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du premier bureau de la deuxième division du ministère de la police: « C'est moi, y est-il dit, qui vous ai » sauvé la publicité d'une infinité de détails relatifs à » une trame ourdie par quelques-uns de vos agens, il y » a environ un an, contre le lieutenant-général Canuel. >> Il ne s'agissait de rien moins que de procurer l'em>>preinte de la clef de son appartement, pour s'y in>>troduire dans des intentions perfides, de conspira» tion à sa charge; vous connûtes le projet, et néan» moins vous destituâtes le malheureux inspecteur de » police qui vous le fit révéler.»

A l'époque des troubles de juin 1820, lorsque les avenues de la chambre des députés retentissaient des cris de vive la charte! la force armée placée sous ses ordres sabra impitoyablement tous ceux qui se trouvaient dans les lieux où se tenaient les rassemblemens. L'assassinat du duc de Berri, arrivé sous son administration, servit de prétexte aux ultras pour l'attaquer de nouveau.

La police avait imaginé de couvrir son incurie par la découverte de quelque complot qui menaçât la famille royale. Un nommé Gravier, soit que cette idée lui ait été suggérée, comme cela est probable, soit de son propre mouvement, avait fait partir un pétard sous le guichet des Tuileries, vis-à-vis la rue de l'Échelle. Gravier fit confidence de l'affaire du pétard à Leydet; celui-ci l'invita à récidiver, et s'offrit même à l'aider. Il dresse ses ambuscades pour que Gravier tombe dans le piége et soit arrêté en flagrant

délit. Anglès, prévenu d'avance, s'enferma au château pour attendre l'effet de la scène.

Leydet amène Gravier; les autres agens de police fondent sur lui au moment où il va mettre le feu au marron qu'il avait apporté. Bouton, qui avait fabriqué le pétard, est arrêté. Mis tous deux en jugement, ils rejettent la responsabilité du crime sur Leydet, qui, disent-ils, les y a provoqués. Ils demandent qu'il paraisse devant la cour: Leydet n'est ni amené ni entendu; on l'avait fait sortir de France : Gravier et Bouton sont condamnés à mort.

Anglès avait exercé ses fonctions dans des circonstances malheureuses. D'abord aux ordres des contre-révolutionnaires, il n'avait pas montré assez de zèle pour proscrire, emprisonner et persécuter.

La France, placée dans une situation toute nouvelle, au milieu des oscillations que faisaient subir à l'opinion la force des choses, n'avait pu prendre encore une assiette fixe. Ballotté par tant d'influences contradictoires, le ministère se mit à louvoyer. La police avait fabriqué des conspirations bonapartistes, elle en fabriqua de royalistes: elle exploitait tour à tour les partis sans en servir aucun: elle devint odieuse à tous. Ce système était mauvais sans doute, puisqu'il manquait de franchise et n'amenait à rien.

Toutefois, Anglès conserva sa préfecture après la chute de M. Decazes. M. Clausel de Coussergues se déchaîna contre lui plusieurs fois à la chambre des députés. Le côté gauche n'appuya pas ces accusa

tions sans preuves, mais il laissa les amis d'Anglès, et son père même, se débattre contre ses adversaires. Enfin, Anglès se vit forcé de quitter son poste, et de l'abandonner à la faction avide qui dé à encombrait les avenues du pouvoir.

Après la démission d'Anglès, la police prit une allure plus décidée sous la direction de M. Delavau. Anglès vivait dans une de ses terres, aux environs de Roanne, lorsqu'il mourut le 16 janvier 1828. Il avait formé de magnifiques établissemens dans la Bresse.

BOURGUIGNON-DUMOLARD.

La roue de la fortune tournait avec tant de rapidité pendant la révolution, que quiconque se réveillait ministre, n'était pas sûr le soir d'être encore quelque chose. Bienheureux celui qui en était quitte pour rentrer dans l'obscurité, après une élévation subite et une chute rapide.

M. Bourguignon, s'il n'eût été que ministre, serait assurément très-obscur; mais heureusement pour lui, il s'est trouvé jurisconsulte profond, criminaliste distingué, écrivain érudit et consciencieux, et il jouit encore sous tous ces rapports de la plus honorable réputation.

Né le 21 mars 1760, à Vif, arrondissement de Grenoble, M. Bourguignon exerçait dans cette dernière ville des fonctions administratives et judiciaires lorsque la révolution éclata. Partisan des idées nou

velles, il acquit une grande influence dans le Dauphiné, et, après les événemens du 31 mai1793, il fut incarcéré comme chef des fédéralistes du Midi.

Rendu à la liberté, il se réfugia à Paris pour se soustraire à la loi des suspects, quitta le nom de Dumolard, sous lequel il était plus connu, pour ne conserver que son nom de famille. Il obtint une place dans les bureaux du comité de sûreté générale. Ses liaisons avec les chefs du parti qui renversa Robespierre au 9 thermidor, le firent charger d'une mission délicate et périlleuse, celle de mettre les scellés sur les papiers des deux frères de ce nom, avant leur arrestation. Nommé secrétaire-général du comité auquel il était attaché, il contribua en cette qualité à la délivrance d'une foule de victimes du régime de la terreur, et devint successivement chef de division au ministère de l'intérieur, secrétaire-général du ministère de la justice, et commissaire du Directoire près le tribunal de cassation. Il se fit remarquer, en cette dernière qualité, dans les occasions importantes où il prit la parole.

Après le 30 prairial an 7, qui amena au Directoire Roger - Ducos, Moulin et Gohier, M. Bourguignon remplaça Duval au ministère de la police. Elevé à ce poste éminent par l'influence de Gohier, M. Bourguignon ne sut pas s'y maintenir. Un concurrent redoutable aspirait à le supplanter, c'était Fouché, et il y parvint facilement. Il ne laissa pas le temps à M. Bourguignon de se retourner dans son fauteuil, et n'était de quelques circulaires on serait

bien embarrassé de dire ce que fit le citoyen ministre, car à cette époque on n'avait pas encore restauré les titres de Monseigneur et d'Excellence, qui résonnent si agréablement aux oreilles ministérielles. Les circulaires de M. Bourguignon étaient dirigées contre les alarmistes. Toutefois, il faut le dire, les alarinistes avaient plus de prévoyance que lui. Le moyen, en effet, d'être rassuré, lorsqu'on a des ministres qui ne tiennent qu'à un fil.

Gohier, le protecteur de M. Bourguignon, a consacré quelques pages de ses Mémoires à déplorer le sort de son protégé. Voici comment il s'exprime :

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Pendant que j'étais à la cour de cassation, j'a» vais eu l'occasion de connaître et d'apprécier les » talens et les principes du citoyen Bourguignon, qui » y remplissait les fonctions du ministère public. Sur >> mon indication, le 4 messidor, Bourguignon, sub» stitut du commissaire du Directoire exécutif près le » tribunal de cassation, fut nommé ministre de la » police générale.

Les divers ouvrages du citoyen Bourguignon, sur » notre législation civile et criminelle, dont l'un ( son » mémoire sur le jury) a été couronné par l'Institut, » ont prouvé que ce savant magistrat est un de nos » meilleurs jurisconsultes. Rien n'annonçait que sa >> surveillance fût en défaut. Paris était tranquille, et » sa correspondance, en entrant au ministère, caracté» risait un administrateur aussi sage que ferme; ce »> n'était pas assez pour Sieyes : Bourguignon n'était >> pas jacobin, et il ne voyait que par ses yeux, quand

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