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trouve imposée pour tous les cas où, au moment de la distribution ou de la remise de l'actif social, il y a une créance en suspens; ce qui arrivera, non seulement au cas de contestation, de terme ou de condition, mais toutes les fois qu'à défaut de paiement normal la consignation ne pourra pas avoir lieu, par exemple, parce que, dans l'hypothèse prévue par l'art. 52, § 1, les conditions de l'art. 372 ne se trouveraient pas réunies; et l'on peut supposer, en effet, qu'il s'agisse de choses non susceptibles de consignation.

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ART. 53. Les liquidateurs qui, contrairement aux obligations qui leur sont imposées par l'art. 42, § 2 et les art. 50 à 52, ou qui, avant que les créanciers aient été désintéressés, font remise de l'actif aux destinataires, sont, s'il y a eu faute de leur part, responsables envers les créanciers du dommage qui en serait résulté pour ces derniers : ils en sont tenus comme débiteurs solidaires.

I. Les Motifs (I. p. 117) observent, avec raison, que les liquidateurs sont les gérants de l'association, et non les mandataires des créanciers. Ils ne sont responsables, de ce chef, que vis-à-vis de l'association elle-même. Si donc, par suite d'une gestion irrégulière, ils compromettent les droits des créanciers, ceux-ci n'auraient pu s'en prendre à eux qu'en exerçant les actions appartenant de ce chef à leur débiteur, actions qui font partie du patrimoine de l'association, puisque ce patrimoine subsiste encore, en vue de la liquidation, et tant qu'elle dure (Cf. PL., p. 101-102). Il a semblé, toutefois, que, lorsqu'il y avait violation des prescriptions qui visent expressément les créanciers, et établies par la loi dans leur intérêt propre, on devait considérer qu'il y avait là les éléments matériels d'un délit civil, justifiant à leur profit l'attribution d'une action. directe à l'encontre des liquidateurs (M. I. p. 117). Telle est la théorie dont l'art. 53 fait l'application, et qui se rattache, d'une façon immédiate, aux principes sur la responsabilité délictuelle, comme le prouve la condition de faute, sur laquelle insiste, plus spécialement encore, la seconde rédaction, en la formulant de manière à bien établir qu'elle est requise pour tous les cas visés par le texte, et pour lesquels est admise l'action directe contre les liquidateurs (Cf. art. 56 P' et art. 48 P2).

II. Reste à se demander si les créanciers peuvent avoir action

contre les destinataires qui auraient reçu délivrance irrégulièrement. Bien entendu, il ne s'agit pas du fisc, lequel est traité comme un successeur universel, donc comme un héritier; aussi n'y a-t-il pas lieu dans ce cas de recourir à aucune procédure de liquidation. Mais, dans tous les autres cas, les destinataires ne sont pas des successeurs proprement dits. L'opinion qui paraît l'emporter (PL. §52-2o, p. 102) est qu'ils sont de simples créanciers, ayant un droit contre l'association, droit à recevoir l'excédant d'actif. Si donc ils étaient payés avant que tous les créanciers aient été désintéressés, ils se trouveraient avoir reçu l'indú, puisque l'obligation qui incombe à l'association. à leur profit n'existe que, s'il y a un excédant de fonds disponible et dans la mesure où cet excédant existe. Planck en conclut que, de même que, si l'on avait payé une dette à un créancier fictif, les autres pourraient exercer contre lui l'action en répétition appartenant à leur débiteur, de même peuvent-ils prétendre qu'une action en répétition appartenant, du chef de la remise indue, à l'association elle-même, celle-ci a encore un patrimoine sur lequel ils ont droit, et que, par suite, ils peuvent saisir et exercer l'action qui lui revient de ce chef. Seulement, l'exercice de cette action indirecte suppose que les liquidateurs, en versant les fonds, ignoraient que ceux-ci dussent être absorbés par un supplément de passif non encore éteint (art. 814). S'ils avaient conscience, au contraire, de l'irrégularité du procédé, il y aurait bien, sans doute, un acte qui, par sa nature objective, ne rentrerait plus parmi les actes de liquidation; mais comme, par hypothèse, il n'y aurait pas eu violation de l'art. 51, la remise n'ayant eu lieu qu'après le délai légal, l'irrégularité de l'opération, d'après le système admis par Planck sur l'art. 49, ne serait opposable aux tiers, ici aux destinataires, que si ces derniers ont eu connaissance de la fraude elle-même (cf. note sur art. 49). On voit donc qu'en principe les créanciers n'ont pas d'action directe contre les destinataires qui auraient reçu délivrance en violation des règles établies par la loi pour la protection des créanciers. Cette action directe n'aurait pu être admise que sur le fondement de l'art. 812 sur l'enrichissement sans cause. Or, celui-ci exige que l'enrichissement ait eu lieu aux dépens de celui à qui la loi donne le droit à répétition; et, dans l'hypothèse ici

visée l'enrichissement a lieu, en droit, aux dépens de l'association et non des créanciers (PL. loc. cit.). Les Motifs (I, p. 117) indiquent, d'ailleurs, qu'il n'y avait aucune raison pourattribuer action directe contre les destinataires.

R. SALEILLES,

Professeur à la Faculté de droit

de l'Université de Paris. (1)

(A Suivre)

(1) V. la notice biographique dans cette Revue, t. IX (1898), p. 413.

L'INITIATIVE PARLEMENTAIRE (1)

II. Son histoire.

SOMMAIRE: I. Ses caractères juridiques. III. Conditions et résultats de son exercice. IV. Suffrage universel et initiative parlementaire. V. Critique des projets de suppression de l'initiative parlementaire. - VI, Réformes suggérées pour son amélioration. VII. Du droit d'amendement et de l'initiative en matière de finances. VIII. Conclusion.

Un des phénomènes les plus frappants de notre vie parlementaire, c'est le contraste entre l'énorme quantité de travail fournie par les Chambres et la médiocrité du produit législatif. Les Chambres tiennent des séances très nombreuses et très longues; les documents, les propositions et rapports, annexés aux procès-verbaux, forment tous les ans d'énormes volumes. Cependant, chaque année, le Parlement ne donne au pays qu'un petit nombre de lois, et la plupart de ces lois sont médiocres pour le fond, défectueuses pour la forme. L'effort et les résultats sont disproportionnés.

Les causes de ce phénomène sont nombreuses et complexes. Entre elles, figure l'initiative reconnue aux membres du Parlement, ou, plus exactement, la façon dont ce droit est exercé. Telle est du moins l'opinion de MM. Larcher et Michon. Je voudrais, avec l'aide de leurs livres, et aussi, en y ajoutant quelques observations qui y manquent, examiner ce droit d'initiative, les caractères juridiques et les conditions d'exercice, les maux qu'il a engendrés et les remèdes qu'il sollicite (2).

(1) EMILE LARCHER, L'Initiative Parlementaire en France (ouvrage couronné par la Faculté de droit de Paris: prix Rossi, Droit constitutionnel, 1895). Paris, Rousseau, 1896, 8, 319 p., 8 fr. LOUIS MICHON, l'Initiative parlementaire et la réforme du travail législatif, Paris, Chevalier-Marescq, 1898, in-8°, III. 348 p., 5 fr.

(2) J'ai dû, pour ne pas allonger abusivement cette étude, m'en tenir à l'initiative législative et négliger diverses matières (révision constitutionnelle, etc.), où l'initiative parlementaire s'exerce également et qui appelleraient les mêmes remarques.

Cette étude se rattache à un ensemble de préoccupations de plus en plus pressantes. L'heure est mauvaise pour les Parlements. On se plaint d'eux beaucoup, souvent, un peu partout; on les accuse, non sans motif, de faire plus de bruit que de travail. Symptôme grave, les peuples ont supporté sans réclamation de véritables mesures dictatoriales, en Autriche, en Italie, en Portugal. S'ils veulent se sauver, et sauver la liberté avec eux, les Parlements doivent s'observer, se repentir, se réformer.

I

Le droit d'initiative en matière législative consiste essentiellement à saisir le pouvoir législatif. Par l'exercice de ce droit, le pouvoir législatif est juridiquement contraint à agir; il ne peut se dispenser de statuer; il doit une solution, affirmative ou négative.

Cette définition montre l'importance juridique et pratique du droit d'initiative, et le distingue d'autres droits qui sollicitent différemment le pouvoir législatif. Ainsi les citoyens peuvent, par voie de pétition, signaler aux Chambres les lacunes ou les défauts de la législation, réclamer une loi; mais cette pétition est sans effet nécessaire sur le mécanisme législatif; elle ne le force pas à fonctionner; son action net peut être qu'indirecte, en suggérant à ceux qui possèdent l'initiative l'idée de l'exercer (1). De même, les Chambres avaient, selon la Charte de 1814, la faculté de supplier le roi pour la présentation d'un projet de loi; ce n'était pas l'initiative: car le roi, seul détenteur de ce droit, n'était pas obligé de l'exercer, et les Chambres ne pouvaient se saisir elles-mêmes. D'après la Constitution de 1791, le roi pouvait recommander un objet à l'attention de l'Assemblée; ce n'était pas l'initiative; l'Assemblée restait libre de s'occuper ou de ne pas s'occuper de l'objet signalé par le roi.

L'initiative est complète ou restreinte. Complète, elle se porte sur toutes les matières législatives et prend telle forme qu'il lui convient; elle est capable de proposer un Code en

(1) A plus forte raison, l'initiative ne sera-t-elle pas confondue avec l'opinion publique, que Rossi signale comme la véritable initiatrice des lois.

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