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guide un manuel, un traité qui ont la prétention de donner l'exposé systématique des résultats acquis par la science et de présenter à l'élève le tableau exact de ce que peut être l'enseignement de la matière, objet de sa préparation.

Aussi, le fait que ces deux points de vue opposés se trouvent concourir ensemble, nuit quelque peu au livre. Comme œuvre d'investigation scientifique, le volume de M. Ureña renferme certains renseignements qui ne sont que des hors-d'œuvres c'est ainsi qu'il serait nécessaire de faire disparaître de nombreuses digressions pour que l'ouvrage donnât toute satisfaction aux esprits cultivés et au courant de certains des problèmes exposés par l'auteur. En retour, comme œuvre didac tique, le travail de M. Ureña me paraît pécher par excès de renseignements. Il est vrai que l'auteur avait à lutter contre les difficultés propres d'une étude scientifique dont les bases logiques, les limites et l'objet sont loin d'être bien déterminés; à tel point que l'on peut raisonnablement se demander s'ils pourron jamais être déterminés avec une véritable rigueur scientifique.

Comme l'indique le titre même du tome I de l'Histoire de la littérature juridique espagnol, cet ouvrage comprend : 1o l'Introduction; 2° des références aux travaux de cours antérieurs; 3° l'évolution juridique et linguistique; 4o l'Espagne primitive, romaine, gothique et arabe.

Si nous nous attachons au développement réel du livre, nous trouvons que toutes ces matières se trouvent distribuées en deux parties qui sont : 1° l'Introduction; 2o l'Histoire critique de la littérature juridique espagnole, qui comprend jusqu'à la littérature juridique musulmane elle-même. Celle-ci, toutefois, ne figure que dans un bref sommaire, l'auteur renvoyant, pour les détails, les lecteurs à d'autres cours professés dans sa chaire.

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L'Introduction (p. 28-239) est un long travail de préparation didactique. Bien dirigé, d'une manière générale plein d'érudition, il traite des questions suivantes : 1° Concept de la littérature juridique et détermination de l'objet qui constitue son étude;

20 Bibliographie juridique, Ici, M. Ureña fait une distinction entre la littérature et la bibliographie qu'il considère comme deux parties différentes de la préparation à l'étude du droit à l'aide des monuments littéraires, c'est-à-dire des œuvres, parlées ou écrites, concernant le droit. Nous reviendrons plus loin sur cette question;

3o Rapports de la littérature et de la bibliographie juridiques de l'Espagne : a) rapports avec la science en général et avec les sciences en particulier; b) rapport avec l'art en général et avec les arts en particulier ;

4o Sources de la littérature et de la bibliographie juridiques en Espagne. Ce chapitre est très plein d'érudition et très complet;

5o Méthode. M. Ureña envisage: a) la méthode d'investigation, au sujet de laquelle il entre dans des considérations très justes ; b) la méthode de construction scientifique, comprenant, selon moi, avec une certaine confusion, deux notions logiques, qu'on pouvait peut-être avec plus de raison distinguer en méthode et en plan. Il ne me semble pas que l'auteur ait suffisamment compris l'idée fondamentale, en matière scientifique, suivant laquelle la méthode se réfère à l'investigation ou direction intra-mécanique que suivent les facultés intellectuelles dans les études ayant pour objet la recherche de la vérité ; tandis que le plan se rapporte à l'exposition ou mise en ordre de diverses parties de l'objet, suivant les lois de cet objet et suivant les exigences du rapport socialdidactique dans ce cas de la connaissance.

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REVUE DU DROIT PUBLIC.- T. XV

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Enfin, M. Ureña parle, en dernier lieu, de la méthode d'enseignement scientique.

Mais, de toute cette longue introduction, ce qu'il convient de signaler surtout, c'est l'exposé que l'auteur fait du concept de la littérature juridique. M. Ureña à mon avis, veut démontrer deux choses : 1° que l'objet de son enseignement a une réalité logique et scientifique; 2° que la Littérature juridique n'est pas une simple énumération bibliographique de sources littéraires livres, écrits, références, orales, graphiques. Ce dernier but, il l'atteint, je crois, complètement. Car, s'il est vrai que toute investigation historico-littéraire se résout en études bio-bibliographiques », il est certain que la bibliographie « en tant que des<cription interno-externe du livre pour déterminer la place qu'il occupe dans « le mouvement intellectuel d'un peuple », ce qui exige, suivant M. Monenda y Pelayo « un jugement peu profond et superficiel... mais bref, léger, sans prétentions... un jugement spontané et frais, comme s'il naissait du contact inspirateur des pages du livre : impressions jetées sur le papier avec candeur et ingénuité savante », la bibliographie, dis-je, est, avec toutes ses notes, ses descriptions, ses discussions sur la place historique qu'occupe le livre, ses classifications, ses catalogues raisonnés par matières, par auteurs, ses distinctions, etc., un instrument général de travail scientifique et de vulgarisation du livre ; et, au point de vue de la situation, elle est la base et le fondement du travail qui doit correspondre à toute érudition réelle et indispensable.

Quant à la réalité scientifique de la littérature juridique, elle peut s'induire du concept que l'auteur se forme de cette dernière. M. Ureña, craignant, et avec raison jusqu'à un certain point, que le mot littérature soit improprement employé lorsqu'il ne s'applique pas à des œuvres d'art, par exemple, à des œuvres de la parole écrite ou parlée de valeur esthétique, fait des efforts pour démontrer qu'on peut parler d'une littérature juridique, parce qu'il existe une beauté littė. raire dans les œuvres de droit. Aussi la définit-il en disant que c'est la manifestation artistique de la beauté, de la vérité juridique, sentie, connue et appréciée par l'homme et manifestée extérieurement sous forme de créations dues à la parole écrite ou parlée ».

Je crois que, dans tout le raisonnement de M. Ureña, il existe une certaine confusion, bien explicable d'ailleurs. Il y a un mélange d'idées qui, en soi, me paraissent excellentes d'une maniere générale, mais qui ne sont pas tout à fait à leur place dans la question actuelle. Il est hors de doute que le droit a son côté esthétique la vie juridique a sa beauté; on en trouve la preuve dans ce fait que des conflits juridiques servent parfois de thème à la littérature artistique. Ihering a très bien vu cela. Il est également certain que la connaissance du droit peut servir de matière pour la création d'une œuvre littéraire artistique. Exemple: Un discours de Cicéron, Il y a une véritable beauté littéraire dans la conception de l'Esprit du droit romain du même Ihering. Et cela peut se produire toujours pourvu que le juriste, non en tant que juriste, mais en tant qu'écrivain, soit un artiste de la parole et sache, par suite, donner vie et âme au droit qu'il expose dans la forme artistique, avec une valeur esthétique.

Mais tout cela ne justifie pas l'emploi de l'expression littérature juridique dans un sens esthétique, tout au moins d'une manière générale comme le veut M. Ureña; car cela équivaudrait à transformer la matière de son enseignement en une branche de la littérature; et celle-ci, dans ce cas, ne constituerait plus une véritable étude juridique auxiliaire.

A vrai dire, il n'était point nécessaire de justifier, au point de vue esthétique, l'existence d'une littérature juridique. Toutefois, bien que l'on puisse discuter sur le point de savoir si le mot littérature est applicable aux manifestations de

la parole, parlée ou écrite, qui ne sont pas esthétiques, il est certain que, dans le sens où M. Krüger, par exemple, parle de sources et de littérature du droit romain -il en est même qui parlent de la littérature de la politique, de la littérature de la sociologie. sans cependant prétendre que la Sociologie de M. Spencer est une œuvre littéraire comme Faust on peut se servir de l'expression littérature juridique sans, pour cela, se trouver dans la nécessité de démontrer, par exemple, la beauté littéraire de... la loi de Agues. Car il faut remarquer que M. Ureña considère comme manifestations « juridico-littéraires, les grands travau.r législatifs, les écrits doctrinaux des jurisconsultes... », l'activité professionnelle de l'avocat, du magistrat, du notaire... (Avis, demandes, consultationsaccusations, défenses, jugements, contrats, testaments), et celle de l'enseignement du droit (leçons du professeur, dissertations, etc.).

IV

La partie de l'Histoire critique de la littérature juridique espagnole que comprend ce volume, embrasse, en premier lieu, une section destinée à exposer la conception générale philosophique adoptée par l'auteur à propos du développement historique, conception qu'il applique bientôt au droit espagnol; et en second lieu, l'histoire littéraire du droit en Espagne aux diverses époques : Première époque: Espagne avant et durant la domination romaine; Deuxième époque : Espagne gothique ;

Troisième époque : Espagne de la conquête amplement exposée dans l'étude : 1o du fractionnement de l'unité nationale et de la formation des divers Etats (invasion musulmane); 2o des Etats hispano-musulmans; 3o des Etats hispanochrétiens.

Le concept que l'auteur se fait de l'évolution juridique a pour fondement l'idée générale biologique et sociologique du spencerisme, quelque peu corrigée, en un certain sens, par la critique de l'éminent M. Tarde. Pour M. Ureña, l'évolution juridique repose sur deux principes fondamentaux: lutte pour le droit et sélection. Mais il oublie qu'il existe tout au moins un autre principe : celui de la coopération. A vrai dire, M. Ureña ne s'est pas posé le problème capital du rôle primordial joué, dans la formation et la transformation du droit, par la coopération ou sympathie sociale et par la lutte et l'opposition. A part cela, en partant des principes qu'il expose, M. Ureña argumente avec clarté et met à contribution des exemples très suggestifs et très intéressants. La conception générale du droit, dans sa formation évolutive, est, pour l'auteur, organique. Il met à profit, pour l'expliquer la doctrine de l'adaptation; et, en cela, il se rapproche quelque peu, quoique pas de propos délibéré, de la méthode juridique de Ihering, des fins pratiques, comme explication de la formation des institutions juridiques.

Si nous nous arrêtons maintenant à la partie proprement historique de ce volume dont nous avons ci-dessus indiqué l'objet en quelques mots, nous devons reconnaître que tout le savant chapitre consacré à esquisser les éléments de l'évolution juridique en Espagne, constitue un travail des plus importants (p. 279-348). Il en est de même du suivant sur l'évolution linguistique, (p. 349-393). Au sujet de l'exposition historique, il convient, avant tout, de faire une observation qui est motivée par la façon particulière dont M. Ureña a composé son livre. Il y a, dans toute cette partie, un mélange d'exposés et d'études complets, c'est-à-dire développés dans de justes limites, et de renvois à des travaux ayant fait l'objet de cours antérieurs, indiqués succinctement ou dans des tables analytiques, ce qui rompt l'ensemble. C'est ainsi qu'il existe un grand défaut de proportion et d'harmonie entre la première époque, (p. 395-422), et la seconde,

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(p. 422-427), d'un côté, et la troisième, (p. 428-602), de l'autre. Je comprends bien la raison particulière qui explique cela: elle réside dans ce fait que le livre se rapporte aux matières professées par M. Ureña dans son cours de 1897-1898. Mais combien le monde cultivé aurait-il gagné si M. Ureña s'était décidé à suivre un autre plan et avait développé avec beaucoup plus de détails le programme de la première et de la seconde époque !

Je sais bien que les ouvrages de M. Hinojosa, Historia general del derecho espagnol (Histoire générale du droit espagnol) vol. I, qui est relative à l'Espagne primitive, romaine et gothique, et de M. Perez Puyol, Historia de las Instituciones sociales de la España goda (Histoire des institutions sociales de l'Espagne gothique), servent de guide à l'étudiant espagnol ou étranger et sont pour lui un précieux auxiliaire, ce qui nous fait défaut, au moins en matière d'œuvres, de la même nature, dour la vie juridique et sociale de l'Espagne de la conquête. Mais, outre que les tentatives de MM. Hinojosa et Perez Puyol diffèrent foncièrement (elles sont plus transcendantes au point de vue historique et social) de celle de M. Ureña, la littérature historico-juridique de l'Espagne eût gagné beaucoup à voir exposés en détail par ce dernier les travaux qui ont fait l'objet de ses cours universitaires antérieurs; comme elle y gagnerait si notre auteur continuait à exposer succes sivement dans ses livres le résultat de ses recherches sur la littérature juridique espagnole.

(Traduit par M. J. Gaure, avocat).

ADOLFO POSada.

Professeur à l'Université d'Oviedo.

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Politisches Jahrbuch der schweizerischen Eidgenossenschaft Treizième année, 710 pages in-8°, Berne, K.J. WYSS, 1899.

Fin de siècle, par l'éditeur. -Sans nous dire positivement qu'il commence le xxe siècle à l'allemande, avec l'année 1900, le professeur Hilty ouvre son annuaire politique pour 1899 par un regard en arrière et par un coup d'œil en avant. L'article qu'il intitule en français « Fin de siècle » est une profession très nette d'idéalisme chrétien, bien caractéristique en tête de la publication semiofficielle qu'est le Politisches Jahrbuch. Le matérialisme triomphait, il y a quelque trente ans. C'était la réaction naturelle contre le formalisme d'une philosophie faite d'abstractions. Mais les aspirations de l'humanité pensante subissent une évolution contraire. On s'aperçoit aujourd'hui, comme au temps de la Renaissance, que la foi est un besoin naturel de l'âme humaine, que diminuer la foi, c'est amoindrir l'àme. Ainsi parle le professeur de Berne. Il croit fermement que le xx siècle sera, non pas le siècle de la question sociale, mais le siècle de la question religieuse. On peut observer que l'antinomie n'est point irréductible. Questions actuelles du droit des gens. - Völlkerrechtliche Fragen der Gegenwart. » par l'éditeur. La Russie, l'Angleterre, l'Allemagne sont actuellement les trois puissances qui occupent le premier plan de la scène européenne. Leurs intérêts, leurs appétits dominent la situation politique internationale. Au loin les Etats-Unis et le Japon sont entrés dans la voie des annexions et des conquêtes et se présentent comme des compétiteurs avec lesquels il faut compter.

L'échec relatif des négociations de La Haye, sur lesquelles on fondait tant d'espérances, montre une fois de plus ce qu'on peut attendre dans ce domaine des intentions excellentes, des initiatives généreuses. La guerre ne disparaîtra qu'avec une transformation complète des conceptions politiques et morales. Tout ce qu'on peut espérer de l'heure actuelle c'est la réalisation de quelques-uns des desiderata du programme des pacifiques. Pour cette fois, M. Hilty en propose deux à la sollicitude des chancelleries: la généralisation de l'art. XII de la Convention du Congo, c'est-à-dire l'admission par tous les États civilisés de ce principe qu'une tentative de procédure amiable doit toujours précéder le recours aux armes; la reconnaissance par tous les intéressés des articles concernant la guerre maritime, annexés à la Convention de Genève en 1868.

Pour les petits pays, la question par excellence est celle du maintien de leur indépendance. La meilleure réponse qu'ils y aient trouvée est dans cette triple formule: une armée suffisante, le fédéralisme et la neutralité perpétuelle. La forme fédérative semble à bien des égards la forme d'Etat de l'avenir et une ligue des neutres pourrait contribuer puissamment, non seulement à maintenir la paix générale, mais à faire respecter par tous les principes du droit des gens.

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