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gées en vue de l'établissement de la statistique de la navigation intérieure. Tandis que la formalité du jaugeage est une mesure administrative ancienne, l'immatriculation des bateaux de rivière est au contraire une innovation dans la législation française. Dès avant la conférence de Bruxelles, elle avait été proposée en France comme le moyen le plus efficace de garantir l'authenticité des certificats de jaugeage et d'éviter les fraudes diverses auxquelles ces derniers pouvaient donner lieu (1). En outre, par cette raison qu'elle crée pour le bateau un véritable état civil, analogue à la francisation des navires de mer, elle avait déjà été proposée en vue de permettre la constitution des droits d'hypothèque sur le matériel de la batellerie.

On sait en effet que lorsqu'il s'est agi d'introduire dans notre droit l'hypothèque des navires de mer, l'utilité d'étendre cette disposition à la batellerie fluviale fut unanimement reconnue. L'absence pour cette dernière d'un régime administratif et légal analogue à celui des navires de mer fut la raison pour laquelle l'hypothèque maritime seule fut admise et l'hypothèque fluviale fut provisoirement laissée de côté (2). La question ne fut cependant pas abandonnée; en 1895, un projet de loi (3) fut présenté à la Chambre des députés en vue d'organiser le régime nécessaire à la nouvelle hypothèque et, le 14 septembre 1897, un arrêté ministériel constitua une commission chargée de procéder à l'étude des questions qui s'y rattachent. Malgré le lien intime qui existe entre l'immatriculation et l'hypothèque, la commission reconnut, qu'en raison de son utilité pratique propre, l'immatriculation constituait une mesure administrative devant être traitée séparément et ressortissant au domaine exclusif du département des travaux publics. C'est ainsi que, tout en conservant pour l'avenir son intérêt particulier au point de vue de l'hypothèque, la formalité de l'immatriculation fut dès à présent consacrée.

Il résulte des articles 1 à 3 de la convention de Bruxelles du février 1899 que les États signataires doivent, dans un délai de cinq ans, prendre, chacun en ce qui les concerne, des mesures analogues à celle du décret français du 1er avril 1899 (4).

Il convient de rapprocher du décret qui nous occupe, la loi allemande du 15 juin 1895 relative aux rapports juridiques privés en

(1) V. Avis du syndicat de la marine du Nord du ↳ mars 1895 [annexe au Rapport de M. Plichon sur la proposition de loi relative au régime hypothécaire de la batellerie fluviale v. infra).

(2) V. Rapport de M. Barne au Sénat, 11 mars 1883, sur le projet de loi concernant l'hypothèque maritime (Sénat, Ann. 1883, p. 569 et s.)

(3) V. Proposition de loi (M. Plichon) et exposé des motifs, présentés à la Chambre des députés le 21 février 1895 (J. Off. Ch. Doc. 1895, p. 215); rapport sommaire [ibid. p. 312]; rapport de M. Plichon (Ch. Doc. 1896, p. 1207); rapport supplémentaire (Ch. Doc. 1897, p. 1359).

(4) Ces mesures ont été prises en Belgique par Ordonnance royale du 27 mars 1899 et Circulaire ministérielle du 12 avril 1899, dont notification a été faite au Gouvernement français.

malière de navigation intérieure (1), dont le titre IX (art. 120 et s.) prescrit l'enregistrement des batiments de rivière. La loi allemande présente un caractère très différent des dispositions du décret français. La première est un document d'ordre juridique; elle ne se borne pas à prescrire le fait matériel d'un enregistrement, mais elle en consacre en outre les conséquences au point de vue du droit. Le second, au contraire, est purement administratif; ce n'est d'ailleurs qu'un décret; si l'immatriculation qu'il prescrit peut avoir d'utiles effets juridiques, soit pour mieux assurer le droit de propriété et son transfert, soit pour permettre la constitution du droit d'hypothèque, il n'en est point parlé. La même observation peut être faite si l'on compare les dispositions du code de commerce hollandais qui exige également un enregistrement des bateaux de navigation intérieure (2).

Art. 1er.

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A partir du 30 juillet 1899, les bateaux circulant sur les fleuves, rivières, canaux, tant administrés par l'État que concédés, lacs et étangs, seront soumis aux dispositions du présent règlement.

TITRE Ier.

IMMATRICULATION ET JAUGEAGE DES BATEAUX (3).

Art. 2. Aucun bateau ne pourra naviguer que s'il est muni d'un certificat constatant qu'il a été immatriculé et jaugé dans les formes déterminées ci-après.

Art. 3. Un arrêté du ministre des travaux publics désigne les localités où seront établis les bureaux d'immatriculation et ceux de jaugeage (4).

(1) V. la notice et traduction de M. Ch. Lyon-Caen, Ann. législ. étrang. XXV, P. 129. Ajouter les modifications apportées par l'art. 12 de la loi d'introduction du code de commerce du 10 mai 1897 (Einführungsgesetz zum Handelsgesetzbuch; R. G. B. 1897, p. 437); les modifications ont été insérées dans le texte de la loi du 15 juin 1895 sur la navigation intérieure, par arrêté du Chancelier de l'Empire en date du 20 mai 1898 (R. G. B. 1898 page, 370). On pourra consulter sur la législation allemande, Mittelstein, Kommentar zum Binnenschiffahrtsgesetz. Le même auteur a donné une édition des textes avec quelques notes sous le titre Binnenschiffahrt und Flòtzerei.

(2) C. Com. hollandais, Livre II, tit. XIII, art. 748 et s.

(3) Les prescriptions du décret du 1er avril 1899 ne s'appliquent pas aux bateaux de plaisance non plus qu'aux embarcations armées au bornage qui naviguent dans les parties maritimes des fleuves [Circul. minist. Travaux publics, 21 juillet 1899, no 277; Annales des ponts et chaussées, II partie, 1899, p. 764]. — D'après la loi allemande du 13 juin 1895, article 120, les bateaux de plus de 15 tonnes de portée (vapeurs) ou 20 tonnes (autres bâtiments) sont seuls soumis à l'enregistrement. Toutefois, aux termes de l'article 128, les législations locales peuvent prescrire l'enregistrement des bateaux d'un tonnage inférieur. Une distinction analogue est faite par le c. com. hollandais (art. 750) qui n'astreint à cette formalité que les bateaux de navigation intérieure de plus de 10 lastes.

(4) V. Arrêté ministériel du 4 juillet 1899, instituant les circonscriptions d'immatriculation (Annales des ponts et chaussées, loc. cit., p. 772). Les bu

Cet arrêté rattache, pour une circonscription déterminée, les bureaux de jaugeage à un bureau unique d'immatriculation.

Chacun des bureaux d'immatriculation est désigné par une ou plusieurs lettres caractéristiques en dehors de la lettre indicatrice du

pays.

Art. 4.

L'immatriculation consiste dans l'inscription d'un bateau avec un numéro d'ordre sur un registre matricule spécial.

Le jaugeage a pour objet de déterminer le poids de la cargaison d'un bateau d'après son enfoucement.

Le poids total d'un bateau étant égal à celui du volume d'eau qu'il déplace, le poids de la cargaison est égal au poids du volume d'eau déplacé par le bateau chargé diminué du poids du volume d'eau déplacé par le bateau vide. Le nombre qui exprime en mètres cubes la différence des déplacements exprime en tonnes de 1.000 kilogrammes le poids de la cargaison du bateau.

Art. 5. Le volume à mesurer est le volume extérieur de la portion de la coque comprise entre :

1o Le plan du plus grand enfoncement autorisé par les règlements sur les différentes voies navigables que le bateau est destiné à fréquenter;

2. Un plan pris, soit au niveau de la flottaison à vide, tel qu'il est défini ci-après, soit au niveau du dessous du bateau.

Art. 6. Est considéré comme plan de flottaison à vide celui qui correspond à la position que prend le bateau lorsqu'il porte seulement : 1o Les agrès, les provisions et l'équipage indispensables pour lui permettre de naviguer;

2o L'eau qu'il est impossible d'enlever de la cale par les moyens ordinaires d'épuisement;

3o Si c'est un bateau à vapeur, l'eau remplissant la chaudière jusqu'au niveau normal.

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Art. 7. La portion de la coque à mesurer est divisée par des plans horizontaux en tranches d'un décimètre de hauteur. Toutefois, lorsque les formes du bateau le permettent, plusieurs tranches peuvent être groupées pour le calcul.

On obtient le volume de chaque tranche en multipliant la demisomme des aires des sections supérieure et inférieure par la hauteur. reaux d'immatriculation ont été choisis de manière à faciliter la tâche de l'administration tout en donnant satisfaction aussi complète que possible aux convenances de la batellerie. On a dû cependant éviter de les multiplier, notamment en prévision du rôle que ces bureaux seraient appelés à jouer si la création d'un régime hypothécaire applicable à la batellerie fluviale venait à se réaliser (Circul. du 21 juillet 1899, loc. cit.). La tenue des registres est confiée aux ingénieurs en chef des bureaux d'immatriculation. (v. art. 14, infra). D'après la loi allemande du 15 juin 1895 (art. 121) le registre des bâtiments est tenu auprès du tribunal compétent pour la tenue des registres du commerce.

Le quotient du volume d'une tranche par le nombre de centimètres qui exprime sa hauteur est considéré comme donnant le déplacement du bateau pour chaque centimètre d'enfoncement dans cette tranche.

Art. 8. Le bateau doit être pourvu d'échelles de jauge en cuivre. Ces échelles sont incrustées, symétriquement et par paire, sur les flancs du bateau, dans des plans perpendiculaires à l'axe; pour les bateaux à bordage métallique, les échelles peuvent être simplement peintes sur la coque en métal, à la condition d'être rattachées à des repères absolament fixes.

Pour les bateaux de plus de 40 mètres de longueur, les échelles sont au nombre de six deux dans un plan situé vers le milieu de la longueur et deux daus chacun des plans situés, de part et d'autre du premier, à des distances respectivement égales au tiers environ de la longueur totale du bateau.

Pour les bateaux ayant au plus 40 mètres de longueur, le nombre des (chelles peut être réduit à quatre; elles sont alors disposées par paire dans des plans situés vers le tiers et les deux tiers de la longueur du bateau.

Les échelles doivent rester apparentes. Elles sont graduées par 2, 5 et 10 centimètres d'immersion effective. Pour les bateaux jaugés en France, le zéro correspond au niveau du dessous du bateau.

On admet que la hauteur du plan de flottaison au-dessus du plan limitant inférieurement le volume à mesurer est égale à la moyenne arithmétique des cotes lues sur toutes les échelles.

Art. 9. Le marinier devra se conformer aux dispositions qui seront prescrites par l'administration pour assurer d'une manière invariable la fixité des échelles.

Il lui est interdit de les enlever ou de les déplacer.

Toutes les fois que, par suite d'un accident quelconque, une échelle aura été perdue ou qu'elle se trouvera détériorée, le batelier sera tenu de la faire immédiatement remplacer au bureau de jaugeage le plus voisin.

Art. 10. De chaque côté du bateau est placée une plaque de jauge en métal, de 10 centimètres de longueur et 4 de hauteur, dont le bord inférieur correspond au niveau du plus grand enfoncement autorisé.

Sur cette plaque sont notamment marquées au poinçon, en caractères nettement apparents, les indications suivantes: 1° La lettre ou les lettres caractéristiques du bureau d'immatriculation; 2o Le numéro d'immatriculation; 3o La lettre initiale (F pour la France) du pays d'immatriculation.

Ces indications sont peintes à la poupe du bateau; elles sont reproduites en caractères indélébiles sur les parties les plus durables de la coque. Elles sont, de plus, transcrites sur tous les papiers de bord.

Art. 11. Chaque bateau reçoit du bureau d'immatriculation où il est inscrit un certificat de jaugeage qui doit être conservé à bord.

Ce certificat indique : 1° Le bureau d'immatriculation;

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ou les lettres et le numéro d'immatriculation; 3° Le nom ou la devise

du bateau;

--

4o Les noms et domicile du propriétaire, tels qu'ils sont déclarés à l'agent jaugeur; 5o Le type auquel appartient le bateau (péniche, toue, flûte, etc.), son système de construction (bois, métal ou mixte), et le chantier sur lequel il a été construit; 6° La plus grande longueur, gouvernail non compris, et la plus grande largeur; 7° La mention, s'il y a lieu, du dernier jaugeage annulé par le nouveau certificat; 8' Le nombre, l'emplacement et la description des échelles; 9 La distance verticale entre le niveau du dessous du bateau et le plan de flottaison à vide tel qu'il est défini ci-dessus, ainsi que le personnel, le matériel et la hauteur d'eau dans le fond du bateau qui ont été admis pour la détermination de ce plan de flottaison à vide; 10° Enfin, le déplacement progressif du bateau par décimètre ou par centimètre d'enfoncement, tel qu'il est défini à l'article 7, au-dessus du plan de flottaison à vide et pour 1 décimètre en dessous.

Ces indications sont reproduites, pour chaque bateau, sur le registre d'immatriculation en regard de son numéro d'ordre.

Art. 12. En cas de grosses réparations, le propriétaire du bateau doit le soumettre à un nouveau jaugeage. Les résultats de cette opération sont également constatés par un certificat qui est remis au propriétaire ou conducteur du bateau en remplacement du précédent.

Ce nouveau certificat est délivré, comme le précédent, par le bureau d'immatriculation où le bateau est inscrit, soit en France, soit à l'étran

ger.

Il sera également procédé à un nouveau jaugeage dans le cas de perte du certificat.

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Art. 13. Les trains de bois flottés ne sont pas soumis à l'obligation de l'immatriculation. Mais ils doivent faire l'objet d'un cubage dans lequel ne sont pas compris les espaces laissés vides entre les coupons et ceux dans lesquels seraient placés des tonneaux pour maintenir ces trains à flot.

Art. 14. Les registres d'immatriculation sont tenus dans les bureaux des ingénieurs en chef désignés par le ministre des travaux publics. Les opérations de jaugeage sont faites, sous le contrôle des ingénieurs, par des agents des ponts et chaussées commissionnés à cet effet et assermentés.

Ces opérations sont gratuites. Sont seuls à la charge des intéressés la fourniture et les frais de pose des échelles et plaques de jauge, ainsi que les frais des inscriptions mentionnées au dernier paragraphe de l'article 10 du présent décret.

Toutefois, une taxe peut être perçue sur les bateaux étrangers lorsque le jaugeage donne lieu à une rétribution dans le pays auquel ils appartiennent, mais sans que cette taxe puisse, en aucun cas, dépasser celle du pays d'origine.

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