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Le renvoi de ces affaires à l'assemblée du conseil d'État statuant au contentieux peut avoir lieu dans les conditions prévues par l'article 19 de la loi du 24 mai 1872.

Art. 4. Dans les affaires mentionnées ci-dessus, il ne sera pas reçu de constitution d'avocat après un délai de deux mois, qui courra du jour de l'enregistrement des protestations ou des pourvois au secrétariat du contentieux, à moins que, dans ce délai, l'une des parties n'ait déjà constitué avocat. Le délai ci-dessus ne fera, dans aucun cas, obstacle au jugement des affaires en état (1).

Art. 5. — Un règlement d'administration publique déterminera

permettre aux deux sections du contentieux de se prononcer sur toutes les affaires électorales, qu'elles aient ou non donné lieu à constitution d'avocat, car l'assemblée générale est encombrée de ces affaires (de 1883 à 1887, elle en a jugé 516), et il a déclaré que jamais la section temporaire ne rendrait de décision à trois voix. « Puisque vous désirez une garantie à cet égard, le gouvernement, a-t-il dit, ne s'opposerait pas à ce qu'elle fût insérée soit dans le projet de loi, soit, ce qui serait préférable, dans le règlement d'administration publique prévu par l'article final du projet. »

Conformément à cet engagement, l'article 6 du décret du 11 novembre 1888 porte que la section du contentieux et la section temporaire ne peuvent statuer que si cinq au moins de leurs membres ayant voix délibérative sont présents. M. Clément a présenté l'observation suivante : « il est dit dans le texte que la section du contentieux et la section temporaire peuvent statuer en audience publique. Je pense que cela veut dire que ces sections doivent, quand elles statuent, statuer en audience publique. « Assurément » a répondu M. le commissaire du gouvernement. Celui-ci a également expliqué, à la demande du même sénateur, que les affaires à avocat jugées par les sections ne seront pas délibérées en section avant l'audience publique, contrairement à ce qui se passe pour les affaires qui, après examen en section, sont portées à l'assemblée générale.

(1) L'interdiction faite par cet article de constituer avocat après un délai de deux mois qui courra du jour de l'enregistrement des protestations ou des pourvois au secrétariat du contentieux, a paru à M. Clément une restriction inadmissible des droits de la défense. En outre le défendeur ne reçoit pas immédiatement notification du recours; en fait, il n'aura donc pas deux mois pour se décider, suivant l'importance des pièces produites par son adversaire, à prendre on non un avocat. M. le commissaire du gouvernement a, au contraire, vivement insisté en faveur de l'adoption de la disposition proposée. Il a fait connaître que souvent les parties abusent de la faculté de constituer avocat au dernier moment; en matière électorale surtout, elles trouvent ainsi le moyen de retarder le jugement et d'exercer plus longtemps, un mandat qu'elles savent devoir être annulé par le conseil d'État. Il a aussi fourni des explications desquelles il résulte qu'en ce qui concerne les élections municipales, le point de départ du délai pour la constitution d'avocat est le même pour le défendeur et pour le demandeur, et qu'en ce qui concerne les élections départementales, les contributions et les taxes assimilées, la communication des requêtes étant faite par ordre de chacune des sections du contentieux, « la surveillance rigoureuse que la section exerce sur ses procédures, sa surveillance absolument impartiale et désintéressée, assure aux justiciables et à leurs avocats toutes les garanties

nécessaires. >>

les mesures propres à assurer l'exécution de la présente loi, notamment celles qui concernent le service des rapporteurs, des commissaires du gouvernement et du secrétariat.

DÉCRET DU 9 NOVEMBRE 1888, PORTANT RÈGLEMENT D'ADMINISTRATION PUBLIQUE POUR L'EXÉCUTION DE LA LOI DU 26 OCTOBRE 1888.

Art. 1er. Les affaires d'élections et de contributions directes ou taxes assimilées sont réparties, sauf jonctions des affaires connexes, entre la section du contentieux et la section temporaire, en nombre égal, et alternativement d'après l'ordre fixé par l'enregistrement des pourvois (1). Art. 2. La section du contentieux et la section temporaire dirigent l'instruction écrite et procèdent au jugement des affaires sur lesquelles elles sont appelées à statuer, conformément aux règles actuellement en vigueur, en tant qu'il n'y est pas dérogé par la loi du 26 octobre 1888 ou par le présent règlement.

Art. 3. poraire.

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Trois maîtres des requêtes sont attachés à la section tem

Les rapports sont présentés devant elle par ces maîtres des requêtes, par les auditeurs de la section du contentieux, et par ceux des autres sections, désignés à cet effet par le vice-président du conseil d'Etat délibérant avec les présidents de section.

Art. 4. Lorsque la section du contentieux ou la section temporaire statuent en audience publique, les questions posées par le rapport sont communiquées aux avocats quatre jours au moins avant la séance.

Le rôle de chaque séance publique de la section du contentieux ou de la section temporaire, préparé dans les conditions indiquées en l'article 22 du règlement du 2 août 1879, est distribué à tous les conseillers d'État faisant partie des deux sections, aux maîtres des requêtes et aux auditeurs qui y sont attachés ainsi qu'aux avocats dont les affaires doivent être appelées. Art. 5. Après le rapport, les avocats des parties présentent leurs observations orales. Des conclusions sont données dans chaque affaire par un des maîtres des requêtes commissaires du gouvernement près la

(1) En décidant que les pourvois introduits en matières d'élections, de contributions directes et de taxes assimilées, seront répartis entre la section du contentieux et la section temporaire, en nombre égal et alternativement d'après l'ordre d'enregistrement, le décret écarte une préoccupation qui s'est manifestée dans la discussion de la loi du 26 octobre 1888. Plusieurs orateurs avaient alors exprimé la crainte que la répartition des affaires entre les sections n'eût lieu arbitrairement. On voit que l'une des sections jugera les dossiers qui sont enregistrés au greffe avec un numéro pair, et l'autre les dossiers dont le numéro d'enregistrement sera impair.

section du contentieux ou par l'un des commissaires suppléants du gouvernement près la section temporaire.

-

Art. 6. La section du contentieux et la section temporaire ne peuvent statuer que si cinq au moins de leurs membres, ayant voix délibérative conformément à la loi du 24 mai 1872, sont présents. En cas de partage, on appellera le plus ancien des maîtres des requêtes assistant à la séance. Art. 7. — Le secrétariat du contentieux fait fonction de secrétariat de la section temporaire. Le secrétaire du contentieux est remplacé aux séances de la section temporaire par un secrétaire-adjoint désigné par le vice-président du conseil d'État, conformément à l'article 23 du règle

ment du 2 août 1879.

Art. 8. Lorsqu'une affaire soumise à la section temporaire est renvoyée par elle à l'assemblée du conseil d'État statuant au contentieux, conformément à l'article 3 de la loi du 26 octobre 1888, le dossier est immédiatement transmis à la section du contentieux qui est chargée d'en préparer le rapport. Le renvoi est établi par un extrait du procès-verbal de la séance dans laquelle ce renvoi a été ordonné.

Art. 9. Toutes les décisions prises par la section du contentieux et par la section temporaire sont lues en séance publique, transcrites sur le procès-verbal des délibérations et signées par le président de la section, le rapporteur et le secrétaire.

Les décisions rendues par la section temporaire portent en tête la mention suivante :

<< Au nom du peuple français.

«La section temporaire du contentieux du conseil d'État... >>

Les règles relatives à la forme et à l'expédition des décisions rendues par le conseil d'État statuant au contentieux sont applicables aux décisions de la section du contentieux et de la section temporaire.

Art. 10.

Le procès-verbal des séances de la section du contentieux et de la section temporaire mentionne l'accomplissement des dispositions contenues dans les articles 3 de la loi du 26 octobre 1888, et 4, paragraphe 1er, 5, 6 et 9 du présent règlement.

Art. 11. Sont applicables aux audiences publiques de la section du contentieux et de la section temporaire les dispositions de l'article 24, paragraphe 2, de la loi du 24 mai 1872, relatif à la police des audiences.

VIII

LOI DU 26 OCTOBRE 1888, AYANT POUR OBJET D'AJOUTER UN PARAGRAPHE A L'ARTICLE 463 DU CODE PÉNAL (1).

Notice et notes par M. H. ALPY, ancien magistrat, avocat à la Cour d'appel de Paris.

La proposition de M. Bozérian, telle qu'elle a été déposée par son auteur. dans la séance du Sénat du 4 mai 1885, contenait, outre la disposition qui est devenue la loi ci-après, un autre chef tendant à accorder au jury le droit d'admettre, dans certains cas, en faveur de l'accusé reconnu coupable, l'existence de circonstances très atténuantes. Cette réforme, dont l'utilité paraissait justifiée par plusieurs acquittements récemment prononcés, malgré la culpabilité évidente des accusés, dans de retentissantes affaires d'assassinats de meurtre, de coups et blessures volontaires, fut admise par la commission spéciale nommée par le Sénat; et le rapport, fait au nom de cette commission par M. Bozérian lui-même, la proposa à l'adoption de la haute Assemblée. Mais, lors de la discussion publique, des objections graves furent soulevées contre cette partie de la proposition, et, après un discours de M. Grandperret, on convint qu'il y avait lieu de prononcer le renvoi au garde des sceaux, dans le but de provoquer auprès des cours et tribunaux une enquête complète sur cette importante question.

Les résultats de cette enquête, consignés dans un rapport supplémentaire du 31 janvier 1888, ne furent pas favorables à la partie de la proposition relative à la création des circonstances très atténuantes. Cette réforme, en effet, ne fut appuyée, dans son intégralité, que par trois cours d'appel (Caen, Montpellier, Orléans) et par quatre parquets (Bourges, Montpellier, Orléans et Rennes). Toutes les autres cours la repoussèrent,

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(1) J. Off. du 28 octobre 1888. Proposition de loi déposée par M. Bozérian, sénateur, à la séance du Sénat du 4 mai 1885. (J. Off., annexe no 121; janv. 1886, p. 95-97). Rapport fait par M. Bozérian et déposé dans la séance du 1er mars 1886 (J. Off., annexe no 61; mai 1886, p. 111-114). Discussion au Sénat première délibération, dans la séance du 5 avril 1886 (J. Off. du 6 avril, p. 562-567); renvoi au garde des sceaux, pour enquête. Rapport supplémentaire déposé dans la séance du 31 janvier 1888 (J. Off., annexe no 53, avril 1888, p. 15). Reprise de la première délibération dans la séance du 7 février 1888 (J. Off. du 8 février, p. 124-126). Deuxième délibération et adoption de la loi, dans la séance du 16 février 1888 (J. Off. du 17 février, p. 137). Chambre des députés : Rapport fait par M. Rabier et déposé dans la séance du 2 juin 1888 (J. Off., annexe no 2734, juillet 1888, p. 701). Discussion à la Chambre : séance du 23 octobre 1888 (J. Off. du 24 octobre, p. 2283-2284).

en lui substituant, pour parer au danger trop réel des acquittements scandaleux, divers systèmes qui consistaient soit dans une diminution de peine limitée à certains crimes, tels que l'infanticide, l'incendie, la fabrication et l'émission de fausse monnaie, le faux, la banqueroute frauduleuse; soit dans une atténuation générale des peines, en cas de circonstances atténuantes, au moyen de l'abaissement des minima fixés par l'article 463; soit encore dans l'extension des cas d'excuses prévus par les articles 321 et suivants du code pénal. En présence de ces vues si diverses, il parut plus sage au Sénat de réserver cette première question et de la renvoyer au garde des sceaux, pour être soumise à l'examen de la commission extra-parlementaire qui prépare actuellement une réforme d'ensemble portant sur notre code pénal.

L'autre partie de la proposition avait été, au contraire, unanimement approuvée. Son but, en effet, était uniquement de combler une lacune qui existait, de l'aveu de tous, dans l'article 463 du code pénal et dont les fâcheuses conséquences avaient été maintes fois signalées par les auteurs et la jurisprudence. Il n'y avait donc aucun motif pour l'ajourner. D'après la disposition finale de cet article, les tribunaux peuvent, si les circonstances paraissent atténuantes, réduire l'emprisonnement même au dessous de six jours et l'amende même au-dessous de 16 francs, ou prononcer séparément l'une ou l'autre de ces peines, quand elles sont toutes deux édictées par l'article applicable; ou encore substituer l'amende à l'emprisonnement, lorsque cette dernière peine se trouve être seule édictée par la loi. Or, dans cette troisième hypothèse, la pratique avait soulevé une difficulté du plus haut intérêt, à laquelle ne paraît pas avoir songé le législateur: quel était, en pareil cas, le maximum de l'amende que pouvait prononcer le tribunal? Quelques criminalistes avaient admis qu'en l'absence de toute indication de la loi sur ce point, l'amende pourrait s'élever jusqu'à un chiffre indéterminé; mais la Cour de cassation avait repoussé cette doctrine comme « contraire au principe de notre législation criminelle, qui exclut toute peine arbitraire non seulement quant à sa nature, mais aussi quant à sa quotité; » (Cass., 7 mai 1844 et 10 janvier 1846) et elle avait dû conclure que les tribunaux ne pouvaient alors dépasser le minimum des amendes correctionnelles, c'est-à-dire la somme dérisoire de 16 francs. Il n'est pas besoin d'insister sur les inconvénients graves qui résultaient de cette situation; l'exposé des motifs les fait très bien ressortir, et la nécessité d'y parer a été unanimement reconnue. Le meilleur et le plus sûr moyen était évidemment de déterminer, d'une manière générale, en vue de ce cas, le maximum de l'amende que les tribunaux pourront prononcer; c'est ce qu'a fait la nouvelle loi, en fixant ce chiffre à 3.000 francs.

Dans ces conditions, la discussion fut sommaire. Après avoir été votée à l'unanimité par le Sénat, dans les séances des 7 et 16 février 1888, la doi nouvelle fut transmise à la Chambre des députés, qui l'adopta sans modifications, le 23 octobre 1888; elle fut enfin promulguée le 26 octobre 1888. Elle est ainsi conçue :

« EelmineJätka »