Page images
PDF
EPUB

tes qui chantaient Thyrsis, un des personnages du Masque, et qui n'étaient pas des Milton; on allait au spectacle peuplé de bons villageois; les bergers occupaient la scène quand la tragédie courait les rues. On sait que les Terroristes étaient d'une bénignité de mœurs extraordinaire ces tendres pastoureaux aimaient surtout les petits enfans. Fouquier-Tinville et son serviteur Samson qui sentit le sang, se délassaient le soir au théâtre, et pleuraient à la peinture de l'innocente vie des champs.

:

Charles Ier n'eut pas plus tôt été exécuté, que les Presbytériens crièrent au meurtre, à l'inviolabilité de la personne royale: bien que ccs Girondins de l'Angleterre eussent puissamment contribué à la catastrophe, du moins ils ne votèrent pas, comme les Girondins français, la mort du prince dont ils déploraient la perte. Pour répondre à leur clameur, Milton écrivit son Tenure of kings and magistrats,

[ocr errors]

État des rois et des magistrats. » Il n'eut pas de peine à démontrer que ceux qui se lamentaient le plus du sort de Charles l'avaient euxmes conduit à l'échafaud. Ainsi qu'il arrive dans toutes les révolutions, les partis essaient de tenir à certaines bornes où ils ont fixé le

droit et la justice; mais les hommes qui les

suivent les renversent et franchissent ce but, comme dans une charge de cavalerie le dernier escadron passe sur le ventre du premier, si celui-ci vient à s'arrêter.

Milton cherche à prouver qu'en tout temps et sous toutes les formes de gouvernement, ila été légal de faire le procès à un mauvais roi, de le déposer ou de le condamner à mort. « Si » un sujet, dit-il, en raison de certains cri» mes, est frappé par la loi dans lui-même, » dans sa postérité, dans son héritage dévolu

D

au roi; quoi de plus juste que le roi, en raison de crimes analogues, perde ses titres, » et que son héritage soit dévolu au peuple? » Direz-vous que les nations sont créées pour » le monarque, et que celui-ci n'est pas créé » pour les nations; que ces nations sont regardées, dans leur Multitude, comme inférieu» res à l'Individu Royal ? Cette doctrine serait une espèce de trahison contre la dignité de l'espèce humaine. Soutenir que les Rois ne » doivent rendre compte de leur conduite qu'à » Dieu, c'est abolir toute société politique. » C'est alors que les sermens que les princes » ont prêtés à leur couronnement sont de pures moqueries, et que les lois qu'ils ont juré » de garder, sont comme non avenues. » Mil

D

D

ton, dans ces doctrines, n'allait si loin que

pas

Mariana, et il les appuyait des textes de l'Écriture: la révolution anglaise, en cela toute contraire à la nôtre, était essentiellement religieuse.

MILTON SECRÉTAIRE LATIN DU CONSEIL D'ÉTAT

DE LA RÉPUBLIQUE. L'ICONOCLASTE.

Les écrits politiques de Milton le recommandèrent enfin à l'attention des chefs du gouvernement; il fut appelé aux affaires et nommé secrétaire latin du Conseil d'état de la république quand celle-ci se changea en Protectorat, Milton se trouva tout naturellement secrétaire du Protecteur pour la même langue latine. A peine entré dans ses nouvelles fonctions, il reçut l'ordre de répondre à l'Eikon Basiliké, publié à Londres après la mort de Charles, comme le testament de Louis XVI se répand it dans Paris après la mort du roi martyr. Une traduction française de l'Eikon parut sous ce titre Pourtraict de sa sacrée majesté durant sa solitude et ses souffrances.

Milton intitula spirituellement sa réponse

au Pourtraict: l'Iconoclaste. Tout en immolant de nouveau le monarque, il prétend n'avoir aucun dessein de souffleter une tête coupée; mais enfin les circonstances l'obligent à parler, et il préfère au Roi Charles la REINE Vérité : Reginam Veritatem Regi Carolo anteponendam arbitratus.

L'ouvrage est écrit avec méthode et clarté ; l'auteur y semble moins dominé par son imagination que dans ses autres traités politiques.

Discourir sur les malheurs d'une personne » tombée d'un rang si élevé, et qui a payé sa » dette finale à ses fautes et à la nature, n'est » pas une chose en elle-même recommanda»ble; ce n'est pas non plus mon intention. Je » ne suis poussé ni par l'ambition, ni par la va»nité de me faire un nom, en écrivant con» tre un roi les rois sont forts en soldats et faibles en argumens, ainsi que tous ceux qui

[ocr errors]

:

» sont accoutumés dès le berceau à user de » leur volonté comme de leur main droite, et » de leur raison comme de leur main gauche. Cependant pour l'amour des personnes d'habitude et de simplicité, qui croient les mo» narques animés d'un souffle différent des au» tres mortels, je relèverai au nom de la liberté et de la république le gant qui a été jeté

[ocr errors]
« EelmineJätka »