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tout son exécution. Tel était déjà le funeste état des choses, quand M. Merlin fut rappelé de sa mission en Bretagne. On ne saurait donc dire qu'il fut le provocateur de la loi des suspects, et il faut bien laisser au fougueux démagogue Danton la part que la vérité historique lui assigne, celle d'être le premier, le véritable auteur de cette loi monstrueuse. M. Merlin, à son retour nommé membre d'une commission du comité de législation, auquel il était enjoint de coordonner toutes ces lois, ou de former une espèce de législation nouvelle pour des délits aussi vagues que nouveaux, ou plutôt pour le seul délit de suspicion, déclara que vouloir régulariser les lois du 28 mars » et du 12 août, sans les dépouiller de l'arbitraire qui » en formait le caractère essentiel, c'était entrepren» dre d'éclairer le chaos sans y porter la lumière. » Il n'en fut pas moins chargé de faire un rapport à la convention. Celui qu'il lut à la tribune le 31 août, fut improuvé par la majorité de l'assemblée, et traité par la montagne de projet dangereux venu de Coblentz. Le comité, effrayé de ces clameurs, prit alors le parti de rédiger un nouveau projet, non d'après les idées de ses membres, mais conforme aux vues des meneurs de la convention. M. Merlin, en sa qualité de rapporteur, fut forcé de présenter de nouveau à la tribunè un second projet qui n'était nullement conforme ni à ce qu'il avait proposé, ni à son opinion particulière, mais qui était sensé exprimer l'opinion de la majorité du comité dont il était l'organe. Le 17 septembre 1793, ce projet fut converti en loi, et ce

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ne fut que l'année suivante à l'époque du 9 thermidor an 2 (15 juillet 1794), que cette législation barbare des suspects cessa de peser sur la France, avec le règne de la terreur, qui l'avait fait naître. »

Au commencement de 1794, M. Merlin fit rendre le décret qui ordonna la division en quatre sections du tribunal criminel révolutionnaire.

Le 5 octobre 1793, il avait fait annuler une loi de 1791, qui portait, qu'en cas de partage des voix pour un jugement criminel, l'avis le plus doux serait suivi, et, le 20 décembre de la même année, il avait fait réformer la loi sur les jurés. Dans celle qu'il y substitua, on n'exigea plus que vingt-cinq ans d'âge; il ne fut plus nécessaire d'être citoyen actif, comme l'avait voulu l'Assemblée constituante. La loi sur le divorce lui parut alors trop sévère; et, sur sa proposition, l'Assemblée décréta que l'époux divorcé aurait la faculté de se remarier immédiatement après le divorce, et l'épouse six mois plus tard.

Jusqu'au mois de juin 1794, Merlin se fit peu remarquer. Avec quelque docilité qu'il eût jusque-là servi les tyrans, il ne put se préserver de leurs investigations soupçonneuses, et devint suspect à son tour. Membre du Comité de législation, il avait montré quelque timidité à l'égard de plusieurs mesures révolutionnaires, cette hésitation fut presque un crime aux yeux du Comité de salut public. La circonstance suivante ajouta aux soupçons et au mécontentement du Comité contre Merlin.

Couthon, appuyé par Robespierre, ayant imaginé

Vers le même temps, la ville de Paris, qui commençait à respirer après une si longue oppression, demandait à grands cris que la Convention terminât enfin sa session; et celle-ci, pour se continuer sous une autre forme, avait décrété additionnellement à la constitution qu'elle venait de faire, que les deux conseils seraient pris parmi ses membres. Merlin fut un des premiers à dénoncer la ville de Paris, qui, dans les sections, se soulevait contre les articles additionnels tout en acceptant la constitution. Parmi les agitateurs des sections on remarquait Miranda, Lemaitre, ancien secrétaire-général au conseil des finances, Archambaud, avocat; ensuite des hommes de lettres et des journalistes, tels que La Harpe, Quatremère de Quincy, Lacretelle le jeune, Fiévée, Cadet-Gassicourt, pharmacien, Langlois, Richer - Serizy, etc. On pouvait dès lors prévoir que cela ne finirait pas sans déchirement.

Merlin, pour faire triompher la cause dans laquelle il était compromis, fit décréter, le 30 septembre 1795, que la force armée serait à la disposition exclusive des représentans du peuple, et que toute personne ou toute autorité qui la ferait agir serait punie de mort. Le 12 vendémiaire an 4 (4 octobre 1795), il fit nommer Barras chef des troupes qui devaient marcher contre les sections. Ce fut lui qui, dans la soirée du 13 vendémiaire (5 octobre 1795), annonça à la Convention la victoire qu'on venait de remporter pour elle. Le lendemain il fit ordonner l'arrestation des courriers que la ville de Paris avait envoyés dans les

départemens, et, dans la séance du 7, il appuya de toutes ses forces les projets de son collègue Delauney, pour la formation de trois conseils militaires chargés de juger les vaincus.

Depuis long-temps Merlin s'occupait de refondre la législation criminelle. Les travaux de toute sa vie, sa vaste instruction, le rendaient seul capable d'accomplir cette grande tâche. Il composa un nouveau Code des délits et des peines, qu'il présenta à la Convention. L'assemblée en fixa la discussion au 2 brumaire an 4. C'était précisément l'avant-veille du jour déterminé pour la clôture de la session; et un temps aussi court lui paraissait insuffisant à luimême pour faire adopter les 646 articles dont se composait son Code; mais la confiance était si grande et si unanime dans ses lumières comme jurisconsulte, que le Code entier fut décrété ce jour-là, et le lendemain, sur la seule lecture qu'il en fit et qui ne fut interrompue que par la proposition d'amendemens, adoptés à la hâte, et qui rendirent son travail encore plus imparfait, ce Code fut adopté avec un empressement universel, surtout à raison de sa marche entièrement simple, méthodique. Il a fait loi jusqu'en 1810.

L'organisation du gouvernement directorial porta Merlin au ministère de la justice, où il ne resta qu'un moment.

Le ministère de la police venant d'être créé, et sa conception appartenant à Merlin, on lui en confia la direction. Il l'accepta, sous la promesse qu'au

bout de trois mois il reprendrait son premier portefeuille (1).

Voici la circulaire qu'il adressa, le 17 nivôse an 4 (7 janvier 1796), au bureau central de la commune de Paris:

Du ministère de la justice, citoyens, le Directoire » exécutif m'a appelé à celui de la police générale. » J'ai calculé tout le poids du fardeau qu'il plaçait » en mes mains; fort de mon courage, plein d'amour » pour la chose publique, comptant sur vous et sur tous les bons citoyens, j'ai accepté, je suis en fonc» tions.

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» Maintenant, citoyens, il nous faut marcher. >> Nous avons une immense cité à régénérer.

» Nous avons, par sa régénération, à opérer la ré › génération de la première république du monde. » Paris fut de tout temps le modèle des départe>> temens; rendons Paris sûr, établissons-y la salu» brité, donnons-lui des mœurs; nous aurons une république sage, un air pur régnera partout, par» tout le citoyen pourra habiter en sûreté.

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Commençons, citoyens, et que Paris donne le signal. Prévenez nos concitoyens de notre com»mune résolution;

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» Que les commissaires de police soient avertis.

(1) Il a eu celui de la police depuis le 4 janvier 1796 jusqu'au 3 avril suivant.

« EelmineJätka »