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On consulta des mécaniciens pour perfectionner la célérité et le jeu du mouton.

Un des plus célèbres anatomistes de l'Europe, Louis, secrétaire-perpétuel de l'académie de chirurgie, fut chargé d'un rapport sur cet objet.

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En voici un extrait : « L'expérience et la raison ⚫ démontrent que le mode en usage par le passé » pour trancher la tête à un criminel, l'expose à » un supplice plus affreux que la simple privation de » la vie, qui est le vœu formel de la loi; pour le rem» plir, il faut que l'exécution soit faite en un instant >> et d'un seul coup : les exemples prouvent combien

il est difficile d'y parvenir. -On doit rappeler ici » ce qui a été observé à la décapitation de M. de Lal›ly: il était à genoux, les yeux bandés; l'exécuteur » l'a frappé à la nuque; le coup n'a point séparé la » tête et ne pouvait le faire. Le corps, à la chute du» quel rien ne s'opposait, a été renversé en devant, » et c'est par trois ou quatre coups de sabre que la » tête a été enfin séparée du tronc. On a vu avec hor» reur cette hacherie, s'il est permis de créer ce terEn Allemagne, les exécuteurs sont plus ex» périmentés, par la fréquence de ces sortes d'expé>>ditions, principalement parce que les personnes du » sexe féminin, de quelque condition qu'elles soient, » ne subissent point d'autre supplice; cependant, la » parfaite exécution manque souvent, malgré la pré>> caution, en certains lieux, de fixer le patient assis » dans un fauteuil. - En Danemarck, il y a deux >> positions et deux instrumens pour décapiter. L'exé

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»cution, qu'on pourrait appeler honorifique, se fait » avec un sabre; le criminel, à genoux, a un ban» deau sur les yeux, et ses mains sont libres. Si le

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supplice doit être infamant, le patient, lié, est cou»ché sur le ventre, et on lui coupe la tête avec une >> hache. Personne n'ignore que les instrumens >> tranchans n'ont que peu ou point d'effet lorsqu'ils frappent perpendiculairement. En les examinant »> au microscope, on voit qu'ils ne sont que des scies. » plus ou moins fines, qu'il faut faire agir sur les » corps à diviser (1). On ne réussirait pas à décapi>> ter d'un seul coup avec une hache ou couperet dont » le tranchant serait en ligne droite, mais avec un » tranchant convexe, comme aux anciennes haches » d'armes : le coup asséné n'agit perpendiculairement qu'au milieu de la portion du cercle; mais l'instru»ment, en pénétrant dans la continuité des parties » qu'il divise, a sur les côtés une action oblique en

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(1) Montesquieu demandait à un juif pourquoi il se servait d'un rasoir pour couper le cou de ses poules. « C'est, lui >> répondit l'israélite, que la loi de Moïse nous ordonne de nous » servir d'un instrument qui coupe et ne déchiquète pas; et à >> cet égard rien ne coupe mieux qu'un rasoir. - Vous croyez ? >> dit Montesquieu; regardez. Il lui présente en même temps un >> rasoir et une loupe. Le juif regarde, aperçoit mille dents dont »>il ne soupçonnait pas l'existence. Ah! que je suis malheureux! » s'écria-t-il; combien de fois j'ai transgressé la loi. - Conso»lez-vous, lui répondit l'auteur de l'Esprit des Lois, Moïse » n'avait pas de loupe. »

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glissant, et atteint sûrement au but.

En consi

» dérant la structure du cou, dont la colonne verté» brale est le centre, et composée de plusieurs os dont » la connexion forme des enchevauchures, de ma»nière qu'il n'y a point de joint à chercher, il n'est » pas possible d'être assuré d'une prompte et parfaite séparation en la confiant à un agent susceptible de » varier en adresse, pour des causes morales et physiques; il faut nécessairement, pour la certitude du procédé, qu'il dépende de moyens mécaniques in» variables, dont on puisse également diminuer la » force et l'effet. C'est le parti qu'on a pris en Angle» terre : le corps du criminel est couché sur le ventre » entre deux poteaux barrés par le haut par une tra» verse, d'où l'on fait tomber sur le cou la hache con» vexe au moyen d'un déclic. Le dos de l'instrument doit être assez fort et assez lourd pour agir effica» cement, comme le mouton qui sert à enfoncer des »pilotis : on sait que sa force augmente en raison de la hauteur d'où il tombe. Il est aisé de faire con»struire une pareille machine, dont l'effet est immanquable; la décapitation sera faite en un instant, » suivant l'esprit et le vœu de la nouvelle loi; il sera » facile d'en faire l'épreuve sur des cadavres et même » sur un mouton vivant. On verra s'il ne serait pas » nécessaire de fixer la tête du patient par un croissant qui embrasserait le cou au niveau de la base » du crâne; les cornes ou prolongement de ce crois»sant pourraient être arrêtés par des clávettes sous l'échafaud. Cet appareil, s'il paraît nécessaire, ne

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» ferait aucune sensation, et serait à peine aperçu. » Le 1er juin 1791, l'Assemblée nationale décréta

que

la peine de mort serait maintenue dans le Code pénal dont elle s'occupait; mais qu'elle serait réduite à la privation de la vie, sans torture, et que tout condamné à la peine capitale aurait la tête tranchée.

Le Code pénal du 25 septembre de la même année, part. 1, tit. 1, art. 3, et l'art. 12 du Code pénal de 1810, ont consacré cette haute disposition.

Le 20 mars 1792, un décret définitif détermina le genre et la forme de l'instrument du supplice des condamnés à mort, d'après l'avis motivé du médecin Louis. Cet instrument est celui qu'on a appelé guillotine, du nom de Guillotin, qui en avait proposé l'adoption. Le même jour, on fit l'essai de ce nouvel instrument de mort (1).

Dans son 146 numéro des Révolutions de Paris, qui comprend les événemens du 21 au 28 avril 1792, Prudhomme propose l'inscription suivante pour la guillotine :

Et la garde qui veille aux barrières du Louvre,
N'en défend pas nos rois (2).

(1) Ce 20 mars n'est pas moins remarquable par l'adoption du décret relatif à la guillotine, que par le commencement de l'usage du bonnet rouge: on en coiffa le buste de Voltaire.

(2) Cette proposition porte un caractère particulier d'audace, et peut-être de barbarie, que l'époque excuse à peine : elle est faite au mois d'avril 1792, et Louis XVI n'a été conduit au Temple qu'au mois d'août suivant.

Je me suis étendu sur ce sujet parce que Lecarlier, en 1790 comme en 1792, donna quelque poids aux propositions de Guillotin, par un suffrage actif et constant, et parce que ce fut lui qui, le 20 mars, présenta le rapport de Louis, le discuta de la manière la plus vive et la plus heureuse, et enfin obtint que le pouvoir exécutif ferait toutes les dépenses nécessaires pour établir ce mode d'exécution des condamnés à mort.

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Cependant, dit Condorcet, lorsque le temps des massacres sera passé, s'il est vrai que cet instrument › rende la mort plus prompte et moins douloureuse, > l'inventeur aura bien mérité de l'humanité, qui de» mande que les supplices, s'ils sont nécessaires, ne » soient pas cruels. »

Lecarlier a laissé un fils, député du département de l'Aisne pendant les sessions des années 1820 et suivantes, lequel a toujours siégé au côté gauche, et a voté le rejet de plusieurs lois d'exception.

LENOIR-LAROCHE

(JEAN-JACQUES).

Exemple de la fragilité des opinions politiques de l'homme ambitieux d'honneurs ou d'argent, LenoirLaroche naquit à Grenoble, le 29 avril 1749. Son père, jurisconsulte, le destina au barreau; et il exerçait la profession d'avocat à Paris à l'époque de l'assemblée des notables.

« EelmineJätka »