Page images
PDF
EPUB

pellé au choix des représentans de la souve raineté ; le roi, en suivant les nouveaux rudimens, vrais, incontestables et d'une simplicité à convaincre toute tête humaine, honorera sa nation, et en sera honoré,et plus qu'il ne l'étoit par le concert de ses flatteurs, et par une folle puissance qu'il tournoit contre son peuple et contre lui-même.

Après avoir posé les véritables et seules bases du pouvoir exécutif, Rousseau avoit apperçu une grande erreur dans toutes nos législations modernes ; l'erreur presque générale a été de constituer l'homme au lieu des choses. Rousseau montre par-tout l'homme dans une entiere dépendance; car il se forme sur ce qui l'environne, et il prend son caractere de l'éducation. Si l'on ne cesse d'obéir à de vieilles loix, à d'anciens établissemens ; si l'on prend un aveugle respect en faveur do loix usées, pour le comble de la sagesse et de la prudence, l'homme modifié par toutes les erreurs successives des législateurs superstitieux perdra toute la franchise à laquelle a droit la nature de l'être social. Rousseau rejette donc la timide puérilité qui se lamente ou se désole de toute innovation; il ne voyoit dans le respect pour les usages

qu'une servitude éternelle de l'esprit humain, et le plus grand témoignage de la foiblesse dont elle le détériore (1)..

Si en général le code des loix est le plus souvent l'histoire des fautes commises par les. sages, la premiere faute seroit de vouloir enchaîner immuablement l'homme à l'ouvrage de l'homme, de vouloir gouverner l'avenir comme le présent; et ne seroit-ce pas en d'autres termes vouloir dominer à jamais la grande destinée de l'homme, c'est-à-dire s'opposer à ce qu'il soit enfin d'accord avec la nature; car lorsque dans le monde physique et moral tout se meut pour un but à nous inconnu, et que tout dans l'univers,, de son centre à sa circonférence, subit un changement successif, le génie des nations change lui-même, et la législation la plus haute, la plus prévoyante, ne peut trouver aucune donnée nulle part ailleurs que dans

(1) Il étoit persuadé que tout peuple qui se sent et qui pense à l'amour de la liberté, s'éveille tôt ou tard; ainsi, disoit-il, quoique le François paroisse asservi, son réveil n'est pas éloigné. Il n'est point de pacte ( même en le supposant) qui puisse tenir contre les droits inaliénables de la nature ou même de la nation.

le génie actuel du peuple pour le constituer actuellement; la variation de chaque siecle,accidentelle et nécessaire, forme l'esprit de chaque siecle; car l'homme de tous les pays n'est plus, au commencement d'une année, le même homme ni le même indi ́vidu à la fin de la même année. Que signifie donc, s'écrie Rousseau, cet emprunt perpétuel des codes soit antiques, soit étrangers; que veulent dire ces imitations qui jamais ne s'accordent pour la félicité des peuples, qui contrarient leurs nouveaux principes? Le monument des loix n'a point de base quand il n'est point conforme à l'opinion ou à la marche des idées.

Et voilà pourquoi l'assemblée nationale ayant pris pour point d'appui la philosophie des écrivains du siecle, a donné enfin une PATRIE au François qui n'avoit qu'un pays; et d'esclave, l'a rendu libre. Nous renaissons tous d'une existence qui ne nous laisse plus rien d'étranger les uns aux autres, et nous nous saluons en enfans de la famille. Que la gloire de tous soit la gloire de chacun (1)!

(1) Relisons ce passage que l'on ne sauroit trop citer dans les circonstances actuelles.

L'état que l'on nomme démocratique est la seule constitution légitime, 'puisque ce

« Il est certain que si l'on peut contraindre ma volonté, » je ne suis plus libre; et que je ne suis plus maître » de mon bien, si quelqu'autre peut y toucher. Cette » difficulté a été levée par la plus sublime de toutes » les institutions humaines, ou plutôt par une inspira» tion céleste, qui apprit à l'homme à imiter ici bas les » décrets de la divinité. Par quel art inconcevable a-t-on » pu trouver le moyen d'associer les hommes pour les » rendre libres, d'employer au service de l'état les biens, » les bras et la vie même de tous ses membres, sans les > contraindre et sans les consulter ? d'enchaîner leur vo» lonté de leur propre aveu? de faire valoir leur con» sentement contre leur refus, et de les forcer à se punir » eux-mêmes, quand ils ne font pas ce qu'ils n'ont pas " voulu? Comment se peut-il faire qu'ils obéissent et » que personne ne commande; qu'ils servent et qu'ils » n'aient point de maîtres; d'autant plus libres, en effet, » que, sous une apparente sujétion, nul ne perd de sa » liberté que ce qui peut nuire à celle d'un autre ? ..... » Ces prodiges sont l'ouvrage de la loi : c'est à la loi >> seule que les hommes doivent la justice et la liberté ; » c'est cet organe salutaire de la volonté de tous qui » rétablit dans le droit l'égalité naturelle entre les hom» mes; c'est cette voix céleste qui dicte à chaque citoyen » les préceptes de la raison publique, et lui apprend à ›› agir selon les maximes de son propre jugement, et à » n'être pas en contradiction avec lui-même, etc. »

que l'on appelle monarchie n'est au fond qu'un despotisme modéré, et que ce que l'on appelle aristocratie n'est évidemment qu'un despotisme de plusieurs; ainsi, le gouvernement, de quelque nom qu'on l'appelle, n'est et ne peut être qu'exécuteur de la loi; l'essence de la liberté civile consiste en ce que le dépositaire de la puissance exécutive ne puisse commander à aucun citoyen qu'en vertu de la loi ; d'un autre côté, l'essence de la liberté politique consiste en ce que toute résolution sur un objet général ne puisse être prise que par le corps social assemblé; ces deux especes de liberté sont invinciblement liées ensemble; sans des principes fondamentaux et un systême de législation qui réglent lá constitution de l'état, il ne peut exister de liberté. Les noms dont on a baptisé les divers gouvernemens sont absolument vagues; tout se réduit d'un côté à faire la loi, de l'autre à commettre l'exécution de cette même loi à un seul ou à plusieurs; rien n'empêche même que l'exécution de cette loi ne soit confiée au corps des citoyens qui forme le souverain; ainsi, quand un peuple n'est pas heureux par la bonté de la constitution,

« EelmineJätka »