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cours à l'acte d'aliénation que si elle stipule, soit comme covenderesse, soit comme garante ou caution du mari.

<< Toutefois, la femme conserve son droit de préférence sur le prix, mais sans pouvoir répéter contre l'acquéreur le prix ou la partie du prix par lui payé de son consentement et sans préjudice du droit des autres créanciers hypothécaires.

<< Le concours ou le consentement donné par la femme, soit à un acte d'aliénation contenant quittance totale ou partielle du prix, soit à l'acte ultérieur de quittance totale ou partielle, emporte même, à due concurrence, subrogation à l'hypothèque légale sur l'immeuble vendu, au profit de l'acquérieur, vis-à-vis des créanciers hypothécaires postérieurs en rang; mais cette subrogation ne pourra préjudicier aux tiers qui deviendraient cessionnaires de l'hypothèque légale de la femme sur d'autres immeubles du mari, à moins que l'acquéreur ne se soit conformé aux prescriptions du paragraphe 1er du présent article.

Les dispositions qui précèdent sont applicables à la Guadeloupe, à la Martinique et à la Réunion.

VI

LOI DU 19 FÉVRIER 1889, RELATIVE A LA RESTRICTION DU PRIVILÈGE DU BAILLEUR D'UN FONDS RURAL ET A L'ATTRIBUTION DES INDEMNITÉS DUES PAR SUITE D'ASSURANCES (1).

Notice par M. A. CHAUMAT, docteur en droit, avocat à la Cour d'appel de Paris.

La loi du 19 février 1889 « relative à la restriction du privilège du bailleur d'un fonds rural et à l'attribution des indemnités dues par suite d'assurances>> a eu pour point de départ un projet de loi « sur l'organisation du crédit agricole mobilier », présenté au Sénat par le gouvernement le 20 juillet 1882 (2).

Après un premier examen et après s'être mise d'accord avec le gouvernement, la commission du Sénat a apporté au projet de loi d'importantes modifications et elle lui a donné pour titre : « Loi sur le crédit mobilier ».

Aux termes du premier rapport de M. Labiche sénateur, déposé le 31 juillet 1883 (3), les dispositions proposées par la commission étaient groupées en quatre titres, savoir :

(1) J. Off. du 20 février 1889.

Cf. Loi belge du 15 avril 1884 sur les prêts agricoles: Annuaire de législation étrangère, 14o année, p. 469. (2) Sénat, annexes, 1882, p. 471.

(3) Sénat rapport, annexes, 1883, p. 997.

I. Nantissement sans déplacement du gage (art. 1 à 23).

II. Restriction du privilège du bailleur (art. 24).

III. Subrogation de plein droit des privilèges mobiliers sur les indemnités dues par les compagnies d'assurances (art. 25).

IV. Commercialisation des billets à ordre (art. 26).

Le projet, ainsi arrêté et rapporté, a été, dans les séances des 29 et 30 novembre 1883, l'objet d'une discussion générale qui a porté sur le principe même de l'utilité du crédit pour l'agriculture et plus particulièrement sur le nantissement sans déplacement du gage. L'article 1er qui posait le principe du nantissement sans déplacement ayant été rejeté par assis et levé, les autres dispositions du projet furent renvoyées à l'examen de la commission sur la demande de son président.

La commission pensa qu'il serait utile de faire une nouvelle enquête sur les questions qui avaient été controversées devant le Sénat et elle exprima le désir que la Société nationale d'agriculture fût consultée sur l'utilité du crédit pour les agriculteurs, sur les dispositions propres à le leur procurer et sur l'ensemble du projet proposé au Sénat.

Il résulta de l'enquête que le courant d'opinion qui amenait le législateur à prendre des mesures destinées à faciliter le crédit aux agriculteurs était général. A l'étranger comme en France ces questions étaient à l'étude et, en Belgique notamment, la Chambre des députés adoptait à l'unanimité, à la fin de 1883, un projet qui est devenu la loi du 15 avril 1884 sur les prêts agricoles.

Quant à la Société nationale d'agriculture, elle donna, par une délibération du 1er avril 1885, une adhésion complète, sauf pour quelques détails d'application, aux réformes qui faisaient l'objet du projet de loi soumis aux délibérations du Sénat, notamment en ce qui touchait la commercialisation des billets à ordre souscrits par les agriculteurs et leur assimilation, au point de vue de la compétence, aux effets souscrits par des commerçants. La commission se remit à l'œuvre, elle élimina du projet le titre Ior relatif au nantissement sans déplacement du gage, dont le principe avait été rejeté par le Sénat en 1883, et, le 6 décembre 1887, M. Labiche, sénateur, déposa un rapport supplémentaire (1) tendant à l'acceptation d'un projet de loi ainsi conçu :

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LOI SUR LE CRÉDIT MOBILIER.

Art. 1er. Le privilège accordé au bailleur par l'article 2102 du code civil ne peut être exercé, même quand le bail a acquis date certaine, que pour les fermages ou loyers des deux dernières années échues, de l'année courante, et d'une année à partir de l'expiration de l'année courante, ainsi que pour tout ce qui concerne l'exécution du bail.

La disposition contenue dans le paragraphe précédent ne s'applique pas aux baux ayant acquis date certaine avant la promulgation de la présente loi.

(1) Sénat: rapport, annexes, 1887, p. 3.

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Art. 2. Tous les privilèges mobiliers s'exercent, dans l'ordre de leur rang, sur les indemnités dues par les compagnies d'assurances contre l'incendie, contre la grêle, contre la mortalité des bestiaux et les autres risques. Néanmoins les payements faits de bonne foi avant opposition sont valables. Art. 3. Tout billet à ordre, qu'il soit souscrit par des commerçants ou des non-commerçants, pour affaires commerciales, sera réputé acte de commerce, et les tribunaux de commerce connaîtront de toutes les actions en payement contre les signataires de ces billets. Toutefois, la souscription d'un billet à ordre ne suffit pas pour rendre applicables les dispositions du livre III du code de commerce.

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La discussion générale allait s'engager dans la séance du 16 janvier 1888, lorsque le ministre de l'agriculture, M. Viette, demanda le renvoi à la commission afin d'en conférer avec elle et de lui faire part des dispositions nouvelles du gouvernement qui trouvait que le projet. n'avait pas un caractère assez exclusivement agricole. Le rapporteur, M. Labiche, fit observer que la commission, avant de déposer son projet, avait « eu soin de se mettre d'accord avec la plupart des ministres de l'agriculture qui s'étaient succédé depuis 1883 » et que c'était « avec l'adhésion de l'honorable M. Barbe que les conclusions du dernier rapport avaient été arrêtées ». Il n'en accepta pas moins au nom de la commission le renvoi deman lé par le ministre et ce renvoi fut prononcé.

C'est dans la séance du 31 janvier 1888, que, l'accord s'étant fait entre la commission et le gouvernement, la discussion générale a été engagée sur le projet devenu projet de «<loi ayant pour objet de faciliter le crédit agricole ». M. Labiche, après avoir indiqué au Sénat que la commission avait cru devoir, pour se mettre d'accord avec le gouvernement et aussi avec M. le sénateur Pâris, auteur de plusieurs amendements, apporter à son projet quelques modifications sur lesquelles il s'expliquerait plus tard, défendit, dans l'intérêt du crédit nécessaire aux agriculteurs, l'innovation introduite par l'article 3 du projet, de la commercialisation des billets à ordre souscrits par les agriculteurs.

M. Lacombe, sénateur, critiqua le projet comme insuffisant à créer et à organiser sérieusement le crédit dans l'intérêt de l'agriculture, et, s'attachant plus spécialement à la disposition de l'article 3, il fit observer que la commercialisation des billets à ordre souscrits par les agriculteurs serait sans utilité réelle pour ceux-ci, si elle ne devait avoir pour résultat qu'un changement de compétence. Selon lui, il était tout au moins nécessaire, non pas d'aller jusqu'à l'assimilation complète de l'agriculteur au commerçant, c'est-à-dire jusqu'à la faillite, mais d'organiser la déconfiture et la cession de biens de manière à donner aux créanciers des agriculteurs, et sauf certains tempéraments à déterminer, des sûretés et des avantages analogues à ceux qui résultent pour les créanciers des commerçants de la législation sur les faillites.

Après quelques observations de M. Denormandie en faveur du projet, la discussion générale a été close et M. Marcel Barthe, président de la

commission, a pris la parole pour soutenir un contre-projet qu'il avait déposé et dont l'article 1er était ainsi conçu: «Le crédit agricole a pour but de procurer à l'agriculture des bestiaux, machines et instruments aratoires, semences, amendements, engrais et tous autres produits propres à la culture des terres et à en auginenter la production. »

Ainsi qu'il l'expliquait, M. Marcel Barthe, qui ne partageait pas les vues de la majorité de la commission qu'il présidait, aurait voulu un crédit agricole largement organisé et vraiment capable de rendre aux agriculteurs des services que le projet de la commission, même avec la commercialisation des billets à ordre, n'était pas, selon lui, capable de leur assurer. C'est pour cela qu'il lui semblait tout d'abord nécessaire d'expliquer nettement, dans l'article 1er qu'il proposait d'adopter, le but à atteindre. Après un échange d'observations entre M. le rapporteur Labiche et M. Buffet qui ont combattu l'article 1er du contre-projet de M. Marcel Barthe et M. Oudet qui l'a soutenu, cet article 1er a été repoussé.

L'article 2 du contre-projet de M. Marcel Barthe était ainsi conçu : << Toute caisse, toute banque, toute société, tout établissement de crédit créés par l'initiative individuelle, ayant exclusivement pour but de procurer aux agriculteurs, à l'aide de fournitures en nature ou de prêts en argent, des objets spécifiés à l'article 1er, jouiront des avantages précisés dans la présente loi en se conformant à ses prescriptions. »

C'était la préface de l'organisation de tout un système de crédit et de banques agricoles qui ne rentraient pas dans l'objet que s'était proposé la commission en formulant son projet. Aussi cet article 2, soutenu par M. Marcel Barthe et combattu par le rapporteur, fut-il rejeté par le Sénat, malgré une double demande de renvoi à la commission formulée par M. Guibourg de Luzinais et M. Bozérian.

A la séance du 2 février 1888, la discussion s'est engagée sur l'article 1er de la commission libellé comme nous l'avons indiqué plus haut, sauf addition des mots « d'un fonds rural », après le mot bailleur, de la première ligne et la suppression des mots «ou loyers » après le mot << fermages »><.

M. Marcel Barthe a proposé, pour assurer à la loi son caractère de loi tendant à favoriser le crédit agricole, de libeller ainsi le commencement de l'article: « Le privilège accordé au bailleur d'un fonds rural par l'article 2102 du code civil ne peut être exercé à l'encontre des créanciers pour fournitures et prêts agricoles...... »; mais son amendement a été repoussé après un échange d'observations entre M. Marcel Barthe, M. Oudet, M. Griffe et M. le rapporteur Labiche, d'où il résulte que la restriction du privilège du bailleur profite à tous les créanciers quelle que soit la cause de leur créance, et il faut reconnaître qu'il était bien difficile d'admettre, comme le proposait M. Marcel Barthe, une distinction qui aurait donné lieu dans la pratique, à d'inextricables difficultés.

M. Lacombe ayant proposé d'ajouter à la fin du premier paragraphe, les mots et pour les dommages et intérêts qui pourront lui être alloués

par les tribunaux », l'amendement, accepté par la commission, a été voté par le Sénat et le paragraphe premier a été voté dans son ensemble tel qu'il est libellé dans le texte définitif de la loi rapportée ci-après. Le paragraphe 2 de l'article 1er a été ensuite adopté sans discussion, également tel qu'il est demeuré dans le texte définitif.

M. Marcel Barthe a proposé l'adoption d'un paragraphe additionnel ainsi conçu : « Le bailleur qui, en vertu de l'article 2102 du code civil, a un privilège sur tout ce qui garnit les immeubles affermés, ne pourra pas l'exercer au détriment des susdits prêteurs, sur les objets par eux fournis, encore existants en nature, si les autres biens du preneur suffisent pour le désintéresser ».

Mais M. Labiche ayant fait observer que cette disposition était inutile en présence des termes du paragraphe 4 de l'article 2102 du code civil qui tranche la question, l'amendement a été retiré.

Enfin, M. Griffe qui avait proposé un amendement tendant à faire payer par préférence au propriétaire les sommes dues pour engrais, semences, frais de récolte, achat ou réparation d'instruments, achat d'animaux ou de bestiaux attachés à l'exploitation, a retiré son amendement en se réservant de le représenter entre la première et la deuxième délibération, et l'article 1er a été définitivement voté dans son ensemble. Depuis le dépôt du rapport de la commission dans la séance du 6 décembre 1887, l'article 2, dont nous avons donné le texte, avait été libellé ainsi, et tel d'ailleurs qu'il a été définitivement adopté : « Les indemnités dues par les compagnies d'assurances contre l'incendie, contre la grêle, contre la mortalité des bestiaux et les autres risques, sont attribuées, sans qu'il y ait besoin de délégation expresse, aux créanciers privilégiés et hypothécaires suivant leur rang. - Néanmoins les payements faits de bonne foi avant opposition sont valables. >>

M. Lenoel ayant élevé, tout en approuvant le principe de l'article, certaines critiques contre des dispositions qu'il trouvait incomplètes et qui, selon lui, auraient été mieux à leur place à la suite de l'article 1251 du code civil sur la subrogation, l'article a été renvoyé à l'examen de la commission et le Sénat a passé à la discussion de l'article 3 relatif à la commercialisation des effets de commerce.

Cet article a été l'objet de plusieurs amendements et d'une discussion très longue, tant dans la séance du 2 février que dans celle du 3 février, mais, comme il n'est rien resté des dispositions de l'article dans le texte définitif de la loi, il nous semble inutile d'entrer dans l'examen de cette discussion d'ailleurs souvent confuse. Indiquons seulement que M. Marcel Barthe ayant fait voter un amendement qui entraînait implicitement la suppression de l'article, le Sénat, avant de prendre une décision définitive, a renvoyé, dans la séance du 3 février 1888, le projet de loi tout entier à l'examen de la commission « pour qu'elle essayât, ainsi que le disait M. le président du Sénat, de coordonner les diverses décisions qui avaient été rendues ».

Dans la séance du 10 février 1888, M. Labiche, rapporteur, ayant,

« EelmineJätka »