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qui le mit au rang de ceux qui ont fait honneur à ce siècle; aussi était-ce un homme capable de tout. Il fut depuis dans le ministère; et il eût été bon général d'armée (1). »

Et dans son petit poème intitulé la Police sous Louis XIV:

Regardez auprès d'eux (2) ce vigilant génie,
Successeur généreux du prudent La Reynie,
A qui Paris doit tout, et qui laisse aujourd'hui,
Pour le bien des Français, deux fils dignes de lui (3).

ARGENSON

(PIERRE-MARC, de Voyer de Paulmy, seigneur de Villautrois, de Lye, du Plessis-d'Echelles, de Pocaney, baron des Ormes de Saint-Martin, chevalier comte de Weil-).

Second fils de Marc-René, Pierre-Marc naquit à Paris, le 16 août 1696.

Reçu avocat au parlement le 5 août 1715, avocat du roi au Châtelet en 1718, conseiller au parlement le 20 août 1719, et maître des requêtes ordinaire de

(1) Fontenelle avait dit de d'Argenson : « Il était fait pour être Romain, et passer du sénat à la tête d'une armée. (2) Colbert et Richelieu.

(5) Les deux fils de Marc-René, René-Louis et Marc-Pierre, ont été ministres sous Louis XV, l'un des affaires étrangères, l'autre de la guerre.

l'hôtel du roi le 17 novembre suivant, il succéda à son père, comme lieutenant-général de police de la ville, prévôté et vicomté de Paris, le 26 janvier 1720, avant d'avoir atteint l'âge de majorité.

L'air prévenant et gracieux du jeune d'Argenson contrastaît, à son arrivée à la police, avec les manières dures et désagréables de son père.

On remarqua bientôt en lui un goût beaucoup plus vif pour les arts et les lettres que pour les affaires d'une administration où la dégradation humaine se reproduit sans cesse sous les formes les plus variées et les plus repoussantes.

A même de connaître l'opinion publique, à l'égard du ruineux système de Law, il osa présenter quelques avis à la cour, et la cour les reçut d'abord avec assez de bienveillance; mais ceux qui, profitant des dépouilles du peuple et de l'agiotage des finances, avaient intérêt à prolonger l'existence d'un système aussi désastreux, parvinrent à l'emporter sur la sagesse de ses conseils. Pierre-Marc partageait, au sujet de Law, les sentimens de son père. Tous deux furent donc forcés de s'éloigner l'un se démit des sceaux, l'autre de sa lieutenance-générale de police, le 18 février 1721.

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Après cette retraite, toute honorable pour le caractère de ces deux magistrats, le comte Weil-Argenson fut appelé, par le duc d'Orléans, à l'intendance de Tours, et quelques mois après (juin 1721), lors de la démission de son frère aîné, nommé grand'-croix et chancelier-garde-des-sceaux de l'ordre de Saint-Louis.

La Touraine ne le posséda guère plus d'un an ; car le régent le rappela à ses anciennes fonctions de lieutenant-général de police, par lettres du 26 avril

1722.

D'Argenson rendit à son protecteur un service dont son cœur dut lui faire apprécier toute l'importance. Le plus inepte de tous les maréchaux de France, Villeroi (1), était gouverneur de Louis XV. C'est lui qui disait à ce prince enfant, en le faisant approcher d'une des fenêtres des Tuileries: «Voyez-vous, mon maître, tout ce peuple vous est soumis; tout ce que vous apercevez vous appartient.» Point de précautions insultantes qu'il ne crût devoir prendre pour prévenir toute tentative criminelle sur la personne de son royal élève; poussant même le zèle, ouvertement et constamment, jusqu'à manifester les plus indignes soupçons à l'égard du régent.

Par une prudence portée à l'excès, et qui prouve le prix qu'il attachait à l'opinion du peuple, le duc d'Orléans n'avait jamais montré au maréchal de mécontentement ni de colère.

Mais le terme de la majorité de Louis XV approchant, le prince, après le travail ordinaire, qui venait d'avoir lieu à Versailles (12 août 1722), en

(1) Saint-Simon a dit : « C'était un homme fait exprès pour présider à un bal, pour être le juge d'un carrousel, et, s'il avait eu de la voix, pour chanter à l'Opéra les rôles de héros; fort propre encore à donner les modes, mais à rien du tout audelà.»

présence du maréchal, supplia le roi de

passer dans un arrière-cabinet, pour y recevoir la communication de quelques affaires secrètes. Villeroi s'y opposa nettement : en vain le régent, avec une modération insidieuse, lui représenta qu'à la veille du jour où le jeune monarque allait prendre les rênes de son empire, il était temps que le dépositaire de son autorité lui en rendît compte sans réserve, mais sans témoin, le maréchal ne céda point encore à ces paroles. Alors le régent se contenta de lui dire que la présence du roi ne permettait pas de donner de suite à cette explication, et il se retira sur-le-champ.

D

. Villeroi, étourdi du coup, crut cependant devoir reprendre, dès le lendemain, son air de confiance inaltérable. Il se présenta chez le régent; on lui dit qu'il est enfermé, et qu'il y a défense d'ouvrir à personne. Il réplique que cette défense ne peut regarder un homme comme lui, et il veut forcer la porte; mais à l'instant paraît le marquis de La Fare, capitaine des gardes du régent, qui lui demande son épée. Le maréchal s'écrie et veut résister on l'entoure, on le pousse, on le fait tomber dans une chaise à porteurs, qui était là tout exprès; et, par une des portes qui donnent sur la terrasse, on l'enlève et on lui fait descendre l'escalier de l'Orangerie. Un carrosse à six chevaux l'attendait; on l'y jette, et deux officiers des mousquetaires y montent avec lui. On lui signifie qu'on va le mener à sa terre de Villeroi. »

L'abbé Fleury, précepteur du roi, avait fait aù maréchal la promesse de quitter la cour lorsque ce

lui-ci s'en éloignerait : aussitôt qu'il eut appris le départ de Villeroi, le précepteur se retira à Issy.

Privé tout à coup des deux personnes qu'il s'était accoutumé à voir à toute heure et à aimer, le roi se livra au désespoir; et si la peine que le roi éprouvait eût pu transpirer au dehors, il n'est pas douteux que la calomnie et la méchanceté n'eussent envenimé la conduite du régent.

Cependant le roi continuait de se chagriner, ce qui causait au régent un embarras extrême.

Pour mettre fin à tous ces ennuis, d'Argenson prit sur lui d'expédier, en son nom, un ordre formel et absolu au prélat de revenir, comme si son départ était ignoré du duc d'Orléans. Le précepteur fut intimidé, et revint sur-le-champ. Quant à Villeroi, l'évêque de Fréjus le fit aisément oublier.

C'est probablement ce trait de d'Argenson qui a fait dire au régent que le lieutenant de police était propre aux commissions les plus délicates.

Toujours disposé à lui donner de nouvelles marques de sa confiance, le prince le nomma, le 22 septembre 1723, son chancelier-garde-des-sceaux, chef de son conseil, et surintendant de ses maison et fi

nances.

Après la mort du régent (2 décembre 1723), d'Argenson conserva auprès du fils les emplois qu'il tenait de la bienveillance du père; mais il abandonna la lieutenance-générale de police le 2 janvier 1724, fonction dans laquelle il avait montré beaucoup de fermeté pour terminer les querelles du jansénisme.

« EelmineJätka »