Page images
PDF
EPUB

mémoire dans l'affaire du sieur Tort contre le sieur de Guigues, dans le cas même où il y aurait appel de la sentence du Châtelet rendue sur cette affaire. A Versailles, le 13 août 1775.

Signé, HUE DE Miroménil.

Aucun écrit ne fut publié, Albert ayant obtempéré aux ordres de monseigneur le garde-des

sceaux.

ARGENSON

(MARC-RENÉ, Voyer de Paulmy, vicomte de Mouzé, baron de Weil, seigneur de Bailiolière, de Draché, etc., chevalier et marquis D').

Ce magistrat, qui a laissé des traces de son passage parini nous, vit le jour à Venise, le 4 novembre 1652.

Le père de cet enfant, René de Voyer, comte d'Argenson, était alors ambassadeur auprès de cette république, continuant ainsi dans sa personne une dignité dont son père avait été revêtu.

Pour prouver sa satisfaction à René de Voyer, par une bienveillance toute spéciale, la sérénissime ré- ' publique voulut être la marraine du nouveau-né ; elle le fit chevalier de Saint-Marc, et le procurateur Contarini, qui le tint sur les fonts le 8 janvier 1653, lui donna au baptême le nom de cet évangéliste.

Il fit le serment d'avocat au parlement le 12 no

[ocr errors]

vembre 1669; fut reçu chevalier de l'ordre de SaintLazare le 8 janvier 1677, et lieutenant-général du bailliage d'Angoulême le 9 août 1679.

Ce qui faisait alors l'éloge des qualités de ce jeune homme, c'est l'amitié que ne cessait de lui montrer Lefèvre de Caumartin (1), qui,'allié de Pontchartrain, contrôleur-général des finances, et plus tard chancelier, le mit en rapport avec ce ministre.

Bientôt après, d'Argenson se défit de sa charge de lieutenant-général au bailliage d'Angoulême, et obtint la main d'une sœur de Caumartin (2).

Pontchartrain approuva ce mariage, qui, avec le secours de quelques amis, mit d'Argenson en état d'acheter une charge de maître des requêtes, sans laquelle, dans ce temps-là, on ne pouvait parvenir à rien. Cette acquisition eut lieu au mois de mars 1694.

Le nouveau maître des requêtes fit naître une idée telle de sa capacité que, deux ans plus tard, le 29 janvier 1697, Pontchartrain obtint facilement sa nomination de lieutenant-général de police de Paris,

(1) Louis-Urbain Lefèvre de Caumartin, conseiller au parlement, maître des requêtes, intendant des finances, conseiller-d'état; magistrat rempli d'esprit, de jugement et de droiture; élève de Fléchier; protecteur de Voltaire.

(2) Marguerite Lefèvre de Caumartin, seconde fille de Louis-François Lefèvre de Caumartin, conseiller-d'état; mariée le 14 janvier 1693, et morte de la petite vérole le 1o août 1719, âgée de quarante-sept ans.

en remplacement de La Reynie, le premier qui ait exercé d'aussi grandes fonctions.

Lorsqu'il alla faire sa visite d'installation au premier président du parlement, de Harlay, celui-ci entr'ouvrit la porte de son cabinet, et lui cria: clarté, propreté, sûreté, et la referma aussitôt après lui avoir adressé ces mots significatifs.

A cette époque, la police avait un grand but d'utilité, celui de faire cesser les crimes et les désordres nombreux qui désolaient Paris. Le prédécesseur de d'Argenson avait créé cette administration; mais c'était à lui qu'était réservé l'honneur d'en imaginer le ressort et les rouages principaux, et de montrer tout le bien qu'on pouvait tirer d'une magistrature aussi importante.

Ce ne fut point assez de forcer une foule de gens, sans aveu à quitter des repaires connus de tout le monde, et où personne n'avait, jusque-là, osé les attaquer; il le fit, et alla plus loin ; il parvint à pénétrer les actions les plus secrètes.

Si la société a retiré quelque avantage de ce nouveau mode de surveillance, il faut convenir qu'il a donné lieu à d'énormes abus.

Paris, couvert d'immondices, était souvent mal approvisionné : d'Argenson, en faisant régner la propreté et la tranquillité, sut entretenir l'abondance.

La sûreté de la ville fut portée au plus haut degré ; aussi Louis XIV se reposa-t-il toujours et entièrement sur lui de ce qui concernait sa capitale.

La nouvelle armée de mouchards que le lieute

nant de police avait organisée, était si alerte, si intelligente, qu'elle rendait compte de tout ce qui se passait, même dans les ténèbres.

En 1709, la cherté excessive des grains produisit quelques troubles; d'Argenson parvint à calmer le peuple et à réprimer les émeutes.

On le redoutait tellement, qu'on ne l'appelait que le damné, le Rhadamante, le juge des enfers; sa figure sévère justifiait presque ces épithètes.

Il ne balança jamais à aller de sa personne fairecesser le désordre. Un jour, étant assiégé dans une maison, à laquelle une troupe nombreuse voulait mettre le feu, il en fit ouvrir la porte, se présenta, parla aux niutins, et les apaisa.

C'était surtout dans les incendies que brillaient son courage et sa présence d'esprit. Il s'y trouvait toujours, donnait des ordres, prodiguait les secours, et était toujours le premier à donner l'exemple quand il fallait braver le péril; sa présence électrisait les travailleurs. A l'embrasement des chantiers de la porte Saint-Bernard, à Paris, il était nécessaire, pour prévenir un incendie général, de traverser un espace de chemin occupé par les flammes. Des détachemens du régiment des gardes hésitaient à tenter ce passage; d'Argenson le franchit sur-le-champ, se fit suivre, et l'embrasement cessa. Il fut plus de 'vingt heures dans une action continuelle, et cut ses habits brûlés.

La fermeté, le grand discernement, l'habileté enfin de d'Argenson, son zèle dans l'administration de

[ocr errors]

la police, son dévoûment aux volontés du monarque et des ministres, furent récompensés par son admission au nombre des conseillers-d'état (juin 1709).

Il prit part aux affaires les plus importantes; fut fait garde-des-sceaux le 28 janvier 1718, président du conseil des finances le 1er février de la même année, et, le 5 janvier 1720, ministre d'état. A cette époque, on créa pour lui une place d'inspecteur-gém) néral de la police du royaume.

Sacrifié au mécontentement public, lors de la perte du système de Law, il donna volontairement, le 5 janvier 1720, sa démission de la présidence du conseil des finances, et remit les sceaux le 7 juin de la même année.

Il se retira alors dans son hôtel, qui était fort voisin du couvent des Filles-de-la-Croix, rue de Charonne, et se consola de la perte de ses places en cultivant les lettres.

Il mourut l'année suivante, le 8 mai, membre de: l'Académie des sciences (1) et de l'Académie Française (2).

Le système de Law avait exaspéré les esprits, et on accusait, d'Argenson d'une partie des maux qui en avaient été le résultat. Le peuple insultà à ses funérailles; et ses deux fils, obligés d'abandonner le

(1) Élu en 1716.

(2) Ela le 2 avril 1718.

« EelmineJätka »