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Déjà, bien avant la réunion de la Conférence de Bruxelles, la Convention du 10 Août, 1889,* délimitant les possessions Françaises et Anglaises de l'Afrique Occidentale, avait prévu, en ce qui concerne le territoire de Porto-Novo, des clauses spéciales relatives à la sécurité et à la liberté des indigènes.

Trois ans après paraissait la Circulaire de M. Jamais, SousSecrétaire d'État des Colonies, en date du 13 Avril, 1892,† adressée à M. le Gouverneur de la Guinée Française, dont dépendaient alors les établissements Français du Golfe du Bénin. Ce document, qui rappelle l'Acte Général de Berlin du 26 Février, 1885, par lequel les Puissances s'étaient engagées à réprimer la Traite dans le Bassin Conventionnel du Congo, a indiqué en détail les mesures pratiques prises par la Conférence Internationale de Bruxelles pour empêcher partout le Trafic des Esclaves, et rendre la Traite impossible. M. Jamais rappelait l'expression du rapporteur de la Commission chargée d'étudier et de présenter à la Chambre des Députés et au Sénat l'Acte Général de Bruxelles, et émettait l'avis que cet Acte constituait "l'effort le plus considérable qui ait encore été fait par les nations civilisées contre une des pires formes de la barbarie." Le Sous-Secrétaire d'État des Colonies ajoutait que la Conférence Internationale s'étant proposé d'empêcher la Traite soit sur mer, soit sur terre, la Colonie de la Guinée se trouvait placée par sa situation même dans la seconde de ces catégories. La conquête du Dahomey, en ouvrant à notre influence de nouveaux territoires, et en nous permettant de pénétrer au centre même de la Boucle du Niger, a fait faire un grand pas à la répression de la Traite. En effet, une des principales préoccupations du Général Dodds a été de réprimer, en même temps que la coutume odieuse des sacrifices humains, la pratique du commerce des esclaves. Aussi, dès la prise de Behanzin, prévoyait-il, dans le Traité de Protectorat passé le 29 Janvier, 1894,‡ avec Ago-li-Agbo, nouveau Roi d'Abomey, que "le Roi exerce son autorité sur ses sujets d'après les lois et usages du pays; toutefois, il s'engage à interdire le commerce des esclaves, et à abolir toutes pratiques ou coutumes ayant pour résultats des sacrifices humains."

Des mesures identiques se trouvaient inscrites dans le Traité du 4 Février, 1894, passé avec Gi-Gla, Roi d'Allada.§

Un peu plus tard, des dispositions analogues ont été insérées dans les divers Traités passés par M. Ballot, Gouverneur du Dahomey, au cours des missions accomplies par lui dans le Hautpays, et en particulier dans les Traités avec le Roi des Adjas et des Oués, les différents Chefs des Ouatchis et le Chef du village d'Agbassa (Carnotville).

Il est arrivé très souvent à cette époque que les Administrateurs * Vol. LXXXI, page 1126. + Vol. LXXXV, page 675. § Vol. LXXXVI, page 1072.

Vol. LXXXVI, page 1071.

chargés des fonctions de Juges de Paix à compétence étendue se sont trouvés saisis de cas litigieux reposant sur la vente ou l'achat des personnes. Dans toutes les affaires de ce genre le droit à la liberté a été hautement proclamé, et les dispositions de la loi Française ont été appliquées dans le seul but d'assurer le maintien de ce principe. Cependant, dans aucune circonstance, les décisions de l'autorité judiciaire n'ont porté atteinte aux droits de la famille. Il est à remarquer, d'ailleurs, qu'au Dahomey, et surtout dans le Royaume de Porto-Novo, ainsi qu'à Lagos, à la Côte d'Or Anglaise et au Togo, l'esclavage s'est toujours présenté sous la forme de "l'esclavage domestique," coutume en vigueur, chez tous les peuples primitifs, et qui subsiste encore dans la partie du continent noir où l'influence des nations Européennes n'a pu jusqu'à présent pénétrer.

Cette œuvre de libération a pu s'accomplir sans de trop grandes difficultés, en dehors des quelques inconvénients qui s'attachent forcément à des changements aussi radicaux dans les habitudes séculaires d'un pays.

Après avoir obtenu ces premiers résultats, l'Administration locale n'a pas considéré son rôle comme terminé. Soucieuse d'accomplir intégralement son devoir, elle a voulu parachever son œuvre. Dans cet ordre d'idées, les Résidents et Chefs de Poste ont reçu des instructions en vue de faire remettre en liberté, et rendre à leurs familles et à leur pays d'origine, les captifs d'autrefois. Ils ont usé à cet effet, aussi souvent que l'occasion s'en est présentée, de tous les moyens compatibles avec la tranquillité des pays soumis à notre domination.

Cette influence s'est même exercée à l'extérieur. En effet, par Arrêté du 15 Septembre, 1895, M. Ballot autorisait dans la Colonie la fondation d'une Société ayant pour but d'encourager le retour à la côte des esclaves d'anciens sujets Dahoméens et de leurs descendants actuellement en Amérique, et de leur assurer aide et protection à leur arrivée dans la Colonie.

En ce moment même, et conformément aux instructions du Département, des pourparlers sont engagés avec M. le GouverneurGénéral de San Thomé, en vue de faire revenir dans la Colonie des Dahoméens transportés depuis longtemps dans ce pays, et ayant contribué dans une certaine mesure à sa prospérité.

En résumé, dans le Bas-Dahomey la Traite n'existe plus qu'à l'état de souvenir. Dans le Haut-pays je veux dire dans toute la partie du territoire soumis directement à notre autorité la répression de la Traite des Esclaves s'est exercée d'une manière permanente et efficace. Les chefs indigènes, surveillés de près, se sont vus contraints de renoncer à leurs anciennes coutumes.

En un mot, dans la presque totalité de la région comprise entre

la côte et le Niger, la Traite ne se fait plus ouvertement, ce qui, on en conviendra, est un progrès considérable dans un pays tout nouvellement conquis, et où cette coutume constituait depuis des siècles la principale ressource des chefs indigènes.

11 est donc permis d'affirmer que daus un délai rapproché la Traite, même secrète, sera devenue impossible dans l'ensemble de la Colonie du Dahomey. La création de voies de communication, les relations commerciales fréquentes avec les points les plus éloignés de la côte, la pacification complète du pays, sont autant de facteurs puissants destinés, petit à petit, à faire disparaître à la Côte des Esclaves les mœurs d'autrefois. Cet heureux résultat qu'il est permis, ainsi que je viens de le dire, de considérer comme prochain, ne pourra dans l'avenir qu'exercer une heureuse action sur les territoires conquis à notre influence au nom de la civilisation et de l'humanité.

RAPPORT du Lieutenant-Gouverneur du Congo Français, sur la Traite des Esclaves.-Libreville, le 24 Novembre, 1898.

Libreville, le 24 Novembre, 1898. LA Traite des Esclaves n'existe pas à proprement parler dans les territoires du Congo Français, car on ne saurait appeler de ce nom l'habitude qu'ont un grand nombre d'indigènes, relativement aisés, d'attacher à leur personne et à leur service, par une sorte d'adoption, d'autres indigènes moins fortunés qui sont, dès lors, considérés comme faisant partie de la famille.

Les efforts du service des affaires indigènes et du service judiciaire s'appliquent entièrement, depuis la création du tribunal criminel, à faire disparaître certaines pratiques indigènes qui ont pour base l'épreuve par le poison, sous couleur de jugement de Dieu, et pour résultats certains de nombreux empoisonnements.

DOLISIE.

RAPPORT du Gouverneur-Général de Madagascar, sur la Traite des Esclares.- Tananarive, le 23 Novembre, 1898.

Le Général Gallieni, Commandant-en-chef du Corps d'Occupation et Gouverneur-Général de Madagascar et Dépendances, à M. le Ministre des Colonies.

Tananarive, le 23 Novembre, 1898. J'AI invité les Commandants territoriaux des régions de l'ouest et du sud-ouest à me renseigner aussi exactement que possible sur la

Traite des Esclaves et sur les moyens à employer pour sa répression. J'ai l'honneur de vous adresser ci-dessous le résumé de leurs rapports sur cette question.

Tout d'abord, je crois inutile de vous rappeler que l'esclavage est effectivement supprimé, depuis longtemps, daus les provinces septentrionales et orientales de l'île. Je ne saurais malheureusement être aussi affirmatif en ce qui concerne le sud-ouest et le sud. Quoique le premier soin de nos troupes, au fur et à mesure de leur prise de possession du sol, soit d'exiger des chefs indigènes la libération des esclaves, ceux-ci sont au contraire conservés, avec un soin jaloux, par leurs maîtres partout où notre autorité ne peut encore s'exercer d'une façon efficace. Mais cet état social est destiné à disparaître peu à peu des districts situés à l'intérieur des terres, en raison des progrès de notre occupation.

La surveillance active qu'exercent nos navires dans l'Océan Indien donne lieu de penser que l'on arrivera bientôt également à assurer la répression complète et efficace de l'esclavage sur les côtes de la Grande Ile.

GALLIENI.

RAPPORT de l'Administrateur du Protectorat Français de la Côte des Somalis, sur la Traite des Esclaves.-Djibouti, le 14 Décembre, 1898.

L'Administrateur Adjoint au Ministre des Colonies.

Djibouti, le 14 Décembre, 1898. Vous avez bien voulu m'inviter à vous transmettre tous renseignements utiles pour la préparation d'un nouveau fascicule que le Bureau spécial de Bruxelles se propose d'élaborer sur la Traite des Esclaves.

J'ai l'honneur d'iuformer votre Excellence que je n'aurai rien à ajouter aux dernières communications faites à ce sujet pour le compte du Protectorat.

Je crois devoir annoncer toutefois, en ce qui concerne les armes, que l'Administration locale se préoccupe activement de toutes les mesures nécessaires pour empêcher la vente aux indigènes Musulmans de l'intérieur. Dans ce but, elle a prohibé d'une manière absolue le transit des armes et munitions destinées à l'Abyssinie Chrétienne par les ports d'Obock et de Tadjourah, où la surveillance s'exerçait plus difficilement; c'est uniquement à Djibouti que peut avoir lieu aujourd'hui le transit dont il s'agit.

DE LÉCHAUX.

ORDONNANCE du Gouverneur des Territoires de Cabo Delgado, concernant la Traite des Esclaves dans les Territoires de la Compagnie Portugaise du Nyassa.-Ibo, le 9 Mai, 1898.

AYANT pris connaissance du rapport de M. le Capitaine de Cavalerie José Matheus Lapa Valente, Commandant du Corps de Police, relatif à la mission dont il avait été chargé par ma note confidentielle du 31 Mars dernier, et consistant à se rendre avec la chaloupe Lago Nyassa à la côte sud, afin d'y capturer des négriers qu'on disait s'y livrer à la Traite des Esclaves ;

Vu la manière distinguée dont cet officier s'est acquitté de sa difficile et ingrate mission en réussissant, avec les forces limitées dont il disposait, à capturer dans la Rivière Mucufi cinq Arabes négriers, à libérer plus de 100 esclaves dont trois voulurent le suivre à Ibo, et à saisir trois barques indigènes dont deux durent être brûlées vu l'impossibilité de les conduire à Ibo, et dont la troisième, échouée sur le sable, ne put être renflouée et est hors d'état de reprendre la mer;

Considérant que l'acte accompli dans cette circonstance, indépendamment de sa portée hautement humanitaire, est de nature à enrayer efficacement la Traite sur cette partie de la côte ;"

J'adresse mes félicitations au Capitaine José Matheus Lapa Valente, et lui exprime en même temps ma satisfaction pour la manière dont il a exécuté ses instructions et pour la promptitude avec laquelle il a agi dans le commandement de sa troupe. Je félicite également le second de l'expédition, M. Philippe da Veiga, SousLieutenant de l'Armée Royale, qui a, avec les hommes sous son commandement, accompagné le Capitaine Lapa Valente depuis Pemba, et dont le zèle et l'activité ont contribué en partie au succès de l'expédition.

Secrétariat du Gouvernement des territoires de Cabo Delgado, Ibo, le 9 Mai, 1898.

J. M. G. D'AMORIN, Gouverneur.

(Annexe 1).-Dépêche adressée par le Président du Conseil d'Administration de la Compagnie du Nyassa au Commissaire Royal près la même Compagnie.-Lisbonne, le 11 Juillet, 1898.

Nous avons l'honneur de porter à la connaissance de votre Excellence qu'il résulte des communications reçues du Gouverneur des territoires sous notre juridiction, que pendant la première

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