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» lorsque les nominations sont le plus multipliées. » La bonhomie du grand-prêtre des théophilantropes nous a mis dans le secret de ces honnêtes directeurs, qui ne savaient à qui donner les places, parce qu'ils ne connaissaient personne. Ils se trouvaient réduits à avoir des ministres incognito. Il ne faut pas s'étonner si la plupart de ces ministres sont restés dans l'obscurité la plus profonde, après avoir quitté leurs emplois.

On ne peut pas supposer que ces derniers sussent à l'avance leur métier; et la durée de leur exercice était quelquefois si courte, qu'ils n'avaient pas le temps de l'apprendre. Après Bourguignon on remarque Dondeau, qui traversa le ministère de la police sans presque y laisser d'autres traces de son passage que sa nomination.

C'était, avant la révolution, un avocat à Douai. Il se montra d'abord partisan des idées de liberté, et se fit remarquer par son ardent civisme; devint maire de Douai, administrateur du département du Nord, et juge au tribunal criminel du même dépar

tement.

Le célèbre Merlin, son compatriote, le fit venir à Paris à l'époque où il fut appelé au ministère de la police, et l'employa en qualité de chef de division. Dondeau remplissait avec beaucoup de ponctualité tous les devoirs de sa place. Il vit changer le ministre, dont il était loin de penser qu'il devait un jour être le successeur. Cependant, dans un moment d'embarras du Directoire, il fut appelé inopiné

ment à remplacer le ministre Sottin, le 25 pluviôse an 6 (13 février 1798).

Que fit Dondeau dans son ministère? Sans doute ce qu'y avaient fait ses prédécesseurs : il administra. Son nom ne se trouve mêlé à aucun événement politique tant soit peu important. On ne peut pas dire que le zèle lui ait manqué; mais souvent les bonnes intentions ne suffisent pas. La république était cependant alors bien malade, en dépit du 18 fructidor. Dondeau sortit du ministère trois mois après y être entré. Il fut remplacé par Lecarlier.

Parvenu à l'apogée de sa carrière politique et administrative, Dondeau déclina graduellement. Chacun des emplois qu'il occupa ensuite était inférieur au précédent, la roue de la Fortune le poussant toujours un cran plus bas. Après s'être assis un moment dans le fauteuil de ministre, il tomba, dans la même année, à la place d'administrateur de la loterie. On pense qu'après des fluctuations pareilles, Dondeau avait de bonnes raisons pour souhaiter l'inamovibilité. Il y arriva enfin en 1806, et se cramponna sur un fauteuil de juge au tribunal de Melun. Qui aurait pu reconnaître à l'un des derniers degrés de la magistrature un ministre de la police! Cette inamovibilité, qu'il croyait enfin avoir trouvée, n'était pas indépendante de celle du gouvernement alors existant, et on le lui prouva bien. Dondeau rentra donc dans le néant politique et judiciaire à l'époque de la restauration.

C'est vainement que l'on s'attendrait à trouver ici

quelque indice de son existence, à partir du moment où il ne fut plus rien. Peut-être vit-il encore. Lesage a dit: Cache ta vie; le bonheur est dans l'obscurité.

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Cet ex-ministre achève une existence honorable dans la retraite et presque dans l'oubli. Eh bien, ce nom qui retentit si peu aujourd'hui a figuré parmi ceux des juges d'un roi; il y a plus, M. Duval a failli devenir roi lui-même, pour un cinquième.... Mais, selon l'usage des biographes, il faut commencer par le commencement.

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La révolution trouva M. Duval avocat à Rouen. Les principes de cette révolution eurent, dans sa personne, un zélé partisan, ce qui valut à M. Duval son élection en qualité de député à la Convention nationale. Dans cette assemblée, où la modération était un titre de proscription, il se montra modéré. Il défendit avec chaleur et conviction la liberté compromise et la justice outragée par d'odieux attentats.

Le vote de M. Duval, dans le procès du roi Louis XVI, est rémarquable et mérite d'être rapporté ; le voici :

« Je ne crains pas la guerre civile; c'est une ca» lomnie contre le peuple, un vrai fantôme avec le» quel on voudrait le conduire vers le despotisme. Je

> ne veux pas ravir sa souveraineté : je vote l'appel au » peuple. Quelle peine? La réclusion et le bannis» sement. Sursis? Oui. »

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Il fallait du courage pour oser, au sein de la Convention, voter ainsi. A l'époque du 31 mai, le parti de la Gironde succomba. Les défenseurs de l'humanité payèrent presque tous de leur tête leur noble dévoûment à cette sainte cause. La vertu, l'éloquence, le génie allèrent expier sur l'échafaud ou dans les cachots d'honorables efforts. M. Duval fut décrété d'accusation. Assez heureux pour échapper aux recherches de ses persécuteurs, il rentra dans la Convention après le 9 thermidor, et fut élu membre du Conseil des Cinq-Cents par suite de la réélection des deux tiers conventionnels; il cessa d'en faire partie au mois de mai 1797.

M. Duval remplaça, le 8 brumaire an 7 (29 octobre 1798), Lecarlier au ministère de la police. On s'accorde à reconnaître dans ce ministre de bonnes qualités. Il servait le Directoire avec zèle, mais on ne lu reproche aucun acte oppressif.

A l'époque où Rewbel quitta le Directoire, il figura au nombre des candidats qui devaient le remplacer. Un des successeurs de M. Duval (Fouché) au ministère de la police rend ainsi compte de ce qui se passa dans cette circonstance :

« Merlin et les députés ventrus ses acolytes dé»cidèrent qu'ils éleveraient à sa place Duval, de la » Seine-Inférieure, homme médiocre et nul, brave » homme d'ailleurs, qui occupait alors le ministère

D

» de la police, où sa vue était trop courte pour rien » voir. On les laissa faire, et, toutes leurs batteries › dressées, on travailla efficacement pour Sieyes, am>>bassadeur à Berlin.... On en vint à l'élection : je »ris encore du désappointement du subtil Merlin, et » du bon Duval, sa créature, qui, pendant que les >> conseils procédaient, ayant établi une ligne télégraphique d'agens, depuis l'hôtel de la police jus» qu'à la salle législative, chargés de transmettre au >> bienheureux candidat le premier avis de son exal» tation directoriale, en apprirent qu'une partie du >> ventre avait fait défection. Ni Merlin ni Duval ne pouvaient comprendre comment une majorité assu»rée peut se changer tout à coup en minorité; mais »> nous savions par quel ressort on opère, nous en fî» mes des gorges-chaudes dans d'excellens dîners où » se tamisait la politique.

⚫ Merlin vit dans Sieyes un compétiteur dangereux, » et dès ce moment il se renfrogna. Quant au bon » homme Duval, bientôt remplacé par Bourguignon, » il en devint misanthrope. Ces deux médiocres citoyens n'étaient pas plus faits l'un que l'autre pour > manier la police. »

D

Cela veut dire, en d'autres termes, que la police ne pouvait être maniée que par le citoyen Fouché. Le duc d'Otrante était, comme on le voit, peu charitable et très-mauvais confrère. Il faut toujours se défier de la médisance, surtout quand elle est inspirée par la jalousie de métier.

Que M. Duval n'ait pas fait de merveilles à la po

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