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tes aient occasioné les emprisonnemens qu'il a subis, cela ne peut être l'objet d'un doute. Dasies, de Vanteaux, Geslin, Semallé sont convenus, dans leurs interrogatoires, du dépôt des caisses et de la remise faite au baron de Vitrolles. Quatre sacs, contenant 84,000 francs, furent aussi rémis à ce dernier. Écoutons Mc Germain, avocat de Maubreuil : « Exé» cutée seulement en partie, cette mission mécon» tenta ceux qui l'avaient conçue; la perte du man» dataire fut dès lors jurée. Son arrestation ne se fit » pas long-temps attendre : une instruction judi»ciaire le rendit l'objet d'une persécution vicieuse autant que tortionnaire; elle produisit une sorte de schisme judiciaire. Les tribunaux ordinaires sont saisis; ils se déclarent incompétens. Un conseil de guerre se déclare également incompétent. » Une décision royale, décision consignée sur le re»gistre des écrous de l'Abbaye, ordonne sa mise en liberté..... Les Bourbons quittent une seconde fois » le sol français à l'approche de Napoléon, reve>> nant de l'île d'Elbe... Ce dernier ressaisit la couronne; la procédure reprend avec une nouvelle activité, et, après cinq jours de liberté, M. de Mau.breuil est arrêté de nouveau à Saint-Germain, et »jeté dans les cachots. Sur le réquisitoire du procu»reur-général Merlin, les tribunaux ordinaires sont » saisis de nouveau. Mais une évasion, due aux soins » de l'amitié généreuse, le soustrait aux persécutions

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qui l'attendaient; il gagne le pays où les princes

» s'étaient réfugiés. Les Bourbons rentrent en France

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» Mis en liberté par Louis XVIII, tout semble de» voir être terminé. Pas du tout; renvoi de M. de » Maubreuil devant la cour d'assises, réformation de » cette sentence par la cour royale, et renvoi en po»lice correctionnelle. Déclaration d'incompétence de » la part du tribunal correctionnel. Nouvelle infirma» tion, et, chose extraordinaire, le magistrat sur le » réquisitoire duquel la cour royale avait prononcé » le renvoi en police correctionnelle, se pourvoit en » cassation contre le second arrêt, qui consacrait la » même doctrine. L'affaire est envoyée, par arrêt de » cassation, devant la cour de Rouen, qui décide dans » le même sens que celle de Paris; enfin, les sections » réunies de la cour de cassation, sur le pourvoi du » procureur-général, renvoient définitivement M. de >> Maubreuil devant la cour de Douai. Cette cour re>> tient la connaissance de l'affaire. Dans l'intervalle, » M. de Maubreuil s'évade; en son absence intervient » un arrêt par défaut. »

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L'avocat fait la peinture des tortures que subit Maubreuil.

« En treize années il est jeté dans douze prisons > différentes; il compte dix arrestations, six mises » en liberté, trois évasions et six cent quatre-vingt» cinq jours passés au secret. Il arrivait devant ses ju»ges, couvert de boue et de sang, lié et garrotté avec » des cordes. Se taisait-il, on lui liait les mains pour »>le forcer de parler; parlait-il, des gendarmes lui >> mettaient la main sur la bouche pour l'empêcher » de s'expliquer. Nommait-il l'auteur de sa persécu

» tion, M. de Talleyrand, on le menaçait de l'applica» tion de la loi du 29 novembre 1815, sur les cris > séditieux.

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Enfin, s'écria le défenseur, on lui avait réservé le

» supplice des prêtresses de Vesta; on le mit tout vi» vant dans un cercueil : on le précipita à la Force » dans un cachot doublé de plomb. »

Le président crut devoir interrompre l'avocat : « Il » n'y a point de tels cachots, ni à la Force, ni dans >> aucune prison. »

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Maubreuil prit la parole: Après huit jours de » secret au dépôt, M. Anglès, alors préfet de police, » me fit conduire, les fers aux mains, à la Force, et » l'on me plaça dans une espèce de cachot, derrière » l'infirmerie, qui servait comme d'égoût où l'on je>> tait les eaux, et qui, par ce motif sans doute, était » réellement doublé de plomb.

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L'avocat continue: «Chaque jour un commissaire » de police venait, assisté d'un inspecteur des prisons » et d'un médecin, dresser procès-verbal de son exis> tence. Ils étaient envoyés par ordre de M. Decazes, > alors ministre de la police.

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« Les quarante-huit commissaires de police de Pa» ris lui rendirent visite à tour de rôle. »

Il est donc certain que Maubreuil inquiétait, par ses révélations, un grand nombre de personnes.

Un pêcheur de goujons, en tendant ses lignes dans la Seine, au bas du pont Louis XVI, retira de l'eau un peigne garni de diamans. On prétendit que les recherches faites dans ce lieu avaient produit la dé

couverte des diamans enlevés à la reine de Westphalie. C'était une jonglerie inventée pour étouffer tous les bruits sur cette affaire, car les diamans ont été reconnus faux.

Anglès ne garda pas long-temps le portefeuille de la police; à la sortie de son interim, il rentra au conseil d'état, avec le titre de conseiller.

Au 20 mars 1815, il suivit le roi à Gand, et ne revint à Paris qu'après la bataille de Mont Saint-Jean. Louis XVIII le nomma président du collége électoral de son département, qui l'élut député. A la fin de septembre de la même année, M. Decazes, alors préfet de police, ayant remplacé Fouché au département de la police générale, Anglès passa à la préfecture de police.

La réaction sévissait alors contre tous les partisans du gouvernement impérial. Si la violence et l'arbitraire ne partaient pas des dépositaires de l'autorité, ceux-ci en étaient les instrumens. Anglès, appelé dans des circonstances aussi difficiles à exercer un pouvoir terrible, fit tous ses efforts pour amortir les effets de l'impulsion à laquelle il était forcé d'obéir. D'un bout de la France à l'autre les proscriptions et les catégories étaient à l'ordre du jour. Les dénonciations pleuvaient de tous côtés. On s'accorde à reconnaître que le nouveau préfet de police, en remplissant les devoirs que lui imposaient les lois et les circonstances, s'attacha à en modérer la rigueur. Anglès courut la même fortune que M. Decazes. En butte comme lui à la haine des ultras, la tri

bune retentit plus d'une fois des accusations les plus véhémentes. L'opposition libérale se rappelait que ce fonctionnaire avait pris part aux arrestations de Grenoble et de Lyon. D'autres griefs encore s'élevaient contre lui. On accusa la police de chercher à répandre de fausses alarmes, afin de détourner l'attention des esprits de la marche du gouvernement. Ce petit machiavélisme amusait le peuple; on lui inspirait à volonté des terreurs imaginaires.

Au mois d'août 1819, au coin des rues du Bouloi et Montesquieu, il se formait des rassemblemens attirés par une pluie d'argent; c'est ainsi qu'on appelait les pièces de 1 franc, 2 francs, et même de 5 francs, que des officiers attachés à la police jetaient avec assez de prestesse pour qu'on pût croire qu'elles tombaient du ciel. Le 14 du même mois, ces réunions tumultueuses furent dissipées par la gendarmerie; une cinquantaine d'individus furent arrêtés, traduits à la préfecture, et mis en liberté. Les attroupemens continuèrent; ils ne cessèrent que plusieurs jours après qu'on eut cessé de voir la pluie d'argent.

Bientôt des piqueurs assaillirent les femmes dans les différens quartiers de Paris; on les assaillit encore en 1821 quand on voulut aller au fond des choses, on trouva toujours que les coupables appartenaient à la police.

Pour donner une idée de toutes ces manœuvres, il suffit de citer le fragment d'une lettre imprimée, adressée à Anglès par M. Treverret, ex-chef adjoint

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