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Sieyes voulait qu'un ministre de la police ne vit " que par les siens. "

» Bourguignon, qui n'avait que l'ambition de ser» vir loyalement son pays, ne se fit pas demander » deux fois sa démission. L'intrigue de Sieyes, qui » avait un homme à lui, à qui il destinait la police, ne » réussit qu'à moitié. Barras, qui s'était réuni au pré»sident pour le renvoi de Bourguignon, qu'il ne con» naissait pas, proposa Fouché, qu'il croyait mieux » connaître, et, le 2 thermidor, la majorité du Direc>>toire nomma Fouché, persuadé qu'il ne serait pas plus l'homme de Sieyes que Bourguignon.

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La modestie de M. Bourguignon, n'a pas trouvé grâce devant Fouché, qui l'avait si impitoyablement privé de son ministère. On lit dans ses Mémoires: « La police, comme elle était organisée, penchait » naturellement pour le parti populaire, qui avait in»troduit dans son sein quelques-uns de ses cory» phées et de ses meneurs. L'honnête Bourguignon, » alors ministre, devait son élévation à Gohier; il » était tout-à-fait au-dessous d'un tel ministère, hé»rissé de difficultés. »

Les ministres se ressemblent tous : ils s'accusent toujours d'incapacité; il n'en est pas un qui ait dit du bien de son prédécesseur.

Entré en fonctions le 23 juin 1799, M. Bourguignon les abandonna le 31 juillet suivant. Peu après sa sortie du ministère, il devint régisseur des domaines et de l'enregistrement. Il paraît que sous le Directoire on pouvait être aujourd'hui ministre et

demain commis à sa barre, sans que cela tirât à conséquence. L'ancien ministre se consola dans son modeste emploi de la perte de son portefeuille; il employa ses loisirs à composer plusieurs ouvrages très-recommandables.

Les directeurs eurent bientôt leur tour. Le général Bonaparte les remplaça comme Fouché avait remplacé M. Bourguignon; mais comme il avait du tact et qu'il savait mettre les gens à leur véritable place, il fit entrer M. Bourguignon dans la magistrature.

M. Bourguignon se trouvait membre du tribunal criminel de la Seine, lorsque Moreau, Georges et leurs co-accusés furent mis en jugement. On assure qu'il résista à toutes les considérations qu'on employa auprès de lui pour le déterminer à voter la condamnation capitale contre le général Moreau, et qu'il opina pour une simple détention de deux ans, bien qu'il fût convaincu de la complicité de ce général avec Georges Cadoudal. Moreau était-il coupable, il fallait lui appliquer la peine réservée aux conspirateurs; ne l'était-il pas, le condamner à une détention quelconque, c'était rendre un jugement ini

que.

M. Bourguignon fut attaché peu après, en qualité de conseil, à l'administration des droits réunis, et il obtint, en 1804, la place de substitut de procureurgénéral-impérial près la haute-cour. En mars 1809,. il fut présenté par l'empereur, au sénat, pour occuper une des places vacantes à la cour de cassation, à laquelle cependant, il ne fut pas nommé. Conscil

ler à la cour d'appel depuis 1810, il en fit encore partie en 1814; mis à la retraite après la seconde rentrée du roi, il conserva le titre de conseiller honoraire. Condamné à la vie privée dans la force de l'âge et du talent, M. Bourguignon s'est appliqué depuis cette époque à l'étude approfondie de notre droit eivil et criminel. La mort vient de lui enlever son fils, dont il avait dirigé les premiers pas dans la carrière de la magistrature, et qui avait déjà fait preuve d'un talent très-remarquable.

Ses trois Mémoires sur le jury, publiés en 1802, 1804 et 1808, dont le premier a été couronné par l'Institut, sont encore consultés aujourd'hui. Chénier en a fait un éloge mérité dans son Tableau historique de la littérature française. On a du même auteur, un ouvrage intitulé: De la Magistrature en France, 1807, in-8°; le Manuel de l'Instruction criminelle, 1810, in-4°.; un Dictionnaire raisonné des lois pẻnales de France, 1812, 3 vol. in-8°. Ces ouvrages sont fort estimés.

CAMUS

(ARMAND-GASTON).

L'histoire de Camus, comme ministre, devrait se borner à la mention pure et simple de son nom, car il fut nommé et n'accepta pas.

Camus était un homme de l'ancien régime. Il naquit à Paris le 12 avril 1740. La révolution le

compta parmi ses plus dévoués partisans. Il fut républicain parce qu'il était janséniste. L'irréligion cut beau faire des progrès, il n'en resta pas moins attaché à sa secte.

Camus, destiné au barreau dès son enfance, avait acquis une vaste instruction; il était surtout trèsversé dans le droit canonique, ce qui lui valut d'abord la place d'avocat du clergé de France, et, ensuite, celle de conseiller de l'électeur de Trèves et des princes de la maison de Salm-Salm. Nommé deputé du tiers-état de Paris aux États-Généraux, il participa aux travaux de cette assemblée, et s'acquit une grande popularité; la fameuse constitution civile du clergé fut presque exclusivement son ouvrage. Il était surtout remarquable par la fougue et la véhémence avec laquelle il défendait ses opinions. Ennemi acharné de la noblesse, il en réclama l'abolition. En 1792, il fut nommé conservateur des archives nationales, et rendit un véritable service à la France, en prévenant la dilapidation des titres et papiers des diverses corporations supprimées. Plus tard, il provoqua le décret sur l'existence de la Convention, dont il devint membre. Chargé, par cette assemblée, d'une mission en Belgique, il rendit compte à la tribune de la situation de l'armée que 'Dumouriez y commandait. Envoyé de nouveau dans ce pays, en qualité de commissaire de la Convention, il se trouvait absent de Paris lors des appels nominaux sur le jugement du roi ; il envoya son vote pour la mort sans appel et sans sursis. Camus fit encore un troisième

voyage en Belgique, pour signifier à Dumouriez le décret d'arrestation lancé contre lui par la Convention. Dumouriez reçut avec ironie les injonctions de Camus, et, au moment où ce dernier donnait ordre d'arrêter le général, comme traître à la république, celui-ci commanda en allemand à quelques hussards d'arrêter les commissaires, qu'il livra aux Autrichiens. Après trente mois de captivité, Camus fut échangé à Bále contre la fille de Louis XVI, aujourd'hui Madame la Dauphine.

De retour en France, Camus siégea au conseil des Cinq-Cents. La tribune retentissait du récit de ses infortunes lorsque le Directoire proposa la formation d'un septième ministère, celui de la police générale. Camus y fut nommé; mais comme on ne pouvait être à la fois représentant du peuple et ministre, Camus refusa et donna sa démission deux jours après sa nomination, qui est du 4 janvier 1796. On lui offrit plus tard le ministère des finances; pour cette fois il voulait accepter, mais à condition que la place d'archiviste resterait vacante. La chose, gravement discutée au conseil, il fut décidé qu'on ne pouvait être à la fois ministre des finances et archiviste in petto. Camus renonça encore une fois au portefeuille.

Camus, qui faisait partie de l'Institut, ne s'occupa guère plus que de travaux littéraires. Fidèle à ses principes, il s'inscrivit, au 10 juillet 1802, pour la négative, sur le registre des votes pour le consulat à vie. Il conserva sa place aux archives de l'Institut, et mou

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