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Londres aux ennuis de Cambridge, devinrent la source des calomnies que l'on répandit contre lui dans la suite: on l'accusa d'avoir été vou de l'Université après les désordres d'une impure jeunesse; des pamphlets assurèrent qu'il avait été forcé d'aller cacher sa vie en Italie. Johnson pense que Milton fut le dernier étudiant de l'Université, puni d'une peine corporelle. Rien de tout cela n'est vrai, et ne s'accorde même pas avec les dates d'une vie aussi correcte que religieuse.

MILTON CHEZ SON PÈRE.

OUVRAGES DE SA

JEUNESSE.

Le père de Milton ayant fait une petite fortune, s'était retiré à la campagne d'llorton, près Colebrooke, en Buckingham-Shire. Milton l'y rejoignit, et passa cinq années enseveli dans la lecture des auteurs grecs et latins. Il faisait, de temps en temps, quelques courses à Londres pour acheter des livres et prendre des leçons de mathématiques, d'escrime et de musique.

Il écrivait à un ami qui lui reprochait de vivre dans la retraite : « Vous croyez qu'un > trop grand amour d'apprendre est une » faute; que je me suis abandonné à rêver » inutilement mes années dans les bras d'une » solitude lettrée, comme Endymion perdait » ses jours avec la lune sur le mont Latmus....

. Mais ces belles espérances dont vous m'en» tretenez, qui flattent la vanité et la jeunesse, »> ne s'accordent point avec ce Casque obscur » de Pluton, dont parle Homère. Je mettrais » bas ce Casque, si dans ma vie cachée je n'a» vais d'autre vue que de satisfaire une frivole » curiosité. Mais l'exemple terrible, rapporté » dans l'Évangile, du serviteur qui avait en>> foui son talent, est présent à mes yeux : ce n'est pas le plaisir d'une étude spéculative, » c'est la considération même du Commande»ment évangélique, qui m'empêche d'aller >> aussi vite que d'autres et me retient par un religieux respect. Cependant, afin que vous voyiez que je me défie quelquefois de moi» même, et que je prends note de certain re>> tardement en moi, j'ai la hardiesse de vous envoyer quelques-unes de mes rêveries de nuit, dans la forme des stances de Pétrarque.

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How soon hath Time, the subtle thief of youth,
Stoln on is wing my three and twentieth year!
My hasting days fly on with full carreer,
But my late spring no bud or blossom shew'th.

» Combien vite le temps, adroit voleur de la jeunesse, a dérobé sur son aile mes vingt>> trois années! Mes jours hâtés fuient en

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» pleine carrière; mais mon dernier prin› temps ne montre ni boutons, ni fleurs..... »

De 1624 à 1638 il composa l'Arcades, Comus ou le Masque, Lycidas, dans lequel il semble prophétiser la mort tragique de l'évêque Laud, l'Allegro et le Penseroso, des Élégies latines et des Sylves.

Johnson a fait de l'Allegro et du Penseroso une vive analyse.

L'homme gai entend l'alouette le matin; l'homme pensif entend le rossignol le soir. » L'homme gai voit le coq se pavaner, il prête l'oreille à l'écho qui répète le bruit du cor et de la meute dans le bois: il voit le » soleil s'élever avec glqire; il écoute le chant › de la laitière, il regarde les travaux du la

boureur et du faucheur, il jette les yeux sur › une tour éloignée où réside quelque belle dame la nuit il fait ses délices de quelque » conte fabuleux.

» L'homme pensif tantôt se promène à mi› nuit pour rêver, tantôt écoute le triste son › de la cloche du Couvre-Feu. Si le mauvais temps l'oblige de rentrer chez lui, il s'assied ⚫ dans une chambre éclairée par la lueur du foyer. Ayant près de lui une lampe solitaire, • il épie l'étoile du pôle pour découvrir l'ha

D

>> bitation des ames séparées de leurs corps, » ou bien il lit les scènes pathétiques de la » tragédie ou de l'épopée. Quant vient le » matin, matin obscurci par la pluie et le » vent, il erre dans les sombres forêts où il n'y a pas de sentier; il tombe assoupi au bord de quelque eau qui murmure, et dans un enthousiasme mélancolique, il attend un » rêve d'avenir ou une musique exécutée par quelques personnages aériens.

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» La Gaieté et la Mélancolie sont toutes les » deux solitaires, silencieuses habitantes des » cœurs qui ne reçoivent ni ne transmettent >> des sentimens.

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» L'homme gai assiste à la ville aux fêtes brillantes, aux savantes comédies de Ben>> Johnson et aux drames sauvages de Shakspeare (Wild dramas of Shakspeare).

Le Pensif, loin de la foule, se promène » dans les cloîtres, ou fréquente les cathé» drales. >>

Pour le vieil âge de la Gaieté, Milton ne fait point de provisions; mais il conduit la Mélancolie avec une grande dignité jusqu'à la fin de la vie.

Je ne sais si les deux caractères sont suffisamment distincts; on ne peut trouver, il est

« EelmineJätka »