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lice, nul n'est tenu d'en faire; et voyez le beau miracle que de découvrir des conspirations qu'on a fa briquées; cela mérite-il un brevet d'invention ou de perfectionnement?

La plupart des ministres du Directoire faisaient leur besogne bourgeoisement; mais enfin ils la faisaient, et cela marchait. Que voulez-vous davantage : il n'est pas donné à tout le monde d'être homme d'État, s'en donnât-on même les airs.

Pour revenir à M. Duval, il quitta le ministère de la police, huit mois après son entrée, le 5 messidor

an 7.

La chute du Directoire, qui arriva peu de temps. après, dut rendre l'ex-ministre encore plus misanthrope. Que n'en faisait-il partie à cette époque? Peutêtre il l'eût sauvé, ou du moins il l'eût tenté, lui cinquième :

Si Pergama dextra defendi possent.....

Quelque misanthrope qu'on soit, on se console peu à peu.

Sur les ailes du temps la tristesse s'envole,

a dit le bon La Fontaine :

Entre la veuve d'une année et la veuve d'une journée,
La différence est grande.

Le Directoire était tombé; mais le consulat s'élevait radieux M. Duval devint membre du corps lé

gislatif en janvier 1800. Ce ne fut qu'en 1803 qu'il cessa de faire partie de cette assemblée.

Le premier consul envoya M. Duval l'année suivante remplir les fonctions de commissaire-général de police à Nantes. Nommé préfet du département des Basses-Alpes en 1805, il conserva cette place jusqu'après les événemens politiques de 1814, car il fut maintenu par le roi. Pendant les cent jours, il devint préfet de la Charente. Au second retour du roi, il rentra dans la vie privée, vraisemblablement pour ne plus en sortir.

Les événemens ont bien pu ravir à M. Duval et le ministère, et l'espérance du fauteuil directorial, et sa place de préfet; mais il lui reste encore l'estime de ses concitoyens et de ses anciens administrés : c'est le fruit d'une conduite équitable pendant une longue carrière, consacrée au service du pays.

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FOUCHE

(JOSEPH), duc d'Otrante.

Quand un homme devient un personnage, deux sortes d'explorateurs, que j'appellerais volontiers des mouchards littéraires, s'attachent à sa personne et exploitent à l'envi sa naissante réputation. Les premiers, collecteurs de faits, et greffiers de dates, découpent en ana et enregistrent par chapitres une vie qui, quelquefois, ne comporte qu'un paragraphe; car il est des hommes auxquels une seule action, une

seule journée, une parole unique, valurent la célébrité, et qui, semblables au fameux Rossinante, dont son historiographe assure qu'il galopa une fois dans sa vie, n'eurent qu'une bonne fortune historique et ne galopèrent aussi qu'une fois vers l'immortalité. A la suite de ces honnêtes garde-notes, arrivent les habiles, qui épelaient jadis sur la table rase du cerveau humain, essayaient d'y suivre, de l'œil, la pensée qui s'y trace, et de diriger du doigt l'expression qui la produit. Du temps de Mallebranche, on nommait ces gens-ci des métaphysiciens, et le vulgaire, plebs incrassa, les prenait pour des rêveurs. La révolution, qui, en retournant les choses, n'a pas épargné les mots, a changé en idéologues celui de métaphysiciens; l'on dit que, depuis cette métamorphose, une nouvelle science a germé, et que ses auteurs voient distinctement, comme dans un miroir, tout ce qui, des objets extérieurs et des perceptions internes, se réfléchit dans le sensorium commune..... C'est à ces deux classes d'anatomistes qu'est livrée... la mémoire de Fouché. »

Ou je me trompe fort, ou le passage qu'on vient de lire, extrait d'un ouvrage anonyme, intitulé : Matériaux pour servir à la vie publique et privée de Joseph Fouché, appartient à la plume exercée de M. Regnault-Warin, écrivain habitué à répandre sur ses sujets les méditations les plus élevées de l'observateur et du philosophe.

Comme lui, je pense que c'est à l'aide de ces deux clusses d'anatomistes, qu'on doit écrire la vie d'un

homme si éminemment célèbre parmi les intrigans heureux de notre époque.

J'ai sous les yeux un grand nombre de documens, je les ai étudiés; puisse l'usage que je vais en faire conduire à la vérité, et prouver au nioins mon zèle et ma bonne foi!

qua

Joseph Fouché est né dans un village situé à tre lieues de la ville de Nantes, le 29 mai 1753 ou 1763. Son père, capitaine d'un bâtiment marchand, le plaça, dès l'âge de neuf ans, au pensionnat du collége de Nantes. La répugnance de l'enfant à étudier le rudiment et les règles de la grammaire, la légèreté de son caractère et sa pétulance firent penser à M. Durif, préfet des études, que l'intelligence de l'élève ne le conduirait pas fort loin.

Cependant, ayant remarqué que l'écolier inattentif et léger choisissait de préférence dans la bibliothèque, pour sa lecture, les livres les plus sérieux, entre autres Pascal, il voulut, un jour, savoir ce qu'il en comprenait. S'étant approché de lui, il lui adressa plusieurs questions, et fut très-étonné de l'étendue et de la variété de ses idées; loin d'éviter de répondre, il engagea la conversation sur les matières les plus abstraites.

Destiné à suivre la carrière de son père, le jeune Joseph étudiait les mathématiques et y faisait des progrès.

Il était sur le point de quitter le collége, lorsque M. Durif représenta à ses parens que la mer ne convenait pas à son tempérament, les conseillant de

le faire entrer dans l'Oratoire pour y professer un cours. Le père y consentit et fit conduire son fils à l'institution de Paris.

On mit entre les mains du jeune oratorien les commentaires de Jansénius et le catéchisme du concile de Trente. Ne pouvant surmonter le dégoût que lui inspirait une pareille étude, il alla trouver le supérieur de la maison, Mérault de Bissy, auquel il avait été spécialement recommandé, et ne lui dissimula rien. Mérault, qui avait autant de bonté que de lumières, le conduisit dans sa bibliothèque et lui permit d'y prendre des ouvrages de son choix, qui furent le Petit Carême de Massillon, et les œuvres de Nicole; mais comme il ne voulait avoir rien de caché pour un homme qui allait être son ami et son confesseur, il lui avoua qu'il avait dans sa chambre Tacite, Horace et Euclide, auteurs défendus dans la maison, et obtint la permission de les garder.

L'heure de maître sonna enfin pour lui. Il alla professer, couvert de l'habit de l'ordre et sous le nom de Père Fouché, avec assez de distinction, la morale, la logique, la physique et les mathématiques à l'académie de Juilly, à Arras, à l'école militaire de Vendôme.

Ses économies lui permirent de quitter l'Oratoire; il était alors préfet du collège de Nantes. Il se maria ensuite, se fixa dans cette ville avec l'intention d'y exercer la profession d'avocat.

La révolution éclata, et offrit au Père Fouché le

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