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tions. Ces sociétés sont exemptées par la loi du droit de patente et de l'impôt sur les valeurs mobilières. Elles peuvent adopter en tout ou en partie, le régime de la solidarité.

Ces caisses rurales, de divers types, se sont multipliées beaucoup en France depuis quelques années. On n'en comptait que 300 en 1897. Le rapporteur au Sénat estimait leur nombre à 700 en 1899. 84 0/0 environ étaient soumises à la loi de 1867; 26 0/0 étaient du type syndical de la loi de 1894.

C'est ce mouvement si intéressant de création de banques mutuelles agricoles que l'État veut encourager et développer par la présente loi. L'initiative et l'honneur en reviennent à M. Méline, président du Conseil, en 1897.

En Allemagne, les banques agricoles se sont groupées en une fédération puissante et ont créé une banque centrale, qui réescompte leur papier et facilite singulièrement leurs opérations. Le gouvernement impérial accorde à cette banque centrale une très importante subvention annuelle (1).

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Organisation des caisses régionales. La pensée se présenta d'abord d'établir de même en France une banque centrale à Paris, garantie et subventionnée par l'État, qui eût reçu et réparti entre les banques locales, les redevances de la Banque de France. Une loi fut même votée par la Chambre des députés, en 1893, créant cette institution; mais ce projet ne fut pas porté au Sénat. Le monde agricole se montra nettement opposé à cette conception (2). A la différence de l'école socialiste, il redoute l'ingérence du gouvernement dans ses affaires, il aime la décentralisation; la banque centrale lui parut devoir être une sorte de banque d'État, pépinière de nouveaux fonctionnaires, où la politique jouerait bientôt le principal rôle. Une banque établie à Paris, eût été trop éloignée pour bien connaître les petites sociétés locales réparties dans tous les départements et pour apprécier la valeur de ceux qui les dirigent. On fit observer que le crédit rural n'a réussi que parce qu'il a été organisé par en bas, avec le principe de la mutualité et avec une organisation communale, entre gens pouvant apprécier facilement leur moralité et leur aptitude professionnelle réciproques; son succès est dû aussi à l'action des syndicats agricoles que la loi du 5 novembre 1894 a eu l'heureuse pensée d'associer étroitement à la création des caisses locales.

(1) La Banque centrale d'État des associations allemandes ne date que du 31 juillet 1895, et n'a fait que compléter une organisation du crédit déjà en pleine prospérité. On comptait à cette époque, en Allemagne, plus de 4,000 caisses du système Schultze-Delitsch et autant de caisses Raiffeisen.

(2) Les tentatives d'organisation du crédit agricole par l'initiative de l'État ont toujours échoué. La Société de crédit agricole fondée sous le patronage du Crédit foncier, par la loi du 28 juillet 1860, dut liquider ses affaires à la suite de pertes, en 1876. Elle était placée trop loin de la clientèle agricole pour la connaître, et choisir ses emprunteurs avec discernement. Elle entreprit surtout des affaires de spéculation qui amenèrent sa ruine.

Il fut décidé qu'an lieu d'une caisse centrale, on devrait instituer pour recevoir les redevances de la Banque de France, des caisses régionales qui, chacune dans l'étendue de sa circonscription, serait assez proche des sociétés locales pour les bien connaître et pour apprécier leur solvabilité et leurs chances de succès.

La création obligatoire de ces caisses régionales dont aucune n'existait encore, est la fonction caractéristique de la loi nouvelle. Ces caisses sont le rouage indispensable pour en recueillir le bienfait.

La loi ne détermine pas quelles seront leurs circonscriptions. Les sociétés locales qui ont intérêt à les fonder pour obtenir en prêts les fonds de la Banque de France auront, à cet égard, la plus complète liberté. Les syndicats agricoles, qui ont déjà un rôle important dans l'organisation du crédit rural et par qui seuls ont pu être fondées les banques locales de la loi du 5 novembre 1894 prendront sans doute aussi l'initiative de la création des banques régionales. Dans la plus grande partie de la France, les syndicats se sont groupés en unions. régionales qui sont actuellement au nombre de dix. Chaque union pourrait fonder une caisse régionale pour sa circonscription.

Une circulaire du ministre de l'agriculture du 18 août 1899 s'exprime ainsi à ce sujet : « Les statuts des caisses régionales agricoles détermineront le périmètre sur lequel elles étendront leur action et cela sans avoir à tenir compte du périmètre désigné par les fondateurs d'autres caisses de même nature, les sociétés locales étant libres d'autre part de s'affilier à la caisse de leur région qui leur conviendra le mieux. C'est à la commision chargée de la répartition des avances qu'il appartiendra d'examiner les statuts des caisses qui auront recours à l'État pour la constitution de leur capital et de décider, s'il y a lieu, d'autorier le chevauchement et dans quelle mesure. >>

Les caisses régionales doivent être constituées d'après les dispositions de la loi du 5 novembre 1894. Ce sont des caisses mutuelles et essentiellement agricoles. Leur capital est divisé, non en actions, mais en parts (art. 5). Les parts sont nominatives et ne sont transmissibles que par voie de cession sur les registres de la société.

Les parts ne peuvent produire de dividendes, mais seulement des intérêts dont le taux maximum est fixé par les statuts et ne peut dépasser 5 0/0 (art. 5). Par cette restriction, le capital engagé dans la banque régionale ne peut devenir une occasion de lucre et de spéculation. Il ne peut constituer qu'un placement ordinaire, avec ses risques, et sa fonction essentielle est de procurer des fonds à l'agriculture au meilleur marché possible.

Les deux tiers des parts sont réservées aux sociétés locales. Cette disposition a une importance capitale. Elle écarte le danger de voir les caisses régionales tomber dans les mains de l'administration ou de coteries politiques, et elle assure leur indépendance. Le crédit rural peut, s'il le veut, se suffire à lui-même. Les banques locales qui doivent être les clientes exclusives des caisses régionales (art. 2), sont assu

rées de conserver la direction de ces caisses en fournissant les deux tiers de leur capital et en demeurant maîtresses de la majorité dans leurs assemblées. Les capitaux étrangers, ceux des particuliers ou des autres associations, ne sont appelés que si les banques locales refusent ou sont dans l'impossibilité de souscrire les deux tiers du capital fixé par les statuts.

Peuvent devenir membres des caisses régionales en souscrivant une part de leur capital social: 1o les caisses locales de crédit mutuel agricole de tous les types, 2° les syndicats agricoles; 3° une fraction de quelques membres d'un ou de plusieurs syndicats agricoles (art. 1er de la loi du 5 novembre 1894).

Opérations des caisses régionales. Les caisses régionales recevront de l'État, à titre d'avances sans intérêts, les redevances versées par la Banque de France (art. 1or).

Ces avances sont temporaires. L'État devant rembourser à la Banque de France, à l'expiration de son privilège, les 40 millions qu'elle met à sa disposition, entend naturellement que les caisses régionales lui rembourseront de leur côté les avances qui leur sont faites.

Les avances ne peuvent être faites aux caisses régionales pour une durée de plus de cinq ans. Mais elles peuvent être renouvelées (art. 3). Si les caisses régionales violaient leurs statuts ou, par des modifications à ces statuts, diminuaient leurs garanties de remboursement, l'État pourrait exiger le remboursement, même avant le délai stipulé (art. 3).

Les avances sont réparties entre les caisses régionales par le ministre de l'agriculture, sur l'avis d'une commission spéciale nommée par décret, comprenant des membres du parlement, de l'administration et des représentants des sociétés de crédit agricole mutuel, régionales ou locales (art. 4).

Chaque caisse régionale ne peut recevoir de l'État, à titre d'avance, une somme supérieure au montant de son capital versé en espèces (art. 3).

Les caisses régionales ont pour but, dit l'article 2, « de faciliter les opérations concernant l'industrie agricole effectuées par les membres des sociétés locales de crédit agricole mutuel de leur circonscription. Elles feront emploi dans ce sens de leur propre capital et des avances de l'État.

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En outre de ces deux sources, leur capital et les avances de l'Éta!, elles peuvent se procurer des fonds: 1o en recevant des dépôts en comptes courants; 2° en émettant des bons pour un temps déterminé, garantis par les effets en portefeuille.

L'article 5 exige que les statuts fixent expressément le maximum des dépôts à recevoir en comptes courants et le maximum des bons à émettre, et il ajoute que les deux réunis ne pourront excéder les trois quarts du montant des effets en portefeuille.

Cette restriction est peu pratique et rendra difficile la rédaction des

statuls sur ce point spécial (1). Rien n'est plus variable que le montant des effets en portefeuille d'une banque; il se modifie chaque jour. Les statuts devant être rédigés avant même l'entrée en fonction de la caisse, ne pourront que fixer un peu à l'aventure un chiffre évaluatif. Il eût été de beaucoup préférable de confier à l'assemblée générale annuelle ou au conseil de direction, le soin de fixer, d'après l'expérience acquise et d'après la moyenne de l'année précédente, le montant maximum des dépôts en comptes courants et des bons.

Les caisses régionales ne font d'affaires qu'avec la caisse locale (art. 2) et leurs opérations sont strictement limitées au crédit agricole. Elles devraient refuser leurs concours aux caisses locales d'un caractère mixte, soumises à la loi de 1867, qui feraient non seulement du crédit agricole, mais aussi du crédit populaire, industriel ou commercial. C'est à l'agriculture seule que la loi du 17 novembre 1897 a entendu réserver le bénéfice de la redevance de la Banque de France.

Avec les fonds provenant des diverses sources que nous avons indiquées les caisses régionales escomptent le papier des caisses locales. Les emprunteurs, membres des sociétés locales, souscriront des billets qui seront endossés par les sociétés et qui, revêtus de ces deux signatures, seront présentés à la caisse régionale qui en fera l'escompte (art. 2).

Grâce aux fonds qu'elles reçoivent gratuitement de l'état, les banques régionales devront pouvoir faire l'escompte de ce papier à un taux modéré qui, espère-t-on, ne devra pas dépasser 3 0/0. Elles peuvent aussi accorder aux emprunteurs les facultés spéciales de renouvellement qui sont une des conditions essentielles du crédit agricole. Le cultivateur dont la récolte se fait longtemps attendre et qui a, en outre, besoin d'un certain délai après la moisson pour la vendre et en réaliser le prix, ne peut se contenter d'un crédit à trois mois ou à six mois.

Les caisses régionales peuvent, à leur tour, escompter à la Banque de France les effets des caisses locales, en y apposant leur signature. Les effets, revêtus ainsi des trois signatures qu'exigent les statuts de la Banque de France, trouveront près de ce grand établissement, trois mois avant leur échéance, un accueil favorable, qui facilitera singulièrement le fonctionnement des caisses régionales.

Les opérations des caisses régionales ne comprennent pas seulement l'escompte des effets des caisses locales. L'article 2 les autorise, en outre, à faire aux sociétés locales l'avance des sommes nécessaires pour la constitution de leurs fonds de roulement. Par les prêts directs faits aux caisses locales, les caisses régionales contribueront à leur formation et activeront ainsi le mouvement mutualiste. Ce développement de la mutualité au profit de l'agriculture doit être un des résultats de la loi nouvelle et c'est à la réalisation de ce progrès social, qu'elle a voulu consacrer les riches redevances de la Banque de France.

Les caisses régionales devront naturellement être surveillées par l'État

(1) M. Lourties, dans son rapport au Sénat, s'associe à cette critique.

dont elles seront les débitrices pour des sommes considérables. Ce contrôle devra porter 1° sur la régularité de leur constitution; 2° sur leur fonctionnement.

Pour leur constitution, la loi impose que les statuts des caisses régionales règlent un certain nombre de points essentiels et qu'ils soient déposés au ministère de l'agriculture (art. 5).

Les statuts doivent indiquer la circonscription territoriale de la société, la nature et l'étendue de ses opérations, son mode d'administration, la composition du capital social, l'intérêt à allouer aux parts qui la composent, le maximum des dépôts à recevoir en comptes courants et le maximum des bons à émettre, les règles applicables à la modification des statuts et à la liquidation de la société.

Mais, pour le règlement de ces divers points, les caisses régionales jouissent de la plus grande liberté. Comme elles ont à répondre à des besoins différents et à tenir compte de situations locales spéciales, elles ne peuvent être enfermées dans les cadres de statuts-types uniformes (Circulaire du ministre de l'agriculture du 18 août 1899).

La surveillance à exercer sur les caisses régionales pendant leur fonctionnement sera réglée par un décret rendu sur l'avis de la commission instituée par l'article 4 (art. 5). Ce décret n'a pas encore paru. Il est à souhaiter que ce droit de contrôle n'aille pas jusqu'à une immixtion abusive de l'État dans l'administration des caisses régio

nales.

Les caisses régionales, devant être constituées conformément à la loi du 5 novembre 1894, doivent se soumettre aux règles de publicité édictées par l'article 5 de cette loi, c'est-à-dire déposer leurs statuts avec les listes complètes des administrateurs ou directeurs et des sociétaires, indiquant leurs noms, profession, domicile et le montant de chaque souscription, en double exemplaire, au greffe de la justice de paix du canton où la caisse a son siège principal.

Les sociétés locales que la loi a pour but d'encourager, et dont les caisses régionales sont appelées à faciliter les opérations et à escompter les effets, doivent être des sociétés de crédit agricole mutual. L'article 2 le dit expressément. Des banques locales non mutuelles n'auraient pas le droit de participer aux bienfaits de la loi qui est faite exclusivement pour encourager la mutualité. Le législateur a vu dans la mutualité un principe fécond qui seul peut procurer à l'agriculture le crédit à bon marché et à long terme, en écartant toute pensée de lucre et de spéculation.

Mais nous avons dit qu'il existe des caisses locales de crédit mutuel agricole de trois types différents. Les caisses de ces trois types ont elles le droit de profiter de la loi, de prendre des parts dans le capital des caisses régionales et de recevoir d'elles des attributions dans les redevances de la Banque de France?

Le texte de l'article 2 de notre loi qui ne fait aucune distinction entre les sociétés locales de crédit agricole mutuel et autorise, par conséquent,

« EelmineJätka »