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ques de différentes administrations, dans lesquels sont mentionnés des propositions faites ou des arrêtés pris par Fouché, qui se trouvent absolument semblables aux extraits que j'ai donnés plus haut. Parmi ces pièces, il en est une qui contient la provocation suivante, adressée aux administrateurs du département: «Que la foudre éclate par humanité! Ayons le courage de marcher sur des cadavres pour arriver à la liberté ! »

L'orage grondait. Au défaut de courage, Fouché employa l'intrigue : il abandonna Babeuf, et rechercha la protection de Tallien et de Legendre, qui le défendirent comme un des auteurs de la révolution du 9 thermidor, lors du rapport fait à la Convention, le 9 août 1795, sur les diverses accusations intentées contre lui.

Dans la discussion de ce rapport, Boissy-d'Anglas répondit à Tallien: « Fouché n'a point eu de part au 9 thermidor: cette journée fut trop belle pour avoir été déshonorée par son secours. »

Bion ajouta : « La dénonciation contre Fouché n'est point, comme l'a dit Merlin, signée de quelques particuliers que l'on a payés, mais bien de toutes les autorités constituées du département de la Nièvre, et de plus de deux cents citoyens. J'ai parcouru le département de la Nièvre ; des plaintes de toutes parts s'élèvent contre Fouché. »

Malgré tous les efforts de ses défenseurs, son arrestation fut décrétée par une grande majorité, à la suite des discours les plus ignominieux pour lui, et il fut

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chassé de la Convention nationale, comme «voleur et terroriste, dont la conduite atroce et criminelle communiquerait le déshonneur et l'opprobre à toute assemblée quelconque dont il deviendrait membre.»>

Il resta en prison jusqu'au 26 octobre, époque à laquelle la Convention résigna ses pouvoirs aux corps législatifs établis par la constitution de cette année, et publia une amnistie générale.

Depuis le 26 octobre 1795 jusqu'au mois de scptembre 1798, on ne voit plus Fouché apparaître sur la scène politique. Dans cet intervalle, il s'associa avec une compagnie, obtint de Barras, par l'intermédiaire de Lombard-Taradeau, une partie des fournitures, puis se retira dans la vallée de Montmorency.

Quelque temps avant le 18 fructidor, Fouché avait fait de la politique en amateur, c'est-à-dire qu'il avait donné à Barras, parce qu'il le savait le plus puissant des directeurs, des aperçus sur la position respective du Directoire et des conseils. Barras le récompensa de ses avertissemens et de ses conseils, après le 18 fructidor, au mois de septembre 1798, par l'ambassade auprès de la république cisalpine.

Fouché a terminé sa carrière de démagogue: tel que le serpent, il se dépouille de sa peau rude et hideuse, pour prendre des formes moins repoussantes.

Les républicains de Milan, attiédis et divisés en deux factions, avaient besoin d'être retrempés et mieux dirigés. Fouché voulut leur communiquer une énergie nouvelle et leur faire adopter une réorgani

sation que déjà Barras et Brune, puis le général Joubert, avaient reconnue nécessaire.

Cependant les beaux plans des réformateurs déplaisaient à Merlin, à Rewbel, et au ministre des relations extérieures, Talleyrand de Périgord, lesquels, entraînant la majorité du Directoire, firent rappeler Fouché avec des marques non équivoques de mécontentement. Un décret lui ordonna de quitter le territoire de la république cisalpine. Il refusa d'obéir, se cacha auprès de Monza, et ne se décida à rentrer en France que lorsqu'il fut convaincu qu'une absence prolongée serait trop nuisible à ses intérêts, et qu'on pourrait bien le ramener de vive force.

A son retour, il eut le plaisir de trouver le crédit de Merlin et de Rewbel sur son déclin. Quelques mois après, Sieyes, Ducos, Gohier et Moulin entrèrent au Directoire ; le général Joubert eut le commandement militaire de Paris, et, à l'aide de la protection de ce général, Fouché fut nommé ambassadeur en Hollande.

Depuis son arrivée à Paris, le nouvel ambassadeur avait aussi rendu quelques petits services à Barras, qu'il jugeait devoir rester encore à la tête du gouvernement. Il s'était poussé dans les réunions des députés et des généraux mécontens, et avait saisi leurs projets pour aller en instruire son protecteur, sans négliger pourtant d'attirer sur lui, par des conseils dans leur esprit, l'attention des meneurs de la faction opposée au Directoire.

Fouché partit pour la Hollande, Joubert alla com

mander en chef l'armée d'Italie, Barras et Sieyes s'expliquèrent, et, sans sè prononcer ni l'un ni l'autre, ils s'entendirent parfaitement sur la nécessité de modifier la forme du gouvernement.

Mais il fallait un homme capable de comprimer le parti populaire, désigné alors sous le nom de parti anarchique, un homme à qui toutes les ressources et toutes les menées de ce parti fussent connues. Barras cita Fouché, et Fouché revint de son ambassade pour être installé, le 1er août 1799, au ministère de la police.

Nouveau changement de langage de la part du cidevant représentant du peuple. Dans sa pièce de début, il dit avoir « pris l'engagement de veiller pour tous et sur tous, pour rétablir la tranquillité intérieure et mettre un terme aux massacres! » Il paraît qu'à cette époque, il trouvait qu'on avait assez marché sur des cadavres pour assurer la liberté. Discours de gouvernans!

Barras, Sieyes et Fouché voulaient établir un despotisme plus concentré. L'adresse, la force, le temps et la possibilité leur manquèrent à la fois.

Les directeurs sentant le besoin de détruire les Jacobins, que Fouché avait eu l'honneur de présider, le ministre fit un rapport contre les sociétés politiques, les accusa d'attentats à la constitution, et demanda contre elles des mesures répressives.

Ce rapport excita de violentes clameurs dans la société jacobine, et le conseil des Cinq-Cents l'attaqua avec une égale chaleur.

Fouché ne demandait pas mieux de servir Barras et Sieyes, mais il voulait être bien avec tous les hauts corps de l'État. Aussi, pour atténuer l'effet de son rapport, se hâta-t-il de présenter un travail étendu contre les royalistes du Morbihan.

La crainte d'avoir déplu aux deux directeurs l'engagea à revenir sur ses pas et à fixer leur bienveillance par un coup hardi, qui prouva son intention de détruire toute liberté publique ; il ordonna la suppression de onze journaux des plus accrédités, la saisie des presses, et l'arrestation des auteurs, sous prétexte qu'ils semaient la division entre les citoyens, l'établissaient à force de la supposer, déchiraient toutes les réputations, calomniaient toutes les intentions, ranimaient toutes les factions, réchauffaient toutes les haines.... »

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Un grand mouvement allait s'opérer; chacun le préparait selon ses vues, tous se berçaient d'une espérance plus ou moins fondée, mais que l'épée devait détruire. "

Barras et Sieyes penchaient pour le gouvernement d'un seul sans s'avouer les maîtres de leur choix secret, Barras pensait aux Bourbons, et Sieyes à un prince du nord, probablement au prince Henri de Prusse. Les conseils rêvaient, en partie, l'affermissement d'une république sagement combinée; quelques-uns désiraient la présence du général en chef de l'armée d'Egypte.

Pour s'assurer l'appui d'un chef militaire influent et sans ambition, Barras et Sieyes donnèrent à Jou

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