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bert le commandement de l'armée d'Italie : ils comptaient sur ses succès, puis sur sa coopération active et désintéressée dans l'exécution de leurs projets. Fouché se prêtait à tout il attendait.

Grand désappointement des directeurs : Joubert est tué à Novi! On intrigue, on cherche un autre général; déjà les négociations avec Moreau sont entamées, sont presque achevées; le général Bonaparte débarque en Provence!

Tous se meuvent, s'inquiètent, se tourmentent. Que va dire, que va faire le vainqueur des Mameluks? Il arrive à Paris, couvert des lauriers qu'il a cueillis sur le Nil, fier des preuves d'admiration qu'on lui a données sur son passage rapide en France : l'agitation est à son comble au Directoire et dans les conseils.

Bientôt Barras, Sieyes, les meneurs des conseils le visitent il les connaît, il devine leurs desseins: ses plans sont arrêtés.

Le 18 brumaire prononce sur le sort commun. Dès le matin, aussitôt après que les décrets ont été rendus par les conseils, Fouché se rend chez le général : toutes les avenues étaient remplies d'officiers et de généraux, et l'hôtel n'était point assez vaste pour contenir la foule des amis et des adhérens. Fouché pénètre dans le cabinet ovale où se tenait le général, et lui donne, le premier, la nouvelle que les décrets ont passé c'était un tour de force de så part.

Fouché ne se borne pas à cette nouvelle: il fait des

protestations de dévoûment et de zèle au général, et lui annonce que, dans l'intention de lui plaire, il a fait fermer les barrières et arrêter le départ des courriers et des diligences. Le général trouve ces mesures inutiles, et les barrières se rouvrent, et les courriers et les diligences partent.

Pourtant il paraissait utile à Fouché de se prononcer publiquement: il rédige une proclamation dans le sens de la révolution qui commence, et la fait placarder sur tous les murs de Paris.

Conservé dans son ministère, Fouché attacha son nom aux actes arbitraires de cette époque, fit arrêter les députés restés fidèles, et dirigea ses efforts vers tout ce qui pouvait consolider la puissance du pre

mier consul.

Son principal objet était de conserver le portefeuille de la police. Avec le produit des jeux, il donna des gratifications secrètes à des personnes capables de soutenir son crédit, même à quelques membres de la famille du premier consul. On assure que c'est ainsi qu'il obtint la faveur de Joséphine (1) et du parti Beauharnais, opposé à Lucien.

(1) M. Beauchamp, auteur des Mémoires de Joseph Fouché, désavoués juridiquement par la famille de ce ministre, fait dire à cet ancien chef de la police (tom. I, pag. 178), qu'au moyen d'un sacrifice de 1,000 fr. par jour, il savait par Joséphine tout ce qui se passait au château..

Que Fouché ait acquis la bienveillance de Joséphine par le don de quelques sommes considérables d'argent, je le crois;

En même temps il se rendit utile par des mesures relatives aux émigrés, au clergé, aux Vendéens, aux journaux, aux domestiques des gouvernans.

Observateur fin et adroit, profondément versé dans l'histoire des hommes et des choses de la révolution, il réunissait les qualités nécessaires à un ministre de la police.

L'étendue et la puissance des ressorts révolutionnaires et secrets dont Fouché s'était réservé la connaissance et l'usage, empêchaient le premier consul d'accorder une confiance entière à celui qui pouvait en disposer. De là vinrent les nombreuses contre-polices qui s'élevèrent successivement contre la police générale, et commencèrent quelque temps avant le 3 nivôse an 9 (24 décembre 1800).

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C'est par erreur que plusieurs biographes ont attribué au ministre de la police la découverte de la conspiration du 25 vendémiaire (17 octobre 1800), connue sous le nom d'Aréna, qui avait pour complices Ceracchi et Démerville: cette découverte ne fut due

mais qu'il ait fait de cette épouse si sincèrement attachée à la personne et à la gloire du consul, un mouchard domestique, cette assertion me semble être tellement éloignée de la vraisemblance, qu'au lieu de lui accorder quelque confiance je suis disposé à la traiter de mensonge insigne.

Je n'en dirai pas autant de Bourienne, qui, secrétaire intime du consul, pouvait bien recevoir, comme on le prétend, de Fouché, un traitement mensuel de vingt-cinq mille francs, pour l'instruire de toutes les démarches de son maître.

qu'aux imprudentes confidences de Démerville à Barère, et aux révélations faites par celui-ci au général Lannes, alors commandant de la garde consulaire, qui n'en informa Fouché qu'après en avoir instruit le premier consul.

Cependant Fouché, convaincu chaque jour-davantage de quelle nécessité il était pour lui d'effacer les préventions que conservait le général-consul sur ses liaisons avec les anarchistes, s'apprêtait à saisir la première occasion d'y parvenir; l'explosion de la machine infernale la lui offrit.

A la première nouvelle de cet événement, la cour tout entière ne manqua pas d'accuser les jacobins et leur imprévoyant protecteur. Le premier consul revenait de l'Opéra à l'instant où le ministre arriva au Tuileries: Eh bien! lui dit le premier consul avec vivacité, peut-être avec colère, direz-vous que ce sont les royalistes? Fouché, fort de quelques indices qu'il avait déjà reçus, lui répondit: Oui, citoyen premier consul, je le dirai, et, qui plus est, je le prouverai. Voilà qui est un peu fort; vous le prouverez ?

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Oui, citoyen premier consul, et je ne demande que quelques jours pour cela.

A l'occasion de cette affaire, Fouché, dans une de ses conversations ordinaires avec le premier consul, lui dit ces paroles remarquables: « Je n'ai pas l'art de lire dans les cœurs : ainsi toutes les fois qu'en sacrifiant sa vie, un homme voudra attenter à la vôtre, je ne connais aucun moyen de m'y opposer; mais ce dont je puis vous répondre, c'est que, dans toute cons

piration tramée par deux individus, il y en aura un qui sera dans ma confidence.

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Il y a bien dans ce discours, pris à la lettre, quelque peu de jactance; mais il est vrai de dire que Fouché maniait sa police avec tant d'art, que lui échapper était très-difficile.

Comme c'était au moment même où les agens royalistes Saint - Réjant et Carbon venaient d'être découverts, qu'on avait acquis la preuve que le parti contraire voulait parvenir au même résultat, et qu'on avait trouvé chez un nommé Chevalier, qui fut condamné à mort presque en même temps, le commencement d'une machine infernale, Fouché s'empara avec habileté de cet incident pour détruire une partie des préventions du premier consul, et proposa l'exil de plusieurs individus, irréconciliables ennemis de l'ordre qui s'établissait, et dont la police retrouvait la trace dans tous les projets de conspiration. Dès lors, il fut à peu près évident, pour le premier consul, que le ministre avait rompu avec les jacobins, et la puissance de l'un s'accrut avec la sécurité de l'autre.

Ainsi Fouché consolidait son autorité aux dépens de tous les partis, de ceux même qui l'avaient accueilli dans des temps plus prospères pour eux.

Pendant toute la durée du consulat, Fouché resta attaché aux intérêts de Joséphine, mais on peut affirmer que ce ne fut par aucun sentiment d'affection pour elle il n'avait d'autre désir que celui de détruire l'influence de Lucien, qui, ayant le portefeuille

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