question. L'Académie de Médecine a consacré en 1886 un grand nombre de ses séances à l'examen des dangers que peut présenter l'addition artificielle aux vins d'alcools de diverses provenances. Nous croyons être agréable à nos lecteurs en résumant cette discussion.

Une commission du Sénat, présidée par M. Claude, des Vosges, s'occupe du problème social de l'alcoolisation. Le gouvernement a consulté, à ce propos, l'Académie de Médecine, et telle a été l'origine de la discussion, qui s'est terminée seulement le 30 novembre 1886.

M. Rochard, médecin de la marine, connu par des travaux fort distingués, était rapporteur de la commission nommée par l'Académie.

Après avoir constaté les progrès de la consommation de l'alcool, qui a doublé depuis quarante ans, au grand détriment de la population, qu'empoisonne littéralement le débit croissant des alcools industriels, M. Rochard signalait l'envahissement de notre marché par les vins étrangers, ceux d'Espagne notamment, lesquels sont plus spécialement relevés par l'addition d'alcools allemands à toxicité reconnue.

M. Rochard, comme conséquence des faits qu'il passait en revue dans son rapport, demandait à l'Académie de déclarer :

1o Que le vinage (addition d'alcool au vin) fût remplacé par le sucrage des moûts;

2o Que les mesures les plus sévères fussent prises pour empêcher les vins surchargés d'alcool de pénétrer en France;

3o Que le titrage des vins de consommation générale fût abaissé de 15 à 12 degrés, sous peine d'une double taxe pour ceux qui dépasseraient la proportion indiquée. Ces conditions étaient presque diamétralement opposées à celles que l'Académie de Médecine avait formulées en 1870. A cette époque, en effet, consultée par le Ministre, elle avait déclaré le vinage une pratique fort innocente et qu'il n'était nullement nécessaire de pro

scrire.

C'est sans doute pour que l'Académie fût conséquente avec elle-même, à seize ans d'intervalle, que, dans la séance du 20 juillet 1886, le docteur Gallard a défendu à la fois comme inoffensifs le vinage (addition d'alcool), pourvu que celui-ci soit de bonne qualité, le coupage (mélange de plusieurs vins naturels) et le mouillage (addition d'eau).

Selon le docteur Gallard, le vinage est indispensable pour un grand nombre de nos vins, dont le titre est si bas, que leur transport et même leur conservation, ne sont possibles qu'à la condition qu'on relève ces boissons par de l'alcool. Il doit suffire de proscrire les alcools dits supérieurs (amylique, butyrique, etc.), qui sont des poisons, et de n'employer que des alcools bien rectifiés. Sous ce rapport, l'alcool de betteraves convenablement traité vaut, selon le docteur Gallard, l'alcool de vin.

M. Dujardin-Beaumetz a combattu vivement l'opinion de M. Gallard. Le vin, dit cet orateur, est un être vivant, qu'on tue dès qu'on le touche, et il rappelle ce mot cruel de M. de Bismarck, qui disait devant le Parlement allemand: « Ne vous inquiétez pas des alcools toxiques qui peuvent se fabriquer ici nous les envoyons en France! »

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Autrefois, ajoute M. Dujardin-Beaumetz, le vin ne donnait que des ivrognes; depuis qu'on le vine avec de dangereux alcools, il donne des alcooliques.

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En somme, M. Dujardin-Beaumetz appuyait, sans restriction, les conclusions de la commission, et M. Bergeron venait encore les appuyer de son autorité d'ancien rapporteur de l'enquête de 1870.

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M. Léon Lefort, à son tour, honnit le vinage, qui se fait avec des alcools toxiques; il ne veut pas, non plus, du mouillage, qui est le corollaire obligé du vinage; mais, par contre, repousse la surtaxe pour les vins contenant au-dessus de 12° d'alcool. Cette mesure, si elle était adoptée, atteindrait, non seulement nos grands crus, dont le titrage est généralement supérieur à 13o, mais encore un grand nombre de petits crus qui présentent souvent ce degré alcoolique. Le savant professeur estime qu'il serait absurde de mettre, au nom de l'hygiène, nos viticulteurs dans le cas de mouiller leurs vins de luxe et autres, pour ramener ces produits au titre réglementaire, ce qui ne pourrait d'ailleurs manquer de les discréditer à l'étranger.

Malgré l'intervention de M. Brouardel, l'Académie fut impressionnée par l'argumentation serrée de M. Léon Lefort. Aussi, à la séance du 3 août, M. Bergeron, en l'absence de M. Rochard, vint-il déclarer, au nom de la dite commission, dont il faisait partie, que celle-ci admettait le sucrage des moûts, au lieu du vinage, et qu'elle renonçait à la surtaxe des vins naturels dépassant 12 degrés.

Dans la séance du 10 août, on passe à la discussion des articles. C'est alors qu'apparaissent les chimistes. M. Riche affirme que les alcools de betteraves rectifiés valent les alcools de vin, et que ces derniers mêmes ne sont pas dépourvus d'alcools toxiques; les meilleurs cognacs en renfermeraient toujours une certaine quantité. En sa qualité de commissaire expert du gouvernement au ministère de l'intérieur, M. Riche déclare que le vinage est absolument indispensable pour le trans

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