Page images
PDF
EPUB

d'une souscription publique, quel est le principal artisan de cette revision, sinon celui que les revisionnistes ont comblé d'éloges, ont célébré tour à tour comme un héros et comme un martyr, celui que la justice militaire, d'autre part, réclame comme un criminel de droit commun?

Les juges de la revision avaient une occasion exceptionnelle, unique, peut-on dire, d'être définitivement fixés sur la valeur morale de ce témoin. Cet homme, qui occupait dans l'armée une haute fonction, qui était chargé d'un poste insigne de confiance, cet homme allait comparaître devant ses pairs; il devait lui-même être pressé de se justifier; on pouvait, tout au moins, supposer que la chambre criminelle avait hâte de constater par un débat public et contradictoire si cet homme était capable encore de faire devant la justice des serments qui ne fussent pas des parjures (Interruptions à l'extrême gauche), de constater s'il était un bonnête homme ou un coquin. S'il était un honnête homme, sa cause était presque gagnée; s'il était un coquin, la chambre criminelle ne pouvait plus recevoir son témoi

gnage. (Applaudissements à droite et sur

divers bancs à l'extrême gauche.)

pris que m'inspire par son passé M. Ques- | quelles instructions il leur a adressées pour
nay de Beaurepaire... (Applaudissements à les rappeler tout au moins au sentiment de
l'extrême gauche et à gauche), ce mépris leurs devoirs. (Très bien! très bien! sur di-
est trop grand pour que j'aie besoin des vers bancs.)
racontars de ce monsieur pour affermir ma
conviction; elle existe sans cela. (Vifs
applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. le président. En tout cas, monsieur Le Hérissé, je vous engage à employer d'autres expressions.

MM. Zévaès et Lagasse. M. Quesnay de Beaurepaire a été flétri par un vote de la Chambre !

Messieurs, si votre tolérance voulait bien me permettre d'établir ici tous les faits, j'aurais encore à adresser à M. le garde des sceaux une question à laquelle il m'a promis une réponse complète.

Je désire lui demander quelle a été l'attitude de M. le procureur général Manau. Ce matin même, on formulait contre ce magistrat des accusations graves, auxquelles M. le M. Dubief. Il a été flétri par un vote garde des sceaux pourra peut-être donner unanime de la Chambre. une réponse immédiate.

M. le président. Quelles que soient vos opinions, je fais appel aux convenances. (Très bien! très bien!)

M. Cunéo d'Ornano. Mais qui donc a nommé M. Quesnay de Beaurepaire président à la cour de cassation?

M. Lucien Millevoyé. Cette affaire de règlement de juges, au lendemain d'une instruction longue et minutieuse, à la veille d'un débat qui allait établir ou l'innocence ou la culpabilité d'un témoin, est, je le ré

pète, peut-être unique dans l'histoire; elle

prend en tout cas la proportion non seuleEh bien! l'heure de l'audience publiquement d'un déni, mais d'un véritable défi de était fixée, il n'y avait plus qu'à attendre. justice, puisque les représentants des deux Cependant, nous n'avons eu ni cette au- juridictions, civile et militaire, étaient d'acdience, ni cette publicité, ni cette lumière. cord pour déclarer qu'il n'y avait pas de La cour de cassation a enlevé Picquart à ses n'y a eu véritablement de conflit que celui conflit d'attribution (Mouvements divers); il

juges naturels. On lui dit : Voulez-vous la

preuve que cet homme est criminel? Elle répond: Non, cette preuve je n'en veux pas, parce que j'ai, du moins provisoirement, besoin de son témoignage et que je ne pourrais pas me servir du témoignage d'un homme jugé et condamné. (Mouvements divers.)

Je fais appel à ceux de mes collègues qui ont étudié l'histoire de la magistrature française; je fais appel à l'érudition de M. le garde des sceaux, et je lui demande : Y a-t-il, dans l'histoire de cette magistrature française, quelque chose de semblable? (Très bien! très bien! sur divers bancs.)

M. Firmin Faure. D'aussi odieux! M. Lucien Millevoye. Non, monsieur le garde des sceaux, vous n'y trouverez rien de pareil.

M. Augé. Il y a sa soumission au coup d'Etat, voilà ce qu'il y a dans l'histoire. Plusieurs membres à gauche. Il y a les commissions mixtes!

M. Le Hérissé. Dans l'histoirede M. Quesnay de Beaurepaire, il y a un certain réquisitoire infâme que vous devez counaître, mon cher collègue. (Applaudissements à l'extrême gauche et sur divers bancs à gauche.) M. Lucien Millevoye. Nous ne discutons pas M. Quesnay de Beaurepaire (Exclamations à l'extrême gauche), nous discutons le règlement de juges, la valeur de l'œuvre de la chambre criminelle de la cour de cassation.

M. Le Hérissé. Mon cher collègue, permettez-moi de vous dire que je suis aussi antirevisionniste que vous, mais le mé

que la chambre criminelle a élevé ce jour-là entre sa décision et la conscience publique. entre sa décision et la conscience publique. Mais, en admettant même qu'il y eût lieu à règlement de juges, je demande à M. le garde des sceaux pourquoi la cour suprême n'a pas encore statué sur cette affaire de règlement de juges.

céder à ce règlement de juges, monsieur Qu'attend la cour de cassation pour prole garde des sceaux ?

[blocks in formation]

Qu'attend la cour de cassation pour don- Le conseil de l'ordre s'en est ému; il a été ner des juges civils ou militaires à Pic-saisi de la question, il a innocenté Me Mor·quart? (Très bien! très bien! sur divers bancs.)

M. le garde des sceaux, qui s'est préparé aux hautes fonctions qu'il occupe aujourd'hui par l'étude et l'enseignement du droit, sait mieux que personne qu'en matière de règlement de juges la loi est formelle. La loi exige que ces affaires soient traitées avec la plus grande célérité. On pourrait s'expliquer ce retard si la chambre criminelle cherchait encore de nouveaux éléments d'appréciation; mais ces éléments sont, d'une part, dans le rapport de M. le procureur de la République Feullioley; d'autre part, dans le rapport du commissaire du Gouvernement, M. le colonel Foulon; ils ne sont pas contradictoires; bien au contraire, leurs conclusions sont identiques.

A gauche. Comment le savez-vous?

M. Lucien Millevoye. Alors, nous sommes en droit de demander à M. le garde des sceaux comment des magistrats, représentants des interprétations suprêmes de la loi, peuvent retarder l'application de la loi; nous sommes en droit de lui demander

nard, qui, disait-il, avait trouvé cette dépêche dans le dossier de M. le procureur général. Me Ployer, dans la plainte qu'il a déposée, indiquait très nettement qu'un délit avait été commis, délit qui est puni de peines sévères par l'article 187 du code pénal. Mais il y a une question qui n'a pas été résolue, et qui reste entière. Comment cette pièce se trouvait-elle dans le dossier de M. le procureur Manau? Elle n'a pu y être insérée qu'à la suite d'un délit que vous qualifierez comme vous voudrez. Il y a donc un coupable. M. le garde des sceaux le connaît-il? S'il est connu, pourquoi n'at-il pas été puni? Si ce coupable n'est pas connu, M. le garde des sceaux nous dira quelles recherches il a faites pour le découvrir; car, s'il n'avait pas été recherché, nous serions en droit de conclure qu'il y a deux sortes de délits, ceux qu'on punit quand ils ont été commis par des petits et des humbles (Mouvements divers) sans protection et sans défense, et ceux que l'on ne punit pas quand ils sont commis par les

complices d'un traître couverts par l'autorité souveraine de la chambre criminelle de la cour de cassation.

Il est impossible d'échapper à ce dilemme; Ou M. Manau sait qui a mis cette pièce dans son dossier, et alors il a dû le faire connaître; ou bien M. Manau ne le sait pas, et on doit avoir recherché le coupable.

Les revisionnistes nous disent sans cesse : La revision est du domaine de la justice et de la justice seule. Ils rendent hommage à l'ancien cabinet qui a déféré la revision à la cour suprême pour la soustraire, disentils, aux fureurs et aux agitations de la politique. Ils ajoutent que les délibérations, les votes de la Chambre doivent être tenus en suspens et même en échec par les délibérations de la cour de cassation.

S'il en est ainsi, est-ce que nous n'avons pas tous un intérêt immédiat à enlever cette affaire aux préoccupations politiques, pour la placer dans le seul domaine de la justice? Et si elle est du seul domaine de la

justice, pourquoi ses partisans l'ont-ils placée, dès la première heure, sur le terrain des polémiques les plus violentes? Pour quoi le premier effort des revisionnistes a-t-il été l'accusation diffamatoire, jetée par

le délire d'un écrivain, à la tête des officiers, qui ont pour mission d'assurer la défense du pays? Pourquoi, plus tard, a-t-on vu cette campagne prendre l'allure d'une conspiration factieuse et menaçante, dirigée

contre le haut commandement, contre l'étatmajor, contre les conseils de guerre, contre le principe même de nos institutions militaires? (Applaudissements à droite et sur divers bancs.)

M. Marcel Sembat. La fausse lettre de

M. Augé. Dites « de nous tous ». M. le président. Eh bien, donnez l'exemple! (On rit,)

M. Augé. Je ne demande pas mieux, monsieur le président, surtout sur votre invitation.

M. Lucien Millevoye. Il dépend de vous, monsieur le président du conseil, à cette heure, dont vous ne méconnaissez pas la gravité, à cette heure que rappelait si éloquemment tout à l'heure M. le président de la Chambre, où l'union de tous les Français est nécessaire, que nous ne continuions pas à nous traîner encore dans des soupçons qui pourraient engendrer des complications si ce débat n'était pas définitif, s'il n'en ressortait pas la confiance absolue dans l'œuvre de justice qui sera accomplie demain. (Applaudissements à droite et sur divers bancs à l'extrême gauche,)

M. le président. La parole est à M. Lasies. M. Lasies. Je ne veux pas noyer le débat dans des détails qui fatigueraient la Cham

bre; je me bornerai à poser à M. le garde des sceaux quelques questions, avec une précision un peu brutale peut-être, mais qui ne laissera pas de place à l'équivoque. (Applaudissements sur divers bancs à droite et à l'extrême gauche.)

Il est vraiment déplorable que chaque fois qu'un scandale éclate, il faille pousser le Gouvernement, l'interpellation dans les reins, pour l'obliger à punir les coupables. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. de Baudry d'Asson. Il a besoin de cela. (Rires.)

M. Lasies. Je sais bien que le grand art de la politique actuelle est surtout de conl'empereur d'Allemagne a été faite aussi server le pouvoir, et que les ministres ont pour passionner le débat.

M. Lucien Millevoye. M. Breton est inscrit pour poser des questions, on lui répondra.

Pourquoi l'étranger s'y est-il jeté avec tous ses moyens de propagande et d'action, avec tout ce que la haine de la France et tout ce que l'espoir de nous diviser et de nous affaiblir ont pu lui inspirer contre notre patrie? (Interruptions à l'extrême gauche. Applaudissements à droite et sur divers

bancs.)

En effet, ne voyez-vous pas que ce qui se passe est la continuation de tout ce qui s'est passé depuis un an? Eh bien, nous venons, nous, vous dénoncer une magistrature politique, qui continue l'œuvre de certains politiciens; nous venons vous demander de séparer l'œuvre de cette magistrature de l'œuvre véritable, sereine et immuable de la justice. Nous venons, en d'autres termes, vous dire Plus de justice politique, plus de magistrats politiques, mais des magistrats qui soient les représentants de l'âme française, des magistrats français, dans lesquels nous puissions avoir une entière, une absolue confiance.

Ce pouvoir d'apaisement, monsieur le président du conseil, vous l'avez en ce moment. Il dépend de vous, à cette heure, de faire le calme dans le pays.

remplacé, si je puis m'exprimer ainsi, l'oraison dominicale par l'oraison ministérielle (Rires sur divers bancs); que, tous les jours, cherchant le dieu majorité tantôt dans la chapelle de droite, tantôt dans celle de gauche, ils disent: Mon Dieu! conserveznous notre portefeuille de chaque jour. (Nouveaux rires sur les mêmes bancs.)

Il me semble cependant qu'il ne s'agit pas seulement de chercher une majorité fugitive et de conserver un pouvoir précaire; il s'agit de gouverner et de pacifier le pays. (Très bien! très bien!) Si vous cherchez une majorité, messieurs les ministres, il m'apparaît que vous la trouverez dans le premier vote émis à la première séance de cette session : l'opinion publique en a assez de l'affaire Dreyfus! (Vifs applaudissements.) Il s'agit de savoir si, oui ou non, vous voulez terminer cette agitation. Si vous voulez la terminer, il faut d'abord vous inquiéter de la qualité des arbitres que vous avez choisis pour la régler. (Très bien! très bien! sur divers bancs à droite.)

Or, il se trouve qu'une partie de ces arbitres, par des événements récents, sont en suspicion légitime (Applaudissements à droite et sur quelques bancs à l'extrême gauche), et que le moyen le plus simple est de faire une enquête pour prouver que

[blocks in formation]

M. le garde des sceaux, lorsque l'incident Bard-Beaurepaire s'est produit, a fait paraître une note dans la presse disant qu'après enquête cet événement n'était qu'un détail sans importance. Ma première question sera celle-ci Monsieur le ministre, et il n'y a rien d'injurieux dans mes paroles pour votre personne, - votre enquête a-t-elle été sincère? Je réponds par avance : Elle ne l'a pas été. (Rires et applaudissements sur divers bancs à droite et à l'extrême gauche. Exclamations et murmures à gauche et sur d'autres bancs à l'extrême gauche.)

[ocr errors]

cela n'a rien d'injurieux. (On rit.) M. le président. M. Lasies trouve que

M. Lasies. Il y avait, monsieur le ministre, un moyen bien simple de savoir ce qui se passait à la chambre criminelle et ce qu'il y avait de grave dans les soins ma

ternels dont on entourait le prévenu Picquart il n'y avait qu'à vous en rapporter à une pièce que je vais vous indiquer, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, au rapport du capitaine Herqué.......

M. Marcel Habert et plusieurs de ses collègues. Très bien! très bien !

M. Lasies. Permettez-moi de rappeler à la Chambre l'histoire de ce rapport...

M. Astier. Comment la savez-vous? M. Lasies. Il est possible que je la connaisse; mais si vous me demandez par où je l'ai connue, je vous répondrai comme l'a fait M. le président du conseil : C'est mon affaire! (Rires et applaudissements à droite.)

Le capitaine Herqué, qui accompagnait le prévenu Picquart dans ses séjours et pérégrinations à travers le palais de justice, a fait un rapport très détaillé de tout ce qu'il avait vu et entendu...

M.Firmin-Faure. C'était son devoir.

M. Lasies. Ce rapport a été entre les mains de M. le président Mazeau. Dès que ce dernier en eut connaissance, il est probable qu'il le communiqua à M. le garde des sceaux. Or, il s'est trouvé que, quelques jours après la communication de ce rapport, le capitaine Herqué fut mandé au domicile même du premier président Mazeau, qui lui dit : Par ordre de M. le garde des sceaux, votre ordre, monsieur le ministre, faut pas tenir compte de ce rapport; il faut en faire un autre, se limitant à deux points seulement. (Exclamations sur divers bancs.) M. Firmin-Faure. La voilà la complicité! M. Lasies. Nous verrons si M. le ministre dément l'existence de ce rapport.

--

· par il ne

Vous avez donné l'ordre, monsieur le garde des sceaux, de retirer ce rapport, qui aurait cependant dù vous éclairer complètement, et vous avez ensuite donné l'ordre

au capitaine Herqué de ne faire un rapport que sur les deux points suivants :

Oui ou non, le conseiller Bard est-il entré dans le cabinet de M. de Beaurepaire ?

Oui ou non, le conseiller Bard a-t-il dit, en s'adressant à l'ex-lieutenant-colonel Picquart: « Mon cher Picquart? »

Tel est le détail dans lequel vous avez voulu noyer votre enquête. (Applaudissements à droite et sur divers bancs. Vives protestations à gauche.)

Le rapport ou les rapports du capitaine Herqué doivent certainement exister encore, et il est probable qu'il en reste bien quelques traces. Je dis « les rapports », car je ne sais s'il en existe deux ou trois, mais peu importe. Je vous ramène au premier rapport, celui qui est l'expression exacte de la vérité et qui relate tous les faits scandaleux qui se sont passés à la chambre criminelle. (Exclamations à l'extrême gauche.)

J'espère, messieurs, que vous n'allez pas mettre en doute l'honorabilité d'un officier. (Réclamations sur quelques bancs à l'extrême gauche. Vifs applaudissements à droite et sur d'autres bancs à l'extrême gauche.)

M. de Mahy. J'ai l'honneur de connaître le capitaine Herqué, et j'affirme à la Chambre qu'il est incapable d'un mensonge. (Applaudissements à droite et au centre.)

M. Lasies. Je remercie l'honorable M. de Mahy de me prêter l'appui de son témoignage pour certifier l'honorabilité du capitaine Herqué; mais je constate, avec peine, que lorsqu'on parle de l'honorabilité d'un officier... (Interruptions à l'extrême gauche.) M. le président. Ne passionnez pas ce débat, messieurs.

M. Lasies. Je ne le passionnerai pas, monsieur le président; cependant quand j'ai parlé de l'honorabilité d'un officier, il y a eu des exclamations dubitatives de ce côté de la Chambre. (L'orateur désigne l'extrême gauche.)

Comment se fait-il que chaque fois qu'on parle de l'armée ici... (Bruit.)

M. Augé. Je demande la parole.

M. Lasies. Qu'avez-vous donc à lui reprocher, à l'armée? Vous devriez admirer ce que je lui reproche, moi, sa trop grande patience.

M. Périllier. Vous vous arrogez le droit d'injurier tout le monde et vous vous étonnez qu'on vous réponde.

M. le président. Personne ici n'a voulu diriger une insinuation blessante contre un officier français. (7rès bien! très bien!)

M. Lasies. Mon honorable collègue me dit que j'injurie tout le monde. Je dis ce que je crois être la vérité, et il me semble que le je ne dépasse pas les bornes de la courtoisie parlementaire, puisqu'en parlant de MM. Manau, Bard et Low, je me suis après tout dispensé de dire que c'était un trio de coquins. (Applaudissements sur divers bancs à l'extrême gauche et à droite. Vives exclamations et interruptions au centre, à gauche et à l'extrême gauche. Bruit prolongé.)

M. Lebret, garde des sceaux, ministre de la justice, de son banc. Je proteste avec indignation. Je demande la parole.

M. le président. J'invite M. Lasies à retirer immédiatement la parole dont il vient de se servir; sinon je consulterai la Chambre. Voix nombreuses à gauche. La censure! M. Lasies. Je dois loyalement déclarer qu'il m'est impossible de retirer les paroles. que je viens de prononcer parce qu'elles s'appliquent à trois hommes qui ont fait trop de mal à mon pays. (Nouvelles exclamations à gauche. Interruptions et bruit. Très bien ! très bien! à droite.)

M. le président. Je vous rappelle formellement à l'ordre, et j'ai le vif regret de constater que le règlement ne me permet pas de vous appliquer une peine disciplinaire plus rigoureuse.

M. le garde des sceaux. J'ai demandé la parole; je voudrais m'expliquer à la tribune. (Bruit à droite et sur quelques bancs à l'extrême gauche.)

M. le président. Messieurs, après l'incident qui vient de se produire, vous permettrez bien, j'imagine, au chef de la justice de dire un mot. (Applaudissements.)

M. Charles Dupuy, président du conseil, ministre de l'intérieur et des cultes. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. le président du conseil.

M. le président du conseil, ministre de l'intérieur et des cultes. Il est impossible à M. le garde des sceaux de se faire entendre de son banc et il demande à monter à la tribune. Il semble que le règlement ne le lui permette pas, mais M. le garde des sceaux proteste avec la dernière indignation (Vifs applaudissements à gauche et au centre) contre les paroles qui ont été prononcées, et si la discussion devait se continuer dans des conditions pareilles, le Gouvernement n'y prendrait pas part. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs.) A l'extrême gauche. La censure!

M. le président. Messieurs, le règlement ne me permet pas de consulter la Chambre sur l'application de la censure; je ne puis, si l'orateur persiste, que le rappeler à l'ordre avec inscription au procès-verbal. (Exclamations à l'extrême gauche. (Très bien! très bien! au centre.)

M. de Baudry d'Asson. C'est un rappel à l'ordre qui l'honore.

M.Lasies. Pour donner satisfaction à cette partie de la Chambre, monsieur le président (l'orateur désigne l'extrême gauche), et pour me permettre de continuer le débat, je vous demande de m'appliquer la censure. Vous serez satisfaits ensuite, messieurs.

M. le président. Je prie l'orateur de se renfermer dans la question et de ne plus employer des expressions comme celles dont

il s'est servi tout à l'heure.

M. Lasies. Je demanderai donc à M. le ministre de la justice de s'en rapporter, dans l'enquête qu'il va faire, au rapport du capitaine Herqué, au premier rapport qui a été remis par cet officier entre les mains de

M. le premier président Mazeau; et, pour éclairer encore le débat, je demanderai à M. le garde des sceaux s'il ne croit pas utile... (Interruptions à gauche.) M. Charles Gras. Il y a des choses qui me révoltent!

M. le président. Moi aussi, mon cher collègue.

M. Lasies. Dans tous les cas, mon cher collègue, il y a une chose qui me révolte également, ce sont les injures dont tous les jours on abreuve l'armée. (Applaudisse

ments à droite et sur divers bancs. — Exclamations à gauche et au centre.)

M. le président. Aucun de vos collègues n'a jamais insulté l'armée. (Applaudissements.)

M. Lasies. Je prétends que la campagne actuelle, par elle-même, est une insulte au patriotisme et à l'honneur national.

Pour éclairer le débat, monsieur le garde des sceaux, et pour nous prouver qu'en protestant, comme vous venez de le faire, je veux bien le reconnaître, contre une certaine vivacité de langage, pour nous prouver que vous voulez que les légistes qui sont appelés à trancher cette affaire qui divise le pays doivent être au-dessus de tout soupçon, vous nous direz que vous vous en rapporterez pour faire cette enquête à ce rapport très détaillé de M. le capitaine Herqué.

Pour vous démontrer qu'il est détaillé, monsieur le garde des sceaux, permettez-moi de vous citer simplement une phrase de ce rapport; c'est la conversation du détenu Picquart avec le capitaine Herqué.

On venait, ainsi que l'histoire l'a raconté, d'apporter un breuvage réconfortant à l'excolonel Picquart. Il dit alors au capitaine Herqué: «Oh! Bard, je le porte dans mon cœur; je suis son principal témoin. »

Voulez-vous nous dire, monsieur le garde des sceaux, ce que cela signifie? Voilà un juge qui a des témoins préférés, et voilà un témoin qui dit : « Je suis le principal témoin de ce conseiller que je porte dans mon cœur.» (Exclamations à droite.) La phrase est dans le rapport du capitaine Herqué. (Interruptions à l'extrême gauche.)

Etant donnée cette suspicion légitime, M. le garde des sceaux ne viendra-t-il pas dire à la Chambre... (Nouvelles interruptions sur les mêmes bancs.)

M. Paschal Grousset. Le garde des sceaux ne répondra pas! (Très bien! très bien! à l'extrême gauche.)

M. Cuneo d'Ornano. La Commune qui défend la magistrature!

M. le président. Comment pourrez-vous, messieurs, juger de la réponse si vous n'écoutez pas la question?

M. Lasies. Je demande à M. le ministre de la justice s'il viendra dire à la Chambre qu'éclairé par ce rapport, qu'il ne peut pas mettre en doute et qui lui démontre d'une façon très nette et très claire les abus qui se commettent dans la chambre criminelle, s'il viendra dire qu'il est prêt à procéder à une enquête et à demander au Parlement les pouvoirs nécessaires pour arrêter les travaux

de la chambre criminelle jusqu'à ce que cette enquête soit terminée. (Exclamations à gauche et à l'extrême gauche.)

M. Lasies. Je ne le nommerai pas, parce qu'il ne me plaît pas de le nommer! (Exclamations à l'extrême gauche.)

M. le ministre de la justice, pour prouver Si vous voulez me faire comparaître sous qu'il y a là des magistrats que l'on doit sou- la foi du serment devant un tribunal, je mettre à l'enquête et, en même temps, pour suis tout disposé à y aller (Applaudissecalmer les appréhensions de ce côté de la ments sur divers bancs à droite); mais ici, je Chambre (l'orateur désigne l'extrême gau- le répète, je ne dirai que ce qui me plaît. A che), ne voudrait-il pas lire certaines let- vous de me combattre et de prouver que ce tres qu'il doit avoir dans son dossier? n'est pas vrai. (Très bien ! très bien! sur les Ces lettres, qui ont été écrites par M. Ma- | mêmes bancs.) nau, vous prouveront, messieurs, que dans cette chambre criminelle il y avait un partitions, ce sont des insinuations. pris évident, et que le parti pris existe encore. (Applaudissements à droite et sur divers bancs. Vives interruptions à l'extrême gauche.)

M. Lagasse. Si nous disions cela des conseils de guerre, que ne nous ferait-on pas! Je demande la parole.

M. le président. Vous êtes inscrit, monsieur Lagasse, veuillez garder le silence.

M. Lasies. J'espère qu'après M. le ministre de la justice M. le président du conseil voudra bien également monter à la tribune et déclarer qu'il faut enfin s'inquiéter de la façon dont cette campagne est menée.

J'ai dit moi-même à cette tribune que la campagne pour la revision était une campagne de l'étranger contre la France. (Ap-| plaudissements à droite et sur divers bancs à l'extrême gauche.)

M. de Baudry d'Asson. C'est la vérité! M. Lasies. En cherchant bien, monsieur le président du conseil, dans vos dossiers, peut-être trouveriez-vous deux rapports du préfet d'un département frontière qui, deux fois de suite, surpris par les allées et venues de certains personnages, par l'argent qui passait la frontière (Rires ironiques à l'extrême gauche), a voulu savoir ce que cachaient ces menées. On a mis le service des renseignements à sa disposition et il a pu renseigner exactement M. le président du conseil et M. le ministre de l'intérieur, qui s'appelait alors M. Barthou, si je ne me trompe. Il a pu lui dire, dans un rapport qui n'a pas disparu, j'espère ces documents doivent être conservés précieusement: « Il y a de l'argent qui passe la frontière !... » (Nouveaux rires sur les mêmes bancs.)

www

M. Augé. Esterhazy aussi a passé la frontière.

M. Lasies. «...Il y a tels ou tels personnages suspects dont les allées et venues m'inquiètent; ils vont à tel endroit; l'argent vient d'ici et va là. »

si je

Ces deux rapports sont restés sans réponse. Un troisième a été envoyé et, ne metrompe, le ministre de l'intérieur qui a succédé à M. Barthou, M. Brisson, a répondu en révoquant le préfet. (Exclamations ironiques à droite.)

M. Henri Brisson. Qu'est-ce que vous voulez dire? (Bruit à droite.)

A gauche. Expliquez-vous !

M. Lasies. J'explique et je dis qu'il y a eu trois rapports faits par un préfet d'un département frontière...

A gauche. Quel préfet? Nommez-le !

|

M. Périllier. Ce ne sont plus des accusa

M. Lasies. J'ai voulu simplement prouver d'une façon péremptoire que le Gouvernement doit se décider enfin à régler définitivement cette question de la revision du procès Dreyfus. Et je suis persuadé que si M. le garde des sceaux, si M. le président du conseil montent à cette tribune et demandent à la Chambre de donner au Gouvernement un moyen légal de terminer cette affaire, la Chambre ne le leur refusera pas. M. Henri Brisson. Vous n'avez toujours pas précisé. (Vifs applaudissements à gauche. Interruptions et bruit à droite.)

[ocr errors]

M. le président. Comment, messieurs ! M. Brisson a été mis en cause, et vous ne voudriez pas lui permettre de répondre? (Très bien ! très bien !)

|

M. Pastre. Vous parlez et M. Lagasse n'est pas autorisé à vous répondre!

M. le président. La parole est à M. Lasies pour terminer son discours.

M. Lagasse est inscrit pour lui répondre. M. Lasies. En terminant, j'ajoute un mot aux paroles si éloquentes que prononçait au début de cette séance M. le président de la Chambre, et je dis au Gouvernement: Prenez bien garde, écoutez bien les menaces qui vous viennent par delà les frontières.

M. Krauss. De Rome!

M. Lasies. Souvenez-vous que dans des circonstances aussi difficiles il ne faut pas que notre armée soit attaquée...

A l'extrême gauche. Qui l'a attaquée ? M. Lasies. Vous avez essayé de détruire la tête de l'armée, vous sapez l'état-major depuis dix-huit mois. (Bruit à l'extrême gauche.)

Monsieur le président du conseil, je vous demande, pour parer à toutes les éventualités, d'agir promptement. Dès à présent, nous pourrions peut-être vous demander, à vous qui n'avez pas su gouverner, qui nous laissez abreuver d'injures (Exclamation à l'extrême gauche), nous pourrions vous demander: Qu'avez-vous fait de l'honneur national? Prenez garde que demain M. Henri Brisson. Vous n'avez toujours peut-être la patrie en deuil ne soit obligée pas précisé les faits auxquels vous avez fait de vous demander: Qu'avez-vous fait de nos allusion après avoir cité mon nom, et cela légions (Bruit sur les mêmes bancs) que me permet, indépendamment de mon passé, nous vous avions données pour défendre de négliger ces insinuations. (Applaudisse- | la dignité des citoyens et l'honneur de la ments à l'extrême gauche et à gauche. Bruit à droite et sur divers bancs.)

M. Lagasse. On écrit dans les journaux que nous sommes vendus! (Rumeurs et bruit à droite.)

Monsieur le président, veuillez me permettre un mot de ma place.

M. le président. Volontiers, si l'orateur le permet.

M. Lasies. Parfaitement.

M. Lagasse. On raconte à nos électeurs, on écrit dans les journaux que nous sommes des vendus. (Interruptions et bruit sur les mêmes bancs à droite.)

M. le président. Laissez parler M. Lagasse, messieurs; l'orateur y consent. (Bruit.) M. Lagasse. Monsieur le président, voilà la tolérance des hommes qui ont intérêt à trahir la République! (Bruit prolongé à droite.)

M. Lasies. Que le Gouvernement demande à la Chambre les armes nécessaires pour agir...

M. Lagasse. Nous n'avons pas à supporter...

M. le président. Monsieur Lagasse, veuillez vous calmer.

M. Lagasse. Nous ne pouvons pas admettre cela.

M. Lasies. Il est certain, mon cher collègue, que je suis un des orateurs qu'on est obligé de subir; il me manque une chose que vous avez, le talent.

Messieurs, je n'en ai plus que pour deux minutes.

nation? (Applaudissements à droite et sur divers bancs à l'extrême gauche.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Lebret, garde des sceaux, ministre de la justice. Je demande à la Chambre, ayant la voix très fatiguée, quelques instants de sa bienveillante attention.

A droite. Demandez un grog! (Bruit.) M. le président. Messieurs, est-ce que le Gouvernement ne pourra pas s'expliquer? Il me semble qu'on l'a assez questionné cependant?

M. le garde des sceaux. Nous sommes en présence d'un nouvel incident de cette affaire en revision, si fertile en cette matière. Malheureusement, je crains bien que celui-ci ne soit pas le dernier. (Exclamations à droite.)

M. de Baudry d'Asson. Il y a longtemps que vous auriez dû la supprimer, la revision!

M. le garde des sceaux. En ce qui me concerne spécialement, j'ai été, à l'occasion de cette affaire, l'objet des attaques les plus violentes. On a dit, on a répété que j'avais foulé aux pieds des déclarations antérieures, que je m'étais mis en contradiction avec moi-même.

Si, comme citoyen, comme député, j'ai des sentiments auxquels je suis toujours resté fidèle, comme garde des sceaux je considère... (Nouvelles exclamations sur divers bancs à droite et à l'extrême gauche.) M. Dupuytrem. Lequel va parler? M. le président. Messieurs, vous ne per

mettez même pas qu'on achève une phrase! | les ordres de ses chefs, adressait tous les

M. le garde des sceaux....comme garde dés sceaux, j'ai des devoirs à remplir; je n'y faillirai pas. (Parlez!)

Le premier de ces devoirs... (Bruit.) M. le président. Je prie M. le ministre d'attendre le silence. Il est intolérable qu'il soit ainsi interrompu à chaque mot. (Très bien! très bien!)

M. le garde des sceaux. Le premier devoir qui s'impose à moi, c'est d'assurer, dans un esprit de haute impartialité, le cours normal et régulier de la justice. (Très bien! très bien!) Lorsque la magistrature a été attaquée, j'ai considéré qu'il était de mon devoir de la défendre.

M. de Baudry d'Asson. Et l'armée ? M. le président. On ne peut pas tout dire à la fois, monsieur de Baudry d'Asson. Attendez !

soirs au gouvernement militaire de Paris,
des rapports.. (Interruptions et applau-
dissements ironiques à l'extrême gauche et à
gauche.

Très bien! très bien! à droite.)

M. de Baudry d'Asson, C'est son droit.
M. Firmin Faure. Il faut l'en féliciter!
M. le garde des sceaux, Le capitaine
Herqué et en faisant cela, il ne faisait
que son devoir...

M. le général Jacquey. C'est le règlement.
M. le garde des sceaux. Il adressait des
rapports à ses chefs sur les incidents qui
se passaient au cours des missions dont il
était chargé. C'est le droit commun. (Très
bien! très bien!)

M. le général Jacquey. Je répète que c'est le règlement!

M. le garde des sceaux. Ces rapports, je les ai demandés; j'en ai pris connaissance, M. de Baudry d'Asson. J'espère, mon- j'en ai fait des extraits, et je les ai joints sieur le président, que cela viendra. Voilà au dossier, Ce que je veux dire, mes pourquoi j'écoute attentivement. sieurs, c'est que le dossier est là, absoluM. le président. Vous faites bien; mais ment complet, et je vais en donner connaisgardez le silence.

M. le garde des sceaux. Depuis, à l'occasion d'incidents qui sont connus de tous, des allégations précises ont été formulées à l'égard de certains magistrats.

M. Paul Bernard. Et avec raison.
M. le président. Mais on ne vous de-
mande pas votre avis. (Très bien! et rires.)
C'est au Gouvernement qu'on s'est adressé.

M. le garde des sceaux. J'ai estimé que, pour le bon renom même de la magistrature...

M. Firmin Faure. Il est bien compromis! M. le garde des sceaux. ...le devoir s'imposait à moi d'examiner ces allégations avec la plus grande attention et de les soumettre à des enquêtes nécessaires. Et ici encore, messieurs, je tiens à protester énergiquement contre le reproche qui m'était adressé tout à l'heure; ces enquêtes ont été à la fois loyales et complètes. (Mouvements divers) et je vais vous dire comment.

Dans ces enquêtes, je ne me suis pas contenté de faire entendre les différentes personnes qui pouvaient témoigner des faits allégués, et parmi ces personnes se trouvait naturellement le capitaine Herqué qui a déposé comme témoin,

M. Marcel Habert. Lisez son rapport! M. le président. Est-ce que vous voulez vous substituer au Gouvernement, monsieur Marcel Habert? (On rit.)

M. Cuneo d'Ornano. Cela viendra.

M. le garde des sceaux. J'ai voulu compléter les dépositions des témoins par tous les documents offrant un caractère certain d'authenticité, qui pouvaient apporter une lumière quelconque sur les faits soulevés.

sance à la Chambre. (Applaudissements.)

ment décisifs des dépositions qu'il a entendues. Or, de l'ensemble de ces documents, en y joignant les rapports du capitaine Herqué, voici ce qu'il résulte ;

Le fait se passait le 24 novembre; ce jour-là, M. Picquart...

M. le général Jacquey. Monsieur!

M. le garde des sceaux. ...avait été amené à la cour de cassation pour y être entendu; il y avait déjà été amené plusieurs jours de suite inutilement, sauf, cependant, la veille, où il avait été entendu pendant une heure, de cinq heures à six heures.

Il n'y a pas de salle de témoins à la cour de cassation, car, dans les matières ordinaires, la cour de cassation n'a jamais à entendre de témoins. On plaçait donc tous les jours M. Picquart, le capitaine de gendarmerie et l'agent de la sûreté qui l'accompagnaient dans un cabinet de président. Les présidents ont des cabinets qu'ils n'occupent pas tous les jours et dans lesquels ils viennent travailler. On s'est donc servi d'un de ces locaux pour y placer le prisonnier. (Mouvements divers.)

J'ai fait une enquête aussi complète, aussi
loyale que possible; et j'ai obéi à ce senti-
ment que c'était en dehors de tout parti-
pris, en dehors de toute idée préconçue, que
le garde des sceaux, à l'occasion des inci-
dents qui avaient été soulevés, devait s'at-rait pas l'entendre ce jour-là.
tacher à la recherche de la vérité. (Très
bien! très bien !)

Le jeudi 24, au cours de l'audience de la chambre criminelle, le président chargea M. le conseiller Bard, qui était rapporteur et qui siégeait à côté de lui, d'aller avertir M. Picquart et son gardien qu'on ne pour

Ces enquêtes, je vais les faire passer sous vos yeux.

M. Maurice Faure. Très bien !

M. le garde des sceaux. Je tâcherai de vous épargner, dans la mesure du possible, les lectures...

M. Marcel Habert. Au contraire, lisez tout! M. le garde des sceaux. ...mais j'ai bien soin d'ajouter que je ne voudrais pas qu'il y eût dans l'esprit d'un membre quelconque de la Chambre cette idée que j'ai cherché à dissimuler quoi que ce soit.

M. Maurice Faure. Personne ne peut vous suspecter, monsieur le garde des sceaux. M. le garde des sceaux. Et si certains de mes collègues jugeaient utile que l'attention de la Chambre fût appelée d'une façon spéciale sur certains points, je m'empresse

rais de le faire.

Messieurs, dans cette affaire on peut dire qu'il y a en quelque sorte trois actes successifs, et le troisième est encore inachevé. Je commence immédiatement par le premier. (Mouvements divers.)

Le premier acte, c'est ce qu'on a appelé l'incident Bard. Vous avez lu dans les journaux la déposition écrite qui a été faite sur ce point par M. Quesnay de Beaurepaire.

Il n'a pas été seul entendu. On a recueilli En ce qui concerne le capitaine Herqué, les témoignages des différentes personnes non seulement j'ai recueilli son témoi- qui avaient été mêlées à l'affaire, et spéciagnage, mais encore j'ai fait verser au dos- lement de M. le capitaine Herqué. J'ai reçu sier le rapport complet qu'il avait adressé les explications de M. Bard lui-même, et enfin à ses chefs à la suite de sa première audi- un rapport de M. le premier président Mation devant M. le premier président Mazeau. zeau, que j'avais chargé de procéder à l'enJ'ai pensé que ce n'était pas suffisant. J'ai ap- quête, rapport dans lequel il relate les prinpris, en effet, que le capitaine Herqué, sur | cipaux passages, les passages véritable

-

Un membre à l'extrême gauche. Il faisait l'huissier! (Exclamations sur divers bancs.) M. le garde des sceaux. Et pourquoi, j'insiste sur ce point en passant, -pourquoi cette communication était-elle faite par M. Bard comme, dans un autre cas, elle a été faite par M. Low lui-même? C'est tout simplement parce que la chambre criminelle, procédant à des mesures d'instruction sans la présence d'aucune personne étrangère...

M. Gauthier (de Clagny), Sauf un greffier! (Mouvements divers.) C'est capital!

M. le président. Mais laissez donc quelque chose à dire à ceux qui répondront. Vous voulez tout dire à la fois! (Très bien!)

M. le garde des sceaux....sauf un greffier, qui était occupé à écrire les dépositions sous la dictée du président. Le président avait chargé M. le conseiller Bard d'aller faire la communication en question.

Le conseiller Bard arrive au cabinet de M. de Beaurepaire. Il entre et se trouve en face de M. de Beaurepaire, qui était ce jour-là — un jeudi - dans son cabinet, car il venait travailler tous les jeudis. Que s'est-il passé entre eux?

Si vous prenez la déposition de M. Bard et les explications de M. de Beaurepaire, vous trouvez qu'en somme, après un moment d'étonnement... (Rires ironiques sur divers bancs à droite et à l'extrême gauche.)

M. de Baudry d'Asson. Bien naturel! M. le garde des sceaux. Oui, bien naturel. (Bruit à l'extrême gauche.)

M. le président. Messieurs, ne prolongez pas trop ce moment! (Sourires.)

M. le garde des sceaux....M. le conseiller Bard, s'adressant à M. Quesnay de Beaure

« EelmineJätka »