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entrer franchement et résolument dans la voie de la décentralisation administrative (Très bien! très bien!); il faut rendre à nos départements et à nos communes la connaissance d'une foule d'affaires qui exigent aujourd'hui l'intervention de tant d'intermédiaires, intervention qui a pour résultat de rendre la solution de ces affaires plus longue et plus coûteuse.

M. le rapporteur général. Y comprenezvous les raffineurs ?

et

nistère de l'agriculture, et dont le total supérieure de plus de 1 hectolitre à celle de forme actuellement 110 millions... la période décennale précédente, et que, par conséquent, si la progression continue tout permet de l'espérer, étant donnée l'intervention des facteurs que je viens d'énumérer nous arriverons avant dix ans à une production moyenne de 17 hectolitres à l'hectare, et qu'alors l'éventualité dont je viens de parler se réalisera.

M. Aimond. ... et dont la dernière en date est celle qui résulte de la loi du mois d'avril 1897, par laquelle vous avez accordé une prime d'exportation à l'industrie sucrière, prime qui venait s'ajouter à celle M. Eugène Fournière. Commençons par déjà bien considérable dont elle jouissait supprimer les sous-préfectures!

déjà.

M. Plichon. C'est l'Allemagne qui avait pris cette initiative; nous n'avons fait que nous défendre!

M. Aimond. Vous avez nommé, au début de cettre législature, une commission de décentralisation; espérons qu'elle voudra bien nous apporter, avant la fin de cette M. Aimond. Je me borne à constater, même législature, des conclusions simples sans aborder le fond de la question. et pratiques dont l'adoption aura une heu- M. Maurice-Faure. En ce qui touche la reuse répercussion sur nos budgets. Espé- sériciculture, si des primes nous ont été acrons également que la commission due à cordées, c'est en manière de compensation, l'initiative de notre collègue, M. Dutreix, et parce qu'on nous a refusé des droits de qui a pour objet la revision des appointe-douane. Qu'on nous accorde des droits de ments de nos fonctionnaires, voudra bien aussi porter son attention sur l'utilité des emplois. De telle sorte que, si nous le voulons, nous pouvons, sur divers points, opérer des économies très importantes, qui sont nécessaires pour faire équilibre à des dépenses inévitables, à des dépenses fatales, à ces dépenses que je crois incompressibles et qui sont déjà déposées en germe dans nos budgets.

Vous avez donné à ces dépenses un nom spécial: vous les avez décorées du nom de primes. Ces primes sont en réalité de véritables subventions que nous prélevons sur le budget, c'est-à-dire sur l'apport total des contribuables, pour les distribuer à certaines catégories d'autres contribuables, en vue d'aider ceux-ci dans la lutte pour l'existence.

A l'extrême gauche. Quelquefois pour les enrichir.

M. Aimond. Ces primes n'existaient pour ainsi dire pas, il y a douze ans, dans nos budgets; au budget de 1899 elles sont inscrites pour 110 millions de francs. Dans ce total je ne fais entrer, croyez-le, ni les subventions que nous accordons à nos départements, à nos communes ou à certaines villes pour des travaux d'utilité publique, ni les subventions que nous donnons à certaines compagnies de transports ou de navigation, parce qu'on peut les considérer comme accomplissant un service public. Je n'y comprends même ni les subventions ni les annuités que nous servons à nos compagnies de chemins de fer en vertu des conventions, parce qu'alors on pourrait peut-être prétendre que ce sont là des placements de père de famille dont nos enfants et petits-enfants retrouveront tout le bénéfice.

M. Jourde. Ils retrouveront l'échéance pour payer, s'ils le peuvent.

M. Aimond. Les primes dont je parle, nous les abandonnons sans aucun esprit de retour; ce sont celles qui sont inscrites dans deux chapitres du ministère des finances, dans sept chapitres du ministère du commerce, dans trois chapitres du mi

douane, et nous renoncerons aux primes.

M. Aimond. Je ne veux pas discuter pour le moment les primes accordées à l'industrie sucrière ou à la sériciculture, mais enfin, lorsqu'on dit que nous avons augmenté les dépenses publiques, j'ai bien le droit de les passer en revue et de dire dans quel intérêt cette augmentation a eu lieu. (Très bien! très bien!)

J'ai le droit de dire que vous avez ouvert une porte qu'il sera bien difficile de fermer. Et, en effet, que ferez-vous, par exemple, lorsque nos 18 millions de cultivateurs, mettant en pratique les enseignements qu'ils trouvent dans nos établissements d'agriculture et qu'ils reçoivent des professeurs départementaux, puisant aussi de nouvelles forces dans la loi sur les syndicats professionnels, utiliseront enfin de plus en plus les nouvelles méthodes culturales, les engrais chimiques, comme, par exemple, le phosphate de chaux, qui produira dans l'agriculture la même révolution que le charbon a faite dans l'industrie?

M. Morinaud. A condition de ne pas les laisser aux Anglais!

M. Aimond. Que ferez-vous lorsque la production moyenne du blé égalera et dépassera même la consommation?

M. Honoré Leygue. C'est ce qui est arrivé cette année.

M. Aimond. Accorderez-vous à ce moment aux cultivateurs, comme à l'industrie sucrière, 4 ou 5 fr. de prime par quintal pour exporter le surplus de leur production dans un pays perpétuellement acquéreur, ou bien leur opposerez-vous cette loi d'airain de la liberté de l'offre et de la demande, loi que vous avez fait fléchir en faveur d'intérêts qui ne peuvent être ni plus dignes de sollicitude ni plus recommandables?

Vous pourrez me dire que c'est là une hypothèse très lointaine; cependant ceux d'entre vous qui suivent avec intérêt les statistiques publiées par le ministère de l'agriculture savent très bien que la production du blé, dans la dernière période décennale, est arrivée à près de 16 hectolitres à l'hectare, soit une quantité

Admettons que nous ne voulions pas nous mettre en face de cette éventualité; rangeons la dans le domaine des hypothèses lointaines. Mais que ferez-vous, par exemple, quand vous voterez cette loi que vous avez tous, à quelque parti que vous apparteniez, promise à vos électeurs, cette loi qui figure dans toutes les déclarations ministérielles? Je veux parler de la caisse des retraites pour les vieux travailleurs. (Très bien! très bien! à gauche.)

Vous savez que tous les projets qui traitent de cette matière, qu'ils proviennent de l'initiative parlementaire ou de celle du Gouvernement, ont tous un point commun: l'intervention, la participation financière de l'Etat. Et ce ne sont certainement pas les quelques millions que vous avez inscrits en faveur des mutualistes ou pour l'assistance des vieillards qui suffiront à assurer le fonctionnement de cette loi.

J'admets encore que, sur ce point, vous aboutissiez, comme pour l'octroi, comme pour les réformes fiscales, à un ajournement. Mais il y a une loi qui fonctionne actuellement, la loi sur les pensions civiles, que vous avez étendue à tous les salariés de l'Etat. Ceux qui connaissent bien la question savent que ce ne sera pas 73 millions qu'il faudra, comme aujourd'hui, inscrire au budget, mais peut-être 100 millions, dans quelques années.

M. Puech. Plus encore! On prévoit de 115 à 140 millions.

M. Aimond. Je pourrais, messieurs, vous apporter ici d'autres éventualités aussi certaines et vous montrer d'autres dépenses qui sont à notre porte. Pour faire équilibre à ces dépenses nouvelles, il faut donc rechercher des économies de façon à ne pas faire appel à l'impôt. Ces économies, la commission du budget en a réalisé pour 70 millions. Je ne voudrais pas passer pour pessimiste; cependant j'ai le droit, en quelques mots, d'examiner la situation. (Très bien! très bien!)

M. Jourde. Tous les crédits supplémentaires ne sont pas encore votés, mon cher collègue. Attendez la fin de l'exercice.

M. Aimond. Je parle des prévisions de dépenses; j'envisage le budget de 1899 et non celui de 1898.

Je dis que la commission du budget nous présente un ensemble d'économies évalué à 70 millions. Je ne parle pas des 23 millions d'économies effectuées par la commission du budget, parce que je crois qu'on s'expliquera à la tribune sur ce point. Je m'attache seulement aux 46 millions et demi d'économies présentées par le Gouvernement. J'en fais trois tranches.

La première, de 11 millions, correspond | à l'amortissement des obligations à court terme et aux avances pour travaux de l'Exposition: c'est évidemment une économie.

Une deuxième tranche, de 12 millions et demi, correspond, dit l'exposé des motifs, à des travaux terminés et qui ne se représenteront pas dans les exercices ultérieurs. Sur ce point, je pourrais faire quelques réserves, comme, par exemple, sur la prétendue économie faite sur les travaux de la Chambre des députés, à moins que vous ne renonciez à la reconstruction de la salle actuelle. Mais j'admets encore que ce soient là des économies.

que je ne le croie pas. Mais un point sur le- j l'accroissement probable de nos recettes. quel je ne me suis pas trompé, c'est le cha- Je n'en veux pour preuve que la difficulté pitre relatif au contentieux de l'Etat. Nous que le Gouvernement et la commission du avons voté cette année 7 millions et demi de budget ont rencontrée pour établir l'équilicrédits pour payer les frais de procès enga- bre du budget. gés et perdus par l'Etat. Nous avons déjà à cette tribune présenté des observations à ce sujet; nous avons déploré les habitudes administratives grâce auxquelles des procès durent plus de quatorze ans, de telle sorte que souvent le principal de la condamnation n'entrait pas pour 40 p. 100 dans le total des frais à payer. Nous avons même signalé certains procès où l'Etat n'avait pas toujours eu le beau rôle. (Très bien! très bien! sur divers bancs à gauche.)

Pour les autres 23 millions, le ministre a J'ai de sérieuses raisons de croire que déclaré à la commission qu'il prendrait l'en- nous aurons à payer encore de ce chef pas gagement que ces économies véritables ne mal de millions cette année. Avec quels crése représenteraient pas sous forme de crédits y ferez-vous face? Je n'en vois pas un dits supplémentaires. Cela me semble ré- seul inscrit dans le projet de budget; aussi sulter du moins de la lecture du rapport de je crains que notre budget des dépenses, M. Pelletan. qui se solde à 3 milliards 471,868,000 fr., ne soit notablement dépassé, et que les économies qui nous sont présentées ne soient en partie des économies fictives, sorties momentanément du budget de 1899 par le côté cour pour y rentrer bientôt par le côté jardin sous la forme de crédits supplémentaires.

M. le ministre des finances. J'ai dit que le budget était établi de la façon la plus sincère et que, autant qu'on pouvait le prévoir à l'heure où nous sommes, il n'y aurait pas lieu à crédits supplémentaires; mais je n'ai pu m'engager dans le cas où il se produirait des événements imprévus. (Très bien! très bien!)

A gauche. Vous n'avez pas pu surtout engager vos successeurs.

M. le rapporteur général. La vérité, c'est que toutes les fois que nous avons admis un chiffre de dépenses, nous avons demandé au ministre intéressé l'engagement de ne pas dépasser ce chiffre, à moins d'événements extraordinaires qu'on ne peut pas absolument éliminer d'un budget.

M. Aimond. Je m'attache au total de ces

46 millions d'économies effectuées sur

l'ensemble du budget, mais je crois devoir demeurer sceptique et je vais vous dire pourquoi. En même temps que M. le ministre déposait son budget primitif, il distribuait un cahier de crédits supplémentaires de 34 millions; il disait très sincèrement dans son exposé des motifs que ces 34 millions ne correspondaient pas à des dépenses extraordinaires commandées par des événements extraordinaires, mais qu'ils étaient nécessités, pour la plus grande partie, par les imprévisions du budget de 1898, et il nous faisait pressentir qu'une grande partie de ces crédits supplémentaires se reproduiraient pour 1899 et les exercices subséquents.

Passant alors en revue les différents chapitres, je me suis demandé si M. le ministre, dans son projet de budget, les avait mis à la hauteur de ses prévisions nouvelles; il m'a semblé qu'il n'en était pas ainsi, qu'il s'était trompé, qu'il y avait 12 millions d'insuffisance, en particulier en ce qui concerne la marine marchande et les primes à l'exportation des tissus.

Je désire avoir commis une erreur, quoi1899. DÉP., SESSION ORD. ANNALES, T. I. (NOUV. SÉRIE, ANNALES, T. 57.)

On a répondu déjà à cette objection. On a dit: Mais les budgets ne peuvent être que des budgets de prévision, et, par conséquent, il faut s'attendre à des dépassements de crédits; pour leur faire équilibre, on a toujours, d'une part, les annulations de crédits, et, d'autre part, les plus-values de re

cettes.

Quant aux annulations de crédits, dans le compte général de l'administration des finances recherchez-en la quotité depuis vingt ans, et vous verrez qu'elles ressemblent bien à cette peau de chagrin dont par

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Vous savez ce qui s'est passé. Le Gouvernement, dans son projet primitif, s'était d'abord trouvé en face d'une insuffisance de 19 millions. Il avait pensé la combler au moyen d'un expédient et de l'impôt. L'expédient? C'était une cagnotte qu'il avait retrouvée quelque part dans un recoin du Trésor et qui devait contenir 14 millions de mandats-poste périmés. Mais quand la commission du budget a brisé cette cagnotte, elle a constaté qu'elle ne contenait plus rien...

M. le ministre des finances. C'est une erreur!

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Pour l'impôt, M. le ministre des finances a puisé à la source dont nous avons usé et abusé depuis vingt-huit ans, à l'impôt indirect. La commission du budget n'a pas voulu non plus faire appel à cet impôt; elle n'a pas voulu inaugurer cette législature par un impôt sur le tabac...

M. le ministre des finances. Sur le tabac

lait Balzac et qui diminuait de plus en plus. du riche!

Par les raisons que j'ai indiquées, nous arrivons, je crois, pour cette année, à 23 millions; nous les avons connues à 100 millions et plus, il y a dix ou douze ans. M. le ministre des finances. Cela prouve que le budget est mieux fait aujourd'hui.

M. Aimond. C'est donc là une ressource dont je ne veux pas faire grand état.

Nous aurons aussi les plus-values de recettes; mais d'où proviennent-elles, si ce n'est, pour 60 p. 100 au moins, du produit des douanes? Or, quand ces produits donnent beaucoup, c'est que la récolte en blé et en vin a été mauvaise pour notre pays; et pouvons-nous raisonnablement ici souhaiter une mauvaise récolte, en blé et en vin, pour 1899? Non, n'est-ce pas? (Très bien! très bien !)

Vous le voyez donc, je ne crois pas que nous puissions équilibrer, même au moyen des annulations de crédits et des plus-values de recettes, les insuffisances qui, je crois, existent dans le budget de 1899.

En vérité, nous sommes arrivés au moment précis où l'accroissement de nos dépenses est beaucoup plus considérable que

M. Aimond. ...elle n'a pas voulu faire l'en félicite. En réalité, M. le rapporteur ce nouveau cadeau aux contribuables, et je général a proclamé l'équilibre du budget absolument instable; cet équilibre est à la merci du moindre choc, du moindre événement. Par conséquent, si le déficit se produit, il faudra bien nous mettre en face ou d'un emprunt, ou d'un impôt.

Eh bien est-il encore possible d'augmenter l'impôt dans notre pays? Pour le savoir, il suffit de jeter un coup d'œil rapide sur le budget des recettes. Le budget s'élève à 3,473 millions; si vous retranchez de ce chiffre 58 millions du produit du domaine, 14 millions de ressources exceptionnelles, 66 millions de recettes d'ordre, 326 millions représentant les dépenses d'exploitation de nos monopoles, il reste pour le produit des impôts de toute nature, un peu plus de 3 milliards. Voilà donc la part de l'impôt dans le budget des recettes. Sur ces 3 milliards, il en représente les neuf dixièmes! Dans ce total, l'impôt direct intervient pour 521 millions, l'impôt indirect pour 2,490 millions.

6

La dernière statistique quinquennale | arrêtée depuis trois ans dans le défilé sénous indique qu'il y a, en France, 10,760,000 ménages. Cela fait donc, par ménage, une charge de 300 fr., se répartissant ainsi : 50 fr. pour l'impôt direct et 250 fr. pour l'impôt indirect. Il est bien entendu que je ne parle ici que des impôts d'Etat; car, si nous ajoutions ceux des départements et des communes, les prestations et certaines autres taxes, nous arriverions au chiffre de 380 fr. par ménage. Mais, je le répète, je m'en tiens aux impôts d'Etat. Ainsi donc, chaque ménage, en France, supporte en moyenne 300 fr. d'impôt dont un sixième sous forme d'impôts directs, et cinq sixièmes sous forme d'impôts indirects.

On me dira qu'un raisonnement sérieux ne peut être bâti sur des moyennes. Je vous l'accorde, mais seulement pour l'impôt direct. En effet, une statistique dressée par

l'administration des contributions directes nous indique que, sur les 10,760,000 ménages, 2,225,000 environ sont complètement indigents, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas inscrits aux quatre contributions directes, - ils ne payent même pas la cote personnelle; 1,500,000 ou 1,225,000 ménages acquittent seulement la cote personnelle. Voilà donc un peu moins de 4 millions de ménages qui ne payent pas l'impôt direct; les 521 millions d'impôts directs sont donc répartis sur 7 millions de ménages environ.

Mais pouvez-vous faire le même raisonnement pour les impôts indirects ? Pouvezvous dire qu'il y a en France, non pas 4 millions de ménages, mais même un seul ménage qui ne paye pas l'impôt indirect? Vous savez bien que non. Les économistes qui se sont occupés de la question

sont tous arrivés à des conclusions identi

ques, qu'ils aient fait porter leur enquête

au Nord, au Sud, à l'Est ou à l'Ouest,

Ils ont démontré que le plus pauvre mé

nage, en France, acquittait de 120 à 140 fr.

d'impôts indirects. En effet, il n'y a pas de

ménage qui n'acquitte journellement les taxes sur l'alcool, le vin, le cidre, la bière, le vinaigre, le sel, la bougie, le sucre, le tabac, les allumettes, etc. Et ce sont toutes

ces petites sommes, qui, multipliées par 365, ces petites sommes, qui, multipliées par 365, produisent annuellement la somme de 120 à 140 fr. que je viens d'indiquer.

Eh bien! Pouvons-nous encore demander à ces 4 millions de contribuables de nouveaux sacrifices? Est-ce que nous n'avons pas dépassé pour eux la limite de ce qu'il est possible de leur imposer? (Très bien! très bien!) Est-ce que, de l'examen de ces recettes, et par conséquent de nos impôts, ne résulte pas au contraire l'obligation où nous sommes de voter tout au moins les

projets de loi qui apporteraient dès à pré

sent une certaine amélioration à cette si

tuation, de répartir ces impôts directs et indirects d'une façon plus juste et plus équitable... (Nouvelles marques d'approbation.) M. le rapporteur général. Très bien! M. Aimond. ...de voter, par exemple, la réforme des droits de succession qui est

natorial..... (Applaudissements à gauche.) M. Delon-Soubeyran. Il n'est pas trop tôt qu'on cherche à faire aboutir cette réforme! M. Aimond.... de voter les projets de loi si intéressants qui auraient pour objet de reviser ces taxes d'enregistrement, ces droits de timbre qui chargent si lourdement les petites propriétés, ainsi que l'administration elle-même le proclame, puisque pour les mutations à titre onéreux la petite propriété est chargée de 27 p. 100; de reviser aussi nos taxes de consommation comme, par exemple, la taxe quipèse sur le sucre, cet objet de première nécessité? (Très bien! très bien!)

Si vous ne voulez pas reviser la législation qui protège cette industrie, qui lui donne, à mon sens, une sécurité et une prospérité trompeuses (Très bien! très bien! sur divers bancs), qui lui prépare un cruel réveil lorsque les événements qui se passent de l'autre côté de l'Atlantique auront donné toutes leurs conséquences, alors que par cette législation nous restreignons chaque année dans notre pays la consommation d'un produit qui serait le plus utile soutien dans la lutte contre l'alcoolisme (Très bien! très bien!), n'avons-nous pas aussi l'obligation de voter enfin la loi sur le régime des boissons hygiéniques, cette loi, qui va du Sénat à la Chambre comme sur une raquette, cette loi que notre collègue M. Salis a déjà rapportée cinq ou six fois, je crois...

M. Plichon. Il la rapportera encore !

M. Aimond. ... et dont l'odyssée n'est pas encore terminée ! de voter enfin cette fameuse loi sur la réforme fiscale de nos

impôts directs, cette loi pour laquelle vous

avez livré tant de batailles à cette tribune et

dans le pays, cette loi où vous en êtes encore à discuter sur le titre, alors que le pays, indifférent aux mots mais pas indifférent aux choses, comprend cependant cette réforme sous une formule bien simple que, quant à moi, je voudrais voir inscrite en tête du programme de la ligue des contribuables: « Ne rien demander à celui

coup à celui qui a beaucoup. » (Applaudisqui n'a rien, peu à celui qui a peu, et beausements à gauche.)

M. Plichon. C'est le système de la proportionnalité dans l'impôt!

M. Jourde. On ne vous admettrait pas, monsieur Aimond, dans la ligue des contribuables, avec ce programme-là!

M. le rapporteur général. C'est la ligue des contribuables privilégiés.

qu'elle ait le temps matériel de continuer son œuvre de contrôle, de reviser l'ensemble de nos dépenses budgétaires, de faire disparaître toutes ces dépenses parasitaires et inutiles qui augmentent démesurément le total. Je le voterai pour donner aussi le temps à la Chambre de voter quelques-unes des réformes dont j'ai donné tout à l'heure l'énumération, afin que le prochain budget qui verra naître le vingtième siècle renferme tout au moins quelques-unes de ces satisfactions que le pays réclame depuis si longtemps, que la démocratie attend...

M. Lasies. Le prochain budget sera de 4 milliards, voilà tout! (Bruit.)

M. Aimond. ... et dont la réalisation sera tout à l'honneur de la République. (Vifs applaudissements à gauche. L'orateur, de retour à son banc, reçoit des félicitations.)

M. le président. La parole est à M. Gayraud,

M. Gayraud. Ainsi que le disait tout à l'heure M. Aimond, le projet de budget soumis enfin aux délibérations de la Chambre

ne soulève aucun débat passionné; il ne nous apporte en effet aucune idée nouvelle qui soit de nature à échauffer les esprits, ni aucune réforme inquiétante.

On se propose seulement de faire un budget conforme aux nécessités gouvernementales et administratives et bien en équilibre, ce que M. Pelletan a appelé spirituellement un budget d'attente.

A-t-on réussi à établir solidement cet équilibre budgétaire? Je vais essayer de répondre à cette question, et vous me permettrez ensuite, messieurs, de présenter quelques considérations générales sur les causes principales de l'accroissement de nos budgets et sur les mesures à prendre pour arrêter cette progression menaçante. J'espère ne pas fatiguer trop longtemps. l'attention de la Chambre. (Parlez! parlez!)

Je commencerai par comparer le projet de la commission avec le projet du Gouvernement.

Le projet préparé par M. Peytral porte les dépenses à 3,474 millons en chiffres ronds et les recettes à 3,474,837,000 fr., d'où un excédent de recettes de 742,821 fr., tandis que le budget préparé par la commission ne nous présente que 3,471,868,000 fr. de dépenses et 3,471,995,000 fr. de recettes, d'où un excédent de recettes de 127,464 fr. seulement.

Il résulte de cette comparaison que le

M. Palix. La ligue des gros contri- budget de M. Peytral serait plus avantageux buables!

M. Aimond. Telles sont les considéra

tions que je voulais présenter à la Chambre à l'occasion de l'examen de ce qu'on a appelé l'état de nos recettes et de nos dé

per.ses.

Je voterai cependant ce budget malgré toutes ses imperfections et ses défauts, parce que je désire avant tout donner la parole à la commission du budget pour

que celui de la commission, puisque celle-ci ne nous offre que 127,000 fr, d'excédent de recettes, tandis que celui de M. Peytral assure un excédent de 742,000 fr. (Mouvements divers.)

M. Jourde. Avantageux pour qui ? Pour ceux qui payent?

M. Gayraud. Mais il me paraît que le budget préparé par M. Peytral n'est pas réel. M. Pelletan nous assure que le budget

réel contient, au contraire, un déficit dissi- | duit à rien cette recette exceptionnelle, | qu'à 3 milliards 436 millions et celles de mulé de 30 à 40 millions.

En effet, en examinant attentivement, comme il le mérite, le rapport de M. Pelletan, j'ai été frappé des différences de chiffres qu'il renferme par rapport au projet de M. Peytral, sur le budget même de ce dernier.

Ainsi, d'après les tableaux annexés au projet de M. Pelletan, concernant les crédits proposés par le Gouvernement pour la France, M. Peytral demanderait 3 milliards 419 millions en chiffres ronds. Or, M. Peytral ne demande en réalité que 3 milliards 400 millions; M. Pelletan majore donc le chiffre de M. Peytral de 18,817,000 fr.

De même, pour l'Algérie, je trouve dans

le rapport de M. Pelletan une majoration de 188,000 fr. environ sur les chiffres présentés par M. Peytral.

D'après M. Pelletan, le Gouvernement nous demanderait donc 3 milliards 493 millions, alors qu'en réalité, M. Peytral ne demande que 3 milliards 474 millions. Cette majoration représente, d'après M. Pelletan, des dépenses nécessaires non portées au budget par M. Peytral et dont on peut voir le détail dans le rapport de M. Pelletan.

Je ne me permettrai pas de fatiguer l'attention de la Chambre en énumérant ici ces différentes majorations.

M. le rapporteur général. Ce n'est pas nous qui les avons demandées; elles résultent de demandes que le Gouvernement a présentées ultérieurement.

M. Gayraud. Je le sais, monsieur le rapporteur général, et les observations que je présente sont prises dans votre propre rapport.

D'après les modifications que la commission a fait subir au projet du Gouvernement, les majorations proposées par le

mais elle a fait remarquer à très juste titre,
à mon avis, qu'on ne pouvait pas d'abord
faire figurer dans les produits divers une
somme de 334,000 fr. sous la rubrique
des « dépôts d'argent non réclamés aux
agents des postes » puisque cette somme
est déjà comprise dans les 14 millions pro-
posés par le ministre des finances. Il faut

donc de ces 14 millions déduire déjà ces
334,000 fr. En outre, dans les 14 millions
de dépôts qui se trouvent dans les caisses
des postes et télégraphes, il y a des dé-
pôts qui ne deviendront la propriété de
l'Etat, en vertu de la prescription, qu'en

1900 ou 1901.

M. le ministre des finances nous dit que
suivant toutes probabilités, d'après ce qui
arrive ordinairement, on peut compter qu'il
ne sera réclamé qu'une somme qui laissera
un résidu disponible; mais j'estime que,
conformément à ce que dit M. Pelletan, on
n'a pas le droit d'attribuer au budget de
cette année des sommes qui n'appartien-
dront à l'Etat qu'en 1900 ou 1901. C'est donc
à juste titre que la commission du budget

a refusé de faire figurer, aux ressources
exceptionnelles, cette somme de 14 mil-
lions présentée par M. le ministre des
finances.

De là cette conclusion que la somme des
recettes prévues par M. Peytral, au lieu
d'être de 3 milliards 474 millions, tombe à
3 milliards 455 millions environ, d'où un
déficit réel de 38 millions. En face de ce

déficit, il est évident que l'avantage que je
signalais dans le projet de M. Peytral dis-
paraît et passe à celui de la commission.
Celle-ci réduit d'abord les dépenses d'une
somme de 21,230,000 fr. et propose 3 mil-
liards 471 millions de dépenses; mais il
reste à trouver de 16 à 17 millions de recettes

1897, d'après le numéro du Journal officiel que je viens de citer, ne seront que de 3 milliards 380 millions de francs.

M. le rapporteur général. C'est un chiffre très provisoire; il sera temps plus tard

de le rectifier.

M. Gayraud. Il semblait donc très difficile de trouver une somme de 16 ou 17 mil

lions au-dessus du chiffre ordinaire des

recouvrements.

La commission a repoussé tout d'abord une recette extraordinaire de 2,087,000 fr.

résultant du gain d'un procès engagé par

l'enregistrement contre le Crédit foncier. Elle a repoussé également la majoration proposée sur les céréales et sur les vins. Mais elle accepte une plus-value de 4 millions qui doit résulter de la répression énergique de la fraude dans les brasseries et les distilleries.

Elle accepte encore ce que M. Pelletan a d'une « espèce de travail de ravaudage », appelé avec beaucoup d'esprit les résultats qui consiste dans la revision faite à la der

nière heure des chiffres des recettes et des dépenses en vue de majorer les unes et de

diminuer les autres.

Ce travail de ravaudage a produit une somme de 10 à 11 millions qui, ajoutée aux 4 millions précédents, donne un total de 15 millions sur les 16 millions que la commission devait rechercher pour équilibrer ses recettes et ses dépenses. Il reste par conséquent 1 million à trouver encore. Ce

million a été ajouté dans les états annexés

au rapport de la commission sans doute par quelque autre «< travail de ravaudage » dont je n'ai pas pu suivre le fil. Voilà l'équilibre du budget présenté par la commission.

Ce qui constitue la gravité de la situation financière que révèle cet équilibre insta

Gouvernement lui-même seraient de 19 mil- pour remonter du chiffre de 3 milliards ble, avoué du reste par M. Pelletan, c'est

lions 683,000 fr. : cela donne bien le chiffre 455 millions au chiffre de recettes que prode 3 milliards 493 millions.

D'autre part, on ne se contente pas d'augmenter le chiffre des dépenses; on fait encore subir une diminution au chiffre des recettes contenu dans le projet de M. Peytral. M. Pelletan nous fait observer que l'on ne peut pas accepter l'élévation proposée sur la taxe des tabacs de luxe, d'après ce principe qu'il ne faut pas introduire d'impôts nouveaux, mais simplement faire des déplacements de taxes. Puis M. Pelletan ajoute que ce surcroît de taxes ne donnerait qu'un déficit pour le budget de 1899 et ne pourrait guère donner un accroissement que pour le budget de 1901 ou de 1902. C'est, à mon avis, une raison plus que suffisante pour diminuer les prévisions de 5,400,000 fr., ainsi que le fait M. Pelletan.

Parmi les ressources exceptionnelles encore proposées par l'honorable M. Peytral, on compte un prélèvement sur le solde des dépôts des valeurs encaissées par les receveurs des postes et des télégraphes. Sur ce point j'accorde, ainsi que le faisait tout à l'heure observer M. Peytral à l'honorable M. Aimond, que la commission n'a pas ré

pose la commission du budget.

que pour l'obtenir comme le diɩ M. Pelletan lui-même on a dû épuiser les ressources légitimes et réelles de la France. Il ne peut pas vous échapper que c'est là une situation très grave, très critique; il ne vous reste donc pas de ressources dis

ponibles pour une crise possible en dehors d'emprunts ou d'impôts nouveaux. (Réclamations sur divers bancs.)

M. le rapporteur général. On trouverait facilement 3 ou 4 milliards.

Comment est-elle arrivée à relever ainsi le chiffre de ses recettes? C'était une tâche difficile, si l'on se reporte au chiffre des recettes des années précédentes. Il y a dans le rapport de M. Pelletan un tableau des recouvrements qui présente un très grand intérêt; d'après ce tableau, qui va de l'exercice 1880 à celui de 1898, on voit que jamais le chiffre des recouvrements ne s'est élevé à la somme de 3 milliards 470 millions; la somme la plus élevée a été de 3 milliards 458 millions en 1894. On voit bien qu'en 1897 le chiffre des recouvrements se serait élevé à 3 milliards 528 millions; mais il doit y avoir là, il me semble, une erreur de calcul. Je me suis reporté au Journal officiel du 11 janvier Je trouve que cette situation est très 1898, et, d'après le tableau du chiffre total grave par elle-même. Lorsqu'une nation ne des recettes de 1897, tel qu'il se trouve peut équilibrer ses budgets qu'en épuisant dans ce numéro, on arrive à la somme de ses ressources normales, il semble que la 3 milliards 380 millions à peu près; le situation financière devient d'une gravité chiffre de 3 milliards 528 millions serait dès d'autant plus effrayante, que l'excédent lors exagéré; du moins je n'ai pas pu con- prévu par la commission du budget ne sera trôler ce chiffre extraordinaire; en tout probablement pas un excédent réel. L'excécas, les recettes de 1896 ne se sont élevées | dent prévu est de 127,000 fr. seulement;

M. Gayraud. Par l'emprunt, sans doute. Ce n'est pas ce que je veux dire; je parle de ressources normales. Vous avez dit vousmême que vous aviez épuisé, pour faire votre équilibre, les ressources légitimes et réelles de la France.

que devient-il en présence du découvert de 979 millions que nous avons en ce moment? En outre, messieurs, il existe, en dehors des dépenses portées au budget, d'autres dépenses extrabudgétaires, notamment celles qui seront faites avec les avances des compagnies. On doit exécuter en effet pour 60 ou 70 millions de travaux sur les voies ferrées.

Par conséquent, le chiffre réel de nos dépenses n'est pas 3 milliards 471 millions de francs; il faut y ajouter ces avances des compagnies, puisqu'elles constituent une dette contractée par l'Etat. Nous arriverons ainsi au total de 3 milliards 520 millions. Je crois mème que M. le rapporteur général donne un total plus élevé.

M. le rapporteur général. Il faudrait y ajouter aussi les 66 millions pour la guerre. M. Gayraud. Nous arrivons ainsi à 3 milliards 600 millions, et par conséquent à un gros déficit, à un énorme accroissement de la dette.

Voilà quel est l'équilibre budgétaire préparé parla commission du budget, et quelle

est la situation réelle de nos finances.

Maintenant, si l'on compare le budget présenté par la commission avec le budget qui a été voté en 1898, on trouve que les dépenses ont augmenté de 38,449,000 fr. et les recettes de 37,882,000 fr.

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Cette augmentation et M. Aimond a attiré fort justement votre attention sur elle tout à l'heure porte sur les services généraux des ministères pour 25,418,000 fr., et sur les frais de régie, perception et exploition des revenus publics pour 13,734,000 fr. Les services généraux des ministères qui bénéficient le plus de cette augmentation sont: la guerre, pour 9 millions; la marine, pour 15 millions; l'instruction publique, pour près de 3 millions, et les travaux publics, pour près de 4 millions. Les services bénéficiant de l'augmentation sur les frais de régie sont le ministère des finances, pour 10 millions, et le ministère des postes et des télégraphes, pour 3 millions. Certaines diminutions sur les services des finances, des cultes, du commerce et des colonies ramènent le chiffre des augmentations à la somme de 38,501,000 fr.

Je crois que personne ici ne conteste la gravité de cet accroissement de nos budgets. Pendant une période de paix à l'extérieur et d'ordre dans le pays, où sont les raisons qui justifient une augmentation de dépenses de près de 38 millions pour l'année qui vient de s'ouvrir?

Sans doute, il y a dans les budgets une tendance générale à s'accroître progressivement; cela tient à l'augmentation de la population, mais ce n'est pas cette cause qui influe beaucoup en France sur la progression de nos dépenses. Il y a les exigences du public à l'égard de l'Etat, inévitables dans un pays démocratique, et je reconnais que ces exigences ont quelque chose de légitime, mais je ne crois pas, en leur faisant la part la plus large, qu'elles puissent expliquer d'une manière suffi

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sante cette augmentation de près de 38 mil- | nale, qu'il me soit permis de vous demander lions d'un seul coup. si tous les crédits ont été bien utilisés, si les travaux ont été bien conduits, si des millions n'ont pas été dépensés en pure perte ou n'ont pas été tout au moins fort gaspillés.

M. le rapporteur général. Il y a 24 millions pour la guerre et pour la marine. M. Gayraud. Messieurs, je ne veux pas insister davantage sur cette question de chiffres, qui n'a pour effet que de mettre sous vos yeux la situation réelle de notre budget. Je passe à la seconde partie de mon discours, dans laquelle je me propose de présenter quelques considérations sur les causes principales de cet accroissement de nos dépenses.

La première, c'est le souci légitime et constant de la défense nationale; ce sont là des sacrifices nécessités par les remaniements que la carte du monde a subis depuis un demi-siècle, et la France les accomplit généreusement. Ce n'est pas à moi ni à personne dans cette Chambre, je le répète, que viendra la pensée de s'en plaindre; e'est une nécessité. Mais je dois dire que mon idéal n'est pas l'enrégimentation et l'encasernement de la nation entière, et que j'espère voir un jour la solidarité économique des peuples, qui se fait de plus en plus étroite, rendre nécessaire l'établissement d'un tribunal arbitral qui mettra fin au régime de la paix armée. (Très bien ! très bien !) M. Camille Fouquet. Ce sera le paradis

terrestre !

M. Jourde. Il y a trois siècles que la question a été posée par Henri IV, et depuis elle n'a pas fait un pas.

M. Gayraud. La seconde cause, c'est l'expansion coloniale. Sur ce point je serai d'accord avec la majorité de la Chambre, car j'approuve de grand cœur la politique qui nous a donné un vaste empire au nord de l'Afrique, à Madagascar et au Tonkin. Il est impossible, je le comprends, de s'isoler du mouvement économique qui entraîne le monde; et par conséquent il faut conquérir et s'assurer des débouchés qui peuvent devenir une nouvelle source de richesses et une base d'opérations commerciales et militaires.

De même, je reconnais qu'il est bon de fournir à notre jeunesse un champ d'action, et tout le monde doit applaudir à l'initiative prise par M. le ministre des colonies qui consiste à reconstituer le musée colonial et à fonder un office central de renseignements de manière à pouvoir diriger notre jeunesse vers ce nouveau champ d'action qui lui a été ouvert par nos conquêtes coloniales. Il importe aussi vous me permettrez de m'élever à cette considération que les peuples comme les individus remplissent le devoir d'apostolat civilisateur qui leur incombe; et, à ce point de vue, la France a une grande mission à remplir dans le monde et doit se répandre partout pour propager à l'ombre de son drapeau les idées de justice, de liberté et de fraternité. (Très bien ! très bien! sur divers bancs.)

Donc, en principe, je ne suis nullement hostile à l'expansion coloniale; mais à ce sujet, comme à propos de l'accroissement de nos dépenses pour la défense natio

M. le rapporteur général, dans un article publié tout récemment, disait : « La France paye pour ses deux armées réunies plus que tout autre pays au monde, plus que la Russie, avec ses 120 millions d'habitants, plus que l'Allemagne, avec ses 50 millions, plus que la richissime Angleterre. Nous pourrions nous résigner, dans les circonstances actuelles, aux plus lourds sacrifices, si nous avions des raisons de croire qu'ils servent réellement à augmenter nos forces de défense. Mais, hélas! trop de tristes révélations nous ont appris le contraire des routines navrantes, des indulgences inexplicables pour la malversation, des coulages continuels ont été révélés, sans qu'on ait encore rien fait, ou pour atteindre les responsabilités encourues, ou pour prévenir le retour des abus. >>

Voilà pour la guerre et voici maintenant ce que M. le rapporteur général ajoute au sujet des colonies:

« Nous dépensons pour nos colonies plus que l'Angleterre elle-même, et la raison en est simple. Nous ne faisons plus que des colonies militaires. Les plus ardents partisans de l'extension coloniale confessent qu'il est absurde d'aller conquérir des territoires lointains pour en faire payer les dépenses aux contribuables français; qu'il serait temps que nos possessions, comme celles des autres pays, se préparent à supporter leurs frais de gouvernement, et qu'il faudrait s'arranger pour les mettre en valeur au point de vue commercial. Mais comme il s'agit avant tout » - conclut finement M. Pelletan — « de transplanter, dans toutes les parties du monde, des fonctionnaires et des officiers, on n'a pas le temps de s'occuper de ces détails. »

Je crois, en effet, que ces gaspillages et ces routines ont été une des causes de l'accroissement considérable, des budgets de la défense nationale et du budget colonial.

Une troisième cause qui ressort de l'observation des budgets depuis une vingtaine d'années est le développement des travaux et des services publics.

Personne ne peut contester, en principe, cette nécessité économique qui pèse sur nous et qui résulte des multiples et ingénieuses applications de la science à l'industrie et au commerce: il est nécessaire de faciliter les communications nationales et internationales, de rendre ces communications plus nombreuses, plus rapides et plus sûres, non seulement pour les transports des voyageurs et des marchandises, mais encore pour les correspondances par la poste, le télégraphe et le téléphone.

Cependant, n'a-t-on pas voulu aller trop vite? A-t-on procédé le plus économiquement possible?

Il me suffit de rappeler ici, à propos de

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