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nement de parti dont la main ferme se fit sentir dans les débats du Rigsdag.

Mais lequel des partis prendrait les rênes du gouvernement? On disait le moment venu pour essayer un ministère de la gauche, mais, examinées de plus près, les chances d'un tel ministère étaient bien faibles. Un ministère de la gauche modérée eût été impossible, le gouvernement serait il donc au parti des réformes? Ce parti dispose certainement de la majorité du Folkething, mais sa politique pendant la session précédente avait été si équivoque que la question d'un ministère radical put à peine être posée sérieusement. D'abord, ce parti, en rejetant le projet sur l'eau-de-vie, tout en admettant l'abaissement des taxes douanières, avait manifesté son intention de priver le Trésor de revenus considérables à une époque où les lois votées sur la création de petites fermes, sur l'enseignement primaire et sur la construction de chemins de fer plus ou moins lucratifs, avaient fait baisser l'encaisse jusqu'à un minimum tel que le Trésor avait dù recourir à des capitaux français (Loi du 9 avril 1900 sur un emprunt d'Etat) pour éviter une réalisation subite d'obligations des crédits fonciers danois de la part du Trésor, réalisation qui, dans la situation actuelle du marché monétaire aurait sans doute provoqué une baisse sérieuse à la Bourse pour ces papiers. Puis, ce parti avait résolu de refuser encore une fois le bac à vapeur entre Gjedser et Warnemünde, bien qu'un tel refus dùt amener une perte irréparable, parce que la Suède en aurait profité et se serait attiré le transport des marchandises entre l'Allemagne et la Scandinavie en établissant une communication par bac à vapeur entre Sassnitz et Trelleborg. Il est vrai qu'il n'avait pas osé maintenir ce refus, mais il n'avait voté le bac qu'à la condition d'obtenir une série de chemins de fer locaux d'une importance douteuse. Enfin c'eût été trop demander au Roi qu'il remit volontairement les rênes du gouvernement au parti radical, étroitement lié avec les socialistes, ennemis déclarés de al royauté.

II. La seule issue possible de la crise ministérielle fùt donc de charger la droite extrême (les partisans de M. Estrup) de former un ministère. La presse de la gauche nourrissait l'illusion qu'il serait impossible à la droite d'organiser un nouveau ministère. M. Hoerring avait dù renoncer à trouver un ministre de la justice, ; comment espérer trouver maintenant huit ministres de la droite?

On réussit cependant à en trouver 9. Le nombre des ministères fut augmenté de 8 à 9, le ministère du Trafic étant séparé de celui de l'Intėrieur. La composition du ministère fut donc la suivante M. Schested, président du Conseil et ministre des affaires étrangères; M. Scharling (professeur de droit public à l'Université de Copenhague), ministre des finances M. Goos (professeur de droit et ancien ministre de l'instruction publique), ministre de la justice; M. le baron Juel-Rysseusten, ministre du trafic; M. le doyen Bjerre, ministre de l'instruction publique ; M. Früs, ministre de l'agriculture; M. Middelboe, ministre de la marine. MM. Bramsen et Schnak gardèrent leurs portefeuilles comme ministres de l'intérieur et de la guerre.

Ce fut certainement une déception pour le parti des réformes qui sentit que sa politique n'avait pas été entièrement inspirée par la sagesse. Ce sentiment s'est manifesté de plusieurs façons. Des signes d'une rupture entre le parti des réformes et les socialistes se sont montrés. Au cours d'une réunion un membre assez influent du parti des réformes, M. Alberti, a osé révéler dans son discours aux électeurs les grandes divergences entre la gauche et les socialistes; il insista sur ce que la gauche ne veut pas suivre les socialistes dans leur attaque contre l'Eglise et contre la royauté, qu'elle ne veut pas refuser de s'intéresser à la défense nationale bien qu'elle soit en désaccord avec la droite quant à l'étendue et à l'organisation de la défense. Il alla même jusqu'à dire qu'il trouverait désirable que la gauche et les socialistes ne présentassent pas des candidats communs dans plusieurs circonscriptions électorales. Continuer dans cette voie en élargissant la scission entre les deux partis, c'est sans doute le seul moyen par lequel la gauche pourra arriver au gouvernement. Ce discours déguisait mal les visées politiques de l'orateur.

Par ailleurs la gauche dut aussi s'empresser de calmer les électeurs auxquels la tenue du Folkething avait donné l'impression que le projet sur la réforme des impôts avait complètement échoué. Les électeurs ruraux qui avaient espéré en retirer un avantage, s'inquiétèrent, aussi ; ni aux réunions électorales, ni dans la presse, ils ne donnèrent leur adhésion, à la politique de leurs chefs.

III. Le Folkething se hâta donc de nommer une commission parlementaire qui, pendant l'été, chercherait à trouver un projet de nature à être accepté par tous les partis. La commission fut composée de membres de tous les groupes du Thing et commença aussitôt son travail.

On comprit bientôt qu'il serait impossible de s'accorder relativement à une loi sur les douanes et au droit sur l'eau-de-vie. Aussi la commission se borna à discuter les impôts directs et à chercher une assiette d'impôts plus juste que celle actuellement en vigueur qui cause un préjudice aux propriétaires ruraux. Tous les partis de la commission (excepté les socialistes) s'entendirent pour proposer:

1) Un impôt sur les revenus et les fortunes payé à l'Etat;
2) La cession d'une partie des impôts directs aux communes;

3) Une contribution fournie par le Trésor aux propriétaires ruraux pour le rachat des dîmes;

4) Des réformes touchant la côte personnelle payée aux communes. Les principes de ces projets sont les suivants :

Une partie des impôts fonciers actuels est cédée aux communes (no 2) qui par cette cession seront enrichies de 14 millions de francs par an : 2 millions et demi iront à la commune de Copenhague, 2 millions et demi seront répartis entre toutes les villes de province et 9 millions entre les communes rurales. Cette répartition rend possible un abaissement des impôts communaux à Copenhague, par exemple, le maximum de la côte personnelle sera abaissé de 3 à 2 0/0 (no 4).

Pour indemniser l'Etat de la perte causée par le projet (no 2) on crée un

nouvel impôt sur les revenus et les capitaux (no 1) qui rapportera probablement environ 11 millions de francs au Trésor.

Il est évident que cette réforme sera avantageuse pour les communes qui maintenant paient de lourds impôts fonciers et qui dorénavant auront à payer une petite part du nouvel impôt sur les revenus, et qu'au contraire elle sera désavantageuse pour les communes qui contribuent relativement peu à l'impôt foncier, mais qui, grâce à leur plus grande richesse en biens meubles, vont payer la plus grande partie du nouvel impôt. D'après des évaluations faites, le résultat sera une perte sensible pour Copenhague et les villes, mais un gain considérable pour les communes rurales. Pour séduire les villes on propose enfin quelques réformes touchant la cote personnelle (no 4) qui ont été fort réclamées par les villes.

Premièrement on va remédier à cette injustice dans les lois réglant cet impôt, que la cote personnelle est payée par le contribuable à la commune où il réside et à celle-là seulement. Grâce aux communications de plus en plus faciles, beaucoup de gens qui ont leurs magasins, établissements etc., dans les villes, préfèrent résider dans les communes voisines où se multiplient les villas: or, d'après les lois en vigueur ils ne paient aucun impôt à la ville, bien qu'ils jouissent journellement de tous les avantages qu'elle présente et qu'ils en tirent tous leurs bénéfices. Ainsi, toute la bourgeoisie de Copenhague ne paie rien à la ville pendant le trimestre estival durant lequel elle réside à la campagne.

On propose donc que le contribuable paye sinon totalement, du moins en partie et à la commune où il réside et à la commune où il exerce son commerce. En conséquence les sociétés anonymes seront frappées de l'impôt communal; cette réforme trouvera certainement bon accueil chez les commerçants des villes, principalement de celles de province où les commerçants locaux souflrent de la concurrence des succursales des sociétés anonymes dont les actionnaires résident ailleurs et qui sont par conséquent exemptes de contribuer aux dépenses de la ville où la succursale est établie.

Ces réformes sont équitables, cela est hors de doute, mais il est très douteux que les caisses communales aient par là une compensation convenable de la perte sûre que les projets no 1 et no 2 leur causeront au profit des communes rurales et en tout cas il est certain que les habitants des villes subiront une augmentation de leurs charges publiques par les projets nos 1, 2 et 4.

Le comité ne s'est pas arrêté là. Le projet n° 3 apportera encore un cadeau aux communes rurales de la part du Trésor qui apportera un contingent d'un million par an aux communes dont les habitants désirent racheter les dîmes grevant encore les terres.

Ces quatre réformes coûteront à l'État 4 millions par an. Le Trésor ne pouvant supporter un abaissement ultérieur dans ses recettes, la gauche semble avoir renoncé à avoir une nouvelle loi libre-échangiste sur les douanes sans compensation, ce qui en réalité veut dire que la Gauche a abandonné la réforme de la loi sur les douanes.

Nous avons dit que les projets du comité ont été approuvés par des délé

gués de tous les partis du Folkething, même par les membres de la droite, mais de là conclure que les projets trouveront bon accueil dans le Landsthing et seront acceptés par le ministère, serait trop hardi.

Législation. — Outre les lois susdites sur un emprunt de l'État et sur les moyens de transport, il y a encore quelques lois et projets de lois qui méritent d'être signalés.

IV. Le 3 avril 1900 fut sanctionnée la loi sur l'assurance contre les accidents pour les pêcheurs danois.

Les pêcheurs n'ont pas été compris dans les ouvriers qui bénéficient de la loi sur l'assurance ouvrière du 17 janvier 1898. Les rapports entre l'ouvrier et le chef d'atelier d'un côté, et de l'autre côté entre le pêcheur et son patron, ne sont pas analogues. Bien souvent il est difficile de déterminer si un pêcheur s'est engagé chez un patron contre un salaire, ou s'il exerce son métier pour son propre compte. Le contrat entre les pêcheurs renferme souvent une combinaison de ces deux formes de coopération.

Si l'on avait prescrit simplement que la loi de 1898 dorénavant devait embrasser les pêcheurs, deux dangers se seraient présentés. D'une part le pêcheur serait tenté de négliger de s'assurer, parce qu'il se considèrerait comme travaillant chez un chef d'entreprise. D'autre part celui qui aurait engagé un pêcheur et, le considérant comme indépendant, n'aurait rien fait pour le faire assurer, se verrait un jour cité devant le tribunal et par la sentence obligé de payer comme patron au pêcheur une indemnité considérable. Aussi les dispositions de la nouvelle loi et de la loi de 1898 ne sont-elles pas identiques.

Pour pouvoir invoquer la loi en sa faveur, le pêcheur est tenu de s'assurer lui-même. Dans ce cas la loi l'autorise à exiger que son patron lui restitue les primes payées par lui pendant le temps qu'il a été au service de celui-ci. Cette disposition si simple présente des avantages et pour le patron et pour le pêcheur. Les engagements du patron ne dépasseront pas facilement ses moyens et les contestations entre patron et pêcheur n'auront pour objet que des sommes peu considérables. En cas d'accident, le pêcheur, pour obtenir son indemnité, n'aura affaire qu'à la société d'assurance choisie par lui-même, et, en supposant que son patron soit insolvable, il ne risquera que le montant de quelques primes.

V. Pendant la session, le ministère de l'intérieur avait aussi présenté un projet sur les sociétés d'assurance sur la vie. Le Danemark n'a pas encore une loi sur les sociétés; il n'a même pas un règlement d'administration publique pour la constitution des sociétés d'assurance. Il y a donc ici un champ librement ouvert aux imposteurs indigènes ou étrangers pour exploiter la crédulité publique.

Le projet avait en vue d'appliquer le principe d'autorisation et spécialement de faciliter aux assurés la poursuite judiciaire contre les sociétés étrangères.

Dans le Landsthing le projet fut vivement critiqué et presque refait à neuf. Cependant une invitation donnée par le gouvernement suédois au gouvernement danois d'envoyer des délégués à une conférence qui serait chargée d'établir une législation commune sur les sociétés d'assurance

amena une suspension des discussions du projet, qui n'arrivera pas à être discuté dans le Folkething.

VI. Le 3 avril a été sanctionnée une nouvelle loi sur les pensions alimen. taires dues par le père à la mère d'un enfant naturel. Pour le fond, la loi ne fait que répéter les principes des lois abrogées d'après lesquelles le père doit payer au moins la moitié des dépenses nécessaires à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, jusqu'à ce que celui-ci soit àgé de 14 ans accomplis, et dans des cas extraordinaires jusqu'à l'âge de 18 ans, que le père doit en outre payer la moitié des dépenses de l'accouchement de la mère; que ces créances sont considérées comme des dettes ordinaires; de sorte que la mère ou le tuteur de l'enfant peut les faire valoir dans la succession du père même si celui-ci meurt insolvable. La somme que la mère peut réclamer dans la succession est le total des pensions que le père aurait dû payer, s'il avait vécu jusqu'à ce que l'enfant ait atteint l'âge de 14 ans. Seulement si le père laisse veuve ou enfants légitimes, la créance de la mère de l'enfant naturel ne doit pas dépasser la part héréditaire d'un enfant légitime.

Cette loi a été rendue nécessaire par une disposition qui date de 1888 et qu'on a dû modifier à plusieurs reprises. Cette disposition a donné à la mère indigente qui a un domicile de secours dans le pays la faculté de demander (sous condition que le père soit en vie et réside dans le pays) que la commune où elle réside lui paie par avance la pension imposée au père comme minimum, c'est-à-dire la moitié de ce qui est strictement nécessaire pour l'entretien de l'enfant. La commune se chargea donc du risque et de la peine d'encaisser cette avance chez le père et, si elle ne réussissait pas à la faire rentrer, elle eut recours au domicile de secours du père, s'il en avait un dans le pays.

On comprend facilement combien d'embarras cette disposition a suscités aux communes, surtout si l'on rappelle que les pensions sont ordinairement payées par mois. La nouvelle loi a donc introduit des dispositions plus pratiques, en décidant d'abord que la mère n'aura ce recours que pour les pensions d'un semestre, puis qu'elle devra s'adresser au chef de la police locale. Celui-ci doit donc s'assurer que les conditions pour le payement par avance sont accomplies; il effectue ensuite le payement sur les fonds d'une caisse constituée par des versements des communes de la préfecture et finalement c'est à lui de se faire rembourser la somme en recourant au père, ou, si celui-ci est insolvable, à son domicile de secours, s'il en a un dans le pays.

VII. Une loi du 3 avril 1900 a triplé le territoire de la ville de Copenhague, mesure qui rend possible l'agrandissement de la ville au sud et au nord-ouest.

VIII. Une réforme de la loi sur les élections des conseillers municipaux de Copenhague a échoué. D'après la loi en vigueur sont électeurs ceux qui sont imposés à une somme de 1.400 francs et au-dessus, et les conseillers sont élus au scrutin de liste en six séries contenant chacune un nombre égal de conseillers.

Aux dernières élections, la droite a dû renoncer à toute espérance de

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