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M. Thiers, dans une lettre écrite particulièrement à mon sujet, lui répondit le 20 février 1873 :

« Mon cher Monsieur de Saint-Vallier,

« Vous êtes toujours bien impressionnable, ce qui ne vous empêche pas, du << reste, de nous rendre de grands services. Faites comme moi, ne prenez rien au « tragique en prenant tout au sérieux..... Quant à M. Vimont, c'est un brave << homme qui est moins incapable que vous me le dites, infiniment moins. Mais << voici le motif de son maintien, et ce maintien est de toute nécessité. Il y a « dans le département deux bonapartistes d'une arrogance sans égale, qui ont « été les apôtres de la guerre au Corps législatif et qui devraient se cacher au << lieu de prétendre gouverner le département. Ils se conduisent envers le « préfet d'une manière indécente et je ne le souffrirai pas, tenez cela pour arrêté. Ils veulent le renvoi de M. Vimont et ils ne l'obtiendront pas tant qu'ils préa tendront l'obtenir; je ne suis pas homme de parti, mais homme de gouver

« nement.

Hors de ce cas, comptez sur mon amitié la plus tendre et sur le désir de << vous seconder dans votre tâche. A vous de cœur, A. THIERS.

Les matériaux qui s'offrent pour écrire l'histoire présentent presque toujours plus de dénigrements sur les hommes publics, rois ou princes, ministres ou politiques, que de témoignages justes ou véridiques. Après bien d'autres mémoi res, la mémoire de M. Thiers éprouvera ce sort. Si des espérances furent grâce à lui et par lui réalisées, il en empêcha d'autres. Or, dans le parti où il les empêcha, les écrivains abondaient, la plupart plus ou moins hommes politiques comme lui, d'ailleurs hommes passionnés d'avoir manqué d'obtenir les choses et le rôle personnel qu'ils se promettaient. Dans le milieu à qui il donna, au contraire, de voir s'établir les opinions qu'on y avait, s'édifier et vivre l'institution républicaine qui était l'attente impatiente, c'est l'inverse qui se rencontrait. Beaucoup d'esprit de lutte, la constance qui dans la lutte fait réussir, toutefois bien moins ce qui fait écrire, à savoir la réflexion qu'il faut sur ce qui a eu lieu, le jugement raisonné, par suite un besoin de l'esprit qui, de soi, porte à défendre ou à appuyer par la plume les résultats acquis et les moyens qui y ont conduit. L'histoire aura donc probablement plus de dépréciations contemporaines de M. Thiers, chef d'Etat de 1871 à 1873, que d'expressions exactes et sincères de ses sentiments et de ses visées. Seulement, aucune de ces dépréciations ne fera jamais croire qu'il ait été poussé par l'ambition du pouvoir pour les vanités ou les avantages que le pouvoir procure. Par l'ambition de diriger le gouvernement de son pays, en monarchie ou non, à la bonne heure. Cette ambition-là, l'histoire aura toute raison de la lui reconnaître. Il l'avait ressentie en 1848 parce que, plus sûrement et plus pratiquement que d'autres, il possédait la notion de ce que son pays poursuivait et de ce qui en pouvait être alors atteint. Maintenant, en 1871, il en était d'autant plus animé que dans la défaite et le désarroi, dans la dissidence des opinions et des passions, devant la criminalité politique grande ouverte, non pas une main uniquement était nécessaire, mais une main vraiment politique et résolue, prompte, civiquement courageuse, qui nous orientât selon les aspirations nouvelles en se souvenant toutefois essentiellement de ce qu'avait été la France. Il m'a été donné de voir de près sa grande œuvre la libération du territoire; je tiens pour un honneur que ma carrière m'ait mis à même de retracer, pour nos compatriotes futurs, d'après plus de pièces authentiques qu'on n'en connaissait encore, les détails de fond de cette œuvre, ardue autant que cruelle, accomplie cependant sans

amoindrir un seul jour ou faire faiblir en lui la conception de la tâche intérieure qu'il avait assumée.

M. Thiers a probablement laissé des mémoires, et ils ne seront lus que tard. A coup sûr, deux préoccupations de sa part s'y montreront, outre celle, qui fut de toutes les heures, d'arracher son pays aux mains de l'ennemi. L'une d'abord, pour lui obsession véritable refaire l'armée et la rétablir en ses cadres, en son nombre aussi et surtout en sa force morale. Qu'il s'imaginât la remettre en campagne non? certainement, mais voulant qu'au plus tôt elle pût imposer le respect. tout prendre, il est vrai (je le dis pour l'avoir entendu) entrer en ligne si, sans cause venue de nous, le destin nous y forçait. C'était le sujet constant de ses conversations. Il y avait eu des culpabilités dans de hauts grades: il s'abstenait de les signaler, afin de ne pas entacher par la publicité cette armée qu'il reconstituait. A propos de faits de cette nature afférents au 18 mars, il dit un jour devant moi « l'histoire le saura », comptant évidemment en laisser le récit, mais s'étant interdit d'en rien divulguer. On l'a connu opposé au procès de Bazaine, tâchant de l'empêcher; c'était par les mêmes raisons. Son autre préoccupation tenait aux répressions qui suivirent l'insurrection de la Commune. Même les plus inévitables affligeaient en lui l'inexorable devoir de les sanctionner. Le moment vint très vite où il s'efforça de limiter les poursuites et d'affaiblir les décisions des juges. Si des notes de M. Martel et de M. Le Royer étaient retrouvées quelque jour, elles fourniraient en cela les plus positifs témoignages.

Les pays qui n'ont pu grandir en libertés publiques que par les agitations et les renversements ont un tempérament à eux. Il faut qu'un homme d'Etat le possède en lui-même pour remplir, au gouvernement, un rôle de serviteur dont le souvenir passe dans l'histoire. Ces hommes-là sont rares; M. Thiers en aura été un, et tout particulièrement dans la terrible épreuve où le sort a fait s'éteindre la génération de 1830. La notion des données que le cours, du temps avait faites; la passion de ce que devait rester la France après ce qu'elle avait été; la décision et le courage que la défense contre les dangers intérieurs commande; l'étendue d'esprit qui fait discerner au milieu de ces dangers l'entraînement d'avec la criminalité; la mansuétude qui a hâte de recouvrir sous l'oubli celle-là même, il a eu tout cela et, en outre, toutes les facultés et tout le cœur qu'il fallait pour mettre en œuvre tout cela à la fois le jour obligé. Je ne vois aucun autre des hommes de sa génération qui aurait rempli ce rôle comme il l'a rempli. Entre ceux de la génération suivante, Gambetta a été le seul en situation de l'assumer. A en juger par le peu de temps où il lui a été donné de l'entreprendre, on est contraint de dire que par la mort de M. Thiers le moule avait été brisé. Et Jules Ferry ayant disparu depuis, ce moule semble encore loin de se refaire.

HENRI DONIOL.
Membre de l'Institut.

Université de Lyon. · Concours Falcouz

L'Université de Lyon, sur la proposition de la Faculté de droit, a mis au concours, pour l'année 1902, le sujet suivant :

DES CHEMINS DE FER MÉTROPOLITAINS

Sans vouloir restreindre la liberté des concurrents, la Faculté appelle leur attention sur les points suivants : «Régime administratif de l'établissement et de l'exploitation des chemins de fer métropolitains, tant en France qu'à l'étranger;

REVUE DU DROIT PUBLIC.

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leur influence sur la situation économique, sociale démographique, fiscale et administrative des centres urbains qu'ils desservent et des régions périphériques; leur influence sur la situation politique et économique de l'Etat dont ils desservent la capitale ».

Le prix Etienne Falcouz, qui est régulièrement de mille francs, pourra exceptionnellement en 1902 être porté à deux mille francs.

Pour être admis à concourir il suffit maintenant d'être de nationalité française. Sur la demande du Conseil de l'Université M. Augustin Falcouz a supprimé la condition d'âge écrite dans l'acte de fondation.

Les mémoires seront déposés au Secrétariat de l'Université de Lyon, rue Cavenne, avant le 1er mai 1902, terme de rigueur. Ils seront manuscrits et inédits. - Chacun d'eux portera une devise qui sera reproduite sur un pli cacheté joint au mémoire et contenant le nom de l'auteur.

Les concurrents ne devront pas se faire connaître sous peine d'être exclus du

concours,

ACTES ET DOCUMENTS OFFICIELS

(FÉVRIER-MARS 1901)

RELATIONS INTERNATIONALES

Angleterre. RÉCEPTION le 20 mars 1901 par le Président de la République du comte Carrington pour la remise de la lettre par laquelle le roi Edouard VII lui notifie son avènement au trône (J. O., 22 mars 1901, p. 1901).

Congo.

DECRET portant promulgation du traité d'extradition conclu à Bruxelles le 18 novembre 1899 entre la France et l'Etat indépendant du — (J. 0., 21 février, p. 1219).

Equateur. Loi du 13 mars 1901 portant approbation d'une convention signée le 17 mars 1900, entre la France et l'Equateur pour la protection réciproque des marques de fabrique et de commerce (J. 0., 14 mars, p. 1717).

Espagne. COTES du Sahara et du Golfe de Guinée. Loi du 16 mars 1901 portant approbation de la convention conclue à Paris le 27 juin 1900, pour la délimitation des possessions françaises et espagnoles sur les (J. O., 22 mars 1901,

p. 1302).

Pays-Bas.

RECEPTION par le Président de la République de la lettre par laquelle la reine des Pays-Bas lui notifie son mariage avec le prince HenriVladimir-Albert-Ernest des Pays-Bas, duc de Mecklembourg (J. O., 27 février 1901,

p. 1405).

COMMERCE ET LÉGISLATION COMMERCIALE.

NAVIGATION.

Rapport de la commission supérieure des halles centrales de Paris, en date du 19 décembre 1900, sur la situation des halles centrales pendant l'année 1900 (J. O., 4 février, p. 902).

Les mesures disciplinaires prises à l'égard des mandataires par l'administration ont été : avertissements, 59; suspensions, 33; radiations, 2.

Le rapport résout un certain nombre de questions relatives à la répartition des emplacements destinés à la vente des marchandises et à là constitution du cautionnement prévu par l'article 2 de la loi du 11 juin 1896.

Décret du 11 mars 1901 modifiant le décret du 15 juillet 1854 relatif à l'organisation du personnel des officiers et des maîtres de port préposé à la police des ports maritimes de commerce (J. O., 29 mars, p. 2101).

Arrêté du ministre du commerce, en date du 13 mars 1901, déterminant les conditions dans lesquelles le patronage du ministère du commerce et de l'industrie pourra être accordé à des expositions générales ou spéciales françaises, commerciales ou industrielles, soit en France, soit à l'étranger (J. O., 20 mars 1901 p. 1862).

Il faut que l'exposition soit organisée et dirigée effectivement par une administration départementale ou communale, par un établissement public ou par une societé reconnue d'utilité publique ayant déjà obtenu le patronage du conseil général du département ou de la municipalité de la ville où l'exposition à lieu.

INDUSTRIE ET LÉGISLATION INDUSTRIELLE. QUESTIONS OUVRIÈRES.

Rapport de la commission de statistique de l'industrie minérale et des appareils à vapeur, en date du 10 décembre 1900, sur la statistique de l'industrie minė

rale, de l'industrie métallurgique et des appareils à vapeur pour l'année 1899 (J. O., 17 février, p. 1171).

Les résultats de l'année 1899 dénotent une situation très prospère au point de vue financier, à la fois pour nos mines et pour nos usines métallurgiques.

Le nombre des accidents dus aux appareils à vapeur a été de 25 morts et 20 blessés, au lieu de 22 morts et 33 blessés, en 1898. La proportion des victimes a diminue d'ailleurs de plus de moitié depuis 20 ans.

Décret du 2 février 1901 modifiant divers articles de l'arrêté du 17 octobre 1900 créant cinq conseils du travail à Paris (J. O., 3 janvier, p. 888).

Les modifications portent sur la composition des conseils.

Arrêté du ministre des travaux publics du 13 février 1901, créant des comités du travail sur le réseau des chemins de fer de l'Etat (J. O., 14 février, p. 1110). Il y a des membres de droit et des membres élus (délégués des agents et ouvriers). Circulaire du ministre du commerce en date du 25 février 1901 relative à l'organisation des conseils du travail (J. O., 6 mars, p. 1566).

La circulaire est relative à l'application des décrets du 17 septembre 1900 et 2 janvier 1901. Loi du 25 mars 1901 modifiant la loi du 8 juillet 1890 sur les délégués à la sécu rité des ouvriers mineurs (J. O., 29 mars, p. 2069).

En particulier il est prescrit que, avant de déposer son vote, l'électeur passe par un compartiment d'isolement où il puisse mettre son bulletin sous enveloppe.

PROCÉDURE CIVILE. ORGANISATION JUDICIAIRE ET AUXILIAIRES DE LA JUSTICE. Circulaire adressée par le garde des sceaux ministre de la justice aux procureurs généraux (J. O., 1er mars, p. 1443).

Elle engage les membres du parquet: 1° à généraliser les demandes de condamnation avec sursis; 2o à requérir, dans tous les cas favorables, l'application d'une peine pécuniaire de préférence à une condamnation à l'emprisonnement; 30 a diminuer les abus qui peuvent se produire dans l'application de la détention préventive; 4° à éviter que les affaires où les instructions n'ont pas établi de charges certaines soient portées à la Cour d'assises.

Décret du 22 mars 1901, précédé d'un rapport du ministre de la justice, étendant à la connaissance des affaires correctionnelles la compétence de la chambre créée à la Cour d'appel de Paris par la loi du 20 février 1901 (J. O., 24 mars, p. 1933).

LÉGISLATION EXTRA-CONTINENTALE (ALGÉRIE, COLONIES, PROTECTORATS)

Décret du 25 janvier 1901 précédé d'un rapport du ministre des colonies, fixant les frais de service et les abonnements pour fourniture de bureau, de chauffage et d'éclairage alloués au chef du service colonial dans les ports de commerce (J. 0., 9 février, p. 1008).

Décision du 31 janvier 1901, qrécédée d'un rapport du ministre de la marine, approuvé par le Président de la République, fixant l'allocation d'une indemnité spéciale aux personnels techniques détachés aux colonies (J. O., 2 février, p. 863).

Décret du 28 février 1901 réglementant au point de vue administratif et judiciaire, la situation des citoyens français établis dans les iles et terres de l'Océan Pacifique ne faisant pas partie du domaine colonial de la France et n'appartenant à aucune autre puissance civilisée (J. O., 25 mars, p. 1991).

Le gouverneur de la Nouvelle-Calédonie est chargé, en qualité de commissaire général de la République française dans l'Océan Pacifique, de la protection des Français qui résident ou trafiquent dans des îles ne faisant pas partie du domaine colonial de la France et n'appartenant à aucune autre puissance civilisée. Il peut déléguer tout ou partie de ses pouvoirs à des commissaires. En cas d'urgence tout officier commandant un navire de l'Etat peut exercer les pouvoirs conférés au dit délégué.

Ces commissaires peuvent exercer aussi par délégation des attributions judiciaires.

Des personnes sont désignées par le commissaire général, dans chaque ile ou groupe d'iles, pour y remplir les fonctions d'officier de l'état civil.

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