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L'empereur, dans le même temps, avait essayé des négociations de paix avec l'Angleterre, par l'entremise d'une maison de commerce de Hollande. Fouché l'ignorait. Celui-ci, de son côté, s'imagina d'intriguer auprès du marquis de Welesley : il lui envoya un vieil officier irlandais, nommé Fagan, créature du fournisseur Ouvrard. Frappé du peu d'accord qui devait naturellement exister dans les propositions des deux agens, et ne pouvant en soupçonner le motif, le ministre britannique les considéra comme également suspects, et les fit chasser d'Angleterre l'un et l'autre. Surpris de cette brusque conclusion, Napoléon employa sa contre-police à découvrir la vérité, et ne tarda pas à l'apprendre.

On voit maintenant que Fouché, ramené par un penchant irrésistible à ses anciennes habitudes, remuait, agitait, tourmentait, intriguait par plaisir, par goût, par besoin; qu'alors il était déplacé dans la direction d'un ministère impérial, et qu'il ne pouvait plus que déplaire à l'empereur.

Cependant Napoléon, ne voulant pas qu'un de ses serviteurs, même ingrat, pût l'accuser de méçonnaître des services passés, nomma Fouché gouverneur de Rome.

Voici la lettre de remercîment que lui écrivit l'exministre :

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J'accepte le gouvernement de Rome, auquel » V. M. a la bonté de m'élever pour récompense des

» faibles services que j'ai été assez heureux de lui » rendre. Je ne dois pas cependant dissimuler que

j'éprouve une peine très-vive en m'éloignant d'elle: »je perds à la fois le bonheur, et les lumières que je » puisais chaque jour dans ses entretiens. »

Le duc d'Otrante se retira à Ferrières, terre qu'il possédait à six lieues de Paris, en attendant l'expédition de ses lettres de nomination. Il y était à peine installé que les conseillers-d'état Réal et Dubois, et le général Berthier, reçurent l'ordre de s'y rendre pour réclamer du ministre déchu les ordres et instructions émanés du cabinet impérial. Il remit quelques papiers insignifians, déclarant avoir brûlé les

autres.

Au retour de ses envoyés, l'empereur entra dans une grande colère. Fouché, l'ayant appris, craignant pour sa liberté, se sauva, n'emmenant avec lui que son fils aîné, accompagné d'un gouverneur. Il traversa la France en toute hâte, se rendit à Florence, où il séjourna quelque temps, s'embarqua à Livourne, redescendit à terre, refusa un capitaine anglais qui s'offrait de le conduire en Angleterre, et revint au sein de sa famille, à Aix, chef-lieu de la sénatorerie dont il était titulaire. Pour acheter le repos de cet exil, en quelque sorte volontaire, il livra les papiers que réclamait l'empereur, moyennant l'assurance qu'il ne serait inquiété pour aucun des actes de son ministère.

Fouché vécut tranquille en Provence. Après les dé

sastres de la campagne de 1812, Napoléon, redoutant peut-être de laisser cet agitateur en France, l'appela à Dresde, et l'envoya en qualité de gouverneur-général dans les provinces Illyriennes, où il arriva le 29 juillet 1813. La guerre s'étant aussitôt dẻclarée, et le gouvernement d'Illyrie n'ayant aucune force à opposer à l'invasion autrichienne, Fouché partit pour rentrer en France. Il était en route lorsqu'il reçut l'ordre de Napoléon de se rendre à Naples.

Alors, Murat était indécis sur le parti qu'il devait prendre pour allier sa conduite avec son désir de conserver la couronne. Fouché leva ses scrupules, et Murat se réunit à la coalition. Dans le même temps il écrivait de Lucques à Napoléon (18 février 1814): « Les révolutionnaires qui gouvernent Florence au»jourd'hui disent hautement que le roi de Naples s'en>> tend avec les Français, qu'il trahit les Italiens. Ils » attribuent à mes conseils l'inaction des troupes na»politaines, que les coalisés voulaient faire marcher > contre le vice-roi, au moment qu'il allait être attaqué par le général Bellegarde. » Quelle duplicité!

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Après avoir traversé l'Italie, passant par Florence et Turin, Fouché revint en France; il se trouvait à Lyon lorsqu'il apprit les événemens du 31 mars 1814. Il pressa son départ pour Paris, espérant être appelé à la nouvelle direction des affaires. Mais les communications directes étaient interceptées, il dut faire un long détour, et n'arriva à Paris que dans les premiers jours d'avril, c'est-à-dire

lorsque le gouvernement provisoire était déjà formé. Le duc d'Otrante séjourna quelques semaines à Paris, et se rendit ensuite, avec sa famille, dans son château de Ferrières, après toutefois avoir écrit à Napoléon, le 25 avril, pour le détourner de se fixer à l'île d'Elbe et le conseiller de États-Unis. passer aux Cette lettre était encore le fruit de l'intrigue, elle avait été suggérée à son auteur. Il paraît qu'elle entrait dans un plan activement suivi dès cette époque, pour faire de Fouché le ministre du roi, plan qui obtenait alors l'assentiment de plusieurs personnages de l'ancienne et de la nouvelle cour, et auquel il se prêtait lui-même ostensiblement.

Les amis, les ministres des Bourbons prirent souvent ses avis pendant les premiers mois de la restauration; M. Malouet, ministre de la inarine, ancien ami de Fouché à l'Oratoire, mettait sa correspondance sous les yeux du roi; M. de Blacas le consultait également : tout cela en vain : la fatalité les entraînait.

Fouché était à Paris lors du débarquement à Cannes. Cet événement ayant fait changer les vues politiques des gouvernans, on s'adressa encore à lui. Une entrevue eut lieu, quelques jours avant le 20 mars, entre lui et le comte d'Artois, chez la princesse de Vaudemont, en présence du duc d'Escars. Fouché reconnut qu'il était trop tard pour arrêter Napoléon. Mais il dit ces paroles, qui serviront éternellement à l'accuser de duplicité : Sauvez le monarque, et je

sauverai la monarchie.

Au dernier moment, on voulut s'assurer de sa personne pour l'amener en otage à Lille; et le lendemain même de cette conférence, des gendarmes et des agens se présentèrent chez lui, mais il leur échappa en sautant par-dessus le mur de son jardin.

Le soir même du 20 mars, il se présenta à Napoléon, et s'entretint longuement avec lui. Le lendemain il était ministre de la police.

Durant cette troisième administration, il se conduisit en homme qui s'était chargé de sauver la monarchie.

Royalistes et libéraux, mécontens de tous les états, trouvèrent en lui un protecteur puissant.

Tout ce qu'il fit pendant les cent jours est marqué du sceau de l'audace et de l'intrigue la plus habile.

Il conseille à Napoléon de renouveler son abdication de 1814, et de gouverner militairement sous le titre de généralissime. Cette idée était grande et neuve, et Napoléon eût dû s'en emparer, ne fût-ce que comme d'un moyen capable d'arrêter la coalition.

Il ouvre des négociations avec le prince de Metternich, dans le but principal de s'en faire un appui.

Il établit des relations royalistes avec Gand, et s'en sert auprès de Napoléon pour l'instruire de la position des armées ennemies.

Il fait au conseil des ministres, le 29 mars, un rap

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