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d'Elbe, il se hâta d'aller lui rendre ses devoirs, reprit ses fonctions de procureur-général, où il avait été rappelé par un décret du 13 mars daté de Lyon, fut nommé un de ses ministres d'État, et signa la délibération du 25 mars, qui était une longue philippique contre les Bourbons. Le département du Nord l'élut membre de la chambre des représentans. Lors de l'élection du président de cette assemblée, il obtint quarante et une voix. Pendant la courte existence de cette chambre, il ne parla qu'une seule fois, le 29 juin, et ce fut pour exciter l'hilarité de l'assemblée, quoiqu'elle y fût peu disposée. Se croyant environné de piéges, il annonça comme un grand complot la visite de deux individus auxquels madame la comtesse Merlin n'avait pas voulu ouvrir sa porte pendant la nuit : « Il est bien évident, dit-il, qu'on a fait une tentative d'enlèvement de ma per» sonne, et peut-être de quelque chose de plus grave. » Je n'aurais point parlé de ce fait, qui m'est person» nel, si je n'y avais pas été engagé par mon collègue »Regnault de Saint-Jean-d'Angely, et si je n'avais » pas cru que cette aventure pouvait se rattacher à » quelque complot. » Plusieurs députés, entre autres Dumolard, virent aussi le signal d'un grand complot dans la tentative d'enlèvement de M. le comte Merlin, et demandèrent que le gouvernement rendît compte des mesures qu'il avait dû prendre contre les auteurs d'un tel attentat; mais M. Boulay de la Meurthe, qui seize ans auparavant s'était déjà égayé aux dépens de Merlin, fit encore rire de ses craintes

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puériles dans cette occasion, en prouvant que ces prétendus ravisseurs étaient réellement chargés d'un message de la commission du gouvernement, et que les deux individus lui avaient aussi remis un paquet, disant qu'ils allaient en porter un pareil à M. Merlin. Toute l'assemblée partit d'un long éclat de rire; et les plaisans s'emparèrent de cette aventure, sur laquelle un de nos poètes fit une chanson fort gaie.

Compris dans l'ordonnance du 24 juillet 1815, et ensuite dans l'exception des régicides, Merlin sortit de France en 1816, avec le projet de passer aux États-Unis; mais le vaisseau sur lequel il s'embarqua ayant fait naufrage sur les côtes de Flessingue, il eut beaucoup de peine à se sauver. Rentré dans le royaume des Pays-Bas, et ayant besoin de soigner sa santé, il obtint la permission de se fixer à Harlem et ensuite à Bruxelles, où il réside encore. Il s'est occupé dans son exil de revoir son Répertoire, qu'il a considérablement augmenté.

Lors de l'établissement de l'Institut, Merlin en avait été nommé membre, et attaché à la classe des sciences morales et politiques. A l'époque de la nouvelle organisation de ce corps, en 1803, il fut placé dans la classe des belles-lettres. Il a cessé d'en faire partie en 1816.

Outre les nombreux articles que Merlin avait insérés dans le Répertoire de Jurisprudence de Guyot, on a de lui: Philippe- Antoine Merlin au conseil des Cing-Cents, 1799, in-8°. - Répertoire universel et raisonné de Jurisprudence. Les dernières livraisons

de la cinquième édition paraîtront à la fin de 1828. Il a été coopérateur au Bulletin des jugemens du tribunal de cassation.

PELET DE LA LOZÈRE

(JEAN), comte.

Quand ce membre actuel de la pairie mourra, nul cri de reproche n'ira tourmenter sa poussière; de même que sur le tombeau de la plupart des hommes qui ont traversé notre révolution, à ses époques les plus sanglantes, des gémissemens de victimes ne se feront point entendre autour de son cercueil : il n'a jamais trahi sa conscience ni son pays.

M. Pelet naquit, en 1759, à Saint-Jean-du-Gard, département de la Lozère. Après des études très-soignées, il se fit recevoir avocat au parlement de Pro

vence.

Les premières fonctions publiques qu'il eut à reniplir furent celles de président du directoire de son département, auxquelles on l'appela en 1791.

Élu député à la Convention nationale en 1792, il ne fit, en quelque sorte, que passer dans cette assemblée, et se trouvait absent, par commission, lors du procès de Louis XVI.

En 1793, il ne fit autre chose que de réclamer de l'Assemblée des mesures de répression contre les agitateurs-royalistes de son département.

De retour dans la Convention, il monta rarement

à la tribune, et se tint constamment rangé parmi les députés qui tenaient à honneur de professer les opinions les plus modérées.

Lorsque Robespierre eut payé de sa tête les crimes sans nombre dont le pays l'accusait, M. Pelet se prononça avec force contre la faction sanguinaire qui avait si long-temps asservi la république ; fit adopter l'ordre du jour tendant à anéantir la dénomination de parti, et à connaître la fortune des députés (14 septembre 1794); fut élu secrétaire le 22 septembre; puis, le 5 novembre, membre du comité de salut public, quoique deux mois auparavant (le 15 septembre), il eût parlé contre la proposition de Barère, qui demandait la continuation des pouvoirs de ce comité; et, enfin, le 4 octobre, proposa qu'aucun député ne pût être membre d'une société populaire.

Au commencement de l'année suivante, il fit mettre en liberté le contre-amiral Lacrosse, et demanda l'élargissement de l'auteur du Spectateur français, traduit comme royaliste au tribunal révolutionnaire. Il proposa ensuite d'envoyer des députés dans les colonies, et répondit à Pautrizel, qui s'élevait contre

cette mesure.

Élu président de la Convention le 24 mars, il montra un grand courage dans ce poste difficile, pendant l'insurrection anarchique du 1er avril, et présenta, le 8, un tableau de la situation de la France, dans lequel il attaqua ouvertement la constitution de 1793,

et demanda la convocation des assemblées primai

res.

De retour de la Catalogne, où il avait été envoyé pour y calmer un mouvemement dans l'armée, et y entamer des négociations avec l'Espagne, le comité de salut public lui donna l'ordre de se rendre à Lyon; mais la Montagne, qui conservait encore une partie de son influence, parvint à faire révoquer cet ordre.

Dénoncé avec Boissy-d'Anglas, Lanjuinais et quelques autres, dans le comité secret du 14 vendémiaire an 4 (6 octobre 1795), comme un des chefs du soulèvement des sections et du parti royaliste, il parvint à se disculper, et félicita ensuite la Convention sur la répression de la révolte.

Appelé ensuite au conseil des Cinq-Cents par le choix de soixante-onze départemens, il en fut deux fois secrétaire, s'y montra constamment le défenseur de toutes les mesures de justice, se prononça avec une grande énergie en faveur de la liberté de la presse et des journaux, relevant même le langage indécent de quelques orateurs, qui avaient comparé les journalistes à des prostituées, et obtint la cessation de l'emprisonnement de M. Bergasse, que le 9 thermidor avait sauvé de l'échafaud.

Le 25 février 1796, M. Pelet proposa un message au Directoire pour l'inviter à s'occuper enfin des moyens de donner la paix à l'Europe, proposition qui fut mal accueillie par quelques agitateurs. Les murmures qui avaient couvert sa voix en cette occa

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