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marché des conventions privées; que les compagnies en demandant plusieurs années de contrat (dix ans d'ordinaire) le faisaient afin de mieux répartir les risques. La charge pouvait leur incomber au début de l'assurance; il n'était pas juste de leur enlever pour l'avenir le bénéfice des primes destinées à combler leurs pertes. On ajoutait enfin que les assurés restaient absolument libres pour le supplément d'assurance de s'adresser soit à la caisse d'Etat, soit aux compagnies privées, avec toute liberté d'en débattre les conditions.

« Je ne crains pas de le dire sans vouloir rien exagérer, déclarait au Sénat le rapporteur du projet, si le Sénat acceptait une loi pareille c'en serait fait de la sécurité et des droits les plus précieux des citoyens; c'en serait fait du respect de la foi due aux conventions; ce serait le régime de l'arbitraire et du bon plaisir substitué à celui de la justice et de la loi; c'est tout ce que nous avons appris à aimer et à défendre qui sombrerait sous les caprices et les fantaisies du législateur.

<«< Vous rendez-vous compte, en effet, Messieurs, de la gravité du précédent? Qui nous empêchera demain, si nous avons d'autres contrats qui nous gênent pour l'exécution d'une œuvre quelconque, (des baux, des marchés ou autres traités quels qu'ils soient), de procéder par le même moyen, de supprimer tous les obstacles? >>

La Chambre n'en vota pas moins une disposition déclarant résolus de plein droit tous les contrats d'assurance antérieurs à la présente loi. Le Sénat remplaça cette disposition qu'il jugea trop absolue par celle qui est devenue la loi du 29 juin. La Chambre, soucieuse d'arriver à une prompte solution accepta sans discuter le changement introduit par le Sénat.

Une troisième loi, portant la date du 30 juin, est spéciale aux accidents arrivés dans un travail agricole.

Les cultivateurs chefs d'exploitation, ou même employant temporairement quelques ouvriers, ce qui est fréquent, s'étaient comme les patrons de l'industrie, émus des conséquences que pourraient avoir pour eux la loi du 9 avril, et leurs doléances furent portées à la Chambre par divers députés qui en parlèrent dans le débat ouvert à propos du projet de loi sur les contrats passés avec les compagnies privées. Il fut question alors des agriculteurs presqu'autant que du sujet en discussion et, ce qui est notable, c'est que l'intérêt des ouvriers blessés, constamment et uniquement invoqué dans les débats qui précédèrent la loi de 1898 et dans ceux dont il vient d'être parlé, ne fut pas mis en avant par ceux qui réclamèrent en faveur des agriculteurs. Ils invoquèrent les appréhensions des exploitants qui redoutaient une charge nouvelle, et, aucune objection n'ayant été faite sur cette question de principe, la disposition devenue la loi du 30 juin fut acceptée sans difficulté. Le Sénat pour mieux marquer l'intention du parlement, ajouta, ce qui fut maintenu par la Chambre, la dernière disposition du texte: « En dehors du cas ci-dessus, etc. »

M. Félix Martin avait soulevé au Sénat (séance du 29 juin) une inté

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ressante question : un ouvrier agricole sur l'ordre de son patron prête son concours à la mise en action d'une machine agricole; il est blessé. Il a recours contre l'exploitant de la machine, mais si celuici est insolvable et que l'accident ayant produit une infirmité temporaire, la caisse de garantie ne lui serve pas, peut-il s'adresser à son patron naturel? Il fut répondu négativement.

A noter enfin que le ministre du commerce, M. Millerand,'promit à la Chambre, ce qui fut rappelé au Sénat, de présenter promptement un projet de loi spécial aux accidents agricoles.

Une dernière loi, portant la date du 30 décembre, ouvre un crédit de 100,000 francs pour indemnités aux ouvriers blessés pendant le mois de juin 1899.

On a vu précédemment pourquoi la loi qui devait entrer en force le 1er juin n'avait été mise en vigueur que le 1er juillet. Il avait été dit au parlement, pendant les débats qui ont précédé le vote de la loi du 24 mai les ouvriers ne doivent pas souffrir du retard que nous allons voter; nous voterons un crédit pour leur allouer des indemnités pendant ce mois. A quoi un député, M. Balsan, avait ajouté: Mais il ne faut pas non plus que les contribuables soient victimes de cette disposition bienveillante. L'Etat doit se borner à faire des avances lesquelles seront supportées par les patrons qui légalement sont tenus à partir du 1er juin. On peut voir par le texte de la loi qu'il n'a pas été tenu compte du vœu de M. Balsan.

Il a été rendu, en outre de ces quatre lois et des règlements d'administration publique du 28 février 1899, un assez grand nombre de décrets, arrêtés, circulaires, dont nous ne pouvons que donner le titre :

Arrêté du 1or mars (J. Off. du 2 mars), fixant la composition et nommant les membres du Comité consultatif des assurances établi par l'un des décrets du 28 février.

Cinq arrêtés des 29, 30, 31 mars (J. Off. du 2 avril), concernant les compagnies d'assurance contre les accidents à primes fixes ou mutuelles. Arrêté du 9 avril (J. Off. du 10), concernant l'organisation du corps des contrôleurs des compagnies d'assurance contre les accidents.

Décret du 2 mai (J. Off. du 3), instituant une commission consultative de la loi du 9 avril et nommant ses membres.

Arrêté du 16 mai (J. Off. du 17), concernant les sociétés de secours mutuels qui s'occupent des accidents du travail.

Décret du 26 juin (J. Off. du 27), donnantiles tarifs de la caisse nationale d'assurance contre les accidents, autorisée par la loi du 24 mai à s'occuper des accidents du travail.

Circulaire du garde des sceaux, du 12 août (J. Off. du 20), sur l'application de la loi.

Décret du 18 août, et circulaire du ministre du commerce aux préfets, du 21 août (J. Off. du 22), concernant l'article 11 de la loi.

Circulaire du même ministre, 24 août (J. Off. du 25), sur l'application de la loi en général.

Arrêté du 16 décembre (J. Off. du 20), nommant une commission chargée d'arbitrer les indemnités dues aux ouvriers victimes d'accidents pendant le mois de juin.

Quatre arrêtés du 26 décembre (J. Off. du 29), concernant les sociétés d'assurance contre les accidents du travail.

Enfin, le Journal officiel, à la date du 20 décembre 1899 et du 6 janvier 1900, a publié divers avis du Comité consultatif institué par un arrêté ministériel sur l'interprétation qu'il conviendrait de donner à la loi dans divers cas déterminés.

Plusieurs d'entre eux sont particulièrement intéressants: 1o Avis du 31 mai 1899, relatif aux sociétés coopératives de production (1); 20 Avis du 12 juillet 1899, sur l'application de la loi du 9 avril 1898 aux industries dans lesquelles les ouvriers pouvaient déjà compter sur des pensions d'invalidité en cas d'accidents (2); - 3o Avis du 29 novembre

(1) AVIS DU 31 MAI 1899 (J. Off. DU 6 JANVIER 1900).

«Le comité consultatif des assurances contre les accidents du travail, «Saisi par M. le ministre d'une demande tendant à l'interprétation de l'article 1er de la loi du 9 avril 1898, en ce qui concerne les associations ouvrières de production.

<< Laissant de côté les constitutions exceptionnelles d'associations ouvrières relatées dans la récente enquête de l'Office du travail, et recherchant seulement la solution des questions posées en ce qui concerne les sociétés à capital variable, placées sous le régime de la loi du 21 juillet 1867 et généralement dénommées « sociétés coopératives de production »>,

«Est d'avis:

« 1° Que la société coopérative de production, réalisant une production industrielle, payant des salaires aux sociétaires employés et, le cas échéant, à des auxiliaires, doit être considérée comme «< un chef d'entreprise » au sens de la loi susvisée;

« 2° Que la société coopérative de production ne saurait, par une clause de ses statuts, écarter ou atténuer sa responsabilité légale vis-à-vis des sociétaires ou auxiliaires qu'elle emploie ; qu'en effet, cette clause formerait, en l'espèce, un élément des « conventions » intervenues avec les intéressés et qu'aux termes de l'article 30 de la loi du 9 avril 1898 toute convention contraire à cette loi est nulle de plein droit;

«3° Que la responsabilité encourue par la société, personne morale, sera supportée en définitive par ses actionnaires, dans les conditions et proportions déterminées au pacte social, certains sociétaires pouvant d'ailleurs se trouver à la fois créanciers de la société comme victimes d'accidents et débiteurs comme actionnaires, mais en vertu de dispositions législatives et contractuelles d'ordre différent;

40 Qu'au surplus, la société coopérative de production peut couvrir ses actionnaires de tout risque en contractant, comme tout chef d'entreprise, une assurance, soit auprès d'une société mutuelle, soit auprès d'ane compagnie à primes fixes, soit auprès de la Caisse nationale. »

(2) AVIS DU 12 JUILLET 1899 (J. Off. DU 6 JANVIER 1900).

«Le comité consultatif des assurances contre les accidents du travail,

« Saisi par M. le ministre d'une demande tendant à une modification de la loi du 9 avril 1898, en vue de prévenir le cumul des indemnités dues aux victimes d'accidents du travail et des pensions d'invalidité déjà prévues, pour le même cas, par les statuts de caisses patronales de retraites existantes ;

་་

« Sans s'arrêter à l'examen du væeu qui pourrait être émis en ce sens

1899, concernant la responsabilité des départements et des communes (1); 40 Avis du 20 décembre 1899, sur les établissements municipaux d'assistance par le travail (2).

et examinant la question en ce qui concerne l'application actuelle de la loi du 9 avril 1898 aux industries dans lesquelles les ouvriers pouvaient déjà compter sur des pensions d'invalidité en cas d'accident,

«Est d'avis :

« 1° Que si le chef d'entreprise faisait seul les fonds de l'institution de retraites impliquant attribution de pensions d'invalidité en cas d'accidents, les pensions ainsi attribuées doivent venir en déduction des indemnités mises désormais légalement à sa charge par la loi du 9 avril 1898;

« 2° Que si, au contraire, les ouvriers faisaient seuls, dans les mêmes conditions les fonds des retraites au moyen de leurs versements ou des retenues subies sur leurs salaires, ils doivent, le cas échéant, cumuler avec les indemnités légales à eux dues par le chef d'entreprise les pensions d'invalidité acquises de leurs deniers à l'institution patronale de retraites, comme s'ils avaient librement acquis ces pensions par des versements individuels de primes à des sociétés d'assurances;

3o Que si, enfin, comme dans le cas signalé, les fonds de retraites d'ancienneté et de retraites d'invalidité en cas d'accidents sont simultanément et indivisément couverts par des retenues sur les salaires des ouvriers et par des contributions patronales, il parait contraire à la législation actuelle de faire état, à la décharge du patron, de la quotité indéterminée de ses contributions pouvant concourir au service des pensions d'invalidité en cas d'accidents;

« Qu'il est, au surplus, possible d'aboutir à la détermination cherchée en revisant, dans les conditions particulières à chaque espèce, les statuts des institutions de retraites existantes, pour en éliminer toutes les dispositions et toutes les charges relatives aux pensious d'accidents, les chefs d'entreprise devant par ailleurs supporter, aux termes de la loi nouvelle, la dépense directe et intégrale de ces pensions.

>>

(1 AVIS DU 29 NOVEMBRE 1899 (J. Off. DU 20 DÉCEMBRE).

«Le comité consultatif des assurances contre les accidents du travail,

<< Saisi par M. le ministre de demandes tendant à l'interprétation de l'article 1er de la loi du 9 avril 1893, en ce qui concerne la responsabilité des départements et des communes pour les accidents de travail survenus au personnel ouvrier qu'ils emploient directement,

« Est d'avis:

« 1° Que les départements et les communes sont responsables des accidents survenus au personnel ouvrier qu'ils emploient directement dans les cas où le seraient les chefs d'entreprise avec lesquels ils auraient pu traiter pour la même catégorie de travaux;

« 2° Qu'il n'y a lieu de se prononcer sur les conditions dans lesquelles les communes peuvent se couvrir de cette responsabilité par l'assurance, la solution de cette question appartenant à M. le ministre de l'intérieur. »

(2) AVIS DU 20 DÉCEMBRE 1899 (J. Off. DU 6 JANVIER 1900).

« Le comité consultatif des assurances contre les accidents du travail, «Saisi par M. le ministre d'une demande tendant à l'interprétation de l'article 1er de la loi du 9 avril 1898, en ce qui concerne les établissements municipaux d'assistance par le travail,

« Est d'avis:

«Que les établissements municipaux d'assistance par le travail sont soumis à la loi du 9 avril 1893, toutes les fois que les chefs d'entreprise faisant exécuter les mêmes travaux y seraient eux-mêmes assujettis. »

A.

DÉCRETS DU 28 FÉVRIER 1899, PORTANT RÈGLEMENTS D'ADMINISTRATION PUBLIQUE POUR L'EXÉCUTION DES ARTICLES 26, 27 ET 28 DE LA LOI DU 9 AVRIL 1898.

[Le texte de ces trois décrets a été publié in extenso dans le précédent Annuaire p. 187, 192 et 197.]

B.

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LOI DU 24 MAI 1899, ÉTENDANT, EN VUE DE L'APPLICATION DE LA LOI DU 9 AVRIL 1889, LES OPÉRATIONS DE LA CAISSE NATIONALE D'assuRANCES EN CAS D'ACCIDENTS (1).

Art. 1er. Les opérations de la caisse nationale d'assurances en cas d'accidents, créée par la loi du 11 juillet 1868, sont étendues aux risques prévus par la loi du 9 avril 1898, pour les accidents ayant entraîné la mort ou une incapacité permanente, absolue ou partielle.

Les tarifs correspondants seront, avant le 1er juin 1899, établis par la caisse nationale d'assurances en cas d'accidents et approuvés par décret rendu sur le rapport du ministre du commerce, de l'industrie, des postes et des télégraphes, et du ministre des finances.

Les primes devront être calculées de manière que le risque et les frais généraux d'administration de la caisse soient entièrement couverts, sans qu'il soit nécessaire de recourir à la subvention prévue par la loi du 11 juillet 1868.

Art. 2. La loi du 9 avril 1898 ne sera appliquée qu'un mois après le jour où la caisse des accidents aura publié ses tarifs au Journal officiel et admis les industriels à contracter des polices, et où ces tarifs auront été approuvés par décret rendu sur le rapport du ministre du commerce, de l'industrie, des postes et des télégraphes, et du ministre des finances.

En aucun cas, cette prorogation ne pourra excéder le 1er juillet 1899.

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(1) J. Off. du 25 mai 1899. TRAVAUX PRÉPARATOIRES. Chambre exposé des motifs du projet de loi, doc. 1899, p. 1556; rapport et déclaration de l'urgence, 15 mai 1899; adoption, 16 mai 1899. Sénat exposé des motifs, doc. 1899, p. 366; proposition de loi de M. Bonnefille, exposé des motifs, p. 354; proposition de loi de M. Ollivier, exposé des motifs, p. 360; déclaration de l'urgence, 17 mai; rapport d'ensemble, séance du 18 mai; adoption, 20 mai 1899.

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