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tantôt à la campagne, une vie très-retirée, lorsque des symptômes funestes annoncèrent l'altération de sa santé et sa fin prochaine. Sans se méprendre sur son état, il chercha à calmer les alarmes de la tendresse conjugale, appela les secours de la religion, et expira à Paris le 17 novembre 1807.

Lenoir avait reçu de la nature une physionomie spirituelle, ouverte et pleine de douceur : c'était la parfaite image de son organisation morale. Louis XVI l'avait consulté sur l'abolition de la torture, et il contribua beaucoup à faire disparaître cette trace de barbarie de notre code criminel. Il avait toujours évité le faste et le bruit. C'était un de ces hommes qui remplissent leurs devoirs avec modération, sans rechercher les honneurs et la fortune.

MACHAULT

(LOUIS-CHARLES DE), seigneur d'Arnouville.

Ce troisième lieutenant-général de police de la ville de Paris doit à son fils, contrôleur-général des finances et garde-des-sceaux, l'honneur de figurer dans les biographies.

Né en 1666, il fut d'abord maître des requêtes, puis lieutenant-général de police depuis le 28 janvier 1718 jusqu'au 26 janvier 1720, conseiller-d'état en 1720, et enfin premier président du grand-conseil en 1740.

Il mourut le 10 mai 1750, âgé de quatre-vingt

quatre ans, avec la réputation d'un homme intègre, habile et ferme.

Les rédacteurs de la Biographie universelle ont dit, d'après le Journal de Verdun, et en s'appuyant de l'ouvrage de Viton de Saint-Allais (France ministėrielle, tom. 1, pag. 275), que Jean-Baptiste Machault fut nommé président du grand-conseil, et non son père, Louis-Charles. Puisqu'ils consultaient la France ministérielle, ils aurait dû y trouver comme moi, à la page 275, indiquée par eux, Jean-Baptiste au nombre des présidens, et, à la page 270, LouisCharles, nommé en 1740 au nombre des premiers présidens du même grand-conseil.

MARVILLE

(CLAUDE-HENRI FEYDEAU DE), seigneur de Dampierre
et de Gien.

Les biographes s'occupent si souvent d'hommes ignorés, ou dont les noms devraient rester dans l'oubli, qu'on est surpris de ne pas trouver dans leurs recueils certains personnages que la confiance du prince ou le vœu des peuples a fait quelquefois appeler à la direction des affaires publiques. C'est le sentiment que j'ai éprouvé en me livrant aux recherches que nécessitait cet article.

Aucun des nombreux auteurs de biographies, pas même ceux de la volumineuse collection de M. Michaud, ne paraît avoir pensé à Feydeau de Marville;

et, malgré mes investigations', je n'ai pu me procurer la date de sa naissance ni celle de sa mort.

Marville était conseiller honoraire au parlement de Paris depuis le 30 août 1726, et maître des requêtés depuis 1736 (1), lorsqu'il fut nommé lieutenantgénéral de police, le 21 décembre 1739, ou, comme dit l'auteur de la France ministérielle, le 12 janvier 1740, fonction qu'il exerça jusqu'au 27 mai 1747, cessant alors volontairement de la remplir. Appelé au conseil - d'état avant la fin de la même année, il devint premier président du grand-conseil en 1748, et directeur-général des économats en 1773.

Homme aimable et humain, Feydeau de Marville exerçait avec dignité les fonctions importantes de lieutenant-général de police, et portait dans la société une gaîté vive et franche qui le faisait aimer.

Il passait habituellement ses soirées chez la comtesse de Noizy, où le vieux prince de Conti se rendait aussi presque tous les soirs. Là, le prince et le magistrat, débarrassés de toute la contrainte de l'étiquette, s'agaçaient mutuellement par des plaisanteries que l'esprit, le goût, la politesse et les convenances assaisonnaient également.

Madame de Noizy avait un fils âgé de quinze à seize ans, auquel elle était bien aise de procurer quel

(1) C'est à cette date que Viton de Saint-Allais le porte dans sa liste des maîtres de requêtes; mais celle dressée par les bénédictins, auteurs de l'Etat de la France de 1692 à 1747, ne nomme point Feydeau de Marville.

ques-uns des plaisirs de son age, mais qu'elle désirait être surveillé dans les commencemens par un ami prudent qui pût lui en éviter les écueils. Le jeune homme avait grande envie d'aller au bal de l'Opéra, et sa mère crut ne pouvoir mieux faire que de réclamer l'amitié de Marville pour l'y accompagner. Celui-ci ne fit nulle difficulté d'y consentir, et le prince, qui se fit informer exactement de la manière dont il serait masqué, ne manqua pas cette occasion de lui jouer un tour cruel. Il fit rassembler une douzaine de filles publiques, auxquelles il distribua des billets de bal, sous la condition, très-agréable pour elles, d'y tourmenter, autant qu'il leur serait possible, le lieutenant de police, dont il leur indiqua le déguise

ment.

Ces filles, fort contentes, se disposèrent à remplir leur commission avec le plus grand zèle. Elles s'associèrent encore plusieurs de leurs compagnes, et vinrent entourer le magistrat, qu'elles poursuivirent inhumainement, en le faisant reconnaître de tout le monde, et lui disant toutes les horreurs dont elles étaient capables. Marville chercha inutilement à les dérouter, en faisant semblant de se prêter à la plaisanterie, et paraissant jouer le rôle de lieutenant de police assez maladroitement pour faire croire qu'elles se trompaient.

Il lui fut aisé de savoir que ce perfide tour lui avait été joué par le prince de Conti, et il désirait avec impatience l'occasion de s'en venger, sans manquer cependant au respect dû à l'altesse.

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Un jour il apprend que le prince se dispose à aller dîner, le lendemain, dans une maison de campagne à huit lieues de Paris, et qu'il avait demandé ses voitures pour dix heures du matin, comptant bien faire ce petit voyage en moins de quatre heures.

Aussitôt le lieutenant-général de police dépêche des courriers dans tous les bourgs et villages sur la route, pour avertir que S. A. S. Monseigneur le prince de Conti devait y passer le lendemain, et donner ordre de le haranguer et de lui rendre tous les honneurs dus à son rang, ce qui fut exécuté très-ponctuellement.

Arrivé au premier bourg, que le prince s'attend à traverser rapidement, sa voiture est arrêtée par les consuls et officiers municipaux en grand costume, et il est forcé d'écouter patiemment la plus plate harangue, à laquelle on imagine bien qu'il répondit brièvement. Il comptait en être quitte, mais même cérémonie au second, au troisième village, et ainsi d'endroit en endroit, jusqu'à son arrivée, qui ne fut qu'à plus de sept heures du soir. Le prince ne put pas douter que ce ne fût une vengeance de Marville, mais il contribua lui-même à la rendre complète, par l'exactitude qu'il mettait à conserver l'étiquette et la dignité de son rang dès qu'il était en public.

Marville se trouva mêlé dans toutes les tracasseries qu'on fit essuyer à Voltaire pour sa tragédic de Mahomet.

Forcé d'entrer dans quelques détails à ce sujet, la police du temps y étant intervenuc, je le fais d'autant

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