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CHAMBRE DES DÉPUTÉS

SÉANCE DU JEUDI 12 JANVIER 1899

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SOMMAIRE. Excuses et demandes de congé. Allocution de M. Paul Deschanel, président. Communication de quatre demandes d'inter pellation: 1o de M. Lucien Millevoye sur les mesures que M. le garde des sceaux compte prendre pour assurer le respect de la loi et rappeler certains magistrats à leurs devoirs, et sur les motifs qui ont déterminé la démission de M. le président Quesnay de Beaurepaire; 2o de M. de Baudry d'Asson sur la démission de M. Quesnay de Beaurepaire; 3o de M. Massabuau sur les moyens dont le garde des sceaux dispose pour rappeler la chambre criminelle au respect de la loi; 4o de M. Gautret sur la démission de M. Quesnay de Beaurepaire : MM. le président du conseil, ministre de l'intérieur, le garde des sceaux, ministre de la justice. — Discussion immédiate: MM. Lucien Millevoye, Lasies, le garde des sceaux, ministre de la justice, Paul de Cassagnac, le président du conseil, ministre de l'intérieur, Godefroy Cavaignac, de Baudry d'Asson, Gautret. Ordres du jour motivės: 1o de MM. Georges Berry, le général Jacquey, Firmin-Faure et autres; 20 de MM. Charles Rousse, Augé et Louis Jourdan (retiré); 3° de M. Pourquery de Boisserin (retiré); 4o de MM. Fernand Brun et Peschaud; 5o de M. Godefray Cavaignac; 6° de M. de Baudry d'Asson Demande de l'ordre du jour pur et simple: MM. le président du conseil, ministre de l'intérieur, Camille Pelletan, Godefroy Cavaignac. Adoption, au scrutin. = Règlement de l'ordre du jour : MM. Mesureur, président de la commission du budget; le président du conseil, Jules-Louis Breton, Massabuau, Gauthier (de Glagny), Augé. Communication d'une lettre

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de M. le président du Sénat donnant avis de la constitution du bureau définitif du Sénat pour l'année 1899. Dépôt, par M. le ministre de l'intérieur, de trois projets de loi d'intérêt local concernant les villes de Foix, de Nantes et de Pantin. Dépôt, par M. le ministre des finances, d'un projet de loi portant règlement définitif du budget de l'exercice 1897. Dépôt, par M. Alexandre Bérard, au nom de la commission du budget, d'un rapport sur la proposition de loi de M. Julien Goujon et plusieurs de ses collègues tendant à instituer des médailles d'honneur à décerner par le ministre de l'intérieur aux sapeurs-pompiers de France et d'Algérie comptant trente années de services. Dépôt, par M. Maurice-Faure, au nom de la commission du budget, d'un rapport sur le projet de loi portant fixation du budget général de l'exercice 1899 (ministère de l'instruction publique). = Dépôt, par M. Dulau, au nom de la commission du budget, d'un rapport sur le projet de loi portant fixation du budget général de l'exercice 1899 (ministère des travaux publics). = Dépôt, par M. Dubief, d'un rapport sur le budget annexe de l'école centrale des arts et manufactures. Dépôt, par M. Berthelot, d'un rapport sur le projet de loi portant fixation du budget général de l'exercice 1899 (Protectorats). Dépôt, par MM. Delane et Georges Graux, d'une proposition de loi ayant pour objet de modifier l'article 10 de la loi du 16 décembre 1897, relative au régime fiscal des alcools dénaturés et à diverses mesures concernant les alcools. Dépôt, par M. Vaillant, d'une proposition de loi tendant à la suppression totale obligatoire de l'octroi dans toutes les communes le 1er janvier 1901. Dépôt, par M. Zévaès et plusieurs de ses collègues, d'une proposition de loi ayant pour but l'annulation des contrats ayant aliéné la propriété nationale et l'exploitation des mines par les travailleurs y employés. Dépôt, par M. Eugène Fournière, d'une proposition de loi tendant à l'abrogation de l'article 91 de la loi du 28 avril 1816 (Officiers ministériels). Dépôt, par M. Rose, d'une proposition de loi tendant à modifier l'article 1er de la loi du 8 décembre 1897, relative à l'instruction préalable en matière de délits et de crimes. Dépôt, par M. des Rotours, d'un projet de résolution tendant à modifier le règlement de la Chambre (Interpellations. Discussions des lois ouvrières).

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La séance est ouverte à deux heures.

M. Ruau, l'un des secrétaires, donne lecture du procès-verbal de la séance de mardi dernier.

Le procès-verbal est adopté.

EXCUSES ET DEMANDES DE CONGÉ

M. le président. MM. Denys Cochin et Henry Cochin s'excusent de ne pouvoir assister à la séance de ce jour.

M. Barrois s'excuse de ne pouvoir assister à la séance de ce jour et demande un congé.. Les demandes seront renvoyées à la commission des congés.

ALLOCUTION DE M. LE PRÉSIDENT

M. le président. Messieurs et chers. collègues,

Le nouveau témoignage de confiance dont vous venez de m'honorer me remplit d'une émotion profonde et d'une reconnaissance indicible. En même temps, il fortifie mon ferme propos de maintenir à l'institution de la présidence ce qui est, suivant moi, M. Albin Rozet s'excuse de ne pouvoir son vrai caractère: car, le jour où l'homme

M. Jules Mercier s'excuse de ne pouvoir assister à la séance de ce jour ni à celle de demain.

teuil présidentiel deviendrait une autre tribune, où, d'ici, partiraient le mot d'ordre à une fraction de la Chambre et l'attaque contre une autre, le régime de discussion serait vicié dans son principe (Très bien! très bien!), puisque la balance serait faussée par la main même qui la doit tenir égale. (Vifs applaudissements.)

Aussi bien, l'impartialité, qui est ici le premier devoir professionnel, est une joie. morale pour qui aime toutes les grandeurs et toutes les gloires de la France, de son histoire et de son génie (Très bien! très bien !), pour qui sent et respecte la légitimité d'aspirations en apparence contradictoires, mais que la science politique consiste précisément à concilier et à fondre

dans une harmonie supérieure d'une part, la continuité des vues, la suite dans les desseins, la stabilité, sans lesquelles il n'est point d'entreprise nationale durable (Applaudissements), et, d'autre part, les impatiences généreuses d'une démocratie avide de progrès, de justice et de solidarité. (Applaudissements.)

| condition de sa puissance. (Très bien! très |
bien!) Cette Chambre, qu'on a vue si ardente
à certaines heures parce qu'elle était toute
frémissante encore de la bataille électorale,
a montré en plus d'une rencontre que, lors-
qu'il s'agit de nos intérêts extérieurs, elle
sait obéir aux inspirations du patriotisme
le plus éclairé et s'imposer à elle-même
cette discipline morale sans laquelle il n'est
de vraie force ni pour les individus, ni pour
les assemblées, ni pour les peuples. (Ap-
plaudissements.)

Cette sagesse ne l'abandonnera pas dans l'accomplissement des diverses tâches que le pays attend d'elle, et qui réclament votre activité et votre expérience.

Ajouterai-je, messieurs, que, dans ma pensée, l'action impartiale et conciliatrice de cette magistrature ne doit pas s'exercer seulement pendant nos séances, au cours de nos débats, mais qu'elle doit se faire sentir d'une façon continue, chaque jour pour ainsi dire et à chaque heure, en rapprochant les hommes qui ne se connaissent pas et qui souvent ne se combattent que Ce sera le plus sûr moyen de préparer le parce qu'ils s'ignorent, en leur facilitant succès de ces fêtes du travail où la France les moyens de s'apprécier, de s'estimer va offrir aux nations le merveilleux specmutuellement, en faisant tomber peu à peu tacle de ce dix-neuvième siècle, grand entre ces cloisons étanches qui isolent les uns les plus grands par les lettres et par les des autres les divers partis, et non seule- arts, mais qui, par la science, a plus ment les groupements parlementaires, changé le monde à lui seul que n'avaient mais les divers groupements sociaux qui fait tous les siècles antérieurs. (Applaudissevivent séparés pour le plus grand mal duments.) Nos sympathies et nos vœux accompays et qui devraient entretenir de constants rapports pour son plus grand bien (Très bien! très bien !); - non pas, certes, avec l'illusion naïve de supprimer les conflits qui sont l'essence même de la vie publique en tout pays libre, mais avec l'espoir légitime de réduire le plus possible ce qu'il y a, dans ces luttes, de factice, d'accessoire et de subalterne (Très bien! très bien !), - rivalités personnelles, préjugés, partis pris, injustes défiances, afin d'élever au-dessus de ces misères la grande lutte des doctrines et des principes? (Applaudissements.)

Messieurs, jamais cet effort des bons ci

La 2o, de M. de Baudry d'Asson, sur la démission de M. Quesnay de Beaurepaire ;

La 3o, de M. Massabuau, sur les moyens dont M. le garde des sceaux dispose pour rappeler la chambre criminelle au respect de la loi;

La 4o, de M. Gautret, sur la démission de M. Quesnay de Beaurepaire.

Quel jour le Gouvernement propose-t-il pour la discussion de ces interpellations?

M. Charles Dupuy, président du conseil, ministre de l'intérieur et des cultes. Le Gouvernement est aux ordres de la Chambre.

M. Lebret, garde des sceaux, ministre de la justice. Il y a une question de M. Lasies sur le même objet. Je demande qu'elle soit jointe aux interpellations.

Sur un grand nombre de bancs. La discussion immédiate! - Tout de suite! M. le président. On demande la discussion immédiate.

Il n'y a pas d'opposition? (Non! non!) La discussion immédiate est ordonnée. La parole est à M. Millevoye pour développer son interpellation.

M. Lucien Millevoye. Je n'ai que de courtes observations à présenter à la Chambre, car ce débat, quelques développements qu'on puisse lui donner, ne peut avoir que

pagnent tous les artisans de cette grande œuvre, les plus modestes comme les plus illustres, car ils travaillent tout à la fois et illustres, car ils travaillent tout à la fois et pour la France et pour la paix de l'Europe. Messieurs et chers collègues, il me reste le caractère d'un débat d'attente, d'un débat un devoir bien doux à remplir, celui de vepréparatoire. (Mouvements divers.) Il ne nir remercier en votre nom le bureau prodeviendra un débat définitif que quand visoire, notre cher et vénéré doyen, ce véle Gouvernement, d'une part, et, d'autéran des luttes démocratiques, et nos setre part, la commission que vous allez crétaires d'àge, qui apportent ici, avec la nommer vraisemblablement comme conséflamme de la jeunesse, tant de promesses de talent. (Très bien! très bien!) En la per-sitions formelles formulées par M. le préquence, se seront prononcés sur les réquisonne de M. Boysset, je rends hommage à cette forte race de vieux républicains (Ap

toyens vers la concorde n'a été plus néces-plaudissements), si droits, si purs, qui, à saire que dans les conjonctures présentes.

La France entoure d'une sollicitude maternelle ses enfants armés pour sa défense, sauvegarde de son indépendance et de son existence même. (Vifs applaudissements.) En même temps, elle a la passion de la justice et de la vérité. (Nouveaux applaudissements.) Or, par quel vertige, par quel contraste impie pourrait-on opposer l'un à l'autre ces deux nobles amours de la France (Applaudissements), au risque de lui déchirer le cœur? (Très bien ! très bien !)

C'est l'éternel honneur de notre race, que ses crises morales ne l'émeuvent point seule; mais cet honneur est aussi un péril: prenons garde que l'ivresse de polémiques enfiévrées, que des généralisations précipitées ou excessives, que des coups portés d'une main trop rude par des Français à des Français, prenons garde que ces divisions, exagérées au loin par la crédulité ignorante et perfidement exploitées par la malveillance et par l'envie (Vifs applaudissements), ne fournissent des armes aux intérêts rivaux qui nous guettent. (Très bien ! très bien !)

C'est à vous, messieurs, représentants de la nation, qu'il appartient de donner l'exemple du calme et du sang-froid (Applaudissements): car la dignité de nos débats est une part du bon renom de notre pays et une

toutes les heures de leur vie, nous ont donné les plus admirables exem ples de constance, d'énergie civique et de désintéressement. (Nouveaux applaudissements.) Je les salue en lui avec un respect filial. (Très bien ! très bien!)

C'est en ayant toujours devant les yeux leurs nobles figures que nous continuerons de bien servir la France et la République; c'est en nous inspirant de leurs épreuves, que nous garderons au cœur une foi indomptable dans le génie de la France, un invincible espoir en ses destinées, enfin, ce que les Grecs, dans leur admirable langage, appelaient le dieu intérieur, l'enthousiasme, enthousiasme pour la liberté, pour la justice et pour la patrie. (Vifs et unanimes applaudissements.)

DISCUSSION DE PLUSIEURS INTERPELLATIONS

M. le président. Je dois faire connaître à la Chambre que j'ai reçu les demandes d'interpellation suivantes :

La 1re, de M. Millevoye, sur les mesures que M. le garde des sceaux compte prendre pour assurer le respect de la loi et rappeler certains magistrats à leur devoir et sur les motifs qui ont déterminé la démission de M. le président Quesnay de Beaurepaire;

sident démissionnaire Quesnay de Beau

repaire et par d'autres témoins qui vien

nent d'être indiqués.

Ce n'est donc pas à proprement parler un discours que j'apporte à cette tribune ; c'est un questionnaire, questionnaire que je m'efforcerai de rendre aussi précis, aussi sincère que possible, et j'espère que le Gouvernement voudra bien y répondre avec la même précision et la même sincérité.

Mais il est bien certain que le débat ne

peut pas être limité aux seuls faits qui sont reprochés à M. le président Low et à M. e

conseiller Bard; car si ces faits ont produit dans le public une si vive émotion... (Réclamations sur divers bancs à gauche et au centre. Très bien! très bien! sur d'autres bancs à droite et à l'extrême gauche)... s'ils ont été, dans tous les cas l'objet de commentaires passionnés, c'est qu'ils se rattachent à cette procédure de revision qui, d'après les déclarations de M. le garde des sceaux, devrait être conduite de façon à assurer le calme et le recueillement de la justice et qui, malheureusement, aujourd'hui, est devenue une cause profonde de trouble et d'agitation. A l'extrême gauche. A qui la faute?

M. Lucien Millevoye. Eh bien, comment faire cesser ce trouble, comment en finir une fois pour toutes avec cette agitation? C'est ce que la Chambre aura aujourd'hui à rechercher, puis à déterminer et enfin à trancher dans ses conclusions.

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J'arrive donc directement et de prime ques jours, on leur reconnaît un caractère abord aux accusations portées par M. le indéniable d'authenticité, je le demande à président démissionnaire Quesnay de Beau- la Chambre, est-ce que ces preuves n'aurepaire contre un certain nombre de ses ront pas pour effet de frapper de discrédit anciens collègues. Mais, quoi qu'on puisse et même de déchéance morale l'œuvre enen penser, il est incontestable que cette dé- treprise en ce moment par la chambre crimission a par elle-même et en raison des minelle et l'arrêt qui pourrait en être la circonstances dans lesquelles elle s'est pro- conséquence? (Très bien! très bien! à droite duite, une gravité exceptionnelle. (Très bien! et sur quelques bancs à l'extrême gauche. très bien! sur quelques bancs à l'extrême | Interruptions à gauche et sur d'autres bancs gauche et à droite. Interruptions à l'ex- | à l'extrême gauche.) trême gauche et à gauche)

Quelles sont donc ces preuves? Comment M. Honoré Leygue. Il y a six mois pourront-elles être reçues? Dans quels terqu'elle aurait dû être donnée ! mes et de quelle façon pourront-elles l'être et quelle est leur valeur? C'est là la question, et il n'y en a pas d'autres.

M. Lucien Millevoye. Mon cher collègue, permettez-moi de vous faire observer que nous allons traiter des questions juridiques, que vous comptez dans vos rangs des juristes de premier ordre et qu'au lieu d'interrompre, il serait préférable de demander la parole et de me répondre ensuite. (Applaudissements sur divers bancs.) M. René Viviani. Nous avons déjà repondu à M. Quesnay de Beaurepaire.

A l'extrême gauche. Son nom ne devrait pas être prononcé ici.

M. Lucien Millevoye. On a attribué au président démissionnaire des motifs d'ambition personnelle...

M. Tourgnol. Qu'est-ce que cela nous fait? Occupons-nous du budget, cela vaudra bien mieux ! (Applaudissements à gauche et sur divers bancs à l'extrême gauche.) M. Lucien Millevoye. J'ignore quels motifs d'ambition... (Interruptions à l'extrême gauche.)

M. le président. Ne commencez pas à interrompre dès le début, messieurs, vous serez fatigués avant la fin de la séance. (On rit.)

M. Lucien Millevoye. Je n'ai pas entendu les interruptions.

On a attribué des motifs d'ambition personnelle à un magistrat qui se retire et rentre dans la vie privée lorsqu'il était parvenu presque au faîte de sa carrière. Je n'ai ni à rechercher ni à apprécier les motifs de la démission de M. Quesnay de Beaurepaire il les a indiqués lui-même; il affirme qu'il se retire parce qu'il est écœuré, indigné de ce qu'il a vu, entendu et appris; il affirme qu'il se retire parce qu'il veut dire très haut ce qu'il a vu, entendu et appris... (Interruptions à gauche.)

A l'extrême gauche. Cela le change! M. Lucien Millevoye. ... il se retire pour rester libre et maître de sa parole et de sa plume. (Nouvelles interruptions sur les mêmes bancs.) Il se retire enfin,

et sur ce point j'appelle toute votre attention, pour vous offrir des preuves.

Les preuves offertes par M. Quesnay de Beaurepaire, c'est d'abord que l'enquête n'a pas été complète il affirme même qu'elle n'a pas été loyale (Exclamations à gauche et à l'extrême gauche) —; c'est que cette enquête n'a été qu'un simulacre d'enquête; c'est que l'on n'a pas cherché sérieusement les éléments de vérité. (Applaudissements à droite et sur quelques bancs à l'extrême gauche.)

qu'il a demandé à déposer sur des faits nouveaux et qu'on ne lui a pas répondu. Voulez-vous qu'on ne lui réponde pas encore aujourd'hui? (Mouvements divers.)

Il va bien falloir répondre tout à l'heure: M. le garde des sceaux le fera; mais, à M. Quesnay de Beaurepaire c'est M. Low, c'est M. Bard, c'est M. le conseiller Dumas qui seront obligés de répondre, soit dans l'enquête parlementaire, si vous l'ordonnez, soit dans l'enquête judiciaire, dont il reste à déterminer la forme. En tout cas, ils seront obligés de répondre en véritables accusés, car c'est une accusation véritable qui pèse sur eux. (Très bien ! très bien! sur divers bancs à droite et à l'extrême gauche. Interruptions à gauche.)

M. Augé. M. de Beaurepaire n'est qu'un plagiaire. Il réédite le premier « J'accuse »> de Zola!

M. Lucien Millevoye. Cette accusation, vous l'avez lue, messieurs, et je ne veux pas la relire in extenso. Cependant, permettezmoi de vous faire observer que, dans un moment où les représentants du Gouvernement vont apporter à la tribune la lecture des documents de la première enquête, s'il m'était interdit de produire ici les déclaralutions de M. de Beaurepaire tout au moins dans leur résumé et leur partie principale, ce débat ne serait ni sincère ni loyal.

Voici d'ailleurs dans quels termes s'exprime M. Quesnay de Beaurepaire... M. Simyan. C'est inutile! Nous avons les journaux.

M. Lucien Millevoye. « On m'a entendu par ordre, on n'a rien cherché; on a laissé percer le désir ardent de ne troubler la quiétude de personne. Ce que je savais devait n'être qu'un point de départ : la lumière éclatait partout au Palais, les faits les plus graves se racontaient à haute voix. >> M. Augé. C'est là une simple affirmation. M. Lucien Millevoye. Nous sommes ici, mon cher collègue, pour la tirer au jour, cette affirmation. (Parlez! parlez! sur divers bancs à droite et à l'extrême gauche.) Vous allez avoir la réponse de M. le garde des sceaux. Je continue:

<«< Il aurait suffi d'un peu de volonté pour atteindre le mal jusque dans ses racines. « Il n'en a point été ainsi. On a préféré le << laissez-faire, laissez-passer. »

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Et retenez surtout ce qui suit :

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A l'extrême gauche. Vous ne teniez pas qui l'avez dirigée ni conduite, ce langage en 1889!

M. Zévaès. C'est l'homme qui a couvert les infamies du Panama!

M. Lucien Millevoye. Si ces preuves sont inadmissibles, si elles ne peuvent pas être reçues, M. Quesnay de Beaurepaire évidemment en portera la responsabilité. Mais si elles sont recevables, si, dans quel

་་ ...

Je vais les résumer aussi fidèlement que possible, et si ce résumé est inexact, je vous reconnais le droit de m'interrompre...

Sur plusieurs bancs à l'extrême gauche. La clôture! (Parlez! parlez! à droite.)

M. le président. Vous savez bien, mes-sieurs, que vous ne pouvez pas demander la clôture en ce moment!

M. Lucien Millevoye. Je le répète, si les faits que je vais énumérer sont inexacts, je vous reconnais le droit de m'interrompre et de me rectifier.

A la charge de M. Low, M. Quesnay de Beaurepaire promet d'établir les faits suivants: « 1° M. Low se serait rendu dans le local où se trouvait Picquart et aurait conféré avec lui. » (Interruptions à gauche.)

M. Firmin-Faure. C'est là une cause de suspicion légitime. (Bruit et interruptions à l'extrême gauche.)

M. le président. Je vous prie, messieurs, de ne pas discuter de vos bancs. Des orateurs sont inscrits pour parler en sens inverse; attendez.

M. Lucien Millevoye. « 2o M. le président Low aurait chargé un fonctionnaire de la cour de prévenir Picquart... » (Nouvelles interruptions à l'extrême gauche et à gauche.)

A droite. Attendez le silence!

Que pouvais-je faire de plus? J'ai demandé à déposer sur des faits nouveaux... » Monsieur le garde des sceaux, je ne vous incrimine en aucune façon; j'incrimine l'enquête et je pense que ce n'est pas vous · j'ai demandé à déposer sur des faits nouveaux; on s'y est refusé. J'ai conclu ensuite par écrit à un supplément d'enquête; on ne m'a pas répondu. J'ai envoyé une déclaration M. Lucien Millevoye. Il ne s'agit pas complémentaire en insistant pour qu'elle seulement, monsieur le président, des droits fût jointe à ma première déposition; on ne de l'orateur; il s'agit de respecter ce que m'a pas répondu. » ceux de nos collègues qui m'interrompent Ainsi, M. Quesnay de Beaurepaire affirme demandent depuis un an: la vérité, la lu

Un membre à gauche. Nous demandons la discussion du budget! (Mouvements divers.) M. le président. Messieurs, respectez les droits de l'orateur. (Très bien ! très bien !)

mière et la justice. (Très bien ! très bien! | tradictoire fasse la lumière sur ce point, | M. le commandant d'Attel, c'est-à-dire à droite et sur quelques bancs à l'extrême car il y a une chose qui m'étonne pour gauche.) Je vous en offre les éléments, ma part, c'est que nous ayons été obligés messieurs, et vous n'en voulez pas ! de porter ce débat devant le Parlement; il Je reprends: aurait déjà dû être porté par MM. Low et Bard eux-mêmes devant la juridiction devant laquelle ils pouvaient s'expliquer en toute liberté et en toute clarté ; ils auraient dû saisir la cour d'assises des faits allégués contre eux. Ils ne l'ont pas fait. (Très bien! très bien! sur divers bancs.)

M. le président Low aurait chargé un fonctionnaire de la cour de prévenir Picquart qu'on ne pourrait l'entendre qu'à quatre heures, et aurait ajouté : « Vous lui exprimerez tous les regrets que la cour éprouve de le faire attendre. » Le fonctionnaire n'aurait pu se résigner à exécuter cet ordre. Il se serait borné à prendre à part le capitaine Herqué pour le lui transmettre. Ce militaire aurait répondu qu'il se refusait à exprimer les regrets de la cour de cassation à un officier rayé des cadres de l'armée. (Un colloque s'engage à ce moment entre M. Drumont et M. Chauvière.)

M. le président. Monsieur Drumont, veuillez garder le silence.

A droite. Vive Drumont!

M. le général Jacquey. A bas les drey

fusards!

M. de Baudry d'Asson. A bas les juifs!
Vive Drumont! (Bruit.)

M. le président. Je vous invite, messieurs, à cesser ces interruptions et à laisser poursuivre l'orateur.

M. Lucien Millevoye. M. Quesnay de Beaurepaire terminait par une requête qui, pour M. Loew, était singulièrement menaçante :

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J'espérais que mon témoignage apporté dans ces conditions dessillerait les yeux de M. Low. Puisqu'il en est autrement, j'ai l'honneur de vous prier de rouvrir l'enquête. Je suis prêt à déclarer d'autres faits qui le concernent; malgré leur caractère confidentiel, j'en déposerai. Ils ne sont pas sans doute indispensables, on en a bien assez; mais si l'on veut recueillir mon

M. Bard est formellement accusé par M. Quesnay de Beaurepaire des faits suivants : << Pourquoi, étant entré dans le cabinet de M. Quesnay de Beaurepaire, a-t-il marqué une surprise aussi étonnante en trouvant M. Quesnay de Beaurepaire à la place de Picquart? pourquoi s'est-il arrêté court et s'est-il replié vivement sans parler à son collègue?

« Pourquoi a-t-il déguisé la vérité une
première fois en se défendant de connaître
Picquart, lorsqu'il est établi par les notes
du greffe que Picquart avait comparu la
veille devant la chambre criminelle et y
avait déposé pendant une heure et demie?
<«< Pourquoi a-t-il déguisé la vérité une se-
conde fois en alléguant qu'il n'avait pu dis-
tinguer Picquart dans le cabinet du prési-
dent Tanon, parce qu'il faisait nuit ? >>

Et M. Quesnay de Beaurepaire répond:
<< Il était tout au plus trois heures et de-
mie. Il ne faisait pas nuit, le cabinet était
en pleine clarté. »

Pourquoi a-t-il déguisé la vérité une troi-
sième fois en déclarant qu'il n'avait com-
muniqué qu'une seule fois avec Picquart?
Qu'on entende des témoins; ces témoins, il
les désigne : ils diront que M. Bard est re-
tourné auprès de Picquart. (Nouvelle alter-
cation à l'extrême gauche.)

M. le président. Je vous en prie, mes

les propres aveux de Dreyfus, M. le président Low l'a interrompu et a essayé, par une véritable pression, d'abord de l'intimider et ensuite de dénaturer son témoignage. (Applaudissements à droite et sur quelques bancs à l'extrême gauche. Interruptions à gauche et sur d'autres bancs à l'extrême gauche.) Un autre témoin viendra dire comment M. le conseiller Dumas, pendant un interrogatoire, y a procédé dans des conditions. exceptionnelles, je ne veux pas les qualifier davantage, dans des conditions exceptionnelles de pression, d'irrégularité et d'illégalité.

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M. le juge Grosjean viendra dire comment l'ex-colonel Picquart, lorsqu'il était chef de service des renseignements, a fait condamner à trois années de prison un malheureux à la suite d'un piège odieux qu'il lui avait tendu.

Au surplus, je vais en avoir fini avec les citations. (Interruptions à gauche.) En voici cependant une un peu plus longue, mais elle est nécessaire, et mon devoir est de la faire jusqu'au bout. (Très bien! très bien! à droite.) Toutes ces offres de preuves d'accusations, toutes ces accusations elles-mêmes ont été réunies par M. Quesnay de Beaurepaire en un seul faisceau, et ce faisceau, le voici c'est la base même de l'interpellation... (Bruit à l'extrême gauche.) Sur plusieurs bancs à gauche. Mais nous avons lu tout cela!

M. Lucien Millevoye. Voici le questionnaire, monsieur le garde des sceaux, voici les points... (Nouvelles interruptions à l'extrême gauche.)

Vous me connaissez bien peu si vous supposez que des interruptions puissent m'empêcher d'aller jusqu'au bout. Elles allongeront le débat, mais je vous jure que

témoignage sur ces faits nouveaux, j'af- sieurs, ne vous interpellez pas ainsi. Vous j'irai jusqu'au bout de ma tâche et de mon

firme que M. Low ne jouera plus l'indignation. »(Interruptions à l'extrême gauche.) Remarquez que ce n'est pas dans la presse, comme on l'a prétendu, que M. Quesnay de Beaurepaire a affirmé qu'il fournira la preuve de la connivence entre M. Low et l'ex-colonel Picquart, c'est devant la justice, c'est devant la juridiction, s'il y en a une, c'est dans tous les cas dans l'enquête, si cette enquête est ordonnée. Et dans ces conditions, je me tourne vers M. le garde des sceaux et je lui demande : Lorsqu'on propose ainsi la lumière, je suppose que vous ne viendrez pas dans un instant, à cette tribune, repousser cette lumière. Je suppose que vous demanderez, au contraire, qu'elle soit complète et décisive. (Applaudissements à droite et sur quelques bancs à l'extrême gauche.)

Mais M. Quesnay de Beaurepaire a formulé contre un autre membre de la chambre criminelle, contre le conseiller Bard, des accusations tout aussi graves, et je ne suppose pas que, dans l'intérêt même de M. Bard et de la chambre criminelle, vous ayez la pensée qu'on puisse les laisser passer sans qu'un débat complet et con

savez bien ce qui arrive! (On ril.)

M. Lucien Millevoye. Nous attendons avec une certaine impatience la déposition. Cette déposition a été consignée dans un rapport qui est entre les mains du garde

des sceaux.

Le témoin est le capitaine Herqué, qui avait la garde de Picquart. On affirme qu'il pour peut produire des faits accablants certains magistrats de la chambre criminelle. Ce rapport, quel qu'il soit, monsieur le garde des sceaux, la Chambre a le droit d'en demander lecture, et le Gouvernement le devoir d'en donner communication.

Nous osons espérer que la Chambre usera de son droit et que le Gouvernement ne se soustraira pas à son devoir, car ces preuves qui sont si nettement articulées par M. Quesnay de Beaurepaire, ces preuves, annoncées dans le rapport de M. le capitaine Herqué, ont été complétées par d'autres preuves et d'autres témoignages qu'il faudra bien entendre dans l'enquête ou dans l'instruction qui sera ordonnée.

Un témoin viendra déclarer qu'au moment où il reproduisait la déclaration de

devoir. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs à l'extrême gauche. Interruptions sur d'autres bancs à l'extrême gauche.) M. le président. Messieurs, par ces interruptions vous allongez un débat qui vous déplait. C'est contradictoire! (Très bien! très bien!)

M. Lucien Millevoye. Vous aurez d'ail

leurs la parole, messieurs, pour me répondre.

Voici le questionnaire-je crois être d'accord avec les représentants du Gouvernement en demandant qu'il soit écouté puisque c'est à ce questionnaire que M. le garde des sceaux aura à répondre tout à l'heure et que les juges désignés auront à répondre demain :

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d'attendre que ces interruptions aient cessé. | l'intérêt des magistrats visés que dans celui témoin qui l'a entendu, avec M. le général (Très bien! très bien !) de la justice. Chanoine.

(Le silence se rétablit.)

M. Lucien Millevoye. « Je demande que l'enquête porte sur les faits suivants : ce choix, fait dans une affaire exceptionnellement grave, n'est-il pas contraire à tous les précédents? M. Bard n'était-il pas connu, dès cette époque, pour ses attaques contre l'arrêt du conseil de guerre ?

«2° Lors des incidents et des divisions de l'instruction, M. le président Low n'a-t-il pas toujours désigné comme rapporteurs des magistrats acquis d'avance à la cause de Dreyfus ?

« 3° L'affaire était circonscrite dans les termes de la question de droit qui se formule ainsi y a-t-il révélation nouvelle de faits qui existaient dès 1894 et qui, connus des juges de 1894, les auraient conduits à rendre un arrêt d'acquittement? Je demande si l'instruction à laquelle M. Low a présidé n'a pas été conduite dans le sens d'un bill d'innocence immédiat et dans le sens de la réhabilitation d'un des témoins, le sieur Picquart.

«< 4° Alors que la chambre criminelle recueillait les dépositions des anciens ministres de la guerre, M. Low n'a-t-il pas manifesté, après l'audition de ces témoins, et spécialement des généraux... »

Ecoutez ceci, messieurs (Interruptions à l'extrême gauche), car ce fait sera établi, et s'il est établi, M. le garde des sceaux sera le premier à prendre contre M. Low les mesures disciplinaires que nous attendons.

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«< 5° Au nombre des témoins >> et ceci aussi est très grave «<< a figuré un ancien officier mis en réforme pour intempérance, je crois et qui a donné libre cours à sa rancune en attaquant vivement l'état-major. A la suspension d'audience qui a suivi, M. le président Low n'a-t-il pas exprimé sa satisfaction et son approbation dans des termes qui ont profondément affligé certain magistrat de sa chambre?

«< 6° M. le président Low, en interrogeant des chefs supérieurs et des officiers de l'armée attachés au ministère, ne les a-t-il pas, à pusieurs reprises, questionnés, déroutés ou interrompus par des procédés d'instruction qui révélaient le parti pris? <«< Les six points énumérés », ajoute M. Quesnay de Beaurepaire...

M.Delbet.Vous nous lisez l'Echo de Paris? M. le président. N'interrompez pas une

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«< 7° L'agent de la sûreté... >>

Je suppose que vous n'allez pas traiter le fait que j'énonce de fait léger; écoutez: « L'agent de la sûreté qui veillait sur le témoin Picquart pendant les deux semaines que celui-ci a passées au palais aurait constaté qu'en certains endroits où Picquart échappait aux regards il était rejoint par un magistrat, et que le temps écoulé l'amenait à croire à un conciliabule prémédité.

<< M. le président Low, avant ou après ses séances, aurait eu, hors du palais, de fréquentes conférences avec M. Leblois, ami de Picquart et de la famille Dreyfus... » (Interruptions et bruit à l'extrême gauche.) M. de Mahy. Attendez le silence! Personne n'entend.

M. le président. M. de Mahy a raison, messieurs, de réclamer le silence. Si vous n'écoutez pas maintenant, comment jugerez-vous la réponse tout à l'heure?

M. Lucien Millevoye. Ils n'écoutent pas, monsieur le président, pour une raison très simple, c'est qu'ils savent ce qu'il y a làdedans, et que cela les gêne. (Exclamations à l'extrême gauche et à gauche.) Ils ne veulent pas que cela soit au Journal officiel. (Très bien! très bien! sur divers bancs. Bruit à l'extrême gauche.)

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M. le président. Prouvez votre tolérance, messieurs, en gardant le silence.

M. Lucien Millevoye. << M. le conseiller Dumas, chargé par M. Low d'une partie de l'instruction, aurait eu, hors du palais, de fréquentes conférences avec des parents et des amis de Dreyfus.

«M. le général Chanoine... » (Exclamations à l'extrême gauche.)

Voilà les preuves offertes, messieurs. Je n'insiste pas pour leur examen, parce que je reconnais très volontiers que j'ai eu le droit de les citer, et que je n'aurais pas le droit de les examiner.

Cet examen échappe à ma compétence et à mon droit d'interpellateur; mais j'ajoute que je croirais faire injure aux représentants du Gouvernement si je supposais qu'ils puissent être disposés à soustraire ces pièces, ces témoignages à l'examen de la Chambre et du pays. (Très bien ! très bien! à droite et sur divers bancs.)

Ces preuves seront apportées soit devant une juridiction civile, soit devant une juridiction parlementaire. Ces preuves peuvent être portées devant la cour de cassation réunie; elles peuvent être portées aussi devant une délégation de la cour de cassation, délégation qui serait composée par exemple des doyens de cette cour, conformément à d'anciens usages et à de respectables traditions. (Très bien ! très bien! sur les mêmes bancs.) Ce serait l'enquête judiciaire.

Ces preuves peuvent être portées devant une délégation désignée par vous: ce serait l'enquête parlementaire. Vous en avez incontestablement le droit et le pouvoir...

M. Augé. Vous voulez donc la confusion des pouvoirs !

M. Lucien Millevoye.... puisque les faits qu'on vous signale touchent à la fois à l'intérêt général et à l'ordre public. (Très bien! très bien! à droite et sur divers bancs.)

Dans tous les cas, messieurs, il est inadmissible que le Gouvernement et le Parlement puissent dire que ce n'est rien, alors que c'est tout.

Comment! Ce n'est rien qu'on puisse

« M. le général Chanoine aurait des ren- prendre des magistrats pour ainsi dire la seignements intéressants.

«Et, d'autre part, cet officier général, parlant à M. le premier président de la cour de cassation d'une communication possible du dossier secret à la chambre criminelle, aurait reçu cette réponse :

« Vous communiquerez tout ce que vous voudrez, ce sera peine perdue; leur siège est fait, ils iront jusqu'au bout. >>

J'appelle sur ce point l'attention de M. le garde des sceaux. Tout à l'heure, M. le garde des sceaux peut-être va nous proposer de confier la suite de l'enquête à M. le premier président de la cour de cassation. Je ne mets nullement en doute la parfaite honorabilité et l'impartialité de ce haut magistrat. Mais M. le premier président de la cour de cassation ne peut plus être un juge. Il est revendiqué comme témoin par ceux qui demandent l'enquête.

M. le premier président de la cour de cassation a fait à M. le général Chanoine cette déclaration : « Quoi que l'on fasse, le siège de la chambre criminelle est fait; elle est décidée à rendre son arrêt. » (Très bien ! très bien ! à droite et sur divers bancs.)

Il est nécessaire que le premier président soit entendu, soit confronté avec le

main dans la main, en connivence avec un témoin qui est aussi un accusé? Ce n'est rien qu'un magistrat puisse se retirer en adressant à un autre de ses collègues la plus sanglante injure qu'un homme puisse adresser à un autre homme, en lui infligeant le plus formel démenti? Ce n'est rien qu'on puisse dire à un magistrat: Vous avez sciemment altéré la vérité? Ce n'est rien que de dire à un magistrat : Vous avez exercé une pression et une intimidation contre un témoin? Ce n'est rien qu'on l'accuse d'avoir dénaturé un témoignage ?

Si tout cela n'était rien, il faudrait admettre que la justice elle-même n'est rien, qu'il n'y a plus qu'à la dépouiller de ses attributs, de ses formes protectrices, du respect et de la vénération dont on l'avait longtemps entourée. (Très bien! très bien ! sur divers bancs.—Bruit à l'extrême gauche.)

Dans tous les cas, je me tourne vers les revisionnistes les plus ardents, vers mes contradicteurs les plus passionnés, et je leur demande :

N'est-ce rien, messieurs, que la revision soit en marche dans de pareilles conditions? Quel est, d'après les partisans riêmes de la revision, d'après les termes mêmes

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