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Il faut croire qu'il avait acquis quelque réputation lors de la convocation des États-Généraux, car il y fut élu député du tiers-état de la vicomté et prévôté de Paris, ville où l'on voyait tant d'avocats distingués par le caractère et les talens.

Dans cette assemblée, une de nos célébrités nationales, Lenoir y embrassa avec chaleur les intérêts du peuple, mais en même temps avec ce sentiment des convenances et de modération qui empêche de considérer comme ennemis de simples adversaires de tribune. Seulement il penchait pour la majorité qui, alors et depuis, lui sembla toujours indiquer la puissance et la force.

A cette première période de notre révolution, plusieurs députés se livraient, dans un travail de journal, à l'examen des questions importantes que l'assemblée allait avoir à discuter. Lenoir prit part à la rédaction d'une feuille que dirigeait Perlet, homme d'intrigue et de police, qui se fit, plus tard, si honteusement connaître. Il fournit aussi, par la suite, au Moniteur et au Mercure de France des articles fort peu remarqués.

Il eut assez de bonheur pour échapper aux proscriptions de 1793 et 1794, temps de terreur où la société des jacobins poursuivait sans relâche tous ceux qui ne se prononçaient pas ouvertement et franchement pour l'exagération de ses principes; il s'était fait charger d'une mission par le ministre Garat.

Pendant l'intervalle qui s'écoula depuis la fin de la Convention jusqu'à son admission au Conseil des

Anciens, il inséra dans le Moniteur un assez grand nombre d'articles qui respirent l'amour le plus pur de la liberté.

Lors de la lutte qui s'établit entre les deux Conseils et le Directoire, et qui eut le 18 fructidor pour un de ses résultats, Lenoir prit le parti du Directoire de telle sorte que le triumvirat lui supposa assez de dévouement pour l'aider dans ses projets de proscription; et ce qui servit encore à tromper le pouvoir à l'égard de cette espèce d'écrivain-journaliste, c'est qu'il publia vers le même moment divers écrits sur l'état de la France, sur la conspiration de Grenoble, sur les abus de la presse et l'importance des élections de l'an 5 on en fit un ministre en remplacement de Cóchon de Lapparent.

Mais ne trouvant pas en lui l'énergie sur laquelle ils avaient compté, les directeurs lui retirèrent le portefeuille, qu'il ne garda que depuis le 6 juillet jusqu'au 26 du même mois, et le donnèrent à l'apothicaire Sottin.

Lenoir-Laroche était particulièrement lié avec Lanjuinais et Gallois, dont il partageait les principes.

Il fit paraître, en 1795, un ouvrage intitulé: Examen de la constitution qui convient le mieux à la France, où il se déclara, comme dans ses autres écrits, contre ce qu'on appelait alors les Anarchistes et les Clichiens.

Nommé, à sa sortie du ministère, professeur de législation à l'école centrale du Panthéon, il ne tarda pas à être appelé au Conseil des Anciens, par l'Assemblée électorale scissionnaire de Paris, séante à

l'Institut, dans laquelle il s'exprimait ainsi, le 18 fé

vrier 1799:

« On ne parle point de ces royalistes insensés qui croient au rétablissement de la royauté avec une foi plus digne de pitié que de mépris. Cette opinion extravagante ne trouve plus de partisans parmi ceux qui font quelque usage de la raison. Qui voudrait aujourd'hui de la noblesse, du clergé, des émigrés, et de tout le cortège d'abus et de vengeance qui accompagneraient le retour de l'ancien ordre de choses? Pense-t-on que le Directoire et le Corps Législatif, qui n'existent que par la constitution, n'appelleront pas toutes les forces pour la défendre et se défendre avec elles? Oublie-t-on que les armées sont républicaines et pour la liberté, et qu'elles ne consentiront jamais à recueillir pour prix de leurs innombrables travaux, de leurs triomphes et de leur gloire, la servitude de leur pays, et leur propre humiliation aux yeux de l'Europe? Ces hommes aveugles, qui ne savent déguiser ni leur amour pour la royauté, ni leur haine contre le gouvernement actuel, ne voientils pas derrière eux ces terroristes qu'ils ont tant de raison de craindre, et qui n'attendent que le moment où le royalisme se montrerait à découvert pour opérer une réaction, dont on ne peut pas prévoir les effets sans frémir; la France entière en serait ébranlée, mais les royalistes y périraient. Nul ne peut donc être assez stupide ou assez féroce pour vouloir se replonger, sans espoir de salut, dans les horreurs d'une nouvelle révolution; malgré tous les mécontente

mens, malgré la diversité des nuances dans les opinions, il est un point auquel tous les hommes justes et sains doivent se rallier; c'est que, dans l'état actuel des choses, toute espèce de commotion et de déplacement dans l'organisation politique ne pourrait qu'être nuisible à la France; c'est qu'il n'est personne qui ne préfère mille fois un état de malaise dans un gouvernement établi, à l'incertitude d'un état meilleur dans un gouvernement à établir. Il ne faut à la France, pour la réparer, que du temps et du calme. Ses ressources sont dans la richesse de son sol, dans l'activité et l'industrie de ses habitans, et s'il fallait réduire la question au seul point de savoir quelle est la forme du gouvernement où une nation peut le · mieux déployer ses ressources, il n'est personne qui osât dire que c'est exclusivement le gouvernement monarchique, car l'histoire déposerait contre leur système; ceux qui sont convaincus que la république ne peut exister en France, se fondent moins sur les principes d'une théorie qu'il leur est impossible de contester, que sur des préjugés d'habitude, et une sorte de souvenir superstitieux dont ils n'ont pu se dépouiller. On pourrait leur répondre comme ce philosophe devant qui on niait l'existence du mouvement et qui, pour toute réponse, se mit à marcher. La république marche, chaque jour son gouvernement, né au milieu de ses contradictions et de ses orages, s'affermit, et prend une consistance imposante au milieu de l'Europe. Ses ennemis l'ont mieux jugée que ne le font ces froids spéculateurs ; s'ils eussent cru qu'elle

ne peut se soutenir, ils n'auraient pas réuni tous leurs efforts pour l'empêcher de naître. »

Le désir de rester quelque chose l'engagea à modifier ses principes républicains, à l'époque célèbre du 18 brumaire, et à seconder de tous ses efforts le grand mouvement qui se préparait.

Ce n'est pas tout: membre de la commission intermédiaire du Conseil des Anciens, il reçut du grand homme, impérial et monarchique en 1804, sa nomination au Sénat, et, successivement, la décoration de commandant de la Légion-d'Honneur et le titre de comte.

Devenu malheureux, Napoléon n'était plus qu'un tyran aux yeux de Lenoir-Laroche; aussi n'hésitat-il point, en 1814, à adhérer à la déchéance de l'usurpateur et à se prononcer pour le rétablissement de l'auguste maison des Bourbons.

Le roi Louis XVIII récompensa cette noble variation de principes par la pairie, qu'il daigna lui accorder le 4 juin 1814, et lui continuer après la seconde restauration, parce qu'il n'avait pas été assez hardi pour réclamer, pendant les cent jours, les bontés de son ancien maître.

Il est mort le 17 février 1825. N'ayant plus rien à espérer ni à craindre, il votait avec les membres constitutionnels de la chambre.

On a de lui, indépendamment des ouvrages cités plus haut: I. Coup-d'œil raisonné sur les assemblées primaires, 1795, in-8°. II. Discours prononcé au Cercle constitutionnel, le 19 vendémiaire an 6, 1798, in-8°.

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