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tion et de l'ouverture, et en ordonne le dépôt entre les mains d'un notaire. Il semble résulter de ces dispositions que la compétence appartiendrait exclusivement au président du tribunal du lieu de l'ouverture de la succession qui est, en vertu de l'article 110 C. civ., celui du domicile du défunt. Mais la jurisprudence, considérant que la présentation au président du tribunal du lieu de l'ouverture de la succession n'était pas imposée à peine de nullité, en a conclu qu'elle pouvait être faite au président du tribunal dans l'arrondissement duquel le testament était trouvé, notamment au lieu du décès.

La loi du 25 mars 1899, qui, d'ailleurs, ne fait que reproduire littéralement l'ancien article 1007, en y ajoutant deux paragraphes, n'apporte aucune modification, en ce qui concerne les successions des Français décédés en France où ils avaient leur domicile. Sur ce point également, la jurisprudence antérieure continuera à recevoir la même application qu'auparavant ; c'est ce qui résulte de la discussion au Sénat et des explications données par M. Bisseuil et par M. le ministre de la justice. (Voir le compte rendu de la séance du 7 novembre 1898.)

La modification ou plutôt l'adjonction, apportée à l'article 1007, concerne uniquement les testaments des Français décédés dans les colonies ou pays de protectorat et ceux des Français domiciliés aux colonies et décédés en France.

Le nouvel article 1007 pose, comme règle générale que le testament olographe doit être présenté au président du tribunal du lieu de l'ouverture de la succession, mais il apporte une exception à cette règle, dans les trois cas suivants : décès aux colonies d'un Français ayant conservé son domicile en France; décès dans une colonie d'une personne ayant son domicile dans une autre colonie; décès en France d'une personne ayant son domicile dans une colonie. - Les pays de protectorat sont assimilés à cet égard aux colonies. Dans ces trois cas, le testament est présenté au président du tribunal civil du lieu du décès.

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On a voulu éviter par ce moyen des longueurs, des pertes de temps et le danger de rendre même inexécutables les volontés de testateur, s'il avait fallu envoyer le testament et le faire présenter au président du tribunal du lieu de l'ouverture de la succession.

Les formalités, prescrites par le nouvel article 1007, dans ces divers cas, sont les suivantes: le président du tribunal du lieu du décès ouvre le testament et en dresse un procès-verbal d'ouverture et de description; mais, au lieu d'en ordonner le dépôt en l'étude d'un notaire, il le remet au greffier. Celui-ci dresse une copie figurée du testament et la conserve au rang de ses minutes; puis, il envoie l'original avec une expédition du procès-verbal d'ouverture au président du tribunal du domicile du défunt; ce dernier remplit les formalités prescrites en matière ordinaire pour le dépôt des testaments olographes et mystiques. En résumé, le testament demeure déposé au lieu de l'ouverture de la succession et c'est seulement une copie figurée qui reste au greffe du tribunal du lieu du décès.

Article unique. suit:

L'article 1007 du code civil est modifié comme

« Art. 1007. Tout testament olographe sera, avant d'être mis à exécution, présenté au président du tribunal de première instance de l'arrondissement dans lequel la succession est ouverte. Ce testament sera ouvert, s'il est cacheté. Le président dressera procès-verbal de la présentation, de l'ouverture et de l'état du testament, dont il ordonnera le dépôt entre les mains du notaire par lui commis.

«Dans les colonies françaises et les pays de protectorat, le testament olographe des personnes ayant conservé leur domicile en France ou dans une autre colonie sera présenté au président du tribunal de première instance du lieu du décès ou au président du tribunal le plus voisin. Ce magistrat procédera à l'ouverture du testament et en constatera l'état dans un procès-verbal.

<< Le greffier dressera une copie figurée du testament et la déposera dans les minutes du greffe. Le testament et une expédition du procès-verbal d'ouverture seront ensuite transmis, sous pli scellé, au président du tribunal du domicile du défunt, qui se conformera, pour l'ouverture et le dépôt, aux prescriptions contenues dans le paragraphe 1er. Les mêmes règles s'appliqueront au décès, en France, des personnes ayant leur domicile dans les colonies.

<< Si le testament est dans la forme mystique, sa présentation, son ouverture, sa description et son dépôt seront faits de la même manière; mais l'ouverture ne pourra se faire qu'en présence de ceux des notaires et des témoins, signataires de l'acte de suscription, qui se trouveront sur les lieux, ou eux appelés. »

V.

LOI DU 31 MARS 1899, AYANT POUR BUT L'INSTITUTION DES CAISSES RÉGIONALES DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL ET LES ENCOURAGEMENTS A LEUR DONNER AINSI QU'AUX SOCIÉTÉS ET AUX BANQUES LOCALES DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL (1).

Notice et notes par M. J. BOULLAIRE, docteur en droit, ancien magistrat.

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Historique et but de la loi. Aux termes de l'article 5 de la loi du 17 novembre 1897, portant prorogation de son privilège, la Banque de France s'est engagée à verser à l'État jusqu'en 1920, une redevance annuelle égale au produit du huitième du taux de l'escompte par le chiffre de la circulation productive, sans que cette redevance puisse jamais être inférieure à deux millions de francs. Par l'article 7 de la même loi, la Banque de France s'engage, en outre, à mettre à la disposition de l'État sans intérêts et pour toute la durée de son privilège (2) une avance de quarante millions de francs.

L'intention formelle de l'État en imposant à la Banque de France ce double sacrifice, a été d'en faire profiter exclusivement le crédit agricole. L'article 18 de la loi du 17 novembre 1897, le dit expressément. Il stipule que, «<les sommes versées par la Banque, par application des articles «<5 et 7 seront réservées et portées à un compte spécial du Trésor, « jusqu'à ce qu'une loi ait établi les conditions de fonctionnement d'un « ou de plusieurs établissements de crédit agricole (3) ».

La présente loi est la réalisation de cette promesse législative :

Un mois après la promulgation de la loi du 17 novembre 1897, M. Méline, président du conseil et ministre de Lagriculture et M. Cochery, ministre des finances, présentèrent à la Chambre un projet de loi ayant pour but l'institution de caisses régionales de crédit agricole mutuel et les encouragements à leur donner, ainsi qu'aux sociétés et aux banques locales de crédit agricole mutuel.

Ce projet, remanié sur certains points par la commission parlementaire d'accord avec le gouvernement, a été voté par la Chambre des

(1) J. Off. du 1er avril 1899. TRAVAUX PRÉPARATOIKES. Chambre des députés Projet de loi présenté par M. Méline, président du conseil, et M. Cochery, ministre des finances, le 20 décembre 1897; exposé des motifs, doc. 1897, p. 314; rapport par M. Codet, doc. 1898, p. 793; discussion, urgence déclarée, 31 mars 1898.

Sénat exposé des motifs, doc. 1898, p. 209; rapport par M. Lourties, doc. 1899, p. 38; discussion, urgence déclarée, 14, 16, et 17 mars 1899. (2) C'est-à-dire jusqu'au 31 décembre 1920, sauf le droit de la faire cesser le 31 décembre 1912, par une loi votée par les deux Chambres (art. 1o de la loi du 17 novembre 1897).

(3) V. dans l'Annuaire français de 1898, p. 103, la notice et les notes de M. Thaller sur la loi du 17 novembre 1897.

députés, le 31 mars 1898 et par le Sénat, sans modifications, le 17 mars 1899.

L'organisation du crédit agricole était depuis longtemps à l'étude en France et de nombreux projets tendant à le réaliser avaient été soumis au parlement depuis quelques années (1).

L'Allemagne et l'Italie nous avaient devancés dans cette voie. L'initiative privée, s'appuyant sur la coopération et la mutualité, a depuis quelques années doté ces deux pays de nombreuses banques qui procurent aux agriculteurs ce l'on appelle le crédit personnel (2).

L'agriculture mise en présence de la concurrence étrangère de plus en plus redoutable, ne peut soutenir la lutte qu'en accroissant sa production et en diminuant ses frais, c'est-à-dire en perfectionnant ses méthodes et son outillage. Pour cela, elle a besoin de capitaux, qu'elle n'a jamais eus en abondance et qui lui font particulièrement défaut dans la crise aiguë qu'elle traverse depuis quelques années. Jusqu'à présent, elle n'obtenait de crédit qu'en offrant un gage immobilier, l'hypothèque, moyen coûteux, presque impraticable, et le plus souvent ruineux à cause des frais excessifs qu'il entraîne et de l'expropriation à laquelle il aboutit trop souvent.

De là est venue la pensée du crédit personnel, c'est-à-dire de celui qui est accordé au cultivateur à raison de sa valeur intellectuelle et morale, de son instruction professionnelle, de sa probité, de son esprit d'ordre et d'économie. Tous n'en sont pas dignes et ne peuvent y prétendre ; mais ceux qui le méritent doivent le trouver dans une société bien ordonnée et une législation tutélaire doit les y aider.

Pour instituer le crédit personnel, il faut que la banque qui doit le distribuer, soit en mesure de connaître individuellement les cultivateurs qui en sont dignes par leurs qualités personnelles. Donc, pas d'institution centrale établie à Paris, loin du pays où elle doit opérer, mais une série de banques locales, à portée de leur clientèle et exactement renseignées sur ceux qui réclament leurs services.

Il faut, en outre, que l'usage qui sera fait de l'argent prêté, soit réglementé et surveillé. Il doit être uniquement consacré à des emplois agricoles, achat de semences, d'engrais, de bestiaux, de machines, etc., et le maximum doit en être fixé pour chaque emprunteur à une somme médiocre.

Enfin, il faut que le prêt soit fait à un taux modéré, car les bénéfices de l'agriculture sont toujours restreints. Pour obtenir cette modicité du prix de l'argent, il convient de réduire le plus possible les frais généraux de la banque agricole, en limitant la rémunération du capital, et en écartant toute pensée de lucre et de spéculation.

(1) On en trouvera l'énumération dans le rapport présenté au Sénat sur notre loi par M. Lourties le 15 janvier 1899.

(2) Voir un aperçu sommaire de ce qui s'est fait dans ces deux pays dans notre notice et nos notes sur la loi du 5 novembre 1891, relative à la création de sociétés de crédit agricole (Annuaire français, 1895, p. 80).

Comme en Allemagne et en Italie, quoique avec un peu de retard, l'initiative privée a jeté en France les bases du crédit agricole. C'est elle qui a fondé les banques locales, auxquelles l'État vient apporter un concours et un encouragement puissant par la loi actuelle.

Ces banques locales se divisent en trois groupes :

1o Les sociétés anonymes à capital variable, fondées sous l'empire de la loi du 24 juillet 1867, modifiée par la loi du 1er août 1893. La Banque agricole de Poligny, fondée en 1887, en est un des types les plus anciens et les plus connus. Dans cette banque, le capital ne peut resevoir une rémunération supérieure à 3 0/0. Les prêts, qui doivent être consacrés à des usages purement agricoles, sont faits à 3 1/2 0/0 pour trois mois, avec renouvellement possible jusqu'à une durée d'un an au maximum, chaque prêt ne pouvant excéder 600 francs. Ces banques sont des banques mutuelles qui ne prêtent qu'à leurs sociétaires;

2o Les sociétés coopératives de crédit agricole en nom collectif, ayant pour base comme élément de crédit, la solidarité illimitée, stipulée entre tous les membres, et qui sont les imitations directes des sociétés allemandes du type Raiffeisen.

Les unes n'ont pas de capital, ce sont les caisses rurales fondées par M. L. Durand; les autres ont constitué un capital divisé en parts sociales qui, à la différence des actions, sont nécessairement nominatives, ne peuvent être négociées sur un marché public, ne sont cessibles que par voie de transfert sur les registres de la Société et ne peuvent produire de dividendes, mais seulement un intérêt, dont le taux est limité par les statuts. Cette seconde forme est celle des caisses coopératives agricoles fondées dans le Midi par M. Rayneri, directeur de la Caisse populaire de Menton. C'est la forme préconisée par le Centre fédératif du Crédit populaire en France.

Les sociétés appartenant à ce second groupe, sont comme celles du premier, soumises à la loi de 1867.

3o Les banques agricoles mutuelles syndicales établies conformément à la loi du 5 novembre 1894 (1). Ces banques ne peuvent être fondées que par les syndicats agricoles ou par des membres des syndicats, au profit des syndiqués. Leur capital doit être formé de parts sociales et non d'actions. Ces parts sont nominatives et ne sont transmissibles que par voie de cession aux membres des syndicats et avec l'agrément de la société. Les bénéfices, après l'acquittement des frais généraux et le paiement des intérêts des emprunts et du capital social, sont consacrés, jusqu'à concurrence de trois quarts au moins, à la constitution d'un fonds de réserve, jusqu'à ce qu'il ait atteint au moins la moitié du capital social. Le surplus peut être réparti entre les syndicats et les membres des syndicats, au prorata des prélèvements faits sur leurs opéra

(1) Voir à l'Annuaire français de 1895, p. 80, notre notice et nos notes sur la loi du 5 novembre 1894.

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