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elle est déclarée inacceptable... C'est une politique absolument opposée à l'indépendance du Transvaal » (Times, 6 février 1900). A voir subit le changement de front de la politique anglaise, refusant comme insuffisantes les concessions qu'elle avait elle-même réclamées, l'impression fut au Transvaal, en Europe et même en Angleterre, que le Colonial Office voulait la guerre.

Les impérialistes ont répondu qu'en se rendant si vite aux réclamations britanniques, les Boers lui tendaient un piège, qu'ils ne pouvaient si promptement se déjuger sans arrière pensée, même qu'après avoir accepté pleinement les propositions de sir A. Milner, dans un memorandum du 15 août 1899 [memorandum Smutt], les Boers avaient repris quelquesunes de leurs concessions primitives par d'habiles interpolations de texte la première rédaction portait qu'aussitôt passée la loi (law) de franchise, l'arbitrage, dont tout l'élément étranger serait exclu, serait accordé ; tandis que la deuxième rédaction disait que, aussitôt passé le bill de franchise, serait accordé l'arbitrage dont tout élément étranger autre que l'Etat Libre d'Orange serait exclu. Ce sont ces déviations (sic) qui auraient mis la diplomatie de M. Chamberlain en défiance contre la sincérité des propositions boers, et qui ont paralysé, a-t-on dit, ses derniers efforts pour la paix (1). Peut-être ces arguments sont-ils plus ingénieux que solides. Nous tenons à rapporter aussi impartialement que possible toutes les opinions; mais il est difficile de croire qu'il y eut pour les Boers, après les concessions dernières, plus de raisons de confiance dans la politique anglaise qu'il n'y en avait pour celle-ci dans la politique boer. En tout cas, de l'aveu général, l'atmosphère diplomatique était empoisonnée de suspicion d'où venait ce « poison of suspicion »? Des Boers, comme le disent les impérialistes? Du Colonial Office, comme disent les Boers? C'est ici matière à controverses, qui ne sont pas encore éteintes. Mais, de toute manière, un point est hors de doute : c'est qu'après l'acceptation par les Boers des propositions Milner et le rejet de cette acccptation par l'Angleterre, aucune confiance ne pouvait se rétablir: le poison of suspicion faisait son œuvre. La guerre devenait inévitable. Depuis longtemps, les burghers, avertis par le raid, s'y préparaient. L'Angleterre massait peu à peu des troupes. Il fallait l'empêcher de traîner les négociations, pour achever derrière le paravent diplomatique les préparatifs nécessaires. Le 9 octobre le gouvernement du Transvaal priait le gouvernement britannique de lui donner l'assurance: a) Que tous les points de différend mutuel seraient réglés par le moyen d'un arbitrage amical; b) que les troupes placées sur la frontière de la République seraient retirées immédiatement; c) Que tous les renforts de troupes arrivés dans l'Afrique du Sud depuis le 1er juin 1899 en seraient retirés dans un temps raisonnable à fixer par les deux gouvernements. Le gouvernement anglais avait jusqu'au 11 octobre, à cinq heures de l'après-midi, pour répondre;

(1) Il faut lire en entier, à cet égard, le curieux article de DIPLOMATICUS, The last efforts for peace, dans Fortnightly review, mars 1900, p. 494.

le 10, l'agent britannique à Prétoria, M. Conyngham Greme, réclamait ses passeports. L'inévitable guerre était de part et d'autre acceptée (1).

Comment en juger les causes? Anglais ou Boers, de quel côté était le droit? La question se pose à deux époques successives: d'abord au moment de la conférence de Bloemfontein, quand le Transvaal repousse les suggestions anglaises relatives aux uitlanders, puis à la dernière heure, quand, acceptant les ouvertures de l'Angleterre sur la franchise, il demande au gouvernement britannique, qui lui refuse la triple promesse de ne plus intervenir, de reconnaître son indépendance, et d'accueillir sur le reste l'arbitrage, ou encore quand, au dernier moment, il offre à la Grande-Bretagne, qui le repousse, l'arbitrage sur tous les points en litige. C'est dans la première de ces deux phases que se trouve toute la substance du conflit et que se placent tous les côtés fondamentaux du problème. C'est dans la seconde que se groupent les questions de forme, c'està-dire toutes les difficultés relatives au rejet de l'arbitrage.

(1) Political affairs, C. 9.530, p. 56 et s.

(A suivre).

A. GEOUFFRE De Lapradelle,
Agrégé à la Faculté de droit de Grenoble.

CHRONIQUE POLITIQUE

DANEMARK

(SEPTEMBRE 1899 - SEPTEMBRE 1900)

II. Crise ministérielle

:

SOMMAIRE: I. La réforme des impôts. ministère Schested; le discours d'Alberti; la gauche se sépare des socialistes. III. Commission parlementaire pour la réforme des impôts; les projets de réforme. — IV. La loi sur les accidents des pècheurs. V. Projet relatif aux sociétés d'assurances sur la vie. VI. Loi sur les pensions alimentaires dues par le père naturel. VII. Extension du territoire de Copenhague. VIII. Projet de réforme des élections municipales.

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I. A la dernière session du Rigsdag le ministère Hoerring a voulu mettre fin aux discussions du projet sur les lois d'impôt présenté par ce ministère et pendant devant les deux Chambres durant plus de quatre années.

Ce projet consiste en quatre lois indépendantes les unes des autres, mais indissolublement liées : la cession d'une partie du produit des impôts fonciers de l'État aux communes, une loi sur les douanes, une augmentation de l'impôt sur l'eau-de-vie et un impôt payé à l'Etat frappant les revenus et les capitaux.

En cédant aux communes une partie du produit des impôts fonciers la première loi aurait pour résultat de décharger le « hartkovn» des impôts qui à présent pèsent sur les communes rurales, tandis que l'impôt sur les revenus et les fortunes indemniserait l'Etat. La loi sur les douanes amènerait une moins-value considérable dans le produit des douanes (6 millions de francs) dont 2 millions resteraient à découvert tandis que le reste serait compensé par une élévation du droit sur l'eau-de-vie.

Il était évident que le ministère aurait de grandes difficultés à faire adopter ces projets par les deux Chambres. Le Folkething avait regardé d'un œil favorable les impôts directs et s'était opposé aux impôts indirects, tandis que le Landsthing avait manifesté des sentiments tout contraires. De plus les Things diffèrent de beaucoup dans leurs vues sur la question des douanes. Ils sont d'accord pour amoindrir le produit des douanes ; mais, tandis que le Landsthing veut réduire les taxes financières et désire garder les taxes protectrices, le Folkething en veut à ces dernières. Enfin il y a une grande difficulté à faire voter des lois fiscales par le Folkething, qui regarde avec soupçon tout nouveau projet d'impôt présenté par un ministère de la droite et qui craint qu'une fois votée la loi n'augmente les revenus du Trésor et ne facilite une accumulation dans les caisses nationales dont un ministère de la droite pourrait un jour abuser.

(1) Voir la Revue de 1896-97, p. 517.

Donc, chaque projet pris isolément n'ayant aucune chance d'être voté dans les deux Chambres, le ministère espéra que les deux Things se feraient des concessions réciproques et finiraient par adopter les quatre lois en bloc. Les lois d'impôts furent donc présentées ensemble dans le Landsthing. On obtint ainsi que le projet sur l'augmentation de l'impôt sur l'eau-de-vie fùt mis en délibération dans cette Chambre. Les an. nées précédentes les trois autres lois y avaient bien été discutées, mais l'impôt sur l'eau-de-vie traînait toujours dans le Folkething. Cette nouvelle disposition permettait au Landsthing des concessions relativement aux taxes douanières. Tant que la loi sur les douanes avait été envisagée isolément, le Thing s'était opposé à laisser à découvert un déficit dans le produit des douanes. Il avait bien voulu accorder un abaissement de la taxe sur les matières premières et sur les objets de première nécessité, mais il avait exigé en compensation une élévation des taxes financières et des taxes protectrices. Cette compensation était pour l'instant offerte par l'augmentation du droit sur l'eau-de-vie; le Landsthing vota aussitôt un abaissement considérable des impôts et fit des concessions au Folkething quant à l'abaissement des taxes protectrices.

Les projets furent ensuite délibérés dans le Folkething. Ce Thing se montra très vite intransigeant, il traita les impôts sur les revenus et les capitaux séparément et les renvoya au Landsthing après leur avoir fait subir des modifications en invoquant hypocritement des conventions faites avec le ministre des finances, M. Lüttichau, et d'après lesquelles une jonction des lois sur les impôts directs et sur les impôts indirects ne devait pas avoir lieu. Ces conventions ont été faites en effet, mais dans le seul but de mettre fin à un projet par lequel on voulait compenser l'abaissement du produit des douanes par un impôt direct. Aussi le Landsthing protesta et refusa de délibérer de nouveau sur les impôts direct avant que le Folkething n'eût délibéré sur les impôts indirects. Ce refus mit le Folkething en demeure de prendre position vis à-vis du projet relatif à l'impôt sur l'eau-de-vie. Cependant ce projet était par avance condamné à mort par le parti des réformes, bien que celui-ci dût se rendre parfaitement compte de la déception que causerait ce procédé chez beaucoup de ses électeurs. Cette démarche du parti fut donc une nouvelle manifestation de l'hostilité de la gauche contre le ministère. En effet, depuis la dépense de 500.000 francs non votés pour l'amélioration des forts maritimes de Copenhague, le parti des réformes a pris tout le ministère Hoerring en haine. En décidant sur les annotations des reviseurs du compte rendu de l'Etat, le Folkething avait eu l'occasion de revenir une dernière fois sur cette affaire et sachant bien que le ministère ne se souciait guère d'avoir une décharge, la gauche dut s'aviser d'autres moyens pour le frapper Or, rejeter la loi sur l'eau-de-vie était un moyen sûr d'éloigner le ministère et il était assez facile de donner une belle apparence à cet acte par des phrases creuses: L'augmentation de l'impôt sur l'eau-de-vie était injuste, elle ne frapperait que le petit peuple, spécialement les ouvriers ruraux et ce serait donc ceux-là qui indemniseraient l'Etat de la moins-value du produit des douanes; cette moins-value était estimée dans

le projet envoyé par le Landsthing à 1.800.000 francs, tandis que l'élévation du droit sur l'eau-de-vie était portée à 3 millions. On osait donc présenter au Folkhething un projet qui augmenterait les moyens du Trésor et mettrait des sommes considérables à la disposition d'un ministère semblable au ministère actuel.

En vain M. Hoerring déclara que le Landsthing ne s'était arrêté à un abaissement de 1.800.000 francs que parce qu'il savait que le Folkething demanderait des concessions nouvelles et qu'en réalité le Landsthing voulait bien faire de telles concessions. En vain le ministre insista sur ce que le rejet du projet était en désaccord avec les conventions faites entre le gouvernement et le Folkething, du moins avec le principe adopté par le gouvernement et le Folkething dans leur travail pour les réformes des impôts, principe d'après lequel la compensation de l'abaissement d'un impôt direct devait être effectuée par un impôt indirect et pour cela on avait spécialement pensé à l'impôt sur l'eau-de-vie.

Le ministre eut beau annoncer que le rejet du projet lui rendrait impossible la réalisation des réformes, il obtint pour tout résultat une critique railleuse de toute une administration faite par le rapporteur du parti des réformes; par 64 voix contre 42, (la droite et les modérés), le Folkething vota l'ordre du jour suivant :

« Le Folkething déclare qu'il net rouve pas opportun d'élever le droit sur l'eau-de-vie dans le but de compenser (totalement ou partiellement) la moins-value du produit des douanes qu'amènerait la loi proposée sur les douanes et que pour le moment il n'existe aucun besoin financier qui pourrait motiver que le Folkething consentît à une augmentation dudit impôt et laissât les moyens que cette loi rapporterait à la disposition du gouvernement actuel ».

Or le Thing passa à l'ordre du jour et la discussion sur la loi des douanes fut ouverte. De nouveau on se hâta d'adopter le projet de 1897 sans le moindre égard aux modifications faites par le Landsthing, après quoi le Folkething jugea ses engagements remplis et renvoya le projet au Landsthing.

Pourtant le ministère ne renonça pas tout de suite à la réforme des finances. Encouragé par quelques membres de la droite et du parti modéré du Folkething, il voulut essayer, comme dernière solution, de faire continuer la délibération des trois lois dans le Landsthing, pour essayer ensuite de les faire remettre à un comité composé de membres des deux Things, dernier moyen autorisé par la Constitution.

Ces espérances furent bientôt détruites par le Landsthing, qui rejeta les trois projets envoyés par le Folkething.

Le ministère, averti d'avance, fit connaître, quelques jours avant la délibération finale, la résolution de donner sa démission. La politique de conciliation inaugurée par lui, avait fait faillite, et de tous côtés on se sentit allégé d'en avoir fini avec cette tactique qui, en fait, avait réduit l'activité du ministère aux tâtonnements d'un médiateur cherchant des solutions aptes à satisfaire les deux Things. Il fallait retourner à un gouver

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