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du service de santé et le chef du service des domaines à la Nouvelle-Calédonie (D. 7 février 1900) sont devenus membres du Conseil privé

En Indo-Chine, un arrêté de M. Doumer du 27 janvier 1900 a fixé l'organisation provisoire du territoire de Kouang-Tcheou dont l'administration a été confiée à M. Alby.

Un décret du 19 décembre 1900 a réorganisé la justice au Congo français en vue des procès que peuvent faire naître les récentes concessions. Il est institué désormais deux tribunaux de première instance, l'un à Libreville, l'autre à Brazzaville avec un Conseil d'appel à Libreville. Un autre décret du même jour a réorganisé également la justice à la Côte des Somalis, où le nombre des Européens s'est accru d'une manière sensible dans ces dernières années. Une différence importante est à noter entre ces deux décrets. Au Congo la compétence ratione persone des magistrats français est limitée en matière civile et commerciale aux « affaires dans lesquelles sont intéressés des Français, Européens ou assimilés » et en matière pénale aux <infractions commises par des Européens ou contre des Européens. » A la Côte des Somalis, les tribunaux français sont compétents « quelles que soient la race ou la nationalité des parties en cause. » Ainsi, le même jour, un délicat problème de sociologie coloniale a été tranché de façons complètement opposées pour ces deux colonies. Peut-être y a-t-il, dans un sens comme dans l'autre, quelque exagération. Comme tendance générale, le mieux nous paraît de distinguer entre les affaires civiles et les affaires pénales, les tribunaux européens ne s'immisçant point dans les procès entre indigènes dont ils connaissent mal les coutumes, mais faisant respecter par tous indistinctement l'ordre public dans la colonie (!). Mais à tout prendre la réserve prudente du décret relatif au Congo nous semble plus raisonnable que les visées ambitieuses du décret concernant la Côte des Somalis. Donner aux indigènes des garanties égales à celles qui sont accordées aux Européens est sans doute une belle formule, mais l'indigène que l'on traduit devant un juge qui ne connaît ni sa langue, ni ses mœurs, ni ses coutumes jouit-il de garanties égales à celles que possède l'Européen? Il faudrait cesser une bonne fois de se faire illusion avec des formules creuses et envisager la réalité.

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Des modifications secondaires ont été apportées au cours de l'année 1900 à l'organisation judiciaire du Dahomey (D.du 22 mai) de la Guyane (D. du 1er novembre) et de Madagascar (D. du 10 décembre 1900).

10. ARMÉE COLONIALE. - La question, depuis si longtemps pendante, de l'armée coloniale, a enfin reçu une solution. La loi du 19 juillet 1900, portant organisation des troupes coloniales, rattache ces troupes au ministère de la guerre. Mais elles ne sont pas fondues pour cela dans l'armée de terre. Les pouvoirs publics ont tenu au contraire à préciser très nettement la distinction dans l'art. 2: « Les troupes coloniales conserveront leur autonomie et resteront sous le commandement des officiers des troupes

(1) Voir à ce sujet notre rapport au congrès de sociologie coloniale sur la condition des indigènes au point de vue de la législation civile et criminelle et de la distribution de la justice.

coloniales. Elles sont distinctes des troupes de l'armée métropolitaine. Elles ont leur régime propre et un budget distinct divisé en deux parties: l'une, formant une section spéciale du budget du ministère de la guerre, comprend toutes les dépenses afférentes aux troupes coloniales stationnées en France, en Algérie et en Tunisie; l'autre, formant une section spéciale du budget du ministère des colonies, comprend toutes les dépenses à la charge soit du budget métropolitain, soit des budgets locaux, afférentes aux unités stationnées dans les colonies ou pays de protectorat autres que l'Agérie et la Tunisie... ». Il faut souhaiter que l'esprit dans lequel cette loi a été votée préside également à son application et que les officiers qui tiennent garnison dans nos colonies retirent tous les avantages d'une situation dont ils supportent les inconvénients, en fournissant, à l'exclusion des officiers métropolitains, le personnel nécessaire aux missions, explorations et expéditions. Le Temps faisait à ce sujet des observations très justes en parlant de la composition du corps expéditionnaire en Chine. Si les troupes coloniales ne devaient pas être plus favorisées rue Saint-Dominique qu'elles ne l'étaient auparavant rue Royale, ce changement de ministère serait pour elles une simple duperie.

La loi nouvelle d'ailleurs est loin de constituer une solution parfaite. Ceux qui l'ont votée le sentaient sans doute, mais tant de projets et de propositions de loi avaient été déposés qui n'avaient pas abouti, que le Parlement, talonné par l'opinion publique dans les années qui ont suivi l'expédition de Madagascar et Fachoda, a voulu en finir. La solution la meilleure consisterait sans doute, ainsi que nous l'avons dit autrefois, à créer non pas une armée coloniale, mais des armées coloniales. On aurait une armée d'Indo-Chine, une armée de Madagascar, une armée d'Afrique. L'officier, le sous-officier ou le soldat qui demanderait à aller dans une colonie serait sûr de ne pas être employé ailleurs. Il aurait ainsi tout le loisir de s'intéresser au pays de son choix de l'étudier, de se familiariser avec les mœurs, la langue, le climat et la géographie de la région qu'il est chargé de défendre Ainsi l'armée serait mise à même de remplir ce rôle colonial que le lieutenant colonel Lyautey a exposé avec une remarquable élévation de pensée dans un article excellent de la Revue des deux mondes du 15 janvier 1900. La nécessité d'une ligne de séparation entre les armées affectées aux diverses colonies a été affirmée dans la discussion de la loi du 15 juillet, par un ancien ministre des colonies, M. Chauemps, et ceux qui l'ont entendu ont compris que c'était bien là le but vers lequel il convenait de s'orienter. La loi du 19 juillet 1900 n'est qu'une solution provisoire.

Les décrets qui, en exécution de cette loi, ont organisé l'armée coloniale ont été rendus à la date du 28 décembre 1900. Ces décrets fixent le nombre et la composition des régiments d'infanterie et d'artillerie coloniale stationnés soit en France, soit dans les colonies. A noter la règle d'après laquelle les régiments stationnés en France pourront comprendre des hommes du contingent non astreints à servir aux colonies. Deux autres

decrets du même jour règlent les conditions de la relève et la situation des exclus de l'armée (1).

M. Fleury-Ravarin a déposé une intéressante proposition de loi ayant pour objet de placer sur un pied d'égalité au point de vue du service militaire les jeunes gens qui vont se fixer aux colonies et ceux qui vont s'établir à l'étranger hors d'Europe (2). On sait quelle inégalité criante existe actuellement entre ces deux catégories de jeunes gens, au détriment des premiers. La proposition Fleury-Ravarin oblige les jeunes gens qui vont s'établir à l'étranger hors d'Europe à faire une année de service militaire comme ceux qui vont s'établir aux colonies. En cela elle aggrave la situation des premiers sans améliorer celle des seconds. Mais par contre, aux uns comme aux autres, elle fait certains avantages: possibilité de devancer l'appel, droit de faire à son choix son année de service dans la métropole ou dans une colonie, possibilité de venir passer en France quatre mois tous les deux ans. De plus, en cas de mobilisation, les chefs d'établissement ou leur fondé de pouvoir seraient affranchis de tout appel, de manière à ne pas être obligés de fermer une maison fondée aux colonies. Ce régime vaudrait sans doute mieux que la situation actuelle, mais il nous paraît, ainsi qu'au rapporteur du budget des colonies pour 1901, tout à fait insuffisant. Ce qu'il faut, c'est la dispense complète de tout service militaire pour celui qui va s'établir aux colonies (St-Pierre, les Antilles et la Réunion exceptées) pour une durée de 10 ans. Ce sera un soldat de moins, mais, ainsi que le reconnaît M. Fleury-Ravarin lui-même, cette perte sera largement compensée pour la patrie par les avantages qu'elle tirera de l'accroissement de son commerce, de son industrie et de son influence à l'extérieur. »

ARTHUR GIRAULT, professeur d'économie politique à l'Université de Poitiers,

(1) Voir sur le service militaire à la Réunion, le décret du 3 décembre 1900. (2) J off., doc. parl., Chambre des députés, sess. ord. 1900, p. 1668 et s.

CHRONIQUE POLITIQUE

GRÈCE

(1900)

SOMMAIRE: I. La convocation de la Chambre.

II. Les travaux parlementaires; l'obstruction de l'opposition. - III. Le budget. IV. Les conventions de chemins de fer. Le service des postes et télégraphes. V. Lois consulaires, traités, capitulations. VI. Le commandement général de l'armée VII. Changements ministériels.

La Chambre fut convoquée par dé

I. LA CONVOCATION DE LA CHAMBRE. cret royal en session extraordinaire le 29 novembre 1899. La Chambre a voté dans cette session le budget de 1900. Mais avant le vote du budget, le gouvernement soumettait, le 17 décembre 1899, un projet de loi demandant le vote de deux douzièmes provisoires pour les mois de janvier et février 1900 (Loi du 24 déc. 1899). La Chambre, convoquée à la fin du mois de novembre en session extraordinaire, était appelée à voter « l'œuvre éminemment ordinaire »>, le budget annuel des recettes et des dépenses. Mais n'ayant pas le temps de voter le budget tout entier avant 1900 « dans les deux premiers mois de chaque session » (art. 60 de la Constitution), elle fut réduite à voter des douzièmes provisoires, pratique sinon anticonstitutionnelle, au moins anormale.

Une question constitutionnelle du plus haut intérêt fut soulevée par l'opposition dans la séance du 18 décembre à propos du projet de douzièmes provisoires: L'article 54 de la Constitution qui nous régit actuellement (Const. de 1864) dit, en effet : « La Chambre se réunit de plein droit chaque année le 1er novembre, à moins qu'elle n'ait été convoquée antérieurement par le Roi. » (Comp. art. 47 de notre Constitution de 1844, art. 70 de la Constit. belge de 1831 qui nous a servi de modèle, enfin l'art. 1 de la loi constitutionnelle française du 16 juillet 1875.) Malgré cette disposition constitutionnelle, la Chambre ne fut pas réunie le 1er novembre; elle fut convoquée en session extraordinaire le 29 novembre 1899. Il y avait là un acte contraire à l'art. 54 de la Constitution. Il est vrai que la Chambre avait été convoquée avant le 1er novembre par le roi, en session ordinaire, le 4 mars 1899. Mais cette convocation s'imposait par l'article 37 de la Constitution : « ... Le roi a le droit de dissoudre la Chambre; mais l'ordonnance de dissolution doit aussi contenir la convocation... de la Chambre dans les trois mois. » L'ancienne Chambre, en effet, avait été dissoute et la nouvelle convoquée le 4 mars 1899. Cette session, complètement indépendante de celle de novembre 1899, ne saurait nullement être considérée comme une convocation antérieure au 1er novembre 1899 dans le sens de l'article 54 de la Constitution. Cet article veut dire que chaque année la Chambre forcément doit être en session ordinaire le 1er novembre pour que les deux derniers mois de l'année soient consacrés au vote du budget de l'année suivante (art. 60 de la Const.). Le roi peut seulement éviter cette réunion de plein droit de

la Chambre, qui est une manifestation de la souveraineté nationale, en la convoquant de sa propre autorité antérieurement, en octobre par exemple, mais de telle sorte qu'elle soit toujours en session ordinaire le 1er novembre. Par conséquent, la convocation de la Chambre le 29 novembre en session extraordinaire pour le vote du budget (!) et la non réunion de plein droit le 1er novembre étaient contraires à la Constitution.

Les différents chefs des partis de l'opposition firent ressortir ce fait dans leurs discours à la séance de la Chambre du 18 décembre, C'est ainsi que M. Dragoumis développa avec beaucoup de force la thèse constitutionnelle qui nous paraît la vraie ; M. Delegeorges n'hésita pas à reprocher au gouvernement << d'avoir violé l'esprit de la constitution et de ne l'avoir pas appliquée sincèrement ». M. Rally fut plus énergique encore dans ses expressions: « Si nous étions en majorité, disait-il, nous nous réunirions certainement ici le 1er novembre et nous mettrions en accusation le Cabinet qui ne s'est pas conformé aux dispositions de la Constitution. » Le président du conseil, M. Théotokis, a répondu aux chefs de l'opposition; il a donné, sans se placer pourtant sur le terrain constitutionnel, des raisons sérieuses de la convocation tardive de la Chambre : « Après le lourd et long travail des députés pendant la dernière session, disait-il, suivirent les élections municipales qui obligèrent les députés à aller dans leurs circonscriptions; il était impossible de convoquer la Chambre après les élections municipales, les députés voulant s'occuper de leurs affaires privées qu'ils avaient pendant de longs mois négligées. Nous avons été obligés de retarder la convocation de la Chambre de quelques jours. »

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II. LES TRAVAUX PARLEMENTAIRES, L'OBSTRUCTION DE L'OPPOSITION. La Chambre, surtout après les vacances du jour de l'an, a travaillé avec zèle. Il faut avouer, cependant, que la plupart des projets de loi, et des plus importants, ont été votés sans un examen approfondi et sans une préparation sérieuse. Le fait est, cependant, que nos honorables (les pères de la nation comme nous les appelons) ont plus d'une fois prolongé les séances jusqu'aux heures matinales. Mais il ne faudrait pas croire que dans ces séances de nuit on travaillat utilement ; elles étaient motivées par l'obstination de certains partis de l'opposition. L'obstruction parlementaire chez nous, plus que partout ailleurs, devient une pratique sinon permise au moins excusable. La tyrannie des majorités attachées aveuglement à leurs chefs, « des majorités à tout faire », comme on dit ailleurs, engendre l'anarchie des minorités. Le contrôle du gouvernement par l'opposition ne peut pas se faire par des discours persuasifs entraînant un vote de défiance grâce à un déplacement des voix dans la Chambre ; car les députés liés par des contrats do nt des avec leurs chefs ne sauraient que très difficilement rompre les pactes et les abandonner. La minorité n'a qu'une seule arme à sa disposition contre le gouvernement, une arme anormale et condamnable en soi, l'obstruction, la zokogía: on harcelle le gouvernement ou le réduit à l'impuissance législative, tout comme les députés gouvernementaux le réduisent à l'impuissance et à l'anarchie administratives pour satisfaire leurs intérêts électoraux. Une double impossibilité de légiférer

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