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Madame Lenoir-Laroche a publié divers ouvrages sous le voile de l'anonyme. C'est elle qui a fait élever à grands frais le Calvaire des Lauriers, sur les coteaux d'Aulnay, près de Sceaux. Ouvert en 1817, l'autorité l'a fait fermer en 1820: on a dénoncé la fête de Pâques et celle de l'Exaltation de la croix comme indécentes et factieuses.

MERLIN (DE Douai)

(PHILIPPE -ANTOINE), comte.

Le patriarche de la jurisprudence française, l'auteur du Répertoire n'a pas seulement recherché la gloire modeste du jurisconsulte, il s'est élancé du barreau au forum, et son nom s'est trouvé mêlé à tous les événemens politiques de notre révolution depuis les États-Généraux jusqu'à la chambre des représentans.

Merlin est né le 30 octobre 1754, à Arleux, petite ville du Cambrésis, dont les remparts, démolis en 1767, appartenaient à sa famille. Son père était un fermier aisé. Le jeune Merlin fit ses humanités et sa philosophie à Douai, au collège d'Anchim.

Quelques biographes ont prétendu qu'il doit son éducation à des secours étrangers, c'est-à-dire que le jeune Merlin se trouvant enfant de chœur chez les religieux de la riche abbaye d'Anchim, ceux-ci le prirent en amitié, lui apprirent à lire et à écrire, puis l'envoyèrent au collège pour qu'il y achevât son

éducation, et lui fournirent l'argent nécessaire pour suivre un cours de droit. Ils ont soutenu en outre que, dès qu'il fut reçu avocat, ses bienfaiteurs le chargèrent de la direction des affaires de leur opulente maison, obtinrent pour lui la même faveur du chapitre de Cambrai, et après avoir ainsi assuré sa fortune, lui firent épouser mademoiselle Dumonceaux, sœur de l'un d'eux. Il paraît que la plupart de ces faits sont ou faux ou exagérés, et que Merlin n'eut besoin, soit pour ses premières études, soit pour son droit, d'aucun secours étranger.

Avocat, fort jeune, au parlement de Douai, il y plaida sa première cause avec éclat; son succès fut confirmé par les suffrages de la cour, qui le félicita par l'organe de l'avocat-général. C'est à son mérite précoce qu'il dut, en 1777, de contracter un mariage avantageux, qui l'alliait à plusieurs familles du parle

ment.

Il vint ensuite à Paris, y suivit le palais pendant une année, et retourna se fixer définitivement à Douai. Là, pour rehausser un peu son existence originelle, il acheta une charge de secrétaire du roi, appelée vulgairement savonnette à vilain, qui donnait les prérogatives de la noblesse. On dit qu'à cette occasion, un jeune conseiller au parlement de Paris s'égayait aux dépens de Merlin, en sa présence et à la table d'un grand seigneur. « Vous avez donc acheté, >> dit le comte d'O.... à M. Merlin, un office de secré>> taire du roi? » — « Oui, répondit Merlin, et même » cet office ne doit pas être inconnu à M. le conseil

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»ler, car il a été possédé par M. son grand-père, qui

était, comme moi, fils d'un fermier; et c'est de lui ⚫ que mon vendeur l'avait acquis. »

Lors de la convocation des États-Généraux, les électeurs du bailliage de Douai le désignèrent pour un de leurs députés à cette assemblée. Merlin était déjà connu à cette époque par les nombreux articles dont il avait enrichi le Répertoire universel de Jurisprudence, et par le premier volume d'un Traité des offices et états de France, ouvrage important dont la suite n'a pas été publiée.

Arrivé à Paris, il se lia avec quelques-uns des membres influens de l'assemblée dont il faisait partie. Le duc d'Orléans était celui autour duquel se groupaient tous ceux qui attaquaient le gouvernement. Merlin gagna ses bonnes grâces et devint un de ses conseillers. Le prince lui confia l'administration d'une partie de ses biens, avec des honoraires assez considérables. On a prétendu que Merlin avait eu une grande influence sur la conduite politique du duc. Il ne se mit pas d'abord en évidence; il semblait rechercher l'obscurité, soit par modestie, soit pour voir la tournure que prendraient les événemens. Lors de l'appel fait par Necker pour une contribution patriotique, Merlin fit hommage du quart de son revenu, évalué à 10,000 fr., et il affecta ce don sur le produit de ses honoraires comme secrétaire du roi. Lorsqu'il parut pour la première fois à la tribune, le 3 janvier 1790, pour faire, au nom du comité des droits féodaux, un rapport sur le sens et les effets du décret du 4 août

1789, portant abolition du régime féodal, ce rapport, sur une matière embrouillée, mais qu'il avait appronfondie, frappa tellement l'assemblée par sa lucidité et par l'ordre et la simplicité de rédaction des articles proposés à la suite, qu'au moment où l'orateur descendit de la tribune, Mirabeau s'élanca de sa place pour embrasser Merlin, en lui disant : « Vous avez fait un excellent tra» vail, et il faut bien qu'il soit tel, car Sieyes, qui » ne trouve de bon que ce qu'il fait, en juge com me moi. » Lancé dès ce moment dans l'arène de la révolution, on le vit demander que les membres des états théocratiques et aristocratiques du Cambrésis fussent traduits à la barre de l'assemblée pour avoir pris un arrêté contraire à son autorité. En 1790, il fut nommé commissaire à l'aliénation des biens ecclésiastiques, et prit part en cette qualité à un grand nombre de décrets destinés à consacrer cette aliénation. Lorsqu'il fut question de savoir si la peine de mort ne serait pas abolie, Merlin demanda qu'elle fût réservée pour les crimes de lèse-nation et de fabrication de fausse-monnaie; on refusa en même temps de déterminer une peine particulière pour les attentats sur la personne du roi.

Au mois de février 1791, lorsqu'on proposa une loi sur les émigrans, et que Mirabeau, rapproché de la cour à cette époque, jura que, si l'on rendait un pareil décret, il n'obéirait pas, Merlin parla avec véhémence pour la loi. Il faisait partie d'une trentaine de

députés qui siégeaient à l'extrémité gauche de la salle et invoquaient cette loi avec un bruit effroyable, Ce fut alors que Mirabeau se leva, et, se tournant vers eux, leur cria: silence aux trente voix. Ces députés, auxquels il imposait silence d'un ton si méprisant, exercèrent depuis une haute influence sur la révolution. Robespierre, Pétion, Buzot en faisaient partie; ils énonçaient dès lors, dans toutes les circonstances, des opinions inconciliables avec la monarchie, même avec l'existence d'une sage république.

Au mois de mai suivant, Merlin appuya la proposition de réunir Avignon à la France. Le 12 août, il attaqua le comité de constitution pour avoir attaché à l'exercice du droit d'élu la condition du paiement d'une contribution égale à quarante journées de travail. Le 30 août 1791, il appuya dans l'Assemblée constituante la motion de Dandré, amendée par Tronchet, d'après laquelle cette assemblée déclarait à la nation qu'elle l'invitait à suspendre, pendant trente ans, l'exercice du droit de former une Convention.

Ces opinions, qui sont à peu près les seuls travaux de tribune de Merlin dans l'Assemblée constituante, avaient fixé sur lui, non-seulement l'attention de ses collègues, mais encore la faveur publique. L'assem→ blée ayant terminé ses travaux, les électeurs de Paris le nommèrent président de l'un des tribunaux dụ district de la capitale; cette nomination devint sans effet, parce qu'il opta pour la présidence du tribunal

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