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fait son apprentissage sous le régime de la terreur. Les révélations nombreuses de faits semblables n'étaient pas propres à relever la police du renom d'infamie qui s'attachait à tout son flétrissant attirail.

Il serait injuste d'attribuer à M. Decazes tous les faits répréhensibles que le but de cet ouvrage semblait commander de ne pas passer sous silence. La police se fait par des moyens tels que souvent le chef lui-même est trompé sans s'en douter, et compromis à son insu. Il faut dire encore que c'est sous le ministère de M. Decazes que les jésuites s'introduisirent en France incognito.

Le ministre sut qui ils étaient, et il feignit de ne pas le savoir; il leur laissa faire des aequisitions teritoriales, bâtir des couvens, s'infiltrer dans l'instruction publique, se recruter dans toutes les classes de la société. Les intrigues des enfans de Loyola ne contribuèrent pas peu à le renverser; à sa chute, ils débordèrent de toutes parts, ce qui démontre qu'il devait avoir fait quelques efforts pour les contenir, Déjà on avait vu des missionnaires parcourir la France pour ressusciter les haines politiques, dont il était beaucoup plus question que de la religion dans leurs sermons déclamatoires.

M. Decazes laissa au ministère de l'intérieur des traces de son passage. Son administration fut favorable à l'industrie, aux arts, au commerce et à l'agriculture. On lui doit le nouvel enseignement du Conservatoire des arts et métiers, l'institution des deux

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conseils pour l'encouragement du commerce et des manufactures, la fondation de plusieurs sociétés d'agriculture, et l'exposition nouvelle des produits de l'industrie.

Le système de bascule suivi par M. Decazes a été jugé diversement.

Après sa sortie du ministère, M. de Saint-Aulaire prit sa défense en ces termes :

« Dans la lutte engagée depuis la restauration, en-` >tre les intérêts anciens et les intérêts nouveaux, il » a combattu constamment pour ceux-ci.

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» La lutte était difficile, les succès ont été partagés. En définitive il a été vaincu : lui reprocher ⚫ sa défaite c'est joindre l'ingratitude à l'injustice. Ses » ennemis l'ont mieux jugé. La vivacité de leurs attaques, constamment dirigées sur lui seul, leur joie » démesurée lors de sa retraite, leur acharnement à » le poursuivre, témoignent hautement la crainte qu'il » leur inspirait; non sans doute que cette crainte ait jamais porté sur les intérêts véritables du trône, mais » ils redoutaient, ils poursuivaient en lui l'homme étranger aux préjugés de l'aristocratie, l'homme qui » cherchait les appuis du trône hors de l'émigration et des restes affaiblis du privilége. C'était ici la » guerre des intérêts nouveaux contre les intérêts anciens, des institutions nouvelles contre les espé»rances et les regrets de l'ancien régime. M. Decazes » était placé au milieu de cette lutte, et, par convic» tion, par principes, par fidélité au roi, il secondait

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les intérêts nouveaux, les intérêts nés de la révolu

» tion, mais il les secondait avec cette progression » lente et modérée, qui était à la fois son devoir et la > condition du succès.

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» On demande pourquoi ce ministre, dont tous les » partis ont exagéré la puissance, ne retirait pas les emplois aux ennemis des institutions nouvelles! »> mais que ne demande-t-on aussi pourquoi il s'est » laissé renverser lui-même ? Lui était-il plus facile de » désarmer ses ennemis que de leur résister? Ces enne» mis, dira-t-on, trouvaient toute leur force dans les ménagemens pusillanimes qu'il avait pour eux. Une » fois franchement attaqués ils eussent été découragés pour toujours. Un pareil résultat sans doute est probable et serait facile, en supposant le système » constitutionnel entièrement établi. L'action de ce système, en effet, doit inévitablement assurer le » triomphe des véritables supériorités, et détruire > toutes les vaines prétentions. Mais lorsque la France » était encore envahie par les troupes étrangères et par les lois d'exception; lorsqu'il s'agissait de dé» fendre à la fois l'autorité royale, l'indépendance >> nationale et les premières bases du système consti» tutionnel à peine ébauché, alors sans doute il était impossible d'écarter en un moment tous les obsta>cles, de renverser toutes les résistances que la plé>nitude du gouvernement constitutionnel ferait bien» tôt disparaître. Quoique les intérêts de l'ancien ré›gime soient numériquement très-faibles, quoiqu'ils ne puissent offrir à la royauté héréditaire et constitu»tionnelle des Bourbons qu'un appui fragile et tram

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peur, cependant les défenseurs obstinés de ces in» térêts occupent des positions importantes, et, im» puissans à sauver le trône, ils prétendent au droit » exclusif de l'entourer. Cette circonstance, que » l'histoire de notre révolution explique suffisam»ment, doit créer une difficulté de plus dans la po>>>litique intérieure de la France. M. Decazes a subi > tout le poids de cette difficulté, qui ne pourra être » surmontée que par le développement même de nos

>> institutions. »

M. Decazes jouit d'une fortune immense. Après avoir siégé long-temps à la chambre des pairs avec l'opposition constitutionnelle, il s'est rallié à l'administration nouvelle qui semble vouloir marcher dans les voies de la charte. Pendant son ministère, M. Decazes était un favori, depuis qu'il est retiré des affaires il s'est montré homme d'état.

DONDEAU.

A l'époque où le Directoire s'établit, la terreur venaitde moissonner toutes les supériorités que la révolution avait fait naître. Les partis avaient perdu leurs chefs; les médiocrités seules l'emportaient. On redoutait les effets de l'ambition, et dans le choix des directeurs, on s'attacha à chercher" cinq hommes égaux en mérite on arriva à nommer des hommes nuls.

Les directeurs ne pouvaient avoir des ministres

influens, car ils eussent été sur-le-champ éclipsés ; ils les choisirent donc parmi leurs créatures. Le gouvernement perdit toute dignité à force de vouloir être populaire.

Il y a dans le cœur humain une satisfaction secrète à voir humiliér le pouvoir : peut-être est-ce un moyen de se venger de l'obéissance qu'on est obligé de lui prêter. Autour des directeurs il n'y avait aucun prestige : c'étaient des hommes comme tous les autres. Leurs courtisans, car ils avaient des courtisans, participaient de la nature de cette sorte de gens, toujours si nombreux et si méprisés dans les cours; ils étaient même dans une position inférieure; aussi leur grandeur personnelle ne tint pas long-temps contre les sarcasmes de l'opinion.

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A ce sujet, un des directeurs (Laréveillère Lepeaux) écrivait à un membre du conseil des CinqCents: « Un des plus pénibles devoirs de mon emploi "est de m'occuper des hommes, et cependant je sens que leur choix a une influence presque absolue sur » les choses. Si l'on savait combien on profite cruelle>ment des embarras de tous genres pour nous tromper! et je suis encore plus à plaindre qu'un autre, » ma vie isolée jusqu'ici ne m'ayant pas mis à même » de connaître beaucoup d'hommes. D'un autre côté, » lorsque tant de factions diverses ont agité un pays, et que cependant on a tant d'emplois à distri»buer à la fois, c'est une chose on ne peut plus pé»nible, car le choix est extrêmement circonscrit

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