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Voici ce que le chef de la police mit en marge de cette lettre pour l'instruction de ses secrétaires :

»Ne faire réponse à Voltaire que dans huit jours: si Mérigot ne déclare point d'où il tient le Mahomet, le faire mettre en prison pour huit à dix jours. »

Marville, qui était pourtant un homme de sens, ne s'aperçut pas que Voltaire le jouait.

Vers la fin de sa carrière, ce magistrat spirituel se plaisait à redire la lettre qu'il avait reçue d'un lieutenant de police d'une petite ville, qui lui écrivait de bonne foi, pendant qu'il dirigeait la police de Paris :

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Monsieur et cher confrère,

Hier, à mon audience, un particulier insolent m'a traité de fripon; je n'ai pas voulu faire de bruit; mais je me suis réservé de vous demander comment vous en usez en pareil cas. Veuillez m'en instruire vous obligerez celui qui a l'honneur d'être,

> Monsieur et cher confrère, etc. »

RAVOT

(NICOLAS-JEAN-BAPTISTE), seigneur d'Ombreval.

Il n'y a pas pour le seigneur d'Ombreval plus de célébrité possible que pour Feydeau de Marville; les auteurs des dictionnaires historiques n'ont pas signalé l'apparition de ce magistrat parmi nous.

Fils et petit-fils d'avocats-généraux à l'ancienne

cour des aides, Ravot d'Ombreval y fut reçu, dans les mêmes fonctions, le 17 janvier 1705.

Nommé maître des requêtes en 1722, et lieutenantgénéral de police le 28 janvier 1724, il quitta cette magistrature le 28 août 1725, pour passer à l'inten- ' dance de Tours, qu'il ne conserva que jusqu'en 1726.

Que devint-il ensuite? quel était son caractère ? avait-il les talens de l'administrateur? Sur tout cela je ne sais pas un mot.

REINIE

(GABRIEL-NICOLAS, seigneur de La).

Le créateur de la police, telle qu'elle s'exerçait encore au moment de la révolution, La Reinie (1), s'est rendu digne de conserver une place honorable dans la mémoire des Parisiens.

Né à Limoges, en 1625, d'une des familles les plus anciennes et les plus estimables de la province, il fut envoyé à Bordeaux pour y faire ses études.

Le jeune La Reinie s'y fixa, jet devint président au présidial de cette ville.

Pendant les troubles de Guyenne, en 1650, il se

(1) MORÉRI, et le NOUVEAU DICTIONNAIRE HISTORIQUE, rédigé par une société dè gens de lettres (1772), ont porté La Reinie à NICOLAS, admettant ce nom pour celui de sa famille. Je ne sais sur quelles preuves ils ont appuyé leur détermination; il m'a été impossible de me livrer à cette recherche.

prononça hautement pour le parti du roi, eut sa maison pillée, courut risque de la vie, et se sauva auprès du duc d'Epernon, gouverneur de la province, qui le présenta à Louis XIV et à la reine régente, comme un sujet d'une fidélité à toute épreuve.

Bien que le roi lui eût ordonné alors de suivre la cour, ce ne fut cependant que le 22 mars 1662 qu'il en put obtenir quelque grâce par l'agrément d'une charge de maître des requêtes.

En 1667, la police de Paris, très-négligée et trèsimparfaite, cessa d'être exercée par le lieutenant-civil et le lieutenant-criminel du Châtelet, et fut confiée à un magistrat spécial, sous le titre de lieutenantgénéral de police.

La Reinie a commencé la liste de ces magistrats. Nommé le 29 mars 1667, il quitta ses fonctions le 29 janvier 1697, dans l'intention de s'occuper exclusivement des affaires du conseil, où il avait été appelé en 1680.

«Sa Majesté, dit Moréri, très-contente de ses services, pour les récompenser, le nomma conseiller'd'état, en 1680, et le choisit, peu de temps après, pour être successivement procureur-général, commissaire-rapporteur, et président de la chambre établie à l'Arsenal, en 1680, pour la recherche des empoisonneurs, et ensuite lui confia le soin de l'exécution de ses ordres dans la ville de Paris, lors de la révocation de l'édit de Nantes, en 1685. »

On doit remarquer, à l'occasion de la chambre ardente établie pour juger la Brinvilliers et la Voisin,

que La Reinie montra pour la cour de ces complaisances dont il est bien difficile à un homme, même honnête, de se garantir entièrement dans certaines places.

On impliqua très-injustement dans cette affairedes personnes qui étaient dans la disgrâce du roi; on mêla je ne sais quelles accusations de magie aux accusations de poison, et La Reinie parut accueillir également les unes et les autres. En interrogeant la duchesse de Bouillon, qu'on avait très-mal à propos inquiétée au sujet de ces inculpations de maléfices et de magie, et qui n'était tout au plus coupable que de quelques indiscrétions, il lui demanda sérieusement si, dans ses entretiens avec des sorcières, elle avait vu le diable. La duchesse de Bouillon lui répondit: Je le vois dans ce moment, la vision est fort laide: il est déguisé en conseiller-d'état.

On mêla aussi, par un artifice indigne, dans cette accusation, un héros, le maréchal de Luxembourg; et La Reinie parut très-disposé à servir la haine de Louvois contre ce grand général,

Malheureux à la cour, invincible à la guerre.

Le maréchal triompha de la calomnie, mais il crut avoir triomphié de Louvois et de la Reinie.

Ce conseiller-d'état mourut le 14 juin 1709, âgé de quatre-vingt-quatre ans et quelques mois, laissant de Gabrielle de Garibal, sa femme, morte le 31 mai 1715, deux enfans qui n'ont point fait parler d'eux.

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Le souvenir de son intégrité, de son désintéresse ment, de son amour pour le bon ordre, de ses soins. pour la sûreté publique, de sa vigilance, l'aurait fait regretter plus long-temps s'il n'eût eu pour successeur un homme aussi habile que d'Argenson.

C'est à ses soins infatigables que Paris fut redevable de l'établissement du guet; de la défense aux gens de livrée de porter des épées et des cannes; de l'établissement des lanternes; de l'enlèvement des immondices qui encombraient les rues, et d'une grande partie des réglemens de police qui s'observaient encore à l'époque de la révolution, et qui ont servi, pour ainsi dire, de base à ceux de l'administration actuelle ; d'une organisation régulière de l'espionnage, mais dirigé dans des motifs louables; de la purification des Cours des Miracles; de la diminution du nombre de malfaiteurs, qui faisaient de Paris le bois le plus funeste.

Avant ce magistrat, les rues de Paris, pendant la nuit, restaient privées de lumières. Dans de certaines circonstances, et lorsque les vols étaient fréquens, on ordonnait à chaque propriétaire de maison, de placer, après neuf heures du soir, pour être préservé dès attaques des mauvais garçons, sur la fenêtre du premier étage, une lanterne garnie d'une chandelle allumée.

L'établissement fixe des lanternes fut une des premières opérations de La Reinie. On en plaça d'abord unc à chaque extrémité des rues, et une autre au milieu, excepté dans les rues d'une grande longueur.

« EelmineJätka »