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des ennemis de la liberté, alors que le cœur de la patrie est déchiré? Une goutte de sang versée des veines généreuses d'un patriote, me retombe sur le cœur, mais je n'ai pas de pitié pour des conspirateurs. Nous en avons fait foudroyer deux cents d'un coup, et on nous en fait un crime !.... Lorsque l'on guillotine vingt coupables, le dernier exécuté meurt vingt fois, tandis que ces deux cents conspirateurs périssent ensemble! La foudre populaire les frappe, et semblable à celle du ciel, elle ne laisse que le néant et les cendres! On parle de sensibilité! Et nous aussi nous sommes sensibles; les Jacobins ont toutes les vertus, ils sont compatissans, humains, généreux; mais tous ces sentimens, ils les réservent pour les patriotes qui sont leurs frères, et les aristocrates ne le seront jamais.

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Après une aussi brillante justification, la sociétémère n'eut plus aucun doute sur le patriotisme de ses deux représentans.

Pendant que Collot prononçait ce discours touchant à Paris, Fouché entrait à Toulon avec le canon du général Bonaparte, et pressé de manifester à Collot-d'Herbois, son collègue et son ami, membre du comité de salut public, la félicité qu'il goûtait depuis ce moment de triomphe, il lui écrivait : « .... Mon ami, les larmes de joie coulent de mes yeux, elles inondent mon âme..... Nous envoyons ce soir deux cent treize rebelles sous le feu de la foudre. »

Je ne pense pas que l'on révoque jamais en doute l'authenticité des extraits que je viens de donner.

Malgré ces morceaux de la correspondance des deux proconsuls, si l'excès même de leur barbarie pouvait faire penser à quelque homme humain qu'on a élevé trop haut la somme de leurs crimes, qu'il consulte les procès-verbaux de la Convention des premiers jours de janvier 1794, il y trouvera le rapport officiel de Collot-d'Herbois, sur les exécutions en masse dans la ville de Lyon, il y verra marquée l'expression de l'indignation de l'assemblée. S'il n'est point satisfait encore, qu'il ouvre le Moniteur des 12 et 13 janvier, il y lira, dans son entier, la réponse de Collot-d'Herbois à une pétition des malheureux habitans de Commune-Affranchie, réponse dont je vais donner quelques passages.

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Vous demandez, citoyens, pourquoi les avait-on différées ces exécutions? Il faut le dire; c'est que, pour délivrer l'humanité du spectacle déplorable de tant d'exécutions successives, vos commissaires avaient cru possible de détruire tous les conspirateurs jugés en un seul jour.... Qui de vous, citoyens, n'eût pas voulu.... tenir la foudre pour anéantir tous ces traîtres d'un seul coup? Qui de vous n'eût pas voula donner à la faux de la mort, un tel mouvement, qu'elle pût les moissonner tous à la fois? C'est là ce qui fut voté d'abord. L'impossibilité en fut démontrée, après une discussion de trois heures avec les chefs de la force armée. Cependant, un très-grand nombre de rebelles était jugé : il fut décidé que soixante des plus coupables seraient foudroyés le lendemain...... Trois décharges de mousqueterie étaient préparées

pour terminer leur sort; le feu du canon s'y joignit ce jour-là.... Deux d'entre eux s'étaient échappés; ils ont été fusillés en fuyant.... C'est avec cette rapidité que les autres exécutions ont été faites depuis... Citoyens, il reste à plusieurs d'entre vous des inquiétudes sur les formes adoptées par vos commissaires. Les formes? les voici.... Toutes les formes se réduisent à les reconnaître (les victimes).... Aussitôt que la conscience des juges est instruite, et le crime reconnu, les accusés sont réunis dans une salle particulière, jusqu'à ce que les opinions des juges soient formées; on les appelle ensuite, on les traduit devant le peuple, sur la place publique, sous la voûte de la nature. Là, le tribunal entier se transporte, et prononce sur le sort du coupable.... Souvent, après les jugemens prononcés, on s'est écrié sur la place, par une sorte d'inspiration subite et naïve: Voilà un véritable tribunal de sans-culottes ! »

Fouché avait été l'ami de Danton; mais, fidèle à ses principes, quand Robespierre eut conduit Danton à l'échafaud, Fouché se hâta de complimenter la Convention sur cet heureux événement.

Revenu à Paris, le 8 avril 1794, le bourreau de Lyon rendit compte de sa mission à la société des Jacobins. Il fit plusieurs observations «pour prouver la nécessité des mesures qu'il avait prises, et des punitions qu'il avait infligées. » Il démontra aussi «que sang du crime fertilise le sol de la liberté, et établit le pouvoir sur d'inébranlables fondemens.» Robespierre rendit hommage à son patriotisme, et la so

le

ciété le récompensa de son zèle, le 4 juin 1794, en le désignant, à l'unanimité, pour la présider.

L'élévation de Fouché porta ombrage à Robespierre, qui l'attaqua bientôt avec violence, le dénonçant comme conspirateur, l'accusant de déshonorer la révolution par ses excès, lui reprochant ses liaisons avec Chaumette, qui avait voulu détruire jusqu'à l'idée d'un Etre suprême. Un grand tumulte eut lieu alors, et, après les discours les plus virulens, le nouveau président, malgré ses déclamations contre son ancien ami Chaumette, fut exclu de la société (4 juillet).

Fouché se contenta d'intriguer sourdement contre l'auteur de sa chute, et, profitant du 9 thermidor, il se fit rappeler aux Jacobins.

Changeant dès lors de langage pour satisfaire à l'exigence du moment, et n'ayant plus à redouter le grand protecteur de l'Etre suprême, Fouché exprima

la profonde douleur dont il était pénétré en contemplant les horreurs qui avaient eu lieu, pendant les . trois derniers mois, à Lyon », horreurs qu'il fallait attribuer au brigandage féroce exercé au nom de Maximilien I (1).

Dans la séance du 15 fructidor, aux Jacobins, Fouché essaya de prouver la nécessité de rétablir la ter

reur.

(1) C'est le nom que Fouché donnait à Maximilien Robespierre.

Le ci-devant représentant du peuple, envoyé dans Commune Affranchie, pour y assurer le bonheur du peuple, se montra opposé à la faction thermidorienne, dirigée par Tallien, se rangea parmi les partisans de la démocratie la plus exaltée, et se concerta avec Babeuf, qui commençait à prendre le titre de tribun du peuple.

Tallien, en dénonçant Babeuf, dit que ce forcené ́démagogue n'était qu'un jouet entre les mains de Fouché, occupé à corriger ses écrits incendiaires. Celui-ci ́avoua ses relations avec Babeuf, se retranchant contre la calomnie de ses ennemis, dans les actions de su vie entière. (Séance de la Convention, du 31 janvier 1795.)

Lorsque Tallien demanda, le 2 avril, son arrestation et celle de Thuriot, Cambon et Lecointre, il ne tarda pas à se trouver fortement appuyé par les dénonciations des départemens que Fouché avait régé

nérés.

La ville de Gannat l'accusa d'avoir prêché la dépravation des mœurs, la démoralisation du peuple ; d'avoir organisé la commission temporaire de Lyon, qui, sans jugement, fit égorger trente-deux détenus de Moulins, et, par suite, ravit aux départemens de la Nièvre et de l'Allier l'or et l'argent des particuliers.

Toutes les autorités constituées de la Nièvre envoyèrent à la Convention, avec leur plainte signée par eux et par plus de deux cents personnes de ce département, les procès-verbaux des séances publi

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