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une ineffable harmonie à la gloire de leur auteur.» M. Valois signale ces élans enthousiastes » qui contrastent avec le ton ordinaire des ouvrages de Guillaume: peut-être eût-il pu insister davantage sur ce caractère personnel des écrits de Guillaume de Paris.

Telles sont quelques-unes des réflexions que nous suggère la lecture de l'excellent livre de M. Valois. On ne saurait trop s'appliquer à étudier, un à un, chacun des philosophes du moyen âge. C'est à l'aide de monographies faites avec soin, que l'on pourra préparer l'œuvre capitale et définitive qui fixera l'histoire de la philosophie. X.

La mort de Louis XIV,Journal des Anthoine, publié pour la re fois avec introduction de E. Drumont. Paris, A. Quantin, 1880, petit in 8o de XLVIII-157 p.

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l'histoire devra tenir compte. Ainsi il est constant que ni Madame de Maintenon ni le P. Le Tellier n'ont mérité les reproches que SaintSimon, avec sa passion habituelle, leur a adressés. La figure de Louis XIV apparaît dans sa grandeur simple et digne; il reste Roi jusqu'à ce que la mort l'ait terrassé,continuant, malgré son abattement et ses souffrances, à s'occuper des affairesde son royaume, et il se prépare à la mort avec la fermeté d'âme et la foi vive du chrétien. Une curieuse estampe de Cochin fils, représentant la mort de Louis XIV, sert de frontispice au livre. FR. DE F.

Les Anthoine étaient porte-arquebusiers du Roi,de père en fils, depuis le règne de Louis XIII; un Anthoine a écrit une Histoire de ce qui s'est passé à la maladie et mort du Roi Louis Treize; cette relation, restée manuscrite, se trouve dans la Bibliothèque de Saint-Germain.Son fils et ses deux petits-fils, porte-arquebusiers et garçons ordinaires de la chambre du Roi, sont auteurs du Journal historique ou récit fidel de ce qui s'est passé de plus considérable pendant la maladie et la mort de Louis XIV, Roy de France et de Navarre. Le manuscrit, conservé à la Bibliothèque de Caen, vient d'être l'objet d'une publication faite par M. E. Drumont, qui nous fait espérer la mise au jour du récit de la mort de Louis XIII. On trouvera dans cette curieuse relation, faite avec un pieux respect par de fidèles serviteurs qui pleuraient « un grand Roy et un bon maître.» des particularités qui ne sont point ailleurs et dont

Souvenirs d'un nonagénaire. Mémoires de François Yves Besnard, publiés sur le manuscrit autographe, par CELESTIN PORT, correspondant de l'Institut, etc., avec deux portraits de l'auteur d'après Bodinier et David d'Angers. Paris, Champion; Angers, Lachèse et Dolbeau; Le Mans, Pellechat, 1880, 2 vol. in-8° de XXII-363 et 385 p.

Les fureteurs de vieilleries révolutionnaires, surtout dans le Maine et dans l'Anjou, n'ont pas tout à fait oublié le nom de François Yves Besnard; mais je crois volontiers, avec le savant éditeur de ces mémoires,que à part ce petit nombre de chercheurs obstinés, il serait difficile de trouver un public auquel ce nom rappelât quelque souvenir. Quel est donc l'auteur de ces mémoires et que peutil avoir à nous apprendre?

François Yves Besnard naquit en 1752 et mourut en 1842; et comme c'est dans la dernière année de sa vie, s'il faut l'en croire, qu'il écrivit ses mémoires, on voit quel long espace et quels événements nous sont racontés. Né de parents riches fermiers de l'abbaye de Saint-Aubin d'Angers, il fut dès l'enfance destiné au sacer

doce, mais il quitte de bonne heure la théologie pour la médecine, la médecine pour la peinture, risque d'être notaire,revient à la théologie et rentre au séminaire, pour en sortir vicaire à Saint-Pierre d'Angers, sous un curé qui a laissé un renom encore vivant d'originalité, Faut-il le dire ? Cette première partie de la vie de Besnard a laissé dans notre âme une profonde impression de tristesse, par le défaut absolu de sentiment chrétien en opposition avec la carrière qu'il embrasse. Le même défaut se retrouve dans tout le reste des mémoires et explique la suite des événements.

Curé de Nonans au diocèse du Mans, il prête le serment schismatique de la constitution civile du clergé, est désigné comme vicaire épiscopal de l'évêque intrus de Maineet-Loire, occupe pendant huit jours la cure de Saint-Laud d'Angers, reprend sa cure de Nonans. La terreur venue, il se réfugie dans son village natal des Alleuds, près de Cholet, puis rappelé au Mans, y monte une filature, devient un jour président de la municipalité, puis président de l'administration départementale, se retire devant des ennemis acharnés et menaçants, est attaché par le ministre Abrial à la commission de radiation des émigrés, refuse, dit-il, un évêché, accepte la perception de Fontevraud, la vend pour se faire horticulteur et pépiniériste, et revient mourir à Paris, au milieu d'un ancien cercle d'amis par deux ou trois fois renouvelés.

François-Yves Besnard possédait des qualités d'esprit et de cœur; il avait aussi une variété de connaissances qui ne sont pas communes. Le malheur de sa vie fut le scepticisme incurable dont il était atteint jusqu'au fond de l'âme; scepticisme tellement profond qu'il ne semble pas s'en dou

ter et qu'il n'exprime jamais un sentiment de douleur sur le contraste entre son caractère sacerdotal et sa vie étrangère absolument à toute action religieuse. A part cet aspect profondément triste, mais rempli d'instruction pour tout esprit sérieux, nous reconnaissons que les mémoires de François-Yves Besnard sont remplis d'intérêt.

D'abord dans le cercle de ses modestes aventures, tout à demi-côte, il regarde et décrit à l'entour son petit pays et les rencontres. Or ces rencontres sont nombreuses, et vous voyez défiler devant vous une quantité de noms et de personnages historiques sur lesquels Besnard vous fournit quelques nouvelles anecdotes. Plus importantes encore, au moins à nos yeux, sont les descriptions qu'il nous fournit des mœurs, des usages et des pratiques des différentes classes de la société avec laquelle il se trouva mêlé.

Ajoutons que l'éditeur, M. Célestin Port, n'a épargné aucun soin pour rendre la lecture de ces mémoires aussi agréable qu'utile. A part les principes, pour lesquels nous faisons toutes nos réserves, nous pouvons louer absolument la sûreté et l'étendue des recherches, l'abondance des renseignements, puisés souvent à des sources inédites, et jusqu'au soin matériel de l'impression qui mérite aussi un éloge particulier.

DOM PAUL PIOLIN.

Histoire du tribunal révolutionnaire de Paris, avec le journal de ses actes, par H. WALLON, membre de l'Institut, Tomes là III, Paris, Hachette, 1880-81, 3 vol. in-80.

Nous ne voulons aujourd'hui qu'annoncer à nos lecteurs cet important ouvrage, auquel un de nos collabora

eurs consacrera prochainement une étude approfondie.M.Em,Compardon avait déjà écrit une Histoire du tribunal révolutionnaire; M. Wallon le rappelle, et il loue cette œuvre estimable. Mais il lui a semblé qu'il restait deux choses à faire :« Rattacher plus étroitement l'histoire du tribunal au mouvement de la révolu tion dont il est l'instrument en montrant les développements qu'il reçoit de ses progrès et le dénouement qu'il donne à toutes ses crises; et mettre en mesure de le mieux connaître et de le bien juger, en présentant le tableau complet de ses opérations ; car c'est là qu'est la vérité de son histoire:il faut qu'on sache par le détail de quels assassinats on se rend solidaire quand on approuve la Terreur.»-On voit tout de suite quelle est la haute portée de l'œuvre de l'éminent académicien. Elle a plus qu'une valeur historique; elle est, à l'heure présente, d'un palpitant intérêt : « Le travail que j'avais commencé il y a plus de dix ans, dit M. Wallon, a, au moment où je l'achève, une opportunité que je ne lui souhaitais pas. Il montre les suites d'une révolution politique et sociale quand au lieu d'être réglée par l'esprit d'équité et de justice, sous la sauvegarde d'une Constitution offrant des garanties à tous, elle est livrée aux mains des violents. Ce qui s'en suit, c'est la Terreur, et l'instrument de la Terreur le tribunal révolutionnaire. . . . Ce tibleau du passé est un miroir où chacun pourra voir par avance sa propre image, si nous ne faisons rien pour défendre le droit que le socialisme attaque et qu'il voudrait supprimer par une nouvelle révolution.»>

A l'histoire politique du tribunal révolutionnaire, M. Wallon a joint sous forme de journal, dans l'ordre hronologique, les causes exposées

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La Prusse et la France devant l'histoire. Essai sur les conséquences de la guerre de 18701871, par A.LEGRELLE. Paris, Cotillon, 1880, in-8° de 951 p.

Ce gros volume, qui est la cinquième édition d'un livre dont nous avons déjà parlé (voir t XVII, p. 309), aurait gagné à être partagé en deux, afin d'être d'une lecture plus commode, mais il doit être lu. Il n'y a pas sans doute assez de divisions : l'air ne circule pas assez dans cette masse de faits, de citations, accumulés durant ces 950 pages; ces faits, ces citations n'ont point tous une égale importance, mais leur réunion instruit,et certainement, en achevant le volume, on sort avec des impressions vives sur les hommes et les choses de ces dernières années. Dans un chapitre premier, M.Legrelle parle du droit des gens pendant la guerre et en rappelant les attentats contre les personnes et les propriétés qui ont accompagné d'une manière barbare les exploits des armées allemandes, il montre l'injustice des procédés. L'examen compris dans le chapitre second a pour résultat de montrer que si la race germanique a acquis une prépondérance militaire incontestable, l'autonomie des Etats a été restreinte par la constitution unitaire du nouvel Empire, la liberté de conscience a été atteinte par la persécution contre les catholiques, les scien

ces, les lettres, les arts, ont été en décadence, les misères sociales se sont aggravées. Et alors l'auteur se demande ce qu'aura gagné M. de Bismark pour sa propre gloire à surmener, en les épuisant prématurément, les forces viriles de l'Allemagne et de la Prusse.

L'auteur étudie ensuite les progrès d'expansion de la race germanique en Europe et hors d'Europe, progrès qui menacent le monde civilisé d'une servitude irréparable. Enfin l'auteur aborde un terrain plus brûlant encore, s'il est possible: il montre, et cela pièces en mains, les services que la Prusse attend de l'opposition républicaine en France; il rappelle les révélations officielles tirées de la correspondance du comte d'Arnim; il dit l'action occulte de la chancellerie allemande sur la presse de Paris, l'accord qui existe entre la presse officieuse de l'Allemagne et la presse républicaine de Paris, et il termine en se livrant à de sombres pronostics sur l'avenir de la France, livrée ainsi à la merci des Allemands. C'est un peu pessimiste, dira-t-on. -Soit,mais aux yeux de l'auteur, « à l'heure qu'il est, le pessimisme est le premier devoir et comme la forme nécessaire du patriotisme français.» M. Legrelle n'écrit pas pour nous précipiter dans une revanche, car il y aurait de notre part, dit-il, une véritable impiété patriotique à souhaiter la reprise d'une lutte où la France, déchirée par ses propres factions, serait infailliblement détruite : » il n'écrit pas pour exploiter le dangereux ressentiment du mal que nous ont causé les Allemands; mais il sonde les plaies ouvertes devant lui, persuadé que le plus grand des maux peut-être consiste précisément en ce que nous nous refusons à sentir suffisamment ceux que nous avons subis,

et que notre vigilance s'endort dans une fausse et complète sécurité. » M. Legrelle pousse donc le cri d'alarme au nom de son patriotisme effrayé : qu'il voie trop complaisamment les maux et ne reconnaisse pas assez les qualités et les vertus d'une race vigoureuse, cela peut bien arriver,mais en faisant la part des nécessités de la thèse, on ne peut disconvenir, qu'il y a dans ce volume un ensemble de faits de nature à appeler les meditations. Ce qu'il y a d'évident, c'est l'état lamentable de l'Europe et de l'Allemagne, sans compter celui de notre propre pays depuis la dernière guerre. » La statistique vient donner des chiffres significatifs, des observateurs instruits ont fait des depositions terribles aussi, pour ne citer qu'un exemple, l'auteur peut conclure ses pages en disant: La postérité saura seule de science certaine de quel poids le mauvais vouloir de M. de Bismark a pesé à ce moment (octobre 1873) dans la balance de nos destinées, et par quelles intrigues subtiles et multiples il a su nous empêcher de renouer notre tradition nationale avec le petit-fils de Henri IV. » L'auteur peut se tromper ensuite sur les motifs de la résolution de M le comte de Chambord, mais ses déductions n'en sont pas moins appuyées sur des faits plausibles.

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Ainsi cet ouvrage, où se trouvent condensés de nombreux renseignements, touche à des questions qui s'imposent toujours à la France. Puisse notre pays, dans un effort de patriotisme, comprendre que pour se réorganiser et contenir l'Allemagne, il lui faut reprendre la monarchie légitime, traditionnelle du petit fils de saint Louis et d'Henri IV!

H. DE L'E.

Histoire des enfants aban

donnés, depuis l'antiquité jus-
qu'à nos jours. Le Tour, par ER-
NEST SEMICHON, ancien conseiller
général, ex-inspecteur des enfants
assistés de la Seine-Inférieure. Pa-
ris, E. Plon, 1880, gr. in-18 de 344
pages.

Dans un livre aussi intéressant qu'instructif, M.Semichon vient d'étudier la question des enfants abandonnés. Ce sujet préoccupe depuis longtemps l'opinion, et, parmi les divers problèmes qu'il a fait naître, celui du maintien ou de la suppression des tours est sans contredit le plus important. M. Semichon n'hésite pas à condamner le système du tour; mais, avant de formuler cet avis comme conclusion de son ouvrage, l'auteur retrace, avec la plus consciencieuse érudition, l'historique des enfants abandonnés depuis l'antiquité jusqu'à nos jours.

Dans les soins qu'elle donnait aux enfants, la Société païenne avait surtout en vue l'utilité dont ils pouvaient être pour l'état. A Athènes comme à Rome, le père de famille a le droit de vie et de mort sur son enfant; il peut l'exposer ou même le tuer, s'il ne veut pas l'élever. Le Christianisme a fait disparaître ces coutumes barbares,en assurant la protection des nouveaux-nés. Sauver la vie de l'enfant est le but qui se poursuit désormais par la fondation d'établissements charitables. Au ve siècle s'introduit une pratique d'un genre particulier : la coquille ou table de marbre placée à l'entrée de l'eglise pour recueillir les enfants abandonnés qu'adopte la piété des fidèles. La législation civile ne tarda pas à réglementer l'assistance due au premier âge. Le livre de M. Semichon contient de curieux détails sur les mesures successivement prises par la charité publique. Dans certaines villes on reçoit les enfants

à la fenestre d'un hôpital; à Paris, leur admission a lieu dans un asile appelé la couche ou la crèche. On donna à ces infortunés des costumes spéciaux qui leur valurent le nom d'Enfants bleus ou d'Enfants rouges, suivant qu'ils étaient légitimes ou non. Enfin la Convention, dans son lyrisme exagéré, proclama tous les bâtards Enfants de la patrie.

Aujourd'hui, la condition des Enfants assistés est régie par le décret du 9 janvier 1811. Bien que légalement consacré par ce décret, en fait l'institution du tour n'existe plus. Elle a été remplacée par le bureau d'admission qui fonctionne dans les hospices, mais le système devenu la règle à l'heure actuelle est celui des Secours temporaires accordés à domicile aux mères necessiteuses. Il a l'avantage, en conservant l'enfant à celle qui l'a mis au monde, de contribuer efficacement a la moralisation

générale. M. Semichon démontre quels ont éte les résultats de ce système dont il se déclare partisan, à l'exclusion du régime du tour. L'auteur signale néanmoins les diverses améliorations dont lui paraît susceptible l'état de choses actuel. Il place au premier rang celle qui consisterait à centraliser le service des enfants assistés, en le soumettant à un réglement uniforme dans toute la France, sous le contrôle d'une inspection générale.

M.Semichon est l'auteur d'ouvrages justement estimés sur La paix et la trève de Dieu, l'Histoire normande, les Réformes sous Louis XVI, etc. . Sa science du droit et sa profonde expérience de l'administration hospitalière lui donnaient, sur la question des Enfants assistés une compétence toute spéciale. L'auteur ne s'est pas borné à tirer profit des statis

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